Fabrice Humbert

Fabrice Humbert

Eden Utopie

Le livre 7'12"

« Eden utopie » Fabrice Humbert, nous reviendrons sur le titre, mais ce qui est très déroutant quand on voit ce roman publié chez Gallimard, c'est qu'on voit roman. Or, dès les premières pages, vous nous faite comprendre que tout est vrai dans cette histoire.
Dans l'un de vos précédent titres « L'origine de la violence », vous racontiez l'histoire de votre famille paternelle. Ici, c'est la famille maternelle qui est le terreau de votre roman à travers deux personnages féminins que l'on va suivre durant plusieurs décennies,
Madeleine et Sarah, qui sont cousines mais qui ont vécu comme des soeurs. Pourquoi avoir eu envie de remonter le fil de votre famille maternelle, pourquoi ce besoin ?
J'avais effectivement écrit « L'origine de la violence » sur l'origine de ma famille paternelle mais si « L'origine de la violence » avait un dispositif autobiographique, il y avait quand même une part de roman importante,
ce qui me permettait notamment d'écrire les scènes à l'intérieur des camps de concentration. Et le trajet de ma famille maternelle est à mon sens tout aussi intéressant, ou tout du moins, aussi significatif de notre pays et de notre époque et plus largement de l'Europe,
parce que « L'origine de la violence » comme « Eden utopie » sont vraiment des livres sur des moments européens, ici le mouvement de gauche radicale qui a pu entrainer l'Allemagne, l'Italie et la France dans les années 70.
Mais le grand problème qui s'est posé à moi, c'est qu'en fait, dans « L'origine de la violence » le grand-père que j'évoquais avait disparu durant la seconde guerre mondiale, donc faire revivre une figure disparue passait pour moi par la fiction.
Alors que dans « Eden utopie » j'ai voulu me lancer dans la fiction. Cela n'a pas du tout marché, parce que toutes ces personnes, je les ai connues, donc il y avait une présence que je ne pouvais pas évacuer.
Et donc j'ai fait deux essais, ce qui représente plusieurs mois de travail et à chaque fois ça ne marchait pas, je me rendais compte au bout de 70 pages que cela n'était pas convainquant.
J'ai donc complètement changé mon fusil d'épaule, il y a trois ans, et j'ai décidé de passer uniquement par le vrai et par des entretiens.
Donc je me suis lancé dans ce que les anglais appellent le « No fiction novel » à savoir un roman non fictionnel, avec des personnages qui sont en fait des personnes et des évènements qui sont vrais.
Dans votre livre Fabrice Humbert où vous racontez donc votre famille, il n'y a pas de jugement de valeur, vous analysez, vous essayez de comprendre pourquoi les personnes prennent telle ou telle direction.
C'est aussi une façon pour vous de mieux vous comprendre ? Pensez-vous que pour savoir qui l'on est, il faut savoir d'où l'on vient ?
Sans doute. Pour ma position j'ai effectivement été un observateur, en tant que témoin et en tant qu’enquêteur en quelques sorte, puisque j'ai écouté tous ces êtres et leurs destins lorsqu'ils ont bien voulu me les raconter.
Sans essayer de juger, mais avec une bienveillance certaine. Il se trouve que j'aime cette famille, et pour moi c'est un hommage, en particulier à ma grand-mère.
Justement, je voulais insister sur ce point, parce que vous nous racontez dans ce livre, qu'au fil des décennies, avec les télescopages des évènements, les personnes prennent des directions opposés.
Mais il y a quand même une constante dans cette famille protestante, c'est cette difficulté à se parler, à se dire les choses, à se témoigner une certaine affection et vous êtes conscient qu'au fil des générations, cela perdure.
Oui, ça reste, et je ne sais pas exactement d'où vient ce silence. Je pense qu'il y a plusieurs choses, parce que ma grand-mère était vraiment comme ça. Ne jamais se plaindre, ne jamais témoigner quoi que ce soit d'intime, avec une pudeur extrême.
Pareil pour son apparence, je n'ai jamais vu un mollet de ma grand-mère ! Je crois que c'était toute une génération déjà, qui était moins expansive que nous. Ensuite il doit y avoir à la fois un milieu social, et le protestantisme qui s'est ajouté à cela.
Donc il y a toujours l'idée de cette dignité en quelque sorte et puis de ce refus total de la plainte.
Justement, puisque vous avez hérité de ce que je vais appeler une austérité, est-ce qu'il n'y a pas un peu d'impudeur à raconter votre famille comme ça ?
Si vous voulez, le silence, moi, je l'ai en héritage, mais je ne dirais pas que c'est une bonne option de vie. Finalement, une des raisons pour lesquelles j'écris, c'est précisément parce que, comme je ne parlais pas, je me suis réfugié dans les livres.
Ce livre est une façon pour moi aussi de parler, c'est une façon d'exprimer mon affection pour ma famille, pour dire des choses aussi que je n'ai pas dites à ma grand-mère, me rendant compte évidemment trop tard, comme tous les petits-enfants,
qu'il fallait l'aimer, lui montrer mon amour mais malheureusement je crois que c’est le lot de trop de petits enfants même quand ils ne sont pas protestants et ni austères.
Chaque famille est un roman et à chacun de trouver sa place dans le roman de sa propre famille. « Eden utopie » votre actualité Fabrice Humbert. Vous êtes publié chez Gallimard, merci beaucoup !

Philippe Chauveau :
« Eden utopie » Fabrice Humbert, nous reviendrons sur le titre, mais ce qui est très déroutant quand on voit ce roman publié chez Gallimard, c'est qu'on voit roman. Or, dès les premières pages, vous nous faite comprendre que tout est vrai dans cette histoire.
Dans l'un de vos précédent titres « L'origine de la violence », vous racontiez l'histoire de votre famille paternelle. Ici, c'est la famille maternelle qui est le terreau de votre roman à travers deux personnages féminins que l'on va suivre durant plusieurs décennies, Madeleine et Sarah, qui sont cousines mais qui ont vécu comme des soeurs. Pourquoi avoir eu envie de remonter le fil de votre famille maternelle, pourquoi ce besoin ?

Fabrice Humbert :
J'avais effectivement écrit « L'origine de la violence » sur l'origine de ma famille paternelle mais si « L'origine de la violence » avait un dispositif autobiographique, il y avait quand même une part de roman importante, ce qui me permettait notamment d'écrire les scènes à l'intérieur des camps de concentration. Et le trajet de ma famille maternelle est à mon sens tout aussi intéressant, ou tout du moins, aussi significatif de notre pays et de notre époque et plus largement de l'Europe, parce que « L'origine de la violence » comme « Eden utopie » sont vraiment des livres sur des moments européens, ici le mouvement de gauche radicale qui a pu entrainer l'Allemagne, l'Italie et la France dans les années 70.
Mais le grand problème qui s'est posé à moi, c'est qu'en fait, dans « L'origine de la violence » le grand-père que j'évoquais avait disparu durant la seconde guerre mondiale, donc faire revivre une figure disparue passait pour moi par la fiction. Alors que dans « Eden utopie » j'ai voulu me lancer dans la fiction. Cela n'a pas du tout marché, parce que toutes ces personnes, je les ai connues, donc il y avait une présence que je ne pouvais pas évacuer.
Et donc j'ai fait deux essais, ce qui représente plusieurs mois de travail et à chaque fois ça ne marchait pas, je me rendais compte au bout de 70 pages que cela n'était pas convainquant.
J'ai donc complètement changé mon fusil d'épaule, il y a trois ans, et j'ai décidé de passer uniquement par le vrai et par des entretiens.
Donc je me suis lancé dans ce que les anglais appellent le « No fiction novel » à savoir un roman non fictionnel, avec des personnages qui sont en fait des personnes et des évènements qui sont vrais.

Philippe Chauveau :
Dans votre livre Fabrice Humbert où vous racontez donc votre famille, il n'y a pas de jugement de valeur, vous analysez, vous essayez de comprendre pourquoi les personnes prennent telle ou telle direction.
C'est aussi une façon pour vous de mieux vous comprendre ? Pensez-vous que pour savoir qui l'on est, il faut savoir d'où l'on vient ?

Fabrice Humbert :
Sans doute. Pour ma position j'ai effectivement été un observateur, en tant que témoin et en tant qu’enquêteur en quelques sorte, puisque j'ai écouté tous ces êtres et leurs destins lorsqu'ils ont bien voulu me les raconter.
Sans essayer de juger, mais avec une bienveillance certaine. Il se trouve que j'aime cette famille, et pour moi c'est un hommage, en particulier à ma grand-mère.

Philippe Chauveau :
Justement, je voulais insister sur ce point, parce que vous nous racontez dans ce livre, qu'au fil des décennies, avec les télescopages des évènements, les personnes prennent des directions opposés.
Mais il y a quand même une constante dans cette famille protestante, c'est cette difficulté à se parler, à se dire les choses, à se témoigner une certaine affection et vous êtes conscient qu'au fil des générations, cela perdure.

Fabrice Humbert :
Oui, ça reste, et je ne sais pas exactement d'où vient ce silence. Je pense qu'il y a plusieurs choses, parce que ma grand-mère était vraiment comme ça. Ne jamais se plaindre, ne jamais témoigner quoi que ce soit d'intime, avec une pudeur extrême.
Pareil pour son apparence, je n'ai jamais vu un mollet de ma grand-mère ! Je crois que c'était toute une génération déjà, qui était moins expansive que nous. Ensuite il doit y avoir à la fois un milieu social, et le protestantisme qui s'est ajouté à cela.
Donc il y a toujours l'idée de cette dignité en quelque sorte et puis de ce refus total de la plainte.

Philippe Chauveau :
Justement, puisque vous avez hérité de ce que je vais appeler une austérité, est-ce qu'il n'y a pas un peu d'impudeur à raconter votre famille comme ça ?

Fabrice Humbert :
Si vous voulez, le silence, moi, je l'ai en héritage, mais je ne dirais pas que c'est une bonne option de vie. Finalement, une des raisons pour lesquelles j'écris, c'est précisément parce que, comme je ne parlais pas, je me suis réfugié dans les livres.
Ce livre est une façon pour moi aussi de parler, c'est une façon d'exprimer mon affection pour ma famille, pour dire des choses aussi que je n'ai pas dites à ma grand-mère, me rendant compte évidemment trop tard, comme tous les petits-enfants, qu'il fallait l'aimer, lui montrer mon amour mais malheureusement je crois que c’est le lot de trop de petits enfants même quand ils ne sont pas protestants et ni austères.

Philippe Chauveau :
Chaque famille est un roman et à chacun de trouver sa place dans le roman de sa propre famille. « Eden utopie » votre actualité Fabrice Humbert. Vous êtes publié chez Gallimard, merci beaucoup !

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LE LIVRE
  • L'AVIS DU LIBRAIRE
  • En quelques années, Fabrice Humbert s'est imposé comme l'un des auteurs les plus talentueux de sa génération. Son deuxième roman « L'origine de la violence » paru en 2009 l'avait fait connaitre du grand public. Avec cette histoire d'un homme découvrant par hasard, en visitant un camp de concentration, sa parentèle juive, Fabrice Humbert avait déjà, sous couvert d'écriture romanesque, puisé dans le terreau familial.On ne s'étonnera donc pas qu'après avoir regardé du côté de l'histoire paternelle, il s'aventurât cette...Le monde n'existe pas de Fabrice Humbert - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Bonjour Fabrice Humbert. Je suis ravi de vous accueillir. On vous suit régulièrement sur WEBTVCULTURE depuis plusieurs années, mais je suis vraiment content de vous recevoir, parce qu'à chaque fois que je termine un de vos livres je me dis « quel talent et quel culot à la fois » !Vous savez toujours embarquer vos lecteurs dans des histoires où l'on se retrouve, où le lecteur se prend parfois une petite gifle. C'est le cas encore avec « Eden Utopie » que vous publiez chez Gallimard.C'est donc votre...Le monde n'existe pas de Fabrice Humbert - Portrait - Suite
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    Le Roi LivreParisMaïté BlatzJ'ai aimé ce roman car c'est une saga familiale. Fabrice Humbert a exploré et interrogé chaque membre de sa famille, oncle, tante… Il parle de lui-même, de son adolescence et reste à la limite du reportage. En même temps, comme chacun donne sa version des choses, on peut penser que c'est la vie d’une famille, et la vie d'une famille est aussi un roman.Alors, le point fort du roman, c'est de passer des années 1940 à la jeunesse de Fabrice Humbert, mais aussi l'évolution politique, l'évolution...Le monde n'existe pas de Fabrice Humbert - L'avis du libraire - Suite