François d'Epenoux

François d'Epenoux

Les désossés

Portrait 00'07'14"

Philippe Chauveau :

Bonjour François d'Epenoux.

François d'Epenoux :

Bonjour Philippe Chauveau.

Philippe Chauveau :

Voila votre douzième titre, Les Désossées, aux éditions Anne Carrière. On va reparler de ce roman. On aussi remonter la machine du temps. Votre premier roman, Gégé, c'était en 1995. Vous aviez été dans la sélection du Goncourt du premier roman. Mais il y a un autre François d'Epenoux, c'est celui qui est fan de publicité, puisque c'est votre activité. La publicité, c'est quoi pour vous?

François d'Epenoux :

C'est avant tout un gagne pain, si je puis dire. J'ai toujours trouvé que c'était une bonne idée d'avoir une écriture d'un côté romanesque, la fiction, la liberté absolue, et puis, de l'autre côté, une écriture plus codée, presque ludique, qui se met au service de certaines choses, parfois des produits et parfois des belles causes. En ce moment, je travaille pour Perce-Neige, la fondation de Lino Ventura. C'est une bonne façon de diviser ma vie. Il y a l'alimentaire amusant et l'écriture fictionnelle amusante ou pas, ça dépend.

Philippe Chauveau :

La publicité a-t-elle beaucoup évolué? On se souvient de cette génération, fils de pub des années 80-90. On a l'impression aujourd'hui que la publicité est un peu plus timorée, moins inventive. Est-ce vrai?

François d'Epenoux :

C'est vrai. D'abord parce qu'il y a quand même moins d'argent qu'avant, sauf pour les très gros comptes, type voitures et autres. Et puis maintenant, la publicité répond à des codes tellement marquetés, presque objectif, de tels outils de mesure d'impact qu'en fait, les clients font très attention. On fait attention à ce qu'on fait. Et puis maintenant, il y a aussi une autre chose, c'est que des gros investissements sur le digital qui nous laissent parfois un peu de liberté parfois pas. Mais c'est vrai que tout est très codé, très cadré. A mon avis, un peu moins fou qu'avant.

Philippe Chauveau :

Votre bibliographie commence à être conséquente. Vous tracez votre sillon avec un public fidèle. Alors, je le rappelais avec Gégé, sélectionné pour le prix du Goncourt du premier roman. C'était un sacré beau début. On peut citer aussi Danemark Espéranto, Le réveil du cœur, pour lequel vous avez vu le prix des Maisons de la presse. Deux livres qui ont été adaptés au cinéma, Les papas du dimanche et Deux jours à tuer. Et puis, peut-être qu'il y a eu un virage avec Le presque. C'est à dire que dans les premiers romans, on était dans l'exploration de notre société avec ses failles. Mais il y avait toujours la place pour les sentiments. Avec Le presque il y a une sorte de virage, un esprit beaucoup plus sombre, avec un homme en mal de repères qui voyait sa vie voler en éclats. Les désossées, c’est encore un autre virage. Vous avez l'impression que vous changez de plume?

François d'Epenoux :

En fait, j'ai toujours exploré l'âme humaine dans ce qu'elle a de plus bienveillant et doux, et parfois ce qu'elle a de plus dur. Ensuite, c'est une question de curseur. Selon les livres, j'enfonce le stylet et la lame plus ou moins profond. Et c'est vrai que le Presque a été un tournant, c'est à dire que j'avais exploré des choses. Avec deux jours à tuer j'étais allé assez loin, mais il avait une sorte d'alibi, il y avait une caution c'était que le personnage était condamné. En fait, il pouvait presque tout se permettre. On lui pardonne tout. Le presque est un homme qui, a priori, va bien et qui n'a pas lieu de se plaindre, qui ne ferait pleurer personne. Il a une famille, il a des enfants, il vit plutôt bien, il est dans l'immobilier, il est Parisiens, rien d'extraordinaire. Mais il casse ses jouets.

Philippe Chauveau :

Il casse ses jouets et ce personnage nous sortait de cet aspect bienveillant que vous évoquiez, qui était peut être présent dans vos précédents titres. Et pour parler du livre Les désossées, avant d'entrer dans l'intrigue, il est question aussi d'un tabou vraiment important. Et vous n'avez pas peur, là aussi, de casser un peu les codes, de troubler vos lecteurs avec l'histoire que vous évoquez dans Les désossée?

François d'Epenoux :

Mes lecteurs, au fil de mes livres, ont senti qu'il y avait quelque chose derrière mon côté, un peu gendre idéal et bonne famille. Mais c'est vrai que dans Deux jours à tuer, les gens me disaient que j'étais complètement cinglé. C'est dire qu'il y a une espèce de violence, on peut dire que c'est juste un roman mais quand même il faut l'écrire. Je les ai préparées par petites doses homéopathiques, à une forme de violence. Et là, ça atteint une forme de paroxysme dans Les désossées qui peut désarçonner, mais les gens qui ont pu lire les précédents, je pense, pouvaient se dire qu'un jour ou l'autre, j'en arriverais la.

Philippe Chauveau :

On l'a dit, deux de vos titres ont été adaptés au cinéma. On se souvient évidemment de Deux jours à tuer. Il y avait aussi Les papas du dimanche. Pour Les désossée, il y avait un projet théâtre initialement, ça veut dire que vous aimez aussi toucher un peu à d'autres supports, d'autres écritures.

François d'Epenoux :

Oui, ça s'est trouvé comme ça. Moi, j'aime beaucoup. J'avais travaillé avec un ami, un one man show, un seul en scène, qui était passé à la Gaîté Montparnasse. J'ai pris beaucoup de goût au spectacle vivant et là, le sujet que j'ai traité dans Les désossées au départ se prêtait pas mal au théâtre. C'est à dire que comme un huis clos, ça se prêtait bien à une pièce de théâtre. Ça pourrait très bien se prêter aussi à un film. Je pense que ça pourrait faire un assez bon film, avis aux amateurs.

Philippe Chauveau :

On va suivre ça de près. On évoquait la publicité. On l'a dit, vous êtes dans deux écritures : l'écriture pour la publicité et l'écriture littéraire. Je vais vous provoquer un peu, est-ce qu'il y aurait le futile et l'utile?

François d'Epenoux :

Il y a un peu de ça. C'est à dire que je cherche dans la pub le moment où ce que je vais faire, le talent qu'on veut bien me reconnaître, serve à quelque chose. Je suis content quand je travaille pour les Restos du cœur, puisque j'ai travaillé pour le recueil récemment ou pour Perce-Neige. Parfois, j'ai travaillé pour le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Industrie. Il y a des choses qui vous portent quand même. C'est vrai quand c'est pour un yaourt même si je n'ai rien contre eux, mais on est moins porté par une cause. On se dit c'est un yaourt de plus ou de moins. Mais oui, il y a quelque chose d'un peu futile. Heureusement qu'il y a l'écriture romanesque quand même pour remettre les choses dans le bon sens et que je me sente quand même utile à mon prochain.

Philippe Chauveau :

Et l'écriture romanesque est elle une façon de laisser davantage une trace qu'un message publicitaire?

François d'Epenoux :

Oui, je suis quand même un peu hanté par la mort, j'ai toujours ça dans les yeux. Pour moi, on glisse, mais on laisse quelques marques d'ongles dans la roche. C'est toujours très gai, les métaphores, mais c'est à dire qu'en fait, j'ai le sentiment qu'évidemment, il y a un mouvement inéluctable. Mais il y a quelque chose d'assez beau dans le fait de laisser une marque, même si ce sont des toutes petites traces de rien du tout. Si j'ai pu dans ma vie, distraire, faire réfléchir, rêver ou rire ou pleurer quelques milliers de personnes, c'est déjà pas mal, je trouve. C'est la théorie du colibri. J'aurais fait ma part.

Philippe Chauveau :

Votre actualité, François d'Epenoux, aux éditions Anne Carrière. Ça s'appelle Les désossée.

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  • Homme de communication, François d’Epenoux a d’abord été journaliste avant de rejoindre une célèbre agence de publicité où il a officié pendant plus de dix ans. Mais c’est finalement par l’écriture qu’il se fait connaitre du grand public, avec un premier roman en 1995, « Gégé » sélectionné pour le Goncourt des lycéens. En 1998, avec « Danemark esperanto », il s’inspire librement de son histoire pour raconter sa grand-mère danoise et les liens d’affection tissés malgré la barrière linguistique. De...Revivez les grands moments du salon de François D'Epenoux - Présentation - Suite
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    Philippe Chauveau : Voici donc votre nouveau titre, François d'Epenoux, Les désossés. Je le dis en préambule, attention, âmes sensibles s'abstenir. Dans vos précédents romans, vous le dites vous même volontiers, il y avait une sorte de bienveillance. Là, on va oublier tout ce que vous nous aviez proposé précédemment. Voilà un huis clos. Nous sommes dans un chalet, très luxueux, très moderne, très contemporain, très high-tech, assez loin de la station la plus proche. Et puis, il y a cette neige qui tombe en abondance. Je...Revivez les grands moments du salon de François D'Epenoux - Livre - Suite