Sylvie Le Bihan

Sylvie Le Bihan

Les sacrifiés

Livre 00'08'07"

Philippe
Nous sommes dans les années 30. Nous sommes dans les années 30, parfois, nous serons aussi dans les années 2000. Mais en tout cas, lorsque le roman démarre, nous sommes à la fin des années 30 et nous allons faire connaissance avec un garçon, un homme que nous allons suivre pendant tout le roman. Il s'appelle Juan. C'est un homme qui va voir son destin basculer par la guerre d'Espagne. Pourquoi avoir eu envie de nous emmener Sylvie Le Bihan dans un roman dit historique et dans cette période de l'histoire, avec ces années sombres de l'Espagne.

Sylvie Le Bihan
Alors je n'ai jamais d'idée pour faire un livre. Je ne vais pas me dire tiens, je veux faire ça comme thème. Il se trouve que c'est à chaque fois une rencontre. Là, ça a été la rencontre avec un texte de Federico Garcia Lorca qui s'appelle Chant funèbre pour Ignacio Sanchez Mejias. Et c'est quatre textes, qui étaient tellement merveilleux sur la perte d'un ami. Sachant que Federico Garcia était homosexuel, je pensais que c'était un de ses un de ses amants, mais c'est vraiment un ami et j'ai trouvé ce texte merveilleux. Je me suis dit : qui est Ignacio Sanchez Mejias ? Et c'est là que je suis arrivé.

Philippe
Vous avez tiré le fil.

Sylvie Le Bihan
Et là, j'ai rencontré d'autres personnages. Et une sorte de trio amical et amoureux qui, pour moi, était très romanesque. Je me suis dit faudrait que je le raconte.

Philippe
Alors un trio amical et amoureux, puisqu'on va faire connaissance avec Juan, qu'on va aussi parfois appelé le Juanito. C'est un personnage qui est fictif, qui sort de votre imagination.

Sylvie Le Bihan
Totalement fictif. C'est le seul d'ailleurs dans tout le roman.

Philippe
Mais qui va donc croiser d'autres personnages authentiques, comme par exemple Ignacio, qui était un grand nom de la tauromachie ? Et puis Encarnacion qui elle est l'amoureuse, celle qui aime et celle que l'on aime. Et c'est ce trio que l'on va suivre. Trio amoureux mais pendant cette période sombre de l'Espagne.

Sylvie Le Bihan
J'ai choisi ce petit cuisinier gitan parce que je voulais rendre hommage à la communauté gitane qui était très chère à Federico Garcia Lorca. Et puis, je voulais un petit cuisinier parce que je trouvais que c'était ce qu'il y avait de plus proche qu'un cuisinier. Il n'y a pas plus proche qu'un cuisinier personnel pour accompagner tous ces gens là le long de leur vie et jusqu'à leur mort.

Philippe
Et alors Juan finalement, c'est un peu ce qui le sort de son milieu familial, parce qu'il est issu d'une famille où on est plutôt dans l'univers de la tauromachie, mais on vivote un peu. Et puis il a ce don qu'il a appris avec sa mère et sa grand mère. Et c'est comme ça qu'un jour, Ignacio le grand, le grand torero, vient lui dire : Écoute, vient chez moi, tu vas t'occuper de la cuisine. Et c'est ce qui va lui permettre de vivre une aventure incroyable.

Sylvie Le Bihan
Oui, parce que Ignacio va très vite abandonner la tauromachie. C'est ça qui m'intéresse dans ce personnage. C'est qu'il m'a tout de suite frappé, c'est qu'il va dans de la tauromachie pour être mécène de la génération de 27. Donc Rafael Alberti, Manuel de Falla, tous ces intellectuels, artistes, musiciens, écrivains, poètes et Federico Garcia Lorca. Et il va aussi vouloir écrire avec pas trop de succès. Mais il va vouloir écrire.

Philippe
Et il aura quand même une petite reconnaissance.

Sylvie Le Bihan
Ou il aura une petite reconnaissance dans ce milieu là. Mais c'est quelqu'un qui aimait beaucoup prendre des risques et donc c'est un nouveau risque qu'il va prendre en devenant écrivain. Et il va devenir le mentor de Juan, c'est à dire qu'il va lui dire : Je vais te donner la chance de découvrir un monde. Tu n'as pas idée du monde qui existe à l'extérieur de l'hacienda, de l'Andalousie et de la communauté de gitans. Donc, c'est son mentor.

Philippe
Il y a ce trio, ce trio amoureux que vous évoquez. Il y a ce personnage de Juan qui est là en tant que en tant que témoin. Et puis il y a aussi cette grande fresque, cette grande peinture qu'est l'histoire, l'histoire de l'Espagne. Vous écrivez à un moment : "C'est pour ça qu'on a perdu Juanito, parce que les hommes ne s'aiment pas assez pour espérer que l'autre, les autres, soient leurs égal. Les penseurs sont morts ou désabusés et il ne reste plus que les barbares, ces hommes au cerveau brûlé qui ont perdu le sens de notre lutte. Les digues ont cédé, l'intelligence a disparu, et on ne se comprend plus puisque chacun est retourné à son combat ou à sa cause. Et le peu d'humanité qui reste va voler en éclats. C'est l'Espagne, effectivement, qui vole en éclats. Parce que vous parlez de l'Espagne d'avant 36 où tous les espoirs sont permis où il y a de vrais changements dans la société. Et puis voilà que Franco et ses hommes arrivent et l'Espagne bascule dans l'horreur.

Sylvie Le Bihan
Oui, et ça peut faire écho aussi avec ce qui nous arrive à l'heure actuelle. En fait, l'histoire ne se renouvelle pas. On se rend compte que le pouvoir rend fou et c'est ce qui s'est passé en fait. En Espagne aussi, c'est à dire que il y a eu un grand rêve avec l'avènement de la Seconde République, avec le droit à l'avortement pour les femmes, le droit de divorcer, le droit de travailler. Des choses incroyables qui nous ont été très très en retard dans le reste de l'Europe. Non, les républicains ont apporté un souffle de liberté sur l'Espagne. Le problème, c'est que petit à petit, comme partout, ces grands mouvements qui étaient basés sur des idées merveilleuses, ça a implosé parce que chacun voulait un petit bout de pouvoir. Et malheureusement, vous avez eu les anarchistes d'un côté, socialistes de l'autre, des communistes de l'autre. Et puis les propriétaires terriens qui se sont rebellés en Andalousie, et puis les villageois. Et puis ça n'a pas été bien compris. Et puis, et puis le fait pourquoi ça s'appelle Les sacrifiés ? Parce que l'Europe et le reste de l'Europe a abandonné l'Espagne, abandonné les Espagnols.

Philippe
Ce qui est important de préciser, c'est que l'Espagne n'est pas qu'une simple toile de fond parce qu'on va aller à Barcelone, on va aller en Andalousie, on va aller au cœur de Madrid et le décor est très important. Le décor dans lequel évoluent les personnages. Et puis cette histoire aussi, la grande histoire que vous évoquez n'est pas non plus qu'une simple toile de fond, puisque vos personnages sont vraiment partie prenante dans cette grande histoire. Ça vous a nécessité beaucoup de recherches, justement pour être au plus près de la réalité ?

Sylvie Le Bihan
Oui, c'est huit ans de recherches, je ne peux pas raconter n'importe quoi, donc il fallait vraiment que je m'intègre à cet environnement, à cette histoire, à ces décors, à ces personnages, pour pouvoir réussir à retranscrire après quelque chose qui ne soit pas ni un manuel d'histoire ni une page Wikipédia. Il fallait vraiment que j'arrive à ressentir cet atmosphère et pour faire pour arriver à faire ça, j'ai lu des mémoires sur le geste dans le flamenco. Des oui, des thèses sur le rôle de la femme dans le théâtre espagnol des années 30. J'ai lu plein de livres sur less dernières heures de Federico Garcia Lorca. Voyez tout ça, c'est sur la tauromachie tout ça.

Philippe
Pour vous nourri de tout cet univers.

Sylvie Le Bihan
Voilà ou sinon j'écrivais un article.

Philippe
Alors, vous le dites, c'est une grande fresque avec l'histoire, la grande histoire qui est très présente. On va suivre Juan des années 30 jusqu'aux années 2000, sans tout dévoiler. Mais il y a aussi, comme dans chacun de vos romans, un personnage féminin qui est important. Et là, c'est Encarnacion, c'est le personnage phare, c'est elle finalement qui fait tourner la tête de tous ces hommes. Personnage authentique, quelles sont les sources que vous aviez et comment l'avez vous finalement imaginé ? Comment avez vous redonné vie à Encarnacion ?

Sylvie Le Bihan
Déjà, en regardant des films Encanrnacion sur l'INA. C'est sur le site de l'INA, c'est à dire qu'elle dansait le flamenco d'une façon incroyable. Et c'est le feu, c'est la douleur. Quand elle danse le flamenco, c'est la souffrance de tout un peuple et en même temps, c'est d'une beauté incroyable. Elle a amené beaucoup de son public au Duende, ce moment qui est suspendu dans le flamenco, dans la tauromachie, dans l'art, dans la musique. Elle a réussi à amener beaucoup de gens au Duende, ce que recherchent tous les artistes espagnols.

Philippe
Ce livre est un vrai coup de cœur que je vous recommande vivement. Il y a tous ces personnages, personnages authentique et puis aussi moi j'avoue que j'ai un petit faible pour Juan, Juanito qui va être embarqué par le vent de l'histoire. Et puis il y a l'Espagne, il y a toute cette période tellement trouble, tellement sombre, lointaine et proche à la fois. Ça s'appelle Les Sacrifiés, c'est votre actualité Sylvie Le Bihan, vous êtes publié aux éditions Denoël. Merci beaucoup.

Sylvie Le Bihan
Merci beaucoup.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
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