La littérature, Caroline Sers est tombée quand elle était petite. Les livres faisaient vraiment partie de la famille ! C'est donc tout naturellement qu'elle s'est mise à la lecture puis à l'écriture. Après des études de lettres, elle intègre les métiers de l'édition avant de publier son 1er titre « Tombent les avions », en 2004, qui recevra le Prix du Premier roman. Après une incartade dans le polar avec « Des voisins qui vous veulent du bien », elle poursuit son parcours littéraire avec notamment « Les petits...
Les belles espérances de Caroline Sers - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :Caroline Sers,bonjour. Merci de nous accueillir chez vous, en plein cœur de Paris, dans le XXème arrondissement, c'est un quartier que vous aimez bien. Vous êtes née en Corrèze mais vous avez toujours vécu à Paris. Qu'est-ce que cela représente pour vous aujourd'hui lorsque vous vous baladez à Paris ou lorsque vous allez flâner au Père Lachaise, puisque vous êtes à deux pas. Vous avez l'âme parisienne ?Caroline Sers :Je pense avoir l'âme parisienne. J'adore me promener dans cette ville. A chaque fois que...
Les belles espérances de Caroline Sers - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :« Le regard de crocodile », c'est votre nouveau titre, Caroline Sers, publié chez Buchet-Chastel. Il y avait eu « Tombent les avions » et « Des voisins qui vous veulent du bien » ; on était alors dans l'univers du roman. Là, vous nous avez offert un récit. Vous nous retracez une période de votre vie, avec la mort de Thomas, votre enfant, après plusieurs mois de maladie. Il a été 2 jours chez vous, sinon, le reste s'est passé à l'hôpital. Alors que votre travail était dans le roman, pourquoi avoir eu...
Les belles espérances de Caroline Sers - Le livre - Suite
Caroline Sers
Le regard de crocodile
Présentation 1'21La littérature, Caroline Sers est tombée quand elle était petite. Les livres faisaient vraiment partie de la famille ! C'est donc tout naturellement qu'elle s'est mise à la lecture puis à l'écriture. Après des études de lettres, elle intègre les métiers de l'édition avant de publier son 1er titre « Tombent les avions », en 2004, qui recevra le Prix du Premier roman. Après une incartade dans le polar avec « Des voisins qui vous veulent du bien », elle poursuit son parcours littéraire avec notamment « Les petits sacrifices ». Mais sa propre existence la rattrape. Son enfant, Thomas, décèdeà l'âge de 8 mois. Difficile dans ces conditions de reprendre la plume après une telle épreuve. Caroline Sers décide alors de raconter la vie et le combat de ce petit homme dans ce livre « Le regard de crocodile » publié aux éditions Buchet Chastel. Un texte court, sobre, sans pathos, à la fois bouleversant et lumineux pour raconter au quotidien l'histoire de Thomas. Un récit où alternent des moments douloureux, des sentiments d'injustice mais aussi des émotions, des instants simples de joie et de bonheur. Un livre de vie avant tout ! Et surtout, avec ce témoignage, Caroline Sers s'offre la possibilité de retourner ensuite, vers le roman.
« Le regard de crocodile » de Caroline Sers aux éditions Buchet Chastel.
Caroline Sers nous reçoit chez elle, à Paris, pour WTC.
La littérature, Caroline Sers est tombée quand elle était petite. Les livres faisaient vraiment partie de la famille ! C'est donc tout naturellement qu'elle s'est mise à la lecture puis à l'écriture. Après des études de lettres, elle intègre les métiers de l'édition avant de publier son 1er titre « Tombent les avions », en 2004, qui recevra le Prix du Premier roman. Après une incartade dans le polar avec « Des voisins qui vous veulent du bien », elle poursuit son parcours littéraire avec notamment « Les petits sacrifices ». Mais sa propre existence la rattrape. Son enfant, Thomas, décèdeà l'âge de 8 mois. Difficile dans ces conditions de reprendre la plume après une telle épreuve. Caroline Sers décide alors de raconter la vie et le combat de ce petit homme dans ce livre « Le regard de crocodile » publié aux éditions Buchet Chastel. Un texte court, sobre, sans pathos, à la fois bouleversant et lumineux pour raconter au quotidien l'histoire de Thomas. Un récit où alternent des moments douloureux, des sentiments d'injustice mais aussi des émotions, des instants simples de joie et de bonheur. Un livre de vie avant tout ! Et surtout, avec ce témoignage, Caroline Sers s'offre la possibilité de retourner ensuite, vers le roman.
« Le regard de crocodile » de Caroline Sers aux éditions Buchet Chastel.
Caroline Sers nous reçoit chez elle, à Paris, pour WTC.
Caroline Sers
Le regard de crocodile
Portrait 4'11Philippe Chauveau :
Caroline Sers,bonjour. Merci de nous accueillir chez vous, en plein cœur de Paris, dans le XXème arrondissement, c'est un quartier que vous aimez bien. Vous êtes née en Corrèze mais vous avez toujours vécu à Paris. Qu'est-ce que cela représente pour vous aujourd'hui lorsque vous vous baladez à Paris ou lorsque vous allez flâner au Père Lachaise, puisque vous êtes à deux pas. Vous avez l'âme parisienne ?
Caroline Sers :
Je pense avoir l'âme parisienne. J'adore me promener dans cette ville. A chaque fois que je prends ma moto pour aller travailler dans le centre de Paris, je me dis que j'ai beaucoup de chance de vivre ici parce que c'est magnifique.
Philippe Chauveau :
Pensez-vous que le fait d'avoir toujours vécu à Paris a pu vous influencer dans votre choix de travailler dans l'univers du livre, et peut-être d'écrire ?
Caroline Sers :
Je ne suis pas sûre que ce soit le fait de vivre à Paris qui m'ait donné envie de travailler dans l'univers du livre. C'est plus une tradition familiale. Mon père lisait beaucoup, écrivait aussi, mes oncles également. On a été élevé dans une ambiance où les livres étaient très importants. Je pense que c'est plus cela qui a porté mon goût vers les livres.
Philippe Chauveau :
Vous avez eu le goût de la lecture très jeune. L'envie d'écrire est-elle aussi venue très tôt ?
Caroline Sers :
En fait, oui ! J'adorais lire et rapidement, j'ai commencé à écrire des petites histoires parce que j'avais envie de construire un petit monde et je me disais que si j'écrivais, j'écrirais le livre que j'aurais envie de lire, essayer de créer le livre parfait, à tous points de vue. Donc,petite, j'ai fait beaucoup de tentatives.
Philippe Chauveau :
Ensuite, vous avez fait des études de lettres, vous avez travaillé dans le monde de l'édition. Aujourd'hui, votre actualité, c'est « Le regard de crocodile » publié aux éditions Buchet-Chastel. C'est un peu à part par rapport à ce que vous avez écrit jusqu'à présent car c'est un récit, qui vous touche de près. Mais sinon, c'est le roman. Il y a eu en 2004, « Tombent les avions » qui a été Prix du 1er roman. C'est une histoire de famille, des secrets de famille vus par les yeux d'un enfant, vous avez fait aussi une petite incursion dans le polar…
Caroline Sers :
Oui, en 2009 avec « Des voisins qui vous veulent du bien »
Philippe Chauveau :
Si vous deviez donner un adjectif ou une expression concernant votre style, ce que vous avez envie d'offrir aux lecteurs, comment définiriez-vous votre travail ?
Caroline Sers :
J'aime beaucoup les histoires de famille et j'aime beaucoup les personnages, suivre un personnage, comprendre ses motivations. Je pense avoir un style un peu classique. Moi, j'ai adoré les grands romanciers du XIXème siècle, par exemple, même si je ne prétends pas être arrivée à leur maîtrise !
Philippe Chauveau :
Quels sont ceux qui vous ont accompagnée ?
Caroline Sers :
Surtout Zola que j'ai toujours adoré. Bien que ce ne soit pas mon époque, le côté « ancré dans la vie réelle » de ses personnages, j'ai toujours trouvé que c'était passionnant. Et puis, ses personnages sont vraiment faits de chair et d'os, on est avec eux, on les suit. Victor Hugo aussi, évidemment. J'aime beaucoup Barbey d'Aurevilly et Maupassant.
Philippe Chauveau :
Quel est le roman que vous auriez aimé écrire, toutes époques confondues d'ailleurs ?
Caroline Sers :
J'aurais adoré écrire la saga des Rougon-Macquart parce que j'aime bien le côté « saga », le fait de retrouver des personnages de livre en livre, cette façon de tisser petit à petit tout un réseau et de créer tout un monde.
Philippe Chauveau :
Lorsque vous êtes devant votre page blanche, ou tout du moins votre écran d'ordinateur, que ressentez-vous, qu'éprouvez-vous ?
Caroline Sers :
Le plus difficile, c'est de s'asseoir à sa table et de s'y mettre. C'est assez paradoxal parce que l'on fait tous ça pour le plaisir, et en même temps, c'est toujours un effort de s'y mettre. Cette notion d'effort, on la retrouve chez beaucoup d'auteurs. J'essaie d'écrire toujours à la même heure, tous les matins, d'en faire un rendez-vous régulier. Une fois que j'y suis, cela apporte une certaine plénitude. C'est curieux cette impression de concrétiser, de rendre vivant ce que l'on a en tête. C'est satisfaisant !
Philippe Chauveau :
Merci Caroline Sers.
Philippe Chauveau :
Caroline Sers,bonjour. Merci de nous accueillir chez vous, en plein cœur de Paris, dans le XXème arrondissement, c'est un quartier que vous aimez bien. Vous êtes née en Corrèze mais vous avez toujours vécu à Paris. Qu'est-ce que cela représente pour vous aujourd'hui lorsque vous vous baladez à Paris ou lorsque vous allez flâner au Père Lachaise, puisque vous êtes à deux pas. Vous avez l'âme parisienne ?
Caroline Sers :
Je pense avoir l'âme parisienne. J'adore me promener dans cette ville. A chaque fois que je prends ma moto pour aller travailler dans le centre de Paris, je me dis que j'ai beaucoup de chance de vivre ici parce que c'est magnifique.
Philippe Chauveau :
Pensez-vous que le fait d'avoir toujours vécu à Paris a pu vous influencer dans votre choix de travailler dans l'univers du livre, et peut-être d'écrire ?
Caroline Sers :
Je ne suis pas sûre que ce soit le fait de vivre à Paris qui m'ait donné envie de travailler dans l'univers du livre. C'est plus une tradition familiale. Mon père lisait beaucoup, écrivait aussi, mes oncles également. On a été élevé dans une ambiance où les livres étaient très importants. Je pense que c'est plus cela qui a porté mon goût vers les livres.
Philippe Chauveau :
Vous avez eu le goût de la lecture très jeune. L'envie d'écrire est-elle aussi venue très tôt ?
Caroline Sers :
En fait, oui ! J'adorais lire et rapidement, j'ai commencé à écrire des petites histoires parce que j'avais envie de construire un petit monde et je me disais que si j'écrivais, j'écrirais le livre que j'aurais envie de lire, essayer de créer le livre parfait, à tous points de vue. Donc,petite, j'ai fait beaucoup de tentatives.
Philippe Chauveau :
Ensuite, vous avez fait des études de lettres, vous avez travaillé dans le monde de l'édition. Aujourd'hui, votre actualité, c'est « Le regard de crocodile » publié aux éditions Buchet-Chastel. C'est un peu à part par rapport à ce que vous avez écrit jusqu'à présent car c'est un récit, qui vous touche de près. Mais sinon, c'est le roman. Il y a eu en 2004, « Tombent les avions » qui a été Prix du 1er roman. C'est une histoire de famille, des secrets de famille vus par les yeux d'un enfant, vous avez fait aussi une petite incursion dans le polar…
Caroline Sers :
Oui, en 2009 avec « Des voisins qui vous veulent du bien »
Philippe Chauveau :
Si vous deviez donner un adjectif ou une expression concernant votre style, ce que vous avez envie d'offrir aux lecteurs, comment définiriez-vous votre travail ?
Caroline Sers :
J'aime beaucoup les histoires de famille et j'aime beaucoup les personnages, suivre un personnage, comprendre ses motivations. Je pense avoir un style un peu classique. Moi, j'ai adoré les grands romanciers du XIXème siècle, par exemple, même si je ne prétends pas être arrivée à leur maîtrise !
Philippe Chauveau :
Quels sont ceux qui vous ont accompagnée ?
Caroline Sers :
Surtout Zola que j'ai toujours adoré. Bien que ce ne soit pas mon époque, le côté « ancré dans la vie réelle » de ses personnages, j'ai toujours trouvé que c'était passionnant. Et puis, ses personnages sont vraiment faits de chair et d'os, on est avec eux, on les suit. Victor Hugo aussi, évidemment. J'aime beaucoup Barbey d'Aurevilly et Maupassant.
Philippe Chauveau :
Quel est le roman que vous auriez aimé écrire, toutes époques confondues d'ailleurs ?
Caroline Sers :
J'aurais adoré écrire la saga des Rougon-Macquart parce que j'aime bien le côté « saga », le fait de retrouver des personnages de livre en livre, cette façon de tisser petit à petit tout un réseau et de créer tout un monde.
Philippe Chauveau :
Lorsque vous êtes devant votre page blanche, ou tout du moins votre écran d'ordinateur, que ressentez-vous, qu'éprouvez-vous ?
Caroline Sers :
Le plus difficile, c'est de s'asseoir à sa table et de s'y mettre. C'est assez paradoxal parce que l'on fait tous ça pour le plaisir, et en même temps, c'est toujours un effort de s'y mettre. Cette notion d'effort, on la retrouve chez beaucoup d'auteurs. J'essaie d'écrire toujours à la même heure, tous les matins, d'en faire un rendez-vous régulier. Une fois que j'y suis, cela apporte une certaine plénitude. C'est curieux cette impression de concrétiser, de rendre vivant ce que l'on a en tête. C'est satisfaisant !
Philippe Chauveau :
Merci Caroline Sers.
Caroline Sers
Le regard de crocodile
Le livre 3'50Philippe Chauveau :
« Le regard de crocodile », c'est votre nouveau titre, Caroline Sers, publié chez Buchet-Chastel. Il y avait eu « Tombent les avions » et « Des voisins qui vous veulent du bien » ; on était alors dans l'univers du roman. Là, vous nous avez offert un récit. Vous nous retracez une période de votre vie, avec la mort de Thomas, votre enfant, après plusieurs mois de maladie. Il a été 2 jours chez vous, sinon, le reste s'est passé à l'hôpital. Alors que votre travail était dans le roman, pourquoi avoir eu envie d'écrire ce récit ?
Caroline Sers :
Effectivement, mon travail est dans le roman. L'écriture du « Regard de crocodile » est née d'un roman raté. Je pense que je n'ai pas réussi simplement parce que je n'ai pas cherché en moi les émotions qui pouvaient l'animer. J'ai écrit vraiment en surface et ça ne fonctionnait pas. Je me suis dit : « Je n'arrive pas à écrire parce que j'ai un autre livre à écrire avant ça, qui est l'histoire de Thomas, parce que ça me bloque, justement parce que ces émotions dont j'ai besoin pour écrire mes romans, ces émotions qui font vivre mes personnages, je ne les trouve plus parce que je les ai complètement bloquées, réprimées, pendant la maladie de Thomas et après sa mort.
Philippe Chauveau :
Etait-ce une façon d'ouvrir une porte d'écrire ce récit ?
Caroline Sers :
Oui, je pense. Mais c'est assez curieux parce que j'ai commencé à écrire sans savoir ce que cela allait donner. Je me suis dit : « Allez, je me lance ! ». Jour après jour, j'avais de plus en plus besoin de cet espace. Raconter, raconter, raconter sans savoir ce que cela allait devenir..
Philippe Chauveau :
C'est un livre dans lequel, nous, lecteurs, entrons sur la pointe de pieds car on a toujours peur du voyeurisme. Volontairement, vous nous faites partager votre intimité, vous nous raconter les 8 mois de la vie de Thomas, aussi bien le quotidien à l'hôpital avec les rencontres avec les médecins ou les autres familles de patients que ces moments très intimes que vous avez partagés avec votre enfant. Vous avez voulu gommer tout le côté « pathos » parce que le livre est finalement plein de vie.
Caroline Sers :
Je voulais déjà raconter cette histoire pour les frères et sœurs de Thomas, parce que, eux aussi l'ont vécue, de leur point de vue évidemment, et je voulais qu'à n'importe quel moment ils puissent revenir vers cette histoire et la lire. J'avais ce but là mais je voulais aussi parler de Thomas, car quand un enfant est hospitalisé, les médecins le voient vraiment comme une somme de problèmes, de pathologies. Le côté humain est souvent gommé. C'était donc aussi une façon de leur dire que le bébé, même tout petit, il a des sentiments, des joies et des peines, que sa santé passe aussi par là, sa santé, son bien-être émotionnel. Oui, Thomas était une personne !
Philippe Chauveau :
Expliquez-nous le titre « Le regard de crocodile » avec cet enfant qui cligne des yeux en fonction des personnes qui entrent dans la pièce.
Caroline Sers :
« Le regard de crocodile », c'était comme ça que l'on appelait la façon qu'avait Thomas, dès que quelqu'un entrait dans sa chambre, de fermer les yeux en laissant juste une fente, et comme ça, il regardait. Si c'était des blouses blanches, des médecins, il fermait les yeux et faisait sembler de dormir, mais si c'était nous, là, il ouvrait les yeux et il était avec nous. Pour nous, c'était hyper émouvant car on se disait : « Il est là ! ».
Philippe Chauveau :
Avez-vous l'impression, à travers ce livre, d'avoir aussi offert une sorte de remerciement à Thomas car j'ai l'impression qu'en 8 mois, il vous a apporté énormément.
Caroline Sers :
Il nous a apporté énormément. C'est un peu « bateau » de dire cela mais c'était vraiment un membre de la famille autour duquel on s'est fédéré. Je voulais qu'il soit là, qu'il le sache même si ça fait un peu bizarre. Nous, on le sait, et voilà…
Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Caroline Sers pour votre témoignage. « Le regard de crocodile » publié chez Buchet-Chastel.
Philippe Chauveau :
« Le regard de crocodile », c'est votre nouveau titre, Caroline Sers, publié chez Buchet-Chastel. Il y avait eu « Tombent les avions » et « Des voisins qui vous veulent du bien » ; on était alors dans l'univers du roman. Là, vous nous avez offert un récit. Vous nous retracez une période de votre vie, avec la mort de Thomas, votre enfant, après plusieurs mois de maladie. Il a été 2 jours chez vous, sinon, le reste s'est passé à l'hôpital. Alors que votre travail était dans le roman, pourquoi avoir eu envie d'écrire ce récit ?
Caroline Sers :
Effectivement, mon travail est dans le roman. L'écriture du « Regard de crocodile » est née d'un roman raté. Je pense que je n'ai pas réussi simplement parce que je n'ai pas cherché en moi les émotions qui pouvaient l'animer. J'ai écrit vraiment en surface et ça ne fonctionnait pas. Je me suis dit : « Je n'arrive pas à écrire parce que j'ai un autre livre à écrire avant ça, qui est l'histoire de Thomas, parce que ça me bloque, justement parce que ces émotions dont j'ai besoin pour écrire mes romans, ces émotions qui font vivre mes personnages, je ne les trouve plus parce que je les ai complètement bloquées, réprimées, pendant la maladie de Thomas et après sa mort.
Philippe Chauveau :
Etait-ce une façon d'ouvrir une porte d'écrire ce récit ?
Caroline Sers :
Oui, je pense. Mais c'est assez curieux parce que j'ai commencé à écrire sans savoir ce que cela allait donner. Je me suis dit : « Allez, je me lance ! ». Jour après jour, j'avais de plus en plus besoin de cet espace. Raconter, raconter, raconter sans savoir ce que cela allait devenir..
Philippe Chauveau :
C'est un livre dans lequel, nous, lecteurs, entrons sur la pointe de pieds car on a toujours peur du voyeurisme. Volontairement, vous nous faites partager votre intimité, vous nous raconter les 8 mois de la vie de Thomas, aussi bien le quotidien à l'hôpital avec les rencontres avec les médecins ou les autres familles de patients que ces moments très intimes que vous avez partagés avec votre enfant. Vous avez voulu gommer tout le côté « pathos » parce que le livre est finalement plein de vie.
Caroline Sers :
Je voulais déjà raconter cette histoire pour les frères et sœurs de Thomas, parce que, eux aussi l'ont vécue, de leur point de vue évidemment, et je voulais qu'à n'importe quel moment ils puissent revenir vers cette histoire et la lire. J'avais ce but là mais je voulais aussi parler de Thomas, car quand un enfant est hospitalisé, les médecins le voient vraiment comme une somme de problèmes, de pathologies. Le côté humain est souvent gommé. C'était donc aussi une façon de leur dire que le bébé, même tout petit, il a des sentiments, des joies et des peines, que sa santé passe aussi par là, sa santé, son bien-être émotionnel. Oui, Thomas était une personne !
Philippe Chauveau :
Expliquez-nous le titre « Le regard de crocodile » avec cet enfant qui cligne des yeux en fonction des personnes qui entrent dans la pièce.
Caroline Sers :
« Le regard de crocodile », c'était comme ça que l'on appelait la façon qu'avait Thomas, dès que quelqu'un entrait dans sa chambre, de fermer les yeux en laissant juste une fente, et comme ça, il regardait. Si c'était des blouses blanches, des médecins, il fermait les yeux et faisait sembler de dormir, mais si c'était nous, là, il ouvrait les yeux et il était avec nous. Pour nous, c'était hyper émouvant car on se disait : « Il est là ! ».
Philippe Chauveau :
Avez-vous l'impression, à travers ce livre, d'avoir aussi offert une sorte de remerciement à Thomas car j'ai l'impression qu'en 8 mois, il vous a apporté énormément.
Caroline Sers :
Il nous a apporté énormément. C'est un peu « bateau » de dire cela mais c'était vraiment un membre de la famille autour duquel on s'est fédéré. Je voulais qu'il soit là, qu'il le sache même si ça fait un peu bizarre. Nous, on le sait, et voilà…
Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Caroline Sers pour votre témoignage. « Le regard de crocodile » publié chez Buchet-Chastel.