En 25 ans, Bernard Werber a construit un univers littéraire bien à lui, mêlant science, écriture romanesque, aventures, spiritualité et parfois même mythologie et écologie.C'est dans le journalisme scientifique s'est d'abord fait connaitre. Par envie de liberté et d’indépendance, il s'essaie au roman avec le succès que l’on sait.
Son premier livre « Les fourmis » en 1991 fut un réel phénomène littéraire et depuis, l'engouement pour le travail de Bernard Werber ne s'est jamais démenti, en France comme à...
Le livre, cadeau idéal ? de Bernard Werber - Présentation - Suite
Philippe Chauveau : Bonjour Bernard Werber !
Bernard Werber : Bonjour !
Philippe Chauveau : Merci d'avoir accepté notre invitation. Votre actualité chez Albin Michel, c'est « Le sixième sommeil ». Que de chemin parcouru depuis « Les Fourmis », c'était en 1991 : des dizaines d'ouvrages publiés avec le succès que l'on connaît, traduits dans une vingtaine de langues je crois. Si vous vous retournez de temps en temps, si tenté que vous le fassiez d'ailleurs, est-ce qu'il y a une image qui revient comme ça de toutes...
Le livre, cadeau idéal ? de Bernard Werber - Portrait - Suite
Philippe Chauveau : Dans ce nouveau titre Bernard Werber, nous allons faire connaissance avec Jacques Klein mais nous allons aussi faire connaissance avec sa mère Caroline et puis avec son père qui est navigateur, et puis surtout nous allons faire connaissance avec le monde du sommeil et le monde du rêve. Est-ce la première fois finalement, dans tous les romans que vous nous avez offert, que vous vous penchez aussi profondément sur les rêves et sur le sommeil ou est-ce quelque chose qui vous travaille depuis un petit...
Le livre, cadeau idéal ? de Bernard Werber - Livre - Suite
Bernard Werber
Le sixième sommeil
Présentation 1'48En 25 ans, Bernard Werber a construit un univers littéraire bien à lui, mêlant science, écriture romanesque, aventures, spiritualité et parfois même mythologie et écologie.
C'est dans le journalisme scientifique s'est d'abord fait connaitre. Par envie de liberté et d’indépendance, il s'essaie au roman avec le succès que l’on sait.
Son premier livre « Les fourmis » en 1991 fut un réel phénomène littéraire et depuis, l'engouement pour le travail de Bernard Werber ne s'est jamais démenti, en France comme à l’étranger puisqu’il est traduit en une vingtaine de langues.
Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Ce sont les trois questions qui font avancer l'auteur du « Rire du cyclope » et par ses romans, il invite le lecteur à s'interroger à son tour. Vigilant sur notre monde, notre planète et nos comportements, Bernard Werber veut, à sa façon, participer à la réflexion sur notre avenir commun.
Avec son nouveau roman « Le sixième sommeil », il s'intéresse cette fois-ci au monde du rêve et nous rappelle que le sommeil représente un tiers de notre vie. Quant aux rêves, s'appuyant sur la recherche scientifique mais aussi sur les traditions séculaires de certaines peuplades de Malaisie, ils seraient selon Bernard Werber, un univers parallèle qui aurait beaucoup à nous apprendre sur nous-mêmes et notre rapport à l'univers.
Ecrit comme un grand roman d’aventures, le nouveau livre de celui à qui l'on doit aussi « Le miroir de Cassandre » ou « Troisième humanité » se dévore de la première à la dernière page et pourrait bien vous empêcher de dormir tant il interpelle et interroge.
Etes-vous prêt à relever le défi du 6ème sommeil et de tout ce qu'il pourrait vous révéler ?
« Le sixième sommeil » de Bernard Werber aux éditions Albin Michel.
Bernard Werber
Le sixième sommeil
Portrait 5'39Philippe Chauveau : Bonjour Bernard Werber !
Bernard Werber : Bonjour !
Philippe Chauveau : Merci d'avoir accepté notre invitation. Votre actualité chez Albin Michel, c'est « Le sixième sommeil ». Que de chemin parcouru depuis « Les Fourmis », c'était en 1991 : des dizaines d'ouvrages publiés avec le succès que l'on connaît, traduits dans une vingtaine de langues je crois. Si vous vous retournez de temps en temps, si tenté que vous le fassiez d'ailleurs, est-ce qu'il y a une image qui revient comme ça de toutes ces années ?
Bernard Werber : Alors peut-être mon premier passage à la télévision qui était un instant que j'ai très mal vécu. C'était une émission littéraire, c'était « Caractères ». Et quand Bernard Rapp m'a posé la question, je ne l'ai pas comprise. Au fait il m'a dit : « Est-ce que vous croyez qu'un jour les Hommes et les fourmis vont schhleuflfcheuuf... ? » et à partir de là j'étais perdu j'ai dit : « oui ». Et lui, il a enchaîné sur : « vous êtes vraiment sûr ? » et là j'ai eu l'impression que le sol s'ouvrait, j'ai dit : « oui » en me demandant quelle était la question et donc c'était un premier contact un peu surprenant. Je me suis dit : « ouh la la, y'a des millions de gens qui me regardent » et je n'ai jamais écouté la question donc je ne sais pas ce qu'il me posait comme question mais en tout cas, c'était un instant de grande solitude, voilà.
Philippe Chauveau : Vous-même, puisque vous évoquez Bernard Rapp, vous même vous avez été journaliste, dans un autre domaine puisque vous étiez journaliste scientifique mais puisque nous avons déjà eu l'occasion d'échanger à ce sujet, je sais que l'écriture, l'envie d'écrire des romans, c'est une espèce de frustration par rapport au journalisme parce que justement vous aviez l'impression de ne pas pouvoir vous exprimer suffisament. C'est un peu ça l'idée ?
Bernard Werber : Oui c'est un peu ça l'idée. Quand on est journaliste, on est tenu à ce que le papier tienne dans une page ou dans deux pages. Et le grand avantage quand on est romancier, on peut faire 300, 500, 1000 pages. Quand on est journaliste, on est comme un petit moineau qui fait des petits bonds ou des petits vols et quand on est écrivain on est un albatros qui plane tranquille et il y a un sentiment de liberté et de...
Philippe Chauveau : D'indépendance ?
Bernard Werber : Oui, d'indépendance. Il y a un plaisir de s'envoler avec les mots qui est beaucoup plus fort quand on est écrivain que quand on est journaliste.
Philippe Chauveau : Quelles sont vos influences lorsque vous étiez peut-être adolescent ou jeune adulte ? Est-ce qu'il y a des auteurs, des titres peut-être même de romans qui, consciemment ou non vous ont donné envie d'écire ?
Bernard Werber : Moi j'avais découvert en premier Edgar Poe et en second après c'était Jules Verne. Mais tout spécialement, je me rappelle de l'émotion quand j'avais lu le livre « L'Ile Mystérieuse » et quand j'ai lu « L'Ile Mystérieuse » il s'est passé une chose, c'est que le monde normal – l'école, la famille - tout avait disparu, tout ce qui m'intéressait c'est ce qui allait arriver au personnage et ma journée n'était tournée que vers : « Vite, rentrons à la maison pour retrouver le livre ». Et donc j'ai découvert le pouvoir addictif d'un roman. Par la suite, j'ai lu tout Jules Verne et puis après j'ai découvert tout Asimov. Enfin, y'a eu une succession comme si c'était des papas bienveillants qui me racontaient des histoires et qui m'apportaient énormément d'énergie. Et c'est après peut-être, parce que j'ai reçu cet énorme cadeau de Jules Verne, d'Asimov, de Philip K. Dick, de Frank Herbert, que j'ai eu envie de le restituer.
Philippe Chauveau : Et vous-même aujourd'hui, lorsque vous regardez votre bibliographie, y'a-t-il un fil rouge, un fil conducteur dans toutes ces histoires ? Parce que vos sujets sont souvent très variés, très divers. Mais est-ce qu'il y quand même un point commun qui relie toutes ces productions littéraires ?
Bernard Werber : Le point commun, c'est comprendre moi, ce qu'est l'être humain, qui je suis, ce que je fais là et ce que l'humanité, et moi accessoirement, on va devenir. Pour comprendre ces choses là, qui semblent évidentes mais qui à mon avis ne le sont pas, il faut se sortir du système. Donc pour comprendre l'humanité, il fallait le point de vue des fourmis ou des anges ou des dieux ou des extraterrestres ou des arbres et pour me comprendre moi-même il fallait que je me mette dans la peau d'une femme comme c'était le cas dans « Le Miroir de Cassandre », dans la peau d'un vieillard ou dans la peau d'un animal. Et je crois à ça. C'est-à-dire que c'est de la philosophie par le point de vue extérieur.
Philippe Chauveau : Pourtant j'ai l'impression que lorsque vous écrivez, vous avez toujours le souci de l'échange, du partage avec vos lecteurs. Parce qu'on sent très bien que dans vos livres, au-delà de l'intrigue que vous créez, on sent tout de suite que vous dites au lecteur : « interrogez-vous ».
Bernard Werber : Mon plaisir est de me dire : « tiens, en posant cette question je vais déstabiliser le lecteur qui du coup va passer par une période de doute qui va aboutir à un saut qualitatif. Il va se dire : « finalement, le monde dans lequel je me contentais n'est pas suffisant, il faut que j'aille voir ailleurs ». C'est plus que de l'évasion, c'est de l'ambition de s'élever et j'écris pour transformer mes lecteurs. Et à aucun moment je ne me dis : « pourvu que les gens trouvent ça bien écrit ou joli ou... ». Pour moi, l'objectif c'est que pourvu que je change mon lecteur et qu'à partir de là il ait de nouveaux outils pour être encore meilleur et que mes lecteurs aient un plus par rapport à ceux qui ont pas lu le livre.
Philippe Chauveau : On le sait, que ce soit en salon, en librairie... Vous êtes toujours très attendu, vous avez un succès et vous avez un échange vraiment très important avec vos lecteurs : vous aimez ce moment de rencontres et de contact. Comment expliquez vous ce succès qui ne se dément pas au fil des années. Est-ce que justement vous avez pris une place qu'aucun auteur, qu'aucun écrivain n'avait pris jusqu'à présent ?
Bernard Werber : Je ne sais pas pourquoi ce miracle a lieu. Ce que je sais, c'est que si il a eu lieu, j'ai envie de le reproduire et d'aller plus loin et de ne pas décevoir les gens en trouvant tout le temps des sujets originaux, c'est-à-dire ne pas me répéter et ne pas aller vers la facilité. Je crois que j'écris pour les gens qui ont envie de bouger, qui ont envie de changer, qui ont envie de changer le monde et qui se posent des questions existentielles peut-être ou en tout cas des questions métaphysiques sur qu'est-ce qu'ils foutent là.
Philippe Chauveau : Votre actualité Bernard Werber chez Albin Michel, « Le sixième sommeil ».
Bernard Werber
Le sixième sommeil
Livre 6'39Philippe Chauveau : Dans ce nouveau titre Bernard Werber, nous allons faire connaissance avec Jacques Klein mais nous allons aussi faire connaissance avec sa mère Caroline et puis avec son père qui est navigateur, et puis surtout nous allons faire connaissance avec le monde du sommeil et le monde du rêve. Est-ce la première fois finalement, dans tous les romans que vous nous avez offert, que vous vous penchez aussi profondément sur les rêves et sur le sommeil ou est-ce quelque chose qui vous travaille depuis un petit moment ?
Bernard Werber : Alors, moi j'avais fait un grand reportage sur les rêves quand j'étais journaliste scientifique et notamment sur ce peuple des Senoïs en Malaisie qui passe son temps à rêver, à commenter les rêves et j'avais découvert le rêve lucide, c'est-à-dire où on prend conscience dans le rêve qu'on rêve et où on prend le contrôle des décors et des personnages, on devient le metteur le scène de son propre rêve. Donc ça fait longtemps que je m'intéressais à ça, j'ai pratiqué moi-même du rêve lucide. C'est assez compliqué à faire mais c'est très réjouissant, c'est comme si on se créait son film juste avec son imaginaire. Et à partir de là, je m'étais dis : « un jour je ferais un roman sur les rêves, mais qui sorte des romans habituels » parce que je crois que le thème des rêves a été en quelque sorte abusé et par le cinéma et par la littérature. Donc je me suis dit que la manière la plus intéressante d'en parler, c'est d'en parler d'une manière scientifique - qu'est-ce qui se passe réellement dans notre cerveau au moment où on rêve ? - et d'en parler en expliquant... Le monde du sommeil, on passe un tiers de notre vie à dormir, 30 ans dans une vie censé faire 90 ans donc c'est quand même très important. Et ce temps n'est pas du temps perdu, c'est un moment où on se reconnecte à soi-même, c'est un moment où on échappe à la physique, aux lois du temps... On est libre. Le seul moment où on est vraiment libre, c'est quand on rêve. Le reste du temps, on est toujours un peu conditionné par l'entourage. Et je me suis dit : « tiens, imaginons un personnage, Jacques Klein, qui maîtrise le rêve lucide et qui utilise cet espace spécifique pour discuter avec l'homme qu'il va devenir dans le futur, donc son vieux lui-même, mais aussi pour discuter avec l'homme qu'il a été dans le passé, donc l'enfant qu'il a été ».
Philippe Chauveau : Et puis j'ai été intrigué aussi par le titre parce qu'on connaît les cinq moments du sommeil, la hiérarchie des cinq sommeils. Mais le sixième, alors celui-ci vous l'avez inventé le sixième sommeil ? Ou il existe ?
Bernard Werber : Déjà ce qui peut être intéressant c'est de rappeler les cinq premiers niveaux. Donc il y a le sommeil léger, le sommeil moyen, le sommeil profond, le sommeil très profond, ça c'est une nuit normale. Après, il y a le sommeil paradoxal. Le sommeil paradoxal, c'est le moment où notre corps est paralysé et où notre cerveau fonctionne d'une manière encore plus forte que la normale. Donc c'est un paradoxe : pourquoi notre corps dort alors que notre esprit est très vif ? Au fait c'est le moment, le sommeil paradoxal, où on fait le maximum de rêve et c'est aussi le moment où chez les hommes, il y a une érection, c'est aussi le moment où il y a un sentiment de liberté et c'est le moment où on se ressource. C'est le sommeil paradoxal, ça dure dix minutes. Donc j'ai juste imaginé que pendant ces dix minutes il soit possible d'aller encore plus profondément et d'aller dans un sommeil encore plus paradoxal, où le corps est encore plus paralysé et où le cerveau fonctionne de manière encore plus forte. Et ce sixième sommeil, au fait c'est un peu ce que les sages en Inde appellent le nirvana, c'est-à-dire c'est un endroit où on échappe entièrement à la matière et où on est plus dans son corps, on est un pur esprit et, étant pur esprit, on peut faire tout ce qu'on veut et on n'est plus coincé par la chronologie du passé, du présent et du futur : notre esprit est libre dans l'espace et dans le temps.
Philippe Chauveau : A la fin du roman, vous proposez au lecteur quelques pages vierges et vous invitez le lecteur à écrire ses rêves. Vous-même c'est un exercice auquel vous vous astreignez tous les matins ?
Bernard Werber : Oui, il y a toute une discipline pour utiliser son temps de sommeil. L'une d'entre elles consiste à mettre... Je mets mon smartphone dans le lit pour observer mes cycles de sommeil, précisément ces courbes de 90 minutes et de 10 minutes. Et la deuxième c'est : j'utilise aussi mon smartphone tous les matins pour noter mon rêve.
Philippe Chauveau : Ce que je disais toute à l'heure se vérifie aussi avec « Le sixième sommeil », c'est qu'à la fois il y a le plaisir de la lecture avec les personnages, l'intrigue et puis on apprend énormément de choses. Est-ce vrai que lorsque vous parlez de Caroline Klein, qui elle-même est chercheuse en sommeil et en rêves, est-ce que les chercheurs travaillent un peu comme dans le roman ou là est-ce sorti de l'imagination fertile de Bernard Werber ?
Bernard Werber : Il n'y a pas de laboratoires qui ont autant de moyens que celui que je cite dans mon roman. Tout simplement parce qu'en France il y a un problème d'argent pour les labos et qu'en général la recherche est plus financée par les vendeurs de somnifères que par ceux qui cherchent à maîtriser le rêve parce qu'il n'y a pas de marché autour de ça. J'ai rencontré récemment des dirigeants de service de recherche du sommeil et du rêve et tous me disent : « on aimerait bien faire comme dans ton bouquin, malheureusement on manque de moyens ». Donc pour répondre à votre question, pour l'instant non, il n'y a pas beaucoup d'argent investi dans l'étude du sommeil, du rêve même si c'est en France que l'on a découvert le sommeil paradoxal. C'est Michel Jouvet, donc en 1959 qui a découvert ce stade particulier.
Philippe Chauveau : Y'a-t-il beaucoup de points communs entre Bernard Werber et Jacques Klein, le héros du roman ?
Bernard Werber : Je mets toujours un peu de moi dans mes personnages, tout simplement pour leur donner un peu de consistance et pouvoir transmettre des petites anecdotes que les gens ne connaissent pas. L'un des points communs est peut-être le fait que quand je commence à étudier un sujet scientifique, ce sujet m'obsède et que, tant que je n'ai pas trouvé une réponse adéquate, je vais aller dans tous les labos, voyager, discuter jusqu'à ce que j'ai un début de réponse satisfaisant.
Sinon, mon héros – la plupart de mes héros – sont toujours beaucoup plus extrèmes, beaucoup plus courageux, prennent beaucoup plus de risque que j'en prends moi parce qu'après tout la vie d'écrivain est plutôt une vie tranquille et je ne me vois pas partir en Malaisie affronter des tribus plus ou moins hostiles, ni combattre des malaisiens plus ou moins fous comme c'est le cas de mon héros. Et c'est peut-être nécessaire que pour écrire bien un roman avec beaucoup d'action, il faut un écrivain qui soit complètement serein et calme.
Philippe Chauveau : Votre actualité Bernard Werber, ça s'appelle « Le sixième sommeil », c'est publié chez Albin Michel. Merci beaucoup.
Bernard Werber : Merci à vous.