Historienne de l’Art, Marie-Laure de Cazotte a toujours donné une importance majeure à l’écriture, parallèle évident, selon elle, avec son parcours artistique.
En 2014, parait son premier roman, « Un temps égaré », l’histoire d’un businessman confronté à la démence, pour lequel elle reçoit le prix du 1er roman de Chambery.
Suit un roman historique, plusieurs fois primé également « A l’ombre des vainqueurs » sur la situation complexe de l’Alsace de 1870 à 1945.
Enfin, avec « Mon nom est Otto Gross »,...
Ceux du fleuve de Marie-Laure de Cazotte - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Marie-Laure de Cazotte.
Marie-Laure de Cazotte :
Bonjour Philippe Chauveau.
Philippe Chauveau :
Vous êtes avec nous a l'occasion de la sortie chez Albin Michel de ce nouveau titre, Ceux du fleuve, nous verrons dans un instant de quel fleuve il s'agit. On va faire un petit peu plus connaissance. C'est déjà votre quatrième titre chez Albin Michel. Et puis, il y a une autre vie puisqu'on vous connaît aussi dans le domaine de l'art. Vous êtes historienne de l'art. Vous avez accompagné vous même des...
Ceux du fleuve de Marie-Laure de Cazotte - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Dans ce qui est votre quatrième titre, Marie-Laure de Cazotte, Ceux du fleuve, vous allez nous faire revivre l'une des périodes les plus sombres de l'histoire de France, celle des guerres de Vendée. Nous sommes en 1793. Les beaux jours de la Révolution sont passés. La terreur s'est installée sur le pays, mais vous allez nous emmener vraiment dans une partie bien précise du territoire français, dans cet Ouest, qui se rebelle et surtout autour de la Loire, qui est comme une sorte de frontière. Comment né ce...
Ceux du fleuve de Marie-Laure de Cazotte - Livre - Suite
Marie-Laure de Cazotte
Ceux du fleuve
Présentation 00'02'21"Historienne de l’Art, Marie-Laure de Cazotte a toujours donné une importance majeure à l’écriture, parallèle évident, selon elle, avec son parcours artistique.
En 2014, parait son premier roman, « Un temps égaré », l’histoire d’un businessman confronté à la démence, pour lequel elle reçoit le prix du 1er roman de Chambery.
Suit un roman historique, plusieurs fois primé également « A l’ombre des vainqueurs » sur la situation complexe de l’Alsace de 1870 à 1945.
Enfin, avec « Mon nom est Otto Gross », paru en 2018, Marie-Laure de Cazotte nous raconte ce médecin autrichien influent dans l’histoire de la psychanalyse mais aussi inspirateur du mouvement dadaïste.
Sur ces thématiques certes différentes, Marie-Laure de Cazotte reconnait néanmoins un fil rouge à tous ces titres, celui du lien père-fils.
Cette idée, elle la décline encore, d’une façon différente, dans son nouveau roman, « Ceux du fleuve », où le jeune Henri, orphelin, devra se construire une nouvelle famille, fuyant la fureur des hommes.
Nous sommes alors en 1793. La France vit sous la Terreur et se déchire à l’Ouest entre royalistes et républicains. Dans cette région que l’on appellera la Vendée militaire, alors que les combats font rage et que les exactions sont aussi violentes d’un côté que de l’autre, le jeune Henri croisera des hommes et des femmes, qui, comme lui, ayant tout perdu, creuseront au plus profond d’eux-mêmes pour garder une once d’humanité, loin de l’esprit de vengeance.
Dans le roman de Marie-Laure de Cazotte, on apprécie la peinture de cette région des bords de Loire, le parler de ces personnages authentiques, la simplicité des sentiments. Surtout, faisant le choix de ne considérer cette page sombre de notre histoire nationale qu’en toile de fond de son roman, l’auteur nous montre combien ces êtres emportés par le vent de l’histoire pourraient être d’ici ou d’ailleurs, d’hier ou d’aujourd’hui.
Marie-Laure de Cazotte nous raconte une histoire universelle, celle des ces êtres qui se relèvent malgré tout. Beau et bouleversant, ce roman est porté par une écriture subtile, poétique et sensible, à laquelle on ne peut rester insensible.
« Ceux du fleuve » de Marie-Laure de Cazotte est publié chez Albin Michel.
Marie-Laure de Cazotte
Ceux du fleuve
Portrait 00'06'05"Philippe Chauveau :
Bonjour Marie-Laure de Cazotte.
Marie-Laure de Cazotte :
Bonjour Philippe Chauveau.
Philippe Chauveau :
Vous êtes avec nous a l'occasion de la sortie chez Albin Michel de ce nouveau titre, Ceux du fleuve, nous verrons dans un instant de quel fleuve il s'agit. On va faire un petit peu plus connaissance. C'est déjà votre quatrième titre chez Albin Michel. Et puis, il y a une autre vie puisqu'on vous connaît aussi dans le domaine de l'art. Vous êtes historienne de l'art. Vous avez accompagné vous même des artistes. Pourquoi ce goût pour l'art en général et l'histoire de l'art?
Marie-Laure de Cazotte :
Quand j'étais enfant, je crois que ce qui m'a attiré d'abord dans l'art, ce n'est pas tellement la matière, ce sont les mots qui étaient associés, la sémantique très particulière. C'est comme ça que je suis rentrée dans le monde de l'histoire de l'art. Mais depuis mon enfance, j'ai toujours écrit. J'écrivais des nouvelles et un jour, une amie éditrice et moi parlions de ce que nous faisions le soir, nous, les femmes sans télévision. Elle me disait qu'elle regardait des images d'oeuvre d'art et moi, je lui disais que j'écrivais et elle a lu une nouvelle. Et puis, elle m'a dit qu'il fallait que je construise un projet. C'est comme ça que ma vie a commencé à changer.
Philippe Chauveau :
Vous êtes vous découverte différemment en prenant la plume, en devenant romancière? Était-ce la même femme que celle qui est historienne de l'art, qui accompagnait des artistes? Ou était-ce un personnage un peu différent?
Marie-Laure de Cazotte :
Je crois que c'est un personnage différent dans la mesure où le monde me regarde différemment. Donc, forcément, je vais dire que le fond est là. Le fond ne change pas, la forme non plus. Encore que c'est vrai que lorsqu'on est auteur, disons qu'on fait un peu moins d'efforts pour apparaître sous une enveloppe sophistiquée au monde. Je suis certainement un peu différente, mais comme dit l'autre, pas tout à fait la même et pas tout à fait une autre.
Philippe Chauveau :
C'est votre quatrième titre, je le disais. Il y a eu Un temps égaré en 2014, ensuite ce livre sur l'histoire de l'Alsace, À l'ombre des vainqueurs. Le roman de l'Alsace déchirée, où vous mettiez en parallèle ces générations qui se sont succédées avec une Alsace allemande, puis une Alsace française. Et puis, il y a eu aussi ce livre sur Otto Gross, ce médecin autrichien, grand nom de la psychanalyse. Quels sont les liens entre ces différents ouvrages?
Marie-Laure de Cazotte :
D'abord, il y a des liens entre les trois premiers livres, qui est le lien du sujet de la filiation. Dans ces trois livres, il y a une relation entre un père et fils. Je n'ai pas voulu construire une trilogie, mais c'est comme ça que les choses sont venues.
Philippe Chauveau :
Inconsciemment?
Marie-Laure de Cazotte :
Complètement inconsciemment, et je ne peux toujours pas expliquer pourquoi la plupart de mes personnages principaux, en tout cas, sont des personnages d'hommes. Mais la filiation est un thème très récurrent, filiation entre un père et un fils. Donc ça c'est un trait commun. L'Alsace était une nécessité d'exploration, c'était le pays de ma mère. Je voulais absolument comprendre ce qui s'était passé réellement. Quant à Otto Gross, je crois que c'est ma partie rebelle. Ce psychanalyste anarchiste complètement dans les mouvements de contre culture.
Philippe Chauveau :
Otto Gross qui a été l'un des inspirateurs des dadaïstes, du mouvement Dada.
Marie-Laure de Cazotte :
Oui, c'est une grande figure, un être totalement explosé, explosif. Il a mis le feu au patriarcat. Il a eu une histoire personnelle tout à fait extraordinaire et il a vraiment posé des jalons de modernité. Je crois que c'était un des très grands féministes d'avant 1914 et certainement l'initiateur des premiers mouvements de liberté sexuelle, un hippie avant la lettre, mais un hippie très intellectuel et très, très déjanté.
Philippe Chauveau :
C'est un personnage ô combien romanesque. Lorsque l'on porte soi-même un nom qui est lié à la grande histoire de la littérature française. Comment fait-on pour s'autoriser à écrire à son tour? Et quelles sont les influences que vous avez peut être subies en termes de littérature, sont-ce plutôt des classiques ou des auteurs plus contemporains? Quels sont les auteurs qui vous ont aussi donné envie de prendre là plume?
Marie-Laure de Cazotte :
Vous faites référence à Jacques Cazotte, qui était l'auteur du Diable amoureux, que je me suis amusée à citer dans ce livre comme ça, un petit peu comme un clin d'œil. Non, il n'a aucune influence sur mon écriture, même si j'aime énormément ce livre Le diable amoureux, qui est comme le premier roman fantastique français.
Philippe Chauveau :
Ça fait quand même partie du Panthéon littéraire.
Marie-Laure de Cazotte :
Exactement. Oui, c'était quand même le premier roman fantastique qui a été édité avec la Duchesse d'Avila. Et quel personnage Cazotte, quel destin incroyable ! Mais non. Moi, je crois que mon influence principale et en tout cas, ma révérence absolue, c'est Giono. Genevoix certainement, mais Giono, pour moi, est une très grande attirance. Je ne cesse de le lire, de le relire dans toutes ses expressions.
Philippe Chauveau :
Lorsque vous êtes à votre table dans quel état d'esprit êtes vous en tant qu'auteur, en tant que romancière? Le lecteur est-il déjà présent ou bien au contraire, essayez-vous de l'occulter? Que ressentez-vous lorsque vous êtes au travail?
Marie-Laure de Cazotte :
Ça dépend un peu des sujets. Je n'ai pas la même relation suivant ce que j'écris. Je n'ai pas la même vision, la même attitude ou la même quête.
Philippe Chauveau :
Mais y a t il une sorte d'appréhension lorsque vous vous mettez un projet d'écriture? De l'appréhension? De la jubilation? l'État d'esprit dans lequel vous vous êtes en écriture?
Marie-Laure de Cazotte :
La jubilation, quelquefois, mais assez paradoxalement ma jubilation je la sens d'autant mieux que lorsque j'écris des scènes extrêmement dures.
Philippe Chauveau :
C'est une jubilation par le matériaux qu'est l'écriture.
Marie-Laure de Cazotte :
Oui, il y a une matière fantastique.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, Marie-Laure de Cazotte, Ceux du fleuve, c'est votre nouveau titre chez Albin Michel.
Marie-Laure de Cazotte
Ceux du fleuve
Livre 00'07'07"Philippe Chauveau :
Dans ce qui est votre quatrième titre, Marie-Laure de Cazotte, Ceux du fleuve, vous allez nous faire revivre l'une des périodes les plus sombres de l'histoire de France, celle des guerres de Vendée. Nous sommes en 1793. Les beaux jours de la Révolution sont passés. La terreur s'est installée sur le pays, mais vous allez nous emmener vraiment dans une partie bien précise du territoire français, dans cet Ouest, qui se rebelle et surtout autour de la Loire, qui est comme une sorte de frontière. Comment né ce roman Ceux du fleuve?
Marie-Laure de Cazotte :
Ce roman est né parce que quand j'étais enfant, j'ai une mère alsacienne et j'ai un père qui est angevin, j'entendais toujours parler des guerres de Vendée, mais de façon toujours très marquée. Il y avait toujours les républicains, puis les aristocrates, deux camps, les bons et les méchants. Un jour, en réfléchissant à ça, je me suis demandée où se trouvait le plan médian. Et c'est arrivé de façon, je dirais assez brutal. Un jour, j'écris sur une feuille de papier : c'est un enfant qui court. De ce moment là surgit la figure de mes ancêtres, qui était un petit paysan dont la famille a été massacrée. C'est un enfant il a perdu son père, c'est le jeune Henri de ce livre.
Philippe Chauveau :
Il y a ce titre qui claque, Ceux du fleuve. Pourquoi avoir choisi ce titre? Qui sont-ils, ceux, ces personnages?
Marie-Laure de Cazotte :
Moi, j'ai aimé ça parce que c'était un petit clin d'œil à Genevoix, qui est un auteur que j'aime infiniment. Mais ceux du fleuve, ce sont six personnages. Il y a ce jeune Henri dont je viens de parler.
Philippe Chauveau :
Avec une scène bouleversante lorsque la famille est massacrée sous ses yeux.
Marie-Laure de Cazotte :
Tout le hameau est massacré. Lui, c'est un enfant, il court pour échapper au feu plus qu'au bal, et il ne croit pas que c'est possible. Est-ce que ces corps, c'était comme il dit : " ces corps comme des jouets renversés sur la terre", ce ne sont pas des morts. Parce que pour lui, la mort, c'est une cérémonie. On rentre dans la mort avec le prêtre, avec l'encens. Là, non, il n'y a pas eu de cérémonie donc il ne peut pas y avoir de morts. Puis, il entend la voix de son père lui parler. Il se dit : " si j'entends la voix de mon père, c'est que mon père n'est pas mort ".
Philippe Chauveau :
Alors il y a Henry, qui est l'un des protagonistes des personnages principaux. Et puis, autour du fleuve, il va aussi croiser le chemin d'autres personnages qui sont très parlants.
Marie-Laure de Cazotte :
Il y a le personnage de Pierre qui habitent dans une île de la Loire. Cette île, qui est en face de l'île Batailleuse à Saint-Florent-le-Vieil. C'est un solitaire, un type assez bougons, qui va recueillir cet enfant avec lequel ça ne va pas très bien se passer au départ. Leur relation va se construire au fur et à mesure. Et ce Pierre a comme ami, je dirais, unique et principal, un prêtre, Philippe. C'est un prêtre comédien. En fait, c'est un fou de théâtre. Philippe, c'est un homme qui a été éduqué chez saint sulpiciens, fils de paysans, qui est plus intelligent que la moyenne. C'est un homme qui ne trouve pas vraiment sa place. Il occupe sa fonction de prêtre, mais il n'a pas vraiment la foi. Il aime bien ses paroissiens, mais il dit toujours qu'il se sent très éloigné. Il a un niveau de culture qui le sépare d'eux. Il y a deux femmes en fuite, Marie et Isabelle. Et enfin, un homme qui s'appelle Amédée. Amédée, un évêque défroqué qui est parti et qui attend.
Philippe Chauveau :
Ce sont des personnages auxquels on va beaucoup s'attacher. Ce sont des personnages qui sont emportés par le vent de l'histoire et en même temps, ils gardent une grande part d'humanité. Ils gardent une vraie foi dans la vie. Ils vont s'entraider, se serrer les coudes. J'aimerais que l'on parle aussi de l'écriture que vous avez choisi. Très souvent, vous employez le dialogue avec peut être aussi des intonations de l'époque. Il y a une sorte de patois qui est parfois utilisé dans les dialogues. Et puis, il y a surtout des pages d'une très grande poésie qui viennent contrebalancer l'horreur des événements que vous décrivez, puisqu'il y a des scènes qui sont vraiment bouleversantes. Comment s'est faite l'écriture du roman?
Marie-Laure de Cazotte :
J'avais cet élan, vraiment cet élan intérieur et puis une musique en tête. En faisant des recherches, en m'adressant aux historiens spécialistes de la période. L'un d'entre d'autres m'avait dit :" Les guerres de Vendée, ça rend fou ". Et ça rend fou, parce que le niveau de massacre, la cruauté, la violence qui est exercée peut véritablement rendre fou. Je ne voulais absolument pas, les massacres sont présents, mais je ne voulais pas mettre la caméra sur eux. Je crois qu'elle est suffisamment évoquée dans le livre.
Philippe Chauveau :
Si je me permets, on n'est pas vraiment dans un roman historique. La grande histoire est une toile de fond.
Marie-Laure de Cazotte :
Exactement la grande histoire est une toile de fond. Vous avez tout à fait raison, et même l'histoire est transposable ailleurs. Moi, ce qui m'a intéressé au premier chef, c'est pour ça que ces personnages ont une voix un peu particulière, c'était d'explorer la relation que les hommes, les êtres avaient avec la nature à l'époque, la nature comme une prolongation d'eux mêmes.
Philippe Chauveau :
Vous le dites vous même, l'histoire de ces personnages serait tout à fait transposable ailleurs ou à une autre époque. Vous nous parlez de personnages, de personnes simples qui sont confrontés à un évènement qui les dépasse. Et puis, il y a cette image du fleuve, le fleuve qui va lui même charrier des cadavres. Mais le fleuve, c'est aussi l'eau qui nettoie tout. Qui lave de tout. Il y a une résonance avec notre époque contemporaine. Dans cette histoire que vous nous raconter?
Marie-Laure de Cazotte :
Il y a une résonance, oui, certainement. C'est à dire qu'en fait, il y a une résonance, je dirais philosophique, " éternel ". Le fleuve est aussi un lieu symbolique. C'est le lieu par lequel le passage se fait. Le passage d'une vie à l'autre, mais aussi le fleuve, révèlent les êtres, les révèle à eux mêmes. C'est pas seulement la guerre, c'est le fleuve, ce voyage, même cette fuite le long du fleuve.
Philippe Chauveau :
Avez-vous eu besoin d'écrire devant la Loire? Avez-vous fréquenté les lieux avant de vous mettre au travail? Ou était-ce finalement une Loire fantasmé?
Marie-Laure de Cazotte :
Non. J'ai énormément exploré les lieux. J'ai exploré les lieux en diverses saisons. J'ai cogné à la porte des anciennes maisons de pêcheurs, j'ai été très, très loin. Et puis, il n'y a rien de plus agréable que d'être le long de la Loire.
Philippe Chauveau :
Avez-vous l'impression que la Loire résonne encore de ces événements de 1793?
Marie-Laure de Cazotte :
Le pays entier résonne de ces événements. Le pays est très marqué. C'est clair qu'il y a une sorte de mise à ras de tout ça.
Philippe Chauveau :
C'est votre actualité, Marie-Laure de Cazotte, votre nouveau titre. Ça s'appelle Ceux du fleuve et vous êtes publié chez Albin Michel. Merci beaucoup.
Marie-Laure de Cazotte :
Merci Philippe.