Thibaut Solano

Thibaut Solano

Les Noyés du Clain

Livre 00'07'33"

Philippe Chauveau :

Après deux livres d'enquête liés à votre métier de journaliste, voici donc ce premier roman dans la collection La bête noire chez Robert Laffont, Les noyés du Clain. Vous vous inspirez d'un fait divers, d'une histoire authentique, ce qui veut dire que vous auriez pu faire, là encore, un livre d'enquête comme vous aviez fait précédemment. Mais non. Vous faites le choix de la plume romanesque. Pourquoi cette envie de devenir romancier maintenant ? Et pourquoi, avec cette histoire précisément ?

Thibaut Solano :

J'avais envie de tenter l'aventure. Parce que c'est vrai qu'après avoir écrit deux livres journalistiques, il y avait peut-être un sentiment, une envie de respirer. Quand on fait un livre sur une affaire criminelle, un livre journalistique, on est rivé aux procès-verbaux, aux témoignages. Il faut bien sûr éviter la moindre erreur factuelle. Il y a quelque chose d'un peu pesant, peut-être à force. 400 pages à faire attention à chaque virgule, chaque mot, ça peut être un peu épuisant intellectuellement. Passer à la fiction, on fait attention à chaque mot aussi, mais pour d'autres raisons. Il y a comme une bouffée d'air, de l'oxygène, de la respiration. On va effectivement partir d'une affaire réelle, mais on va laisser son esprit imaginer d'autres développements et on va être maître de l'histoire. On va trouver une fin à notre goût, à notre goût d'écrivain. Et c'est cette respiration que j'avais envie d'expérimenter.

Philippe Chauveau :

On va faire connaissance avec un jeune garçon, en tout cas, en 2001, quand démarre le roman, c'est un jeune garçon. Il quitte la maison familiale pour commencer ses études. Il part à Poitiers, une petite ville de province dans Poitou-Charentes, ville étudiante. Et puis là, il va essayer de se construire. Il va faire un stage dans une rédaction. Et puis, il y a comme ça l'envie de devenir journaliste qui le taraudait, qui va se concrétiser. Et on va les suivre sur quinze années. Et Simon va s'emparer d'une histoire qui effraie un peu la population locale avec ces jeunes que l'on retrouve dans le Clain, qui est la rivière qui traverse la ville de Poitiers. C'est le point de départ de cette histoire. Pourquoi avoir eu envie de vous emparer de ce que l'on peut considérer comme une légende urbaine ? Parce qu'on entend souvent ou on voit souvent des articles comme ça, de jeunes qui disparaissent dans les ports, dans les rivières, dont on ne sait pas trop ni pourquoi ni comment. Pourquoi cette envie ?

Thibaut Solano :

C'est quelque chose que j'ai pu remarquer dans ma pratique de journaliste. Chaque fait divers mystérieux génère une légende urbaine, c'est à dire que petit à petit, la vraie affaire, la véritable affaire, va devenir par la bouche à oreille quelque chose de déformé, va devenir encore plus spectaculaire, encore plus mystérieuse, encore plus sanglante. Et au final, ce qui va rester dans la tête des gens et des habitants de la ville où a lieu le fait divers c'est la version fausse, la version fantasmée du fait divers. On se souvient plus de la rumeur et de la légende urbaine que du fait divers lui-même. Et donc, cette affaire d'étudiant retrouvé noyé qui existe vraiment. Notamment du côté de Bordeaux, a elle-même suscité beaucoup de rumeurs, de légendes urbaines. Et notamment parce qu'elle a lieu dans le monde étudiant et que, quand on est étudiant, on aime faire des soirées, se raconter des histoires et on aime se faire peur. Et c'est ça que je voulais retranscrire. C'est ça que moi-même d'ailleurs, j'ai connu à l'époque où j'étais étudiant à la fac de Poitiers.

Philippe Chauveau :

Présentez-nous ce personnage de Simon Manis. Il n'est pas très bien dans sa peau. Il a des difficultés relationnelles. Il n'est jamais vraiment très à l'aise avec les autres. Puis, il se retrouve un peu tout seul dans cette petite ville étudiante et il faut qu'il se construise. Comment est-il né, ce personnage ?

Thibaut Solano :

Il correspond un petit peu à moi, mais pas totalement à moi non plus. Il correspond à des étudiants qu'on peut croiser à la fac, dans l'amphi. Quand vous êtes à l'amphi, il y a une partie des étudiants qui est très heureux de profiter de sa liberté, de ne plus être chez papa maman et qui va faire des soirées, qui va connaître quelques excès. Et puis, vous avez une autre partie des étudiants qui, elle, se retrouve effrayée par l'idée de la liberté. Et cet apprentissage de la liberté peut se révéler très angoissant et peut conduire à un mal être. Et donc, lui est dans cette partie-là de la population. Il est angoissé, il a peur de la foule, il a peur des amphis, et tout l'enjeu pour lui va justement dépasser ses peurs un peu enfantines pour devenir adulte.

Philippe Chauveau :

Comme tout étudiant, il va avoir besoin de se faire un peu d'argent de poche. Il va chercher des petits boulots. Et puis, il va atterrir dans la rédaction de L'Écho, qui est le journal local. Il va être un peu chapeauté par Mernot, qui est le bourlingueur, le journaliste, comme on n'en fait plus aujourd'hui. Et puis, petit à petit, il va se prendre au jeu. On va lui demander de couvrir un peu les kermesses et les petites foires. Et puis à un moment, il va quand même essayer de s'emparer d'un autre sujet avec ces fameux étudiants qui sont retrouvés noyé dans le dans le Clain. Cette histoire, on l'a dit, elle est inspirée d'un fait authentique. Ce qui m'intéresse c'est l'ambiance que vous avez donné à votre roman. On l'a dit, ce personnage, Simon, est un peu mal dans sa peau, mais il y a aussi toute cette ambiance dans cette petite ville de province, dans cet univers étudiant. Et puis dans les personnages que côtoie notre jeune enquêteur, en l'occurrence. Comment avez-vous procédé pour retranscrire cette ambiance ?

Thibaut Solano :

J'ai d'abord plongé dans mes souvenirs puisque moi-même, j'ai vécu quelques années à Poitiers, qui est une ville, effectivement, qui a plusieurs visages. Parce que c'est une ville de province, au cœur de la France, qui fait peu parler d'elle, qui semble assez tranquille. Il y a ce côté un peu médiéval dans les ruelles du centre-ville, qui peut parfois être un peu mystérieux. Et en même temps, il y a un campus, et un campus qui est quand même assez grand, qui est très excentré. Il y a vingt-cinq mille étudiants pour 100.000 habitants, donc cela fait que c'est quand même une ville de moyenne assez jeune. Et j'ai voulu retranscrire ces deux visages en accentuant évidemment le côté étrange, c'est à dire la province, avec ses mystères, ses notables et ses fausses pistes. Et je me suis appuyé sur mes propres souvenirs, mais je suis aussi revenu sur les lieux pour voir d'ailleurs comment la ville avait changé et pour avoir cette écriture assez précise, j'espère, pour bien retranscrire ce qu'est cette ville protéiforme.

Philippe Chauveau :

On est, on est happé par votre écriture parce qu'il y a une réelle désespérance, une mélancolie profonde qui se dégage au fil des pages, avec cette enquête qu'essaye de mener Simon, qui lui-même est mal dans sa peau. Vous avez envie un peu de déstabiliser le lecteur parce que c'est vrai que c'est une lecture assez difficile. Ce n'est pas un livre, un livre qu'on lit comme ça, juste pour le plaisir. Vous aviez envie, justement, que le lecteur se sente déstabilisé ?

Thibaut Solano :

Oui, je voulais que le lecteur se sente comme le personnage principal, c'est à dire angoissé, que tout est vu du des yeux de cet enquêteur. Et le lecteur fait l'enquête, mène l'enquête en même temps que le personnage principal, Simon Manis. Je voulais vraiment que le lecteur fasse corps avec ce personnage.

Philippe Chauveau :

Alors, que s'est il passé pour ces jeunes étudiants que l'on a retrouvé noyés dans le Clain ? Que s'est-il réellement passé ? Que va découvrir Simon au fil de son de son enquête ? Je le rappelle, on va le suivre pendant une quinzaine d'années. C'est en tout cas un très, très bon roman, avec une belle écriture. Vous n'allez pas le lâcher de la première à la dernière page, Les noyés du Classez le premier polar de Thibaut Solano. Vous êtes publié chez Robert Laffont. Merci.

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  • PORTRAIT
  • LIVRE
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