Gaëlle Josse

Gaëlle Josse

Ce matin-là

Livre 00'06'52"

Philippe Chauveau :

Dans ce nouveau titre, Ce matin-là, Gaëlle Josse, nous faisons connaissance avec une jeune femme qui a construit sa vie. Elle s'appelle Clara. Un matin, tout craque, tout lâche, tout bascule. Qui est-elle Clara ? Qui est-elle cette jeune femme que vous avez envie de nous présenter ?

Gaëlle Josse :

Clara, c'est une jeune femme, comme on en croise beaucoup aujourd'hui, qui pourrait être un petit peu chacun ou chacune de nous. C'est quelqu'un qui va plutôt bien, apparemment, qui a un bon boulot, qui a un amoureux, qui a une famille, qui gagne bien sa vie, qui a un joli appartement. On a l'impression qu'en effet, tout fonctionne. Il y a un petit écosystème bien rodé. Et puis, un matin, elle ne pourra pas aller travailler parce que c'est le corps qui s'écroule, qui s'effondre.

Philippe Chauveau :

Une précision, elle évolue dans un milieu professionnel qui n'est pas sain, celui de la finance, celui des crédits. C'est vrai qu'elle a un côté un peu « wonderwoman » et on l'oblige un peu à être assez incisive avec ses clients. Ça rentre en ligne de compte lorsqu'elle fait le bilan de sa vie. Et puis, au fil des pages, on va aussi découvrir quelques petites failles qui peuvent remonter à l'enfance, à l'adolescence. Il y a eu des accidents de parcours qui, peut-être, lui ont fait prendre des chemins détournés. Et il y a un moment où tout ça remonte à la surface.

Gaëlle Josse :

Tout à fait. Elle vit dans un milieu qui est professionnellement agressif, qui demande de l'agressivité. Un jour, il y a une scène qui va la toucher plus que de raison, parce que ça va aussi la renvoyer à des choses très personnelles. Puis, on s'aperçoit que cette scène qui est un déclencheur, en fait, il y avait des tas d'alertes derrière dont elle n'a pas voulu tenir compte. À un moment, les choses vont vraiment exploser. Ce que je trouvais peut être intéressant, c'était de se demander : pourquoi et comment on est aujourd'hui celui ou celle qu'on est ? Comment tout ça s'est construit ? Est-ce que ça s'est construit un peu par défaut, par erreur, par accident ? Ou est-ce qu'on est vraiment dans notre vrai désir de vie ? Est-ce qu'on est à notre juste place ? Et si ce n'est pas le cas, que la vie nous fait vraiment violence ? Une violence insupportable. Pourquoi est-ce qu'on s'est laissé étrangler comme ça par des choses qui nous brutalisent énormément et qui, un jour, peuvent nous mettre à terre.

Philippe Chauveau :

Ce qui veut dire que je schématise, mais le point de départ, c'est d'évoquer ce que l'on appelle communément le « burn out », de ce qu'on appellerait aussi la dépression. Mais votre histoire va bien plus loin que cela. Parce que l'on va découvrir toutes ces fragilités, ces barrières qu'elle n'a pas su construire pour préserver sa vie, ses rêves inassouvis. C'est le portrait d'une femme d'aujourd'hui, vous semble-t-il ? Finalement, est-ce que cette histoire est assez intemporelle?

Gaëlle Josse :

Je pense qu'elle est à la fois d'aujourd'hui, avec la violence de certains milieux professionnels, avec toutes les injonctions de réussite dans tous les domaines qui pèsent un peu sur nous. Cette espèce de dictature du bonheur, de l'apparence. Mais je pense qu'elle est également universelle parce que finalement, tout ce qui nous est commun à tous, en tant qu'être humain, c'est de vouloir peut-être souffrir le moins possible et être le plus heureux possible, plus accomplie possible, le plus juste dans nos vies. Et ça, je pense que c'est intemporel, même si c'est particulièrement aigu aujourd'hui.

Philippe Chauveau :

Parlons de l'écriture aussi que vous avez choisi. On suit le personnage de Clara, mais on est aussi captivé par cette écriture, la sensibilité, la justesse des mots que vous avez choisie et de l'importance aussi des ambiances, des paysages. Il y a de très belles pages, notamment lorsque Clara va retrouver une amie d'enfance, qu'elle va partir un petit peu à la campagne pour se ressourcer. On sent que les paysages aussi vont l'aider. Comment travaillez-vous pour justement faire passer à travers des mots parfois tout simples, toute cette magie de l'écriture ?

Gaëlle Josse :

J'ai difficilement de réponse, vous savez, il y a toujours le livre rêvé. Et puis il y a le livre qui s'écrit. Dans le livre qui s'écrit, on ne maîtrise pas tout. Je crois qu'il faut être vraiment au plus près de soi et à un moment il y a des choses qui s'écrivent et c'est à la relecture qu'on voit si ça tient, ou pas.

Philippe Chauveau :

Cette fameuse petite musique ?

Gaëlle Josse :

Tout à fait. Si cette petite musique sonne juste ou non. Après, je crois qu'on ne décide pas de se dire : « tiens ce livre, je vais l'écrire comme ci ou comme ça ». Et comme dirait Marie-Hélène Lafon, on ne fait pas le livre qu'on veut. On fait le livre qu'on peut, à un moment, les choses s'écrivent.

Philippe Chauveau :

Sans rien dévoiler du personnage de Clara. J'aimerais simplement qu'on évoque ses relations parfois difficiles avec sa famille. Il y a un passage très dur de Clara, avec une situation familiale, notamment vis à vis de son père. Il y a aussi les difficultés relationnelles avec son frère. Il y a beaucoup de non-dits dans cette famille. On ne sait pas vraiment se dire les choses. On ne sait pas se montrer son affection. C'était important pour vous de parler aussi de cela, de la difficulté de communiquer ?

Gaëlle Josse :

Oui, parce qu'on est finalement très empoisonné par tous ces non-dits qui pèsent, qui nous hante, qui ont des poids extrêmement lourds dans nos vies. Et on sent que toute l'histoire familiale de Clara est pleine de conflit larvé, de choses qu'on ne dit pas, même de mystères, de secrets familiaux qui n'ont jamais vraiment émergé. Tout ça contribue non seulement à empoisonner nos vies et peut être à nous empêcher de comment dire, de jouer juste cette partition qui nous appartient.

Philippe Chauveau :

« Clara se dit que parfois la joie ressemble à un peu de lumière qui danse. Elle éclaire sa chambre en une éphémère apparition, insaisissable et réelle, présente et fugitive comme une silhouette qui s'évanouit au coin de la rue ». C'est votre actualité, Gaëlle Josse, Ce matin-là, et c'est un très gros coup de cœur en ce début d'année 2021. Le livre est publié chez Notabilia. Merci beaucoup.

Gaëlle Josse :

Merci à vous !

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Nous avions découvert Gaëlle Josse en 2011 avec son premier roman « Les heures silencieuses », qui rencontra un large public, séduisant aussi libraires et critiques. Dès lors, Gaëlle Josse a su conserver une place à part et tracer un sillon régulier par une écriture exigeante et sensible. « Nos vies désaccordées », « Noces de neige », « Le dernier gardien d’Ellis Island », « Une longue impatience » sont quelques-uns des titres qui forment la bibliographie de Gaëlle Josse. Sans oublier plusieurs ouvrages de...Ce matin-là de Gaëlle Josse - Présentation - Suite
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