Eric-Emmanuel Schmitt

Eric-Emmanuel Schmitt

La Nuit de feu

Livre 5'56
Dans ce nouveau titre, « La nuit de feu », vous nous faites partager un moment de votre vie. Nous sommes en 1989, vous partez dans le désert pour accompagner un réalisateur sur un projet de film consacré à Charles de Foucauld. Il va se passer quelque chose d'assez étonnant que nous allons évoquer ensemble. C'est la première fois me semble-t-il que vous êtes aussi présent dans un livre. D'ailleurs, ce n'est pas un roman, mais bel et bien un récit, c'est un morceau de votre vie que vous nous confiez. Pourquoi avoir eu envie de nous raconter cette histoire de votre vie ?
C'est vrai que j'ai fait presque quarante volumes sans dire « Je » et là, tout d'un coup, je dis « Je » ! J'ai voulu écrire ce récit parce que je me suis rendu compte que quand je racontais cette histoire, cette confession, cet aveu, quand je disais aux gens, d'abord aux proches, puis ensuite après je sois sorti du cercle des proches pour en parler, quand je racontais donc cette nuit dans le Sahara, les gens voulaient en entendre toujours plus. Parce qu'au fond, je parlais de choses qui concernent tout le monde, pas seulement moi. Je parle de la croyance, du fait d'être athée et, tout à coup, peut-être de ne plus l'être. Je parle de l'angoisse d'être dans un monde incompréhensible qui tout à coup est remplacé par la confiance d'être dans un mystère auquel on fait crédit. Mais en tout cas, il y a un message qui peut passer c'est celui de dire : « Attention, la vie ne se limite pas à ce que vous en pensez. L'expérience de la vie peut vous surprendre. Ne soyez pas enfermé dans vos certitudes comme dans des vérités définitives. Ce ne sont que vos certitudes du moment. Elles sont malléables. Cela peut se passer différemment. » Cela a été mon cas, je suis rentré dans le désert athée, j'en suis ressorti croyant. Je n'étais pas du tout l'homme qui convenait à ce genre de révélations. J'étais philosophe, dans un milieu très athée, militant...
C'est ce que vous racontez oui...
Donc je n'étais pas le bon sujet pour recevoir ce genre de message.
Cette expérience se déroule à peu près deux ou trois ans avant que vous ne connaissiez vos premiers succès au théâtre et dans l'écriture de romans. Vous le disiez, dans votre production littéraire, c'est la toute première fois que vous employez le « Je ». Pourquoi cela arrive-t’il maintenant dans votre parcours, dans votre vie personnelle ?
Pour raconter cette histoire il fallait que je l'authentifie, que je dise « Attention ce n'est pas un roman. C'est vrai » ! Parce que c'est ça qui est important de dire. Ce n'est pas une fiction, ce que je raconte du Sahara, je l'ai vraiment vécu.
Je vais me faire un petit peu l'avocat du diable.
Ah ça tombe bien !
Il faut être un petit peu gonflé aujourd'hui pour oser écrire sur la foi, sur la révélation à une époque où l'on essaie de nous imposer la laïcité à tout crins, à une époque où certains croyants tuent au nom de leur Dieu et où d’autres qui osent dire qu'ils sont croyants se font moquer ou vilipender ? Et je précise, pardonnez-moi, vous n'êtes pas comme l'un de ces personnages croisés dans le désert, comme Ségolène qui elle porte sa foi en bandoulière. Vous, vous avez vraiment envie de réfléchir, vous essayez de comprendre ce qui vous arrive.
Tout à fait ! Je montre même la difficulté à appeler cette force ou cette lumière que j'ai connue, à l'appeler Dieu. Et puis, en dénonçant aussi le piège de la grammaire qui me fait parler de Dieu comme une personne. J'essaie de montrer aussi honnêtement la difficulté à parler de ça. Cela me paraissait important de parler de la foi aujourd'hui, parce que, comme vous le dites, il y a des gens qui défigurent la foi. Pour moi, les amis de Dieu, ce sont ceux qui cherchent Dieu, pas ceux qui parlent à sa place en prétendant l'avoir trouvé. Ce qu'on a tous en commun, vous comme moi, qu'on croit ou qu'on croit pas, c'est qu’on ne sait pas ce qu'on fait sur cette terre, on est frères en ignorance.
Ce livre dans lequel vous employez le « Je » sera-t-il une parenthèse ou finalement y-a-t’il d'autres moments de votre vie qui pourraient être partagés avec vos lecteurs, d'autres moments qui vous ont fait avancer, qui vous ont fait grandir, et que vous auriez envie de nous confier ?
Peut-être qu'il y a d'autres moments de ma vie que je pourrais partager, mais en fait, j'ai une réticence à dire « Je ». Dans ce livre, cela a été l'objet d'une intense réflexion. Certes, c'est bien moi avec mes caractéristiques, mais en même temps j'essaie toujours d'ouvrir, de faire en sorte que le lecteur puisse s'y retrouver. J'ai 28 ans, tout le monde a eu 28 ans bien-sûr, mais ce que je décris, c'est un homme à la croisée des chemins qui obtient le résultat professionnel de ses études mais qui se demande si le chemin qui est devant n'est pas simplement la conséquence de ses études... « Est-ce que c'est bien mon chemin ? ». Qui ne s’est pas posé cette question ? Je dis un moment : « J'étais au carrefour de moi-même, pas sur ma voie ». J'essaie toujours d'universaliser pour non pas tendre au lecteur mon portrait, qui n'a aucun intérêt, mais de tendre au lecteur un miroir dans lequel il va se voir, se découvrir et s'approfondir.
Et puis là où vous nous donnez aussi un conseil, c'est de continuer à s'émerveiller chaque jour. Comme vous l'écrivez...
Ce ne sont pas les occasions d'émerveillement qui manquent, ce sont les émerveillés.
A méditer chaque matin ! Eric-Emmanuel Schmitt « La nuit de feu ». Au-delà de cette révélation, il y a énormément de choses dans ce livre que je vous invite vivement à découvrir. C’est un gros coup de coeur de cette rentrée littéraire. Vous êtes publié chez Albin Michel. Merci beaucoup.
Merci.

Philippe Chauveau : Dans ce nouveau titre, « La nuit de feu », vous nous faites partager un moment de votre vie. Nous sommes en 1989, vous partez dans le désert pour accompagner un réalisateur sur un projet de film consacré à Charles de Foucauld. Il va se passer quelque chose d'assez étonnant que nous allons évoquer ensemble. C'est la première fois me semble-t-il que vous êtes aussi présent dans un livre. D'ailleurs, ce n'est pas un roman, mais bel et bien un récit, c'est un morceau de votre vie que vous nous confiez. Pourquoi avoir eu envie de nous raconter cette histoire de votre vie ?

Eric-Emmanuel Schmitt : C'est vrai que j'ai fait presque quarante volumes sans dire « Je » et là, tout d'un coup, je dis « Je » ! J'ai voulu écrire ce récit parce que je me suis rendu compte que quand je racontais cette histoire, cette confession, cet aveu, quand je disais aux gens, d'abord aux proches, puis ensuite après je sois sorti du cercle des proches pour en parler, quand je racontais donc cette nuit dans le Sahara, les gens voulaient en entendre toujours plus. Parce qu'au fond, je parlais de choses qui concernent tout le monde, pas seulement moi. Je parle de la croyance, du fait d'être athée et, tout à coup, peut-être de ne plus l'être. Je parle de l'angoisse d'être dans un monde incompréhensible qui tout à coup est remplacé par la confiance d'être dans un mystère auquel on fait crédit. Mais en tout cas, il y a un message qui peut passer c'est celui de dire : « Attention, la vie ne se limite pas à ce que vous en pensez. L'expérience de la vie peut vous surprendre. Ne soyez pas enfermé dans vos certitudes comme dans des vérités définitives. Ce ne sont que vos certitudes du moment. Elles sont malléables. Cela peut se passer différemment. » Cela a été mon cas, je suis rentré dans le désert athée, j'en suis ressorti croyant. Je n'étais pas du tout l'homme qui convenait à ce genre de révélations. J'étais philosophe, dans un milieu très athée, militant...

Philippe Chauveau : C'est ce que vous racontez oui...

Eric-Emmanuel Schmitt : Donc je n'étais pas le bon sujet pour recevoir ce genre de message.

Philippe Chauveau : Cette expérience se déroule à peu près deux ou trois ans avant que vous ne connaissiez vos premiers succès au théâtre et dans l'écriture de romans. Vous le disiez, dans votre production littéraire, c'est la toute première fois que vous employez le « Je ». Pourquoi cela arrive-t’il maintenant dans votre parcours, dans votre vie personnelle ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Pour raconter cette histoire il fallait que je l'authentifie, que je dise « Attention ce n'est pas un roman. C'est vrai » ! Parce que c'est ça qui est important de dire. Ce n'est pas une fiction, ce que je raconte du Sahara, je l'ai vraiment vécu.

Philippe Chauveau : Je vais me faire un petit peu l'avocat du diable.

Eric-Emmanuel Schmitt : Ah ça tombe bien !

Philippe Chauveau : Il faut être un petit peu gonflé aujourd'hui pour oser écrire sur la foi, sur la révélation à une époque où l'on essaie de nous imposer la laïcité à tout crins, à une époque où certains croyants tuent au nom de leur Dieu et où d’autres qui osent dire qu'ils sont croyants se font moquer ou vilipender ? Et je précise, pardonnez-moi, vous n'êtes pas comme l'un de ces personnages croisés dans le désert, comme Ségolène qui elle porte sa foi en bandoulière. Vous, vous avez vraiment envie de réfléchir, vous essayez de comprendre ce qui vous arrive.

Eric-Emmanuel Schmitt : Tout à fait ! Je montre même la difficulté à appeler cette force ou cette lumière que j'ai connue, à l'appeler Dieu. Et puis, en dénonçant aussi le piège de la grammaire qui me fait parler de Dieu comme une personne. J'essaie de montrer aussi honnêtement la difficulté à parler de ça. Cela me paraissait important de parler de la foi aujourd'hui, parce que, comme vous le dites, il y a des gens qui défigurent la foi. Pour moi, les amis de Dieu, ce sont ceux qui cherchent Dieu, pas ceux qui parlent à sa place en prétendant l'avoir trouvé. Ce qu'on a tous en commun, vous comme moi, qu'on croit ou qu'on croit pas, c'est qu’on ne sait pas ce qu'on fait sur cette terre, on est frères en ignorance.

Philippe Chauveau : Ce livre dans lequel vous employez le « Je » sera-t-il une parenthèse ou finalement y-a-t’il d'autres moments de votre vie qui pourraient être partagés avec vos lecteurs, d'autres moments qui vous ont fait avancer, qui vous ont fait grandir, et que vous auriez envie de nous confier ?

Eric-Emmanuel Schmitt : Peut-être qu'il y a d'autres moments de ma vie que je pourrais partager, mais en fait, j'ai une réticence à dire « Je ». Dans ce livre, cela a été l'objet d'une intense réflexion. Certes, c'est bien moi avec mes caractéristiques, mais en même temps j'essaie toujours d'ouvrir, de faire en sorte que le lecteur puisse s'y retrouver. J'ai 28 ans, tout le monde a eu 28 ans bien-sûr, mais ce que je décris, c'est un homme à la croisée des chemins qui obtient le résultat professionnel de ses études mais qui se demande si le chemin qui est devant n'est pas simplement la conséquence de ses études... « Est-ce que c'est bien mon chemin ? ». Qui ne s’est pas posé cette question ? Je dis un moment : « J'étais au carrefour de moi-même, pas sur ma voie ». J'essaie toujours d'universaliser pour non pas tendre au lecteur mon portrait, qui n'a aucun intérêt, mais de tendre au lecteur un miroir dans lequel il va se voir, se découvrir et s'approfondir.

Philippe Chauveau : Et puis là où vous nous donnez aussi un conseil, c'est de continuer à s'émerveiller chaque jour. Comme vous l'écrivez...

Eric-Emmanuel Schmitt : Ce ne sont pas les occasions d'émerveillement qui manquent, ce sont les émerveillés.

Philippe Chauveau : A méditer chaque matin ! Eric-Emmanuel Schmitt « La nuit de feu ». Au-delà de cette révélation, il y a énormément de choses dans ce livre que je vous invite vivement à découvrir. C’est un gros coup de coeur de cette rentrée littéraire. Vous êtes publié chez Albin Michel. Merci beaucoup.

Eric-Emmanuel Schmitt : Merci.

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  • « Je suis né deux fois, une fois à Lyon en 1960, une fois dans le Sahara en 1989 ». C’est ce qu'écrit Eric-Emmanuel Schmitt dans son nouveau livre « La nuit de feu », l'un des événements de cette rentrée littéraire 2015. Dans ce récit très personnel, l'auteur « d'Oscar et la dame  rose » ou « Les fleurs du Coran », raconte son expérience, sa découverte intime de la foi. Il se livre ici comme il ne l'avait jamais auparavant.Adolescent rebelle comme il se dépeint lui-même, agrégé de philosophie, c'est vers...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Presentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt.Eric-Emmanuel Schmitt : Bonjour.Philippe Chauveau : Vous publiez chez Albin Michel votre nouveau titre « La nuit de feu ». Auparavant j'ai une question qui me taraude. En 1991, le public vous découvre au théâtre avec «  La nuit de Valognes » et puis en tant que romancier avec « La part de l'autre ». Depuis, vous avez été prolixe avec une quarantaine d'ouvrages aujourd'hui à votre actif. Vous arrive-t-il parfois de regarder dans le rétroviseur ou au contraire, est-ce...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Portrait - Suite
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    Pour les grands amoureux de Schmitt, on reste dans une lignée très intime, très humaniste avec toujours autant de poésie, de lyrisme et de curiosité. Cette année, il nous fait partager son intimité la plus profonde puisque c'est une expérience qu'il a vécue, en 1989, dans la nuit du 4 février, où il s'est perdu dans le Hoggar pendant plus de 30h sans vivres ni eau. Il nous fait partager sa découverte de la foi, cette nuit bizarre, glaciale, durant laquelle il va rencontrer apparemment  Dieu et même s'ouvrir à l’écriture....Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - L'avis du libraire - Suite