Marie-Laure de Cazotte

Marie-Laure de Cazotte

Ceux du fleuve

Livre 00'07'07"

Philippe Chauveau :

Dans ce qui est votre quatrième titre, Marie-Laure de Cazotte, Ceux du fleuve, vous allez nous faire revivre l'une des périodes les plus sombres de l'histoire de France, celle des guerres de Vendée. Nous sommes en 1793. Les beaux jours de la Révolution sont passés. La terreur s'est installée sur le pays, mais vous allez nous emmener vraiment dans une partie bien précise du territoire français, dans cet Ouest, qui se rebelle et surtout autour de la Loire, qui est comme une sorte de frontière. Comment né ce roman Ceux du fleuve?

Marie-Laure de Cazotte :

Ce roman est né parce que quand j'étais enfant, j'ai une mère alsacienne et j'ai un père qui est angevin, j'entendais toujours parler des guerres de Vendée, mais de façon toujours très marquée. Il y avait toujours les républicains, puis les aristocrates, deux camps, les bons et les méchants. Un jour, en réfléchissant à ça, je me suis demandée où se trouvait le plan médian. Et c'est arrivé de façon, je dirais assez brutal. Un jour, j'écris sur une feuille de papier : c'est un enfant qui court. De ce moment là surgit la figure de mes ancêtres, qui était un petit paysan dont la famille a été massacrée. C'est un enfant il a perdu son père, c'est le jeune Henri de ce livre.

Philippe Chauveau :

Il y a ce titre qui claque, Ceux du fleuve. Pourquoi avoir choisi ce titre? Qui sont-ils, ceux, ces personnages?

Marie-Laure de Cazotte :

Moi, j'ai aimé ça parce que c'était un petit clin d'œil à Genevoix, qui est un auteur que j'aime infiniment. Mais ceux du fleuve, ce sont six personnages. Il y a ce jeune Henri dont je viens de parler.

Philippe Chauveau :

Avec une scène bouleversante lorsque la famille est massacrée sous ses yeux.

Marie-Laure de Cazotte :

Tout le hameau est massacré. Lui, c'est un enfant, il court pour échapper au feu plus qu'au bal, et il ne croit pas que c'est possible. Est-ce que ces corps, c'était comme il dit : " ces corps comme des jouets renversés sur la terre", ce ne sont pas des morts. Parce que pour lui, la mort, c'est une cérémonie. On rentre dans la mort avec le prêtre, avec l'encens. Là, non, il n'y a pas eu de cérémonie donc il ne peut pas y avoir de morts. Puis, il entend la voix de son père lui parler. Il se dit : " si j'entends la voix de mon père, c'est que mon père n'est pas mort ".

Philippe Chauveau :

Alors il y a Henry, qui est l'un des protagonistes des personnages principaux. Et puis, autour du fleuve, il va aussi croiser le chemin d'autres personnages qui sont très parlants.

Marie-Laure de Cazotte :

Il y a le personnage de Pierre qui habitent dans une île de la Loire. Cette île, qui est en face de l'île Batailleuse à Saint-Florent-le-Vieil. C'est un solitaire, un type assez bougons, qui va recueillir cet enfant avec lequel ça ne va pas très bien se passer au départ. Leur relation va se construire au fur et à mesure. Et ce Pierre a comme ami, je dirais, unique et principal, un prêtre, Philippe. C'est un prêtre comédien. En fait, c'est un fou de théâtre. Philippe, c'est un homme qui a été éduqué chez saint sulpiciens, fils de paysans, qui est plus intelligent que la moyenne. C'est un homme qui ne trouve pas vraiment sa place. Il occupe sa fonction de prêtre, mais il n'a pas vraiment la foi. Il aime bien ses paroissiens, mais il dit toujours qu'il se sent très éloigné. Il a un niveau de culture qui le sépare d'eux. Il y a deux femmes en fuite, Marie et Isabelle. Et enfin, un homme qui s'appelle Amédée. Amédée, un évêque défroqué qui est parti et qui attend.

Philippe Chauveau :

Ce sont des personnages auxquels on va beaucoup s'attacher. Ce sont des personnages qui sont emportés par le vent de l'histoire et en même temps, ils gardent une grande part d'humanité. Ils gardent une vraie foi dans la vie. Ils vont s'entraider, se serrer les coudes. J'aimerais que l'on parle aussi de l'écriture que vous avez choisi. Très souvent, vous employez le dialogue avec peut être aussi des intonations de l'époque. Il y a une sorte de patois qui est parfois utilisé dans les dialogues. Et puis, il y a surtout des pages d'une très grande poésie qui viennent contrebalancer l'horreur des événements que vous décrivez, puisqu'il y a des scènes qui sont vraiment bouleversantes. Comment s'est faite l'écriture du roman?

Marie-Laure de Cazotte :

J'avais cet élan, vraiment cet élan intérieur et puis une musique en tête. En faisant des recherches, en m'adressant aux historiens spécialistes de la période. L'un d'entre d'autres m'avait dit :" Les guerres de Vendée, ça rend fou ". Et ça rend fou, parce que le niveau de massacre, la cruauté, la violence qui est exercée peut véritablement rendre fou. Je ne voulais absolument pas, les massacres sont présents, mais je ne voulais pas mettre la caméra sur eux. Je crois qu'elle est suffisamment évoquée dans le livre.

Philippe Chauveau :

Si je me permets, on n'est pas vraiment dans un roman historique. La grande histoire est une toile de fond.

Marie-Laure de Cazotte :

Exactement la grande histoire est une toile de fond. Vous avez tout à fait raison, et même l'histoire est transposable ailleurs. Moi, ce qui m'a intéressé au premier chef, c'est pour ça que ces personnages ont une voix un peu particulière, c'était d'explorer la relation que les hommes, les êtres avaient avec la nature à l'époque, la nature comme une prolongation d'eux mêmes.

Philippe Chauveau :

Vous le dites vous même, l'histoire de ces personnages serait tout à fait transposable ailleurs ou à une autre époque. Vous nous parlez de personnages, de personnes simples qui sont confrontés à un évènement qui les dépasse. Et puis, il y a cette image du fleuve, le fleuve qui va lui même charrier des cadavres. Mais le fleuve, c'est aussi l'eau qui nettoie tout. Qui lave de tout. Il y a une résonance avec notre époque contemporaine. Dans cette histoire que vous nous raconter?

Marie-Laure de Cazotte :

Il y a une résonance, oui, certainement. C'est à dire qu'en fait, il y a une résonance, je dirais philosophique, " éternel ". Le fleuve est aussi un lieu symbolique. C'est le lieu par lequel le passage se fait. Le passage d'une vie à l'autre, mais aussi le fleuve, révèlent les êtres, les révèle à eux mêmes. C'est pas seulement la guerre, c'est le fleuve, ce voyage, même cette fuite le long du fleuve.

Philippe Chauveau :

Avez-vous eu besoin d'écrire devant la Loire? Avez-vous fréquenté les lieux avant de vous mettre au travail? Ou était-ce finalement une Loire fantasmé?

Marie-Laure de Cazotte :

Non. J'ai énormément exploré les lieux. J'ai exploré les lieux en diverses saisons. J'ai cogné à la porte des anciennes maisons de pêcheurs, j'ai été très, très loin. Et puis, il n'y a rien de plus agréable que d'être le long de la Loire.

Philippe Chauveau :

Avez-vous l'impression que la Loire résonne encore de ces événements de 1793?

Marie-Laure de Cazotte :

Le pays entier résonne de ces événements. Le pays est très marqué. C'est clair qu'il y a une sorte de mise à ras de tout ça.

Philippe Chauveau :

C'est votre actualité, Marie-Laure de Cazotte, votre nouveau titre. Ça s'appelle Ceux du fleuve et vous êtes publié chez Albin Michel. Merci beaucoup.

Marie-Laure de Cazotte :

Merci Philippe.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Historienne de l’Art, Marie-Laure de Cazotte a toujours donné une importance majeure à l’écriture, parallèle évident, selon elle, avec son parcours artistique. En 2014, parait son premier roman, « Un temps égaré », l’histoire d’un businessman confronté à la démence, pour lequel elle reçoit le prix du 1er roman de Chambery. Suit un roman historique, plusieurs fois primé également « A l’ombre des vainqueurs » sur la situation complexe de l’Alsace de 1870 à 1945. Enfin, avec « Mon nom est Otto Gross »,...Ceux du fleuve de Marie-Laure de Cazotte - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Marie-Laure de Cazotte.   Marie-Laure de Cazotte : Bonjour Philippe Chauveau.   Philippe Chauveau : Vous êtes avec nous a l'occasion de la sortie chez Albin Michel de ce nouveau titre, Ceux du fleuve, nous verrons dans un instant de quel fleuve il s'agit. On va faire un petit peu plus connaissance. C'est déjà votre quatrième titre chez Albin Michel. Et puis, il y a une autre vie puisqu'on vous connaît aussi dans le domaine de l'art. Vous êtes historienne de l'art. Vous avez accompagné vous même des...Ceux du fleuve de Marie-Laure de Cazotte - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau : Dans ce qui est votre quatrième titre, Marie-Laure de Cazotte, Ceux du fleuve, vous allez nous faire revivre l'une des périodes les plus sombres de l'histoire de France, celle des guerres de Vendée. Nous sommes en 1793. Les beaux jours de la Révolution sont passés. La terreur s'est installée sur le pays, mais vous allez nous emmener vraiment dans une partie bien précise du territoire français, dans cet Ouest, qui se rebelle et surtout autour de la Loire, qui est comme une sorte de frontière. Comment né ce...Ceux du fleuve de Marie-Laure de Cazotte - Livre - Suite