Djaïli Amadou Amal est née en 1975 au Cameroun, et plus précisément dans cette partie de Sahel au nord-est du Cameroun où la tradition peul est encore bien établie. Musulmane, dans une famille où les filles ne sont pas censées avoir accès à la culture, la petite Djaïli découvre la lecture en cachette et, fascinée par le pouvoir des mots, elle décide qu’elle deviendra écrivain. Mais bien vite, sa scolarité est interrompue et on la marie de force à l’âge de 17 ans.
Dix ans plus tard, nouveau mariage, cette fois-ci avec...
Les impatientes de Djaïli Amadou Amal - Présentation - Suite
Philippe Chauveaux :
Bonjour Djaïli Amadou Amal.
Djaïli Amadou Amal :
Bonjour.
Philippe Chauveaux :
Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes dans l'actualité avec ce très beau roman aux éditions Emmanuelle Collas, Les Impatientes. On parle beaucoup de vous puisque vous avez obtenu à la fin de l'année 2020 le prix Goncourt des lycéens. On va reparler de ce livre, bien sûr, mais j'aimerais que nous fassions un petit peu plus connaissance. Vous êtes née au Cameroun d'un père camerounais, d'une mère...
Les impatientes de Djaïli Amadou Amal - Portrait - Suite
Philippe Chauveaux :
Les impatientes, qui sont elles, ces impatientes? Il y a trois femmes que nous allons découvrir, trois femmes qui ont des liens plus ou moins forts. Vous allez nous les présenter. Il y a Ramla, Hindou et Safira. Nous sommes au nord du Cameroun, dans cette région que vous connaissez bien, votre région de naissance d'origine. Nous allons découvrir la vie de ces femmes dans des concessions. Une première chose pour nous qui sommes Français, c'est quoi une concession au Cameroun?
Djaïli Amadou Amal :
Une...
Les impatientes de Djaïli Amadou Amal - Livre - Suite
Djaïli Amadou Amal
Les impatientes
Présentation 00'02'55"Djaïli Amadou Amal est née en 1975 au Cameroun, et plus précisément dans cette partie de Sahel au nord-est du Cameroun où la tradition peul est encore bien établie. Musulmane, dans une famille où les filles ne sont pas censées avoir accès à la culture, la petite Djaïli découvre la lecture en cachette et, fascinée par le pouvoir des mots, elle décide qu’elle deviendra écrivain. Mais bien vite, sa scolarité est interrompue et on la marie de force à l’âge de 17 ans.
Dix ans plus tard, nouveau mariage, cette fois-ci avec un homme violent. Elle parviendra à le quitter et refera sa vie. Dès lors, elle n’aura de cesse de prendre la plume pour être la voix de ces femmes bafouées et humiliées.
Un premier titre paru en 2010, Walaande, l’art de partager un mari lui permet d’aborder le thème de la polygamie. Ce livre lui permet de se faire connaitre au Cameroun et dans plusieurs pays d’Afrique. Une notoriété qui s’accroit avec son deuxième ouvrage, « Mistiirijo, la mangeuse d’âmes » publié en 2013.
Depuis, Djaïli Amadou Amal est incontournable dans le milieu culturel camerounais, tentant par son écriture et sa célébrité, de faire évoluer les mentalités et les traditions de son pays en matière de relations hommes-femmes. Parallèlement, elle a créé l’association « Femmes du Sahel » qui poursuit les mêmes objectifs.
En 2017 parait « Munyal, les larmes de la patience » qui connait le même succès que les précédents et obtient plusieurs prix.
Repéré par l’éditrice française Emmanuelle Collas, le livre est publié en France en 2020 sous le titre « Les Impatientes » et reçoit le prix Goncourt des lycéens.
Trois femmes, trois destins, trois souffrances. Ramla, Safira, Hindou, trois femmes confrontées à la violence psychologique et physiques des hommes. Trois femmes à qui l’on ne cesse de répéter qu’elles doivent être patientes, pour ne pas oser leur dire qu’elles doivent se résigner et subir, comme l’ont fait tant d’autres générations de femmes avant elles. Ramla, Safira, Hindou trouveront-elles la force, le courage, la détermination de se libérer et par là-même, d’ouvrir la voie à d’autres femmes.
Porté par une écriture subtile, pudique et littéraire, le roman de Djaïli Amadou Amal frappe au cœur et interpelle. Car au-delà de ces trois personnages, au-delà du sort des femmes du Sahel, c’est bien d’un sujet universel dont s’empare Djaïli Amadou Amal, la violence faite aux femmes, sujet qui dépasse largement les frontières de l’Afrique. Mais avec son écriture et ce roman, fort, Djaïli Amadou Amal nous rappelle aussi qu’en portant le monde, les femmes portent aussi la force de le changer.
« Les impatientes » de Djaïli Amadou Amal est publié aux éditions Emmanuelle Collas.
Djaïli Amadou Amal
Les impatientes
Portrait 00'07'45"Philippe Chauveaux :
Bonjour Djaïli Amadou Amal.
Djaïli Amadou Amal :
Bonjour.
Philippe Chauveaux :
Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes dans l'actualité avec ce très beau roman aux éditions Emmanuelle Collas, Les Impatientes. On parle beaucoup de vous puisque vous avez obtenu à la fin de l'année 2020 le prix Goncourt des lycéens. On va reparler de ce livre, bien sûr, mais j'aimerais que nous fassions un petit peu plus connaissance. Vous êtes née au Cameroun d'un père camerounais, d'une mère égyptienne. Et puis, il y a eu très vite cette envie de l'écriture, de la littérature. Comment découvrez-vous le livre ? Comment le livre fait son apparition dans votre vie ?
Djaïli Amadou Amal :
Le livre, je le découvre par hasard. Je suis né dans une petite ville et il n'y avait absolument pas de bibliothèque quand j'étais petite, j'ai trouvé un livre par hasard chez une amie expatriée. Et puis voilà, c'était devenu une obsession. Il fallait que j'en trouve à tout prix. Et pour cela, la petite musulmane que j'étais était prête à monter sur un arbre, à escalader le mur de l'Église catholique, rentrer à l'Église pour pouvoir trouver des livres parce que j'avais entendu parler qu'il y avait une petite bibliothèque. Et voilà, j'ai passé pratiquement toute mon enfance et mon adolescence à lire. Et c'est ça qui m'a donné cette ouverture sur le monde et la possibilité de regarder autour de moi et de me rendre compte que quelque chose n'allait pas.
Philippe Chauveaux :
Justement, cette ouverture sur le monde par le livre, vous avez quelques auteurs, quelques titres qui vous ont fait avancer, qui vous ont fait grandir et qui vous ont donné envie de prendre la plume à votre tour.
Djaïli Amadou Amal :
D'abord, j'ai lu tous les classiques français. Et puis, je suis tombée sur la littérature africaine et notamment des auteurs de l'Afrique de l'Ouest. Je me rappelle de deux romans particulièrement qui m'ont vraiment touchées, Une si longue lettre de Mariama Bâ et Sous l'orage de Seydou Badian. Immédiatement, je me suis rendu compte que ces livres traitaient de mon environnement, des problèmes qu'on avait chez nous et puis, il y avait quand même une prise de conscience, surtout sur le mariage précoce et forcé et sur la polygamie.
Philippe Chauveaux :
Ce sont des thèmes que vous allez aborder dès vos premiers titres, romans. On va y revenir, mais à quel moment vous sentez-vous autorisée ? Par ce que vous avez fait des études, vous avez eu d'autres envies avant l'écriture ? Ou vous vous êtes dit un matin je serais auteur.
Djaïli Amadou Amal :
Je pense que je ne me suis jamais posé la question. Lire, écrire, ça a toujours fait partie de ma vie. Je me rappelle que déjà, au collège, en cinquième, quatrième, mon plus grand plaisir était de découper mes cahiers, faire des carnets, écrire des histoires les illustrer et les offrir à mes meilleures amies. Ce qui fait donc que j'avais beaucoup de meilleures amies. Ce n'est pas arrivé d'un seul coup. Quand on me posait la question : "Qu'est-ce que tu veux faire plus tard ?". Ça a toujours été : "je veux être écrivain et journaliste". Pour moi, c'était que ça. Et puis tout s'est interrompu à l'adolescence, quand j'ai eu 17 ans. Je venais d'entrer au lycée et puis on décide de m'envoyer en mariage.
Philippe Chauveaux :
Et puis ensuite, il y a ce mariage forcé. Ce sont des thèmes que vous allez choisir dans votre écriture pour dénoncer ces faits de société. Walaande, l'art de partager un mari, c'est le premier titre en 2017. Après, il y a de Mistiriijo, la mangeuse d'âmes. Pardonnez-moi pour la prononciation. Il y a l'envie de dénoncer le sort des femmes de votre pays à travers ces titres.
Djaïli Amadou Amal :
Oui, j'ai été mariée de force. Je savais qu'il y avait quelque chose qui n’allait pas. Je me réfugiais dans la lecture d'abord. Et puis ensuite, j'ai eu des enfants. Mes filles commençaient à grandir et je me rendais compte simplement que si je ne faisais rien, elles seront envoyées également en mariage précoce et forcé, et je ne pourrais rien faire pour les protéger. Alors je me suis enfuie. En m'enfuyant, je savais déjà une chose il fallait que je trouve le moyen d'être une voix suffisamment forte pour me sauver moi-même. Mais également pour pouvoir être là quand mes enfants en auront besoin.
Philippe Chauveaux :
Je ne trahis aucun secret en rappelant qu'il y a eu deux mariages qui ont été catastrophiques en ce qui vous concerne. Aujourd'hui, vous avez un troisième époux et tout se passe bien. Mais avez-vous l'impression que l'écriture a été salvatrice pour vous ? Vous sentez-vous aujourd'hui investie d'une mission également, puisque vous le dites, vous êtes une voix. Est-ce que c'est pour vous, une sorte de mission pour toutes ces femmes qui ont connu le même sort que vous ?
Djaïli Amadou Amal :
Bien sûr, je dirais sans aucun doute que la littérature m'a sauvé la vie, dans le sens où d'abord, dans la lecture, j'ai pu trouver le moyen de pouvoir m'échapper, d'être par tout ou j'avais envie d'être, sauf où j'étais réellement. Quand j'ai commencé à écrire ça a été d'abord une thérapie pour moi-même. Mais ensuite voilà, être une voix suffisamment forte, une voix qui porte pour ces milliers de femmes qui vivent dans le Sahel, pas seulement dans le nord Cameroun, mais pratiquement dans tous les pays du Sahel. Il faut le rappeler, la condition des femmes reste la même. Aussi bien au nord Cameroun qu'au Tchad, Burkina Faso, Mali, Sénégal. Bref, dans tous ces pays du Sahel.
Philippe Chauveaux :
Vous le dites, vous êtes une voix, mais j'ai envie de rajouter que vous êtes aussi une plume parce qu'il y a un style. Il y a une écriture qui vous est propre. Aujourd'hui, au Cameroun, votre travail en tant qu'auteur est reconnu. Vous faites partie de ces personnalités qui comptent au Cameroun. C'est de la que découle la création de votre association, de votre fondation.
Djaïli Amadou Amal :
C'est deux travails, à la fois différents et qui se rejoignent. Quand j'ai publié mon premier roman, je me suis dit "OK, maintenant que tu as brisé les tabous, et que tu as dit les interdits et les choses, qu'est-ce que tu fais concrètement sur le terrain?". Et c'est comme ça que j'ai créé l'association, en 2012, pour parrainer les enfants, promouvoir l'éducation des filles, sensibiliser sur l'importance de continuer les études, sur comment se prémunir des violences, créer des bibliothèques, encourager les femmes à avoir des activités génératrices de revenus, etc. Mon premier roman, Walaande, a été inscrit au programme scolaire de mon pays. Ça, c'est quelque chose de très important, mais également permettre à toutes ces jeunes filles d'avoir un exemple positif. Si je suis arrivée vous pouvez y arriver aussi.
Philippe Chauveaux :
On parle de votre ouvrage avec ce fait que vous pointez du doigt le sort des femmes en Afrique et notamment au Sahel et au Nord Cameroun. Mais j'ai l'impression que votre écriture va bien au-delà parce que on parle des femmes africaines, certes. Mais votre écriture dénonce aussi toutes les violences faites aux femmes, que ce soit des violences physiques ou psychologiques. C'est peut être aussi en cela que votre écriture trouve résonance un peu partout dans le monde ?
Djaïli Amadou Amal :
C'était le but. Quand j'ai commencé à écrire ce roman, mon thème c'était les violences faites aux femmes. Les violences sont sous plusieurs formes, et c'est pour cela que j'ai choisi de décrire ces violences la par plusieurs voix de femmes. Les violences faites aux femmes, c'est un sujet universel, ça concerne tout le monde. Évidemment, c'est un sujet suffisamment important pour que l'on s'y attarde tous.
Philippe Chauveaux :
Votre livre qui a obtenu le prix Goncourt des lycéens, Les Impatientes, Djaïli Amadou Amal. Vous êtes publié aux éditions Emmanuelle Collas.
Djaïli Amadou Amal
Les impatientes
Livre 00'07'29"Philippe Chauveaux :
Les impatientes, qui sont elles, ces impatientes? Il y a trois femmes que nous allons découvrir, trois femmes qui ont des liens plus ou moins forts. Vous allez nous les présenter. Il y a Ramla, Hindou et Safira. Nous sommes au nord du Cameroun, dans cette région que vous connaissez bien, votre région de naissance d'origine. Nous allons découvrir la vie de ces femmes dans des concessions. Une première chose pour nous qui sommes Français, c'est quoi une concession au Cameroun?
Djaïli Amadou Amal :
Une concession, c'est tout simplement une maison, un foyer, un espace où vit une famille. La famille chez nous est plus élargie qu'en Occident. La famille, ce n'est pas que le père, la mère et les enfants. La famille c'est le père, la mère, les co-épouses, les frères, les demi-frères et sœurs, mais également plus large. Tous ceux qui vivent à côté. Ce sont des frères eux mêmes qui ont construit leur propre famille et qui vivent toujours côte à côte dans cet espace. Donc, il y a les oncles, les tantes, les épouses des oncles, les cousins et cousines, etc. La concession, c'est tout simplement l'espace, la maison dans laquelle on vit. Et les femmes ne vivent pas avec les hommes. Même les pères ont un espace bien à eux et généralement, ils peuvent encore accepter un tout petit peu les garçons. Les filles vivent tout simplement avec leur mère. Et puis, tout ce beau monde évolue sans se parler, sans se côtoyer vraiment.
Philippe Chauveaux :
C'est ce que vous décrivez dans le livre, c'est que tout est très cloisonné dans ces concessions. Justement, vous allez entrouvrir un peu la porte de ces concessions. Nous allons faire la connaissance de ces trois femmes au parcours bien différents. Il y a Ramla qui a des envies d'étudier. Elle a envie de travailler. Elle voudrait être pharmacienne. Elle est amoureuse d'un jeune homme. Oui, mais voilà, son père, son oncle et même l'ensemble de la famille ont décidé pour elle d'un autre mariage. Je précise que ce n'était pas un roman autobiographique, même si vous avez vécu cette histoire. Mais vous racontez surtout l'histoire de centaines de femmes de votre de votre pays. Qui est elle, Ramla?
Djaïli Amadou Amal :
Je le dis en début de roman, ce n'est pas une autobiographie, certes, mais c'est un roman inspiré de faits réels. Je me suis inspirée de ma propre histoire, mais je me suis également inspiré de l'histoire de tout mon entourage et pratiquement toute ma société. Ramla, c'est une jeune fille qui peut, quelque part, me ressembler un tout petit peu, qui a des rêves, qui a un amoureux. Et puis, on décide de donner un mariage à quelqu'un de puissant, un homme qui avait déjà une autre épouse, qui a des enfants de son âge. Et puis, personne ne lui demande son avis. C'est son oncle qui décide de la donner en mariage. Parce que tout simplement, dans cette partie de l'Afrique, un enfant n'est pas que l'enfant de sa famille ou l'enfant de ses parents. Un enfant est l'enfant de toute la communauté et de tous ces oncles et chacun pouvait avoir le droit de donner un mariage et de décider de son sort, tout simplement. Ramla va essayer de se révolter, mais comme d'habitude, le mariage se passe toujours par la persuasion et par le chantage affectif. Voilà Ramla embarquée dans une histoire de mariage précoce et forcé. Toute sa famille lui donne un seul et même conseil, toutes les femmes de son entourage : "munyal", supporte, patiente. Mais quand on a une femme en Afrique, patiente, c'est tout simplement accepte tout, supporte tout, soumets toi surtout sans te plaindre pour le bonheur de toute ta famille, sauf le tien, évidemment.
Philippe Chauveaux :
La patience serait synonyme de résignation dans ce cas là.
Djaïli Amadou Amal :
La patience est censée être l'une des valeurs fondamentales de notre culture peule, mais aussi de finalement toutes les cultures du monde. Mais là, elle devient tout simplement l'outil qui sert à obliger les femmes à se soumettre et à accepter, à s'y résigner.
Philippe Chauveaux :
Hindou c'est une autre souffrance qu'elle va subir dans sa concession, avec ce viol conjugal, avec son mari qui s'emporte et qui ne la respecte pas du tout.
Djaïli Amadou Amal :
Hindou, c'est une jeune fille plus calme, plus résignée, qui n'a pas tendance à vraiment vouloir se battre et se révolter. On décide tout simplement de la marier à Muburak. Elle ne le veut pas, c'est son cousin. Elle sait que c'était un jeune homme drogué, alcoolique, violent, qui n'est pas bien du tout. Mais elle ne peut rien dire. Sa maman non plus. Et puis, évidemment, à elle aussi on lui donnera un seul et même conseil : "munyal", accepte tout, soumets toi, patiente quand tu subis le viol. Patiente quand ton mari te bas, et que finalement, toute la famille est au courant, mais personne ne veut parler. Patiente, quand il te trompe et qu'il amène une autre femme dans la concession et qu'il ne faut absolument rien dire. Patiente parce que finalement, quand tu commences à faire des maladies psychosomatiques, ce n'est pas à cause de lui et ce n'est pas à cause des violences, c'est tout simplement le mauvais sort qui te hante, etc.
Philippe Chauveaux :
Et puis, il y a ce troisième personnage, c'est Safira. C'est encore une autre version de ces souffrances.
Djaïli Amadou Amal :
Safira, c'est un personnage est assez intéressant, peut être même c'est mon préféré, je dirais. Safira, c'est la co-épouse de Ramla. Tout de suite, quand on rentre dans le roman, on a de la sympathie pour Ramla. Maintenant, on a le regard de la co-épouse, celle qui voit arriver une autre. Une fille qui a l'âge de ses filles, qui va prendre sa place, qui devient la favorite de l'époux. Mais également, ça va plus loin que ça. Ce n'est pas que sa place d'épouse, mais finalement toute sa place dans la société que Ramla prend. Mais Safira refuse de se résigner, de patienter. Elle devient une femme impatiente, se bat jusqu'au bout pour avoir sa place.
Philippe Chauveaux :
Vous vous faites dire à l'une de vos héroïnes : "Il est difficile le chemin de vie des femmes, ma fille. Ils sont bref, les moments d'insouciance. Nous n'avons pas de jeunesse. Nous ne connaissons que très peu de joie. Nous trouvons le bonheur que là où nous le cultivons. A toi de trouver une solution pour rendre ta vie supportable. Mieux encore, pour rendre ta vie acceptable. C'est ce que j'ai fait, moi, durant toutes ces années. J'ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs." Les impatientes, c'est ce que vous conseillez aux femmes de ne plus écouter ce terme, soit patientes, soit patientes. Il faut devenir patient lorsqu'on est une femme là bas, au Cameroun.
Djaïli Amadou Amal :
Bien ce que je peux dire aux femmes, pour répondre à cette question, c'est tout simplement utiliser un proverbe peul : s'enfuir pour sauver sa peau c'est une forme de courage.
Philippe Chauveaux :
Un très grand merci Djaïli Amadou Amal pour ce beau roman. Et puis bravo pour ce prix Goncourt des lycéens 2020. Ce livre est une grande réussite, un vrai coup de cœur. Le livre est publié aux éditions Emmanuelle Collas. Merci beaucoup.
Djaïli Amadou Amal :
Merci.