Eric-Emmanuel Schmitt

Eric-Emmanuel Schmitt

La Nuit de feu

Portrait 5'22
Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt.
Bonjour.
Vous publiez chez Albin Michel votre nouveau titre « La nuit de feu ». Auparavant j'ai une question qui me taraude. En 1991, le public vous découvre au théâtre avec « La nuit de Valognes » et puis en tant que romancier avec « La part de l'autre ». Depuis, vous avez été prolixe avec une quarantaine d'ouvrages aujourd'hui à votre actif. Vous arrive-t-il parfois de regarder dans le rétroviseur ou au contraire, est-ce quelque chose que vous ne voulez pas ou que vous n'aimez pas faire ?
Moi, en fait je ne veux pas regarder dans le rétroviseur. Je ne sais pas me reposer sur ce que j'ai déjà fait, voire sur des lauriers. Parce que ce que j'aime, c'est faire, ce n'est pas avoir fait. Donc, je suis pas amnésique du tout je me souviens parfaitement de ce que j'ai fait et en plus comme j'ai la chance d'avoir une carrière dans une cinquantaine de pays, je suis parfois obligé d'aller dans un pays pour parler d'un livre que j'ai écrit il y a 20 ans mais qui sort juste à ce moment-là dans ce pays-là, ou bien, je vais voir mes pièces que j'ai écrites à différentes époques de ma vie. Donc, je suis toujours confronté à ce que j'ai écrit, mais moi, de moi-même jamais je n'ai pris l'un de mes livres.
Que ressentez-vous aujourd'hui lorsque vous publiez un nouveau livre ? Y-a-t’il toujours l'appréhension ou maintenant, avec l'expérience est-ce uniquement le plaisir de la rencontre avec le lecteur ?
Je crois que j'ai encore plus peur qu'avant. Parce que maintenant, je sais de quoi une vie d'écrivain est faite, de quoi une vie publique est faite et à quel point c'est difficile. Heureusement, quand j'étais jeune je ne savais pas, j'avançais avec l'innocence du conquérant, du défricheur. Maintenant, je sais à quel point tout est fragile. Pourtant, je jouis d'une position que je n'avais pas lorsque j'ai commencé. Non, non, j'ai toujours très peur, j'ai beaucoup plus peur. Et je vais vous dire une chose même : je crois que le jour où je cesserai d'avoir peur, j'arrêterai.
Lorsque vous écrivez Eric-Emmanuel Schmitt, avez-vous conscience du lecteur qui va prendre en main votre texte ? Y-a-t’il a pour vous un lecteur idéal ? Avez-vous l'image d'un lecteur qui serait peut-être la représentation de celui qui va vous lire ?
Le lecteur est là. C'est à lui que je m'adresse, par contre il n'est pas précis. Il n'a pas de visage, il n'a pas de sexe, ou il les a tous. Il n'a pas d'âge ou il les a tous. Mais je parle à un être humain. Parce que je ne parle d'ailleurs pas seulement avec mon intelligence, ma réflexion, mais avec mon émotion aussi.
Y-a-t’il un point commun, une passerelle entre le romancier, le novelliste que vous êtes et l'homme de théâtre ? Si je prends par exemple « La part de l'autre » ou plus récemment « Les perroquets de la place d’Arezzo » et si je prends « The Guitrys » ou « Georges et Georges » pour le théâtre, où là on est vraiment dans le rire, y-a-t’il a des liens ?Non.
Ce sont deux Eric-Emmanuel Schmitt différents ?
Non, c'est une vigne qui ferait du blanc, du rouge et du rosé ! C'est la même vigne, mais ce sont des activités très différentes. En fait, je ne décide pas de faire du théâtre ou d'écrire un roman ou une nouvelle. Une idée me vient, des personnages me viennent, une situation m'occupe et là, assez rapidement je me dis « Ah bah oui, ça c'est une nouvelle, pour que ce soit bien, il faut que ce soit bref.» Je me dis « Alors ça, c'est un roman parce qu’il y 'a l'épaisseur du temps. » ou je me dis « C'est une pièce parce que c'est une crise, une situation dramatique »
Quel serait pour vous la définition du bonheur ? De votre bonheur ? Parce que j'imagine que l'écriture procède à votre bonheur, ou votre bien-être, je ne sais pas si pour vous c'est la même chose...
J'ai deux sortes de moments de bonheur dans la vie. C'est quand je suis avec les gens que j'aime et c'est simplement le bonheur presque animal, chaleureux d'être là, ensemble, et puis le bonheur d'écrire, mais ça se ressemble. Dans les deux cas je suis envahi par l'autre. Avec quelqu'un que j'aime, je suis envahi et je suis heureux, je me débarrasse de moi-même, il se crée quelque chose. Et quand j'écris une histoire je suis aussi envahi et moi je disparais. Je ne suis plus qu'une main et une plume au service de... En fait, j'adore disparaître et être plein de ce qui n'est pas moi.
Dans une précédente interview, vous m’aviez confié que l'écriture vous avait sauvé. Avez-vous toujours ce regard sur les mots, sur le texte, sur l'écrit ? C'est ce qui vous a sauvé ?
C'est incroyable, quand j'avais 18 ans, j'avais une professeur de français, puisqu'en terminal j'avais continué les cours de français, même si le bac était derrière, parce qu’enfin on faisait des textes compliqués comme Saint-John Perse ou Claudel, et cette professeur de français, je lui ai montré les nouvelles que j'écrivais. Quand elle me les a rapportées, elle ne m'a dit qu'une seule chose : « Vous trouverez le salut dans l'écriture. ». Cela voulait tout dire, cela voulais dire d'abord que les nouvelles en questions n'étaient pas tout à fait bonnes, et en même temps que c'était essentiel, que c'était mon chemin.
Votre actualité Eric-Emmanuel Schmitt « La nuit de feu », c'est votre nouveau titre chez Albin Michel.

Philippe Chauveau : Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt.

Eric-Emmanuel Schmitt : Bonjour.

Philippe Chauveau : Vous publiez chez Albin Michel votre nouveau titre « La nuit de feu ». Auparavant j'ai une question qui me taraude. En 1991, le public vous découvre au théâtre avec « La nuit de Valognes » et puis en tant que romancier avec « La part de l'autre ». Depuis, vous avez été prolixe avec une quarantaine d'ouvrages aujourd'hui à votre actif. Vous arrive-t-il parfois de regarder dans le rétroviseur ou au contraire, est-ce quelque chose que vous ne voulez pas ou que vous n'aimez pas faire ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Moi, en fait je ne veux pas regarder dans le rétroviseur. Je ne sais pas me reposer sur ce que j'ai déjà fait, voire sur des lauriers. Parce que ce que j'aime, c'est faire, ce n'est pas avoir fait. Donc, je suis pas amnésique du tout je me souviens parfaitement de ce que j'ai fait et en plus comme j'ai la chance d'avoir une carrière dans une cinquantaine de pays, je suis parfois obligé d'aller dans un pays pour parler d'un livre que j'ai écrit il y a 20 ans mais qui sort juste à ce moment-là dans ce pays-là, ou bien, je vais voir mes pièces que j'ai écrites à différentes époques de ma vie. Donc, je suis toujours confronté à ce que j'ai écrit, mais moi, de moi-même jamais je n'ai pris l'un de mes livres.

Philippe Chauveau : Que ressentez-vous aujourd'hui lorsque vous publiez un nouveau livre ? Y-a-t’il toujours l'appréhension ou maintenant, avec l'expérience est-ce uniquement le plaisir de la rencontre avec le lecteur ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Je crois que j'ai encore plus peur qu'avant. Parce que maintenant, je sais de quoi une vie d'écrivain est faite, de quoi une vie publique est faite et à quel point c'est difficile. Heureusement, quand j'étais jeune je ne savais pas, j'avançais avec l'innocence du conquérant, du défricheur. Maintenant, je sais à quel point tout est fragile. Pourtant, je jouis d'une position que je n'avais pas lorsque j'ai commencé. Non, non, j'ai toujours très peur, j'ai beaucoup plus peur. Et je vais vous dire une chose même : je crois que le jour où je cesserai d'avoir peur, j'arrêterai.

Philippe Chauveau : Lorsque vous écrivez Eric-Emmanuel Schmitt, avez-vous conscience du lecteur qui va prendre en main votre texte ? Y-a-t’il a pour vous un lecteur idéal ? Avez-vous l'image d'un lecteur qui serait peut-être la représentation de celui qui va vous lire ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Le lecteur est là. C'est à lui que je m'adresse, par contre il n'est pas précis. Il n'a pas de visage, il n'a pas de sexe, ou il les a tous. Il n'a pas d'âge ou il les a tous. Mais je parle à un être humain. Parce que je ne parle d'ailleurs pas seulement avec mon intelligence, ma réflexion, mais avec mon émotion aussi.

Philippe Chauveau : Y-a-t’il un point commun, une passerelle entre le romancier, le novelliste que vous êtes et l'homme de théâtre ? Si je prends par exemple « La part de l'autre » ou plus récemment « Les perroquets de la place d’Arezzo » et si je prends « The Guitrys » ou « Georges et Georges » pour le théâtre, où là on est vraiment dans le rire, y-a-t’il a des liens ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Non.

Philippe Chauveau : Ce sont deux Eric-Emmanuel Schmitt différents ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Non, c'est une vigne qui ferait du blanc, du rouge et du rosé ! C'est la même vigne, mais ce sont des activités très différentes. En fait, je ne décide pas de faire du théâtre ou d'écrire un roman ou une nouvelle. Une idée me vient, des personnages me viennent, une situation m'occupe et là, assez rapidement je me dis « Ah bah oui, ça c'est une nouvelle, pour que ce soit bien, il faut que ce soit bref.» Je me dis « Alors ça, c'est un roman parce qu’il y 'a l'épaisseur du temps. » ou je me dis « C'est une pièce parce que c'est une crise, une situation dramatique »

Philippe Chauveau : Quel serait pour vous la définition du bonheur ? De votre bonheur ? Parce que j'imagine que l'écriture procède à votre bonheur, ou votre bien-être, je ne sais pas si pour vous c'est la même chose...

Eric-Emmanuel Schmitt : J'ai deux sortes de moments de bonheur dans la vie. C'est quand je suis avec les gens que j'aime et c'est simplement le bonheur presque animal, chaleureux d'être là, ensemble, et puis le bonheur d'écrire, mais ça se ressemble. Dans les deux cas je suis envahi par l'autre. Avec quelqu'un que j'aime, je suis envahi et je suis heureux, je me débarrasse de moi-même, il se crée quelque chose. Et quand j'écris une histoire je suis aussi envahi et moi je disparaîs. Je ne suis plus qu'une main et une plume au service de... En fait, j'adore disparaître et être plein de ce qui n'est pas moi.

Philippe Chauveau : Dans une précédente interview, vous m’aviez confié que l'écriture vous avait sauvé. Avez-vous toujours ce regard sur les mots, sur le texte, sur l'écrit ? C'est ce qui vous a sauvé ?

Eric-Emmanuel Schmitt : C'est incroyable, quand j'avais 18 ans, j'avais une professeur de français, puisqu'en terminal j'avais continué les cours de français, même si le bac était derrière, parce qu’enfin on faisait des textes compliqués comme Saint-John Perse ou Claudel, et cette professeur de français, je lui ai montré les nouvelles que j'écrivais. Quand elle me les a rapportées, elle ne m'a dit qu'une seule chose : « Vous trouverez le salut dans l'écriture. ». Cela voulait tout dire, cela voulais dire d'abord que les nouvelles en questions n'étaient pas tout à fait bonnes, et en même temps que c'était essentiel, que c'était mon chemin.

Philippe Chauveau : Votre actualité Eric-Emmanuel Schmitt « La nuit de feu », c'est votre nouveau titre chez Albin Michel.

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  • « Je suis né deux fois, une fois à Lyon en 1960, une fois dans le Sahara en 1989 ». C’est ce qu'écrit Eric-Emmanuel Schmitt dans son nouveau livre « La nuit de feu », l'un des événements de cette rentrée littéraire 2015. Dans ce récit très personnel, l'auteur « d'Oscar et la dame  rose » ou « Les fleurs du Coran », raconte son expérience, sa découverte intime de la foi. Il se livre ici comme il ne l'avait jamais auparavant.Adolescent rebelle comme il se dépeint lui-même, agrégé de philosophie, c'est vers...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Presentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt.Eric-Emmanuel Schmitt : Bonjour.Philippe Chauveau : Vous publiez chez Albin Michel votre nouveau titre « La nuit de feu ». Auparavant j'ai une question qui me taraude. En 1991, le public vous découvre au théâtre avec «  La nuit de Valognes » et puis en tant que romancier avec « La part de l'autre ». Depuis, vous avez été prolixe avec une quarantaine d'ouvrages aujourd'hui à votre actif. Vous arrive-t-il parfois de regarder dans le rétroviseur ou au contraire, est-ce...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau : Dans ce nouveau titre, « La nuit de feu », vous nous faites partager un moment de votre vie. Nous sommes en 1989, vous partez dans le désert pour accompagner un réalisateur sur un projet de film consacré à Charles de Foucauld. Il va se passer quelque chose d'assez étonnant que nous allons évoquer ensemble. C'est la première fois me semble-t-il que vous êtes aussi présent dans un livre. D'ailleurs, ce n'est pas un roman, mais bel et bien un récit, c'est un morceau de votre vie que vous nous confiez....Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Livre - Suite
    Pour les grands amoureux de Schmitt, on reste dans une lignée très intime, très humaniste avec toujours autant de poésie, de lyrisme et de curiosité. Cette année, il nous fait partager son intimité la plus profonde puisque c'est une expérience qu'il a vécue, en 1989, dans la nuit du 4 février, où il s'est perdu dans le Hoggar pendant plus de 30h sans vivres ni eau. Il nous fait partager sa découverte de la foi, cette nuit bizarre, glaciale, durant laquelle il va rencontrer apparemment  Dieu et même s'ouvrir à l’écriture....Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - L'avis du libraire - Suite