Un premier roman, c’est toute une aventure, à la fois un aboutissement et un premier pas. C’est cette aventure que vit aujourd’hui Sarah Emmerich qui publie « La suivante » chez Flammarion. S’il s’agit d’un premier livre, l’auteur n’est pourtant pas novice dans le maniement des mots et de la syntaxe puisqu’elle fut journaliste puis rédactrice de textes et de discours dans l’univers politique. D’ailleurs, Agnès, l’héroïne de ce roman, est elle-même petite main à la mairie de Paris, elle est la plume de...
La suivante de Sarah Emmerich - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Sarah Emmerich
Sarah Emmerich :
Bonjour
Philippe Chauveau :
Votre premier roman sort chez Flammarion, ça s'appelle La suivante. J'imagine qu'il y a une certaine fébrilité lorsque l'on sort son premier livre ? On va faire connaissance et on va surtout s'intéresser à votre amour des mots, de la langue, de la syntaxe. Vous avez une formation de journaliste, vous avez beaucoup travaillé dans l'univers politique où vous écriviez des discours. Pourquoi ce goût pour les mots, cette...
La suivante de Sarah Emmerich - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Dans ce premier roman Sarah Emmerich, nous faisons connaissance avec Agnès, c'est votre héroïne. C'est elle la narratrice, elle se présente comme une petite souris grise, elle veut être très discrète, elle vit à Paris, et curieusement elle fait le même métier que vous, elle écrit des textes et des discours pour Madame le maire de Paris. Pourquoi avoir eu envie d'une héroïne qui vous ressemble ?
Sarah Emmerich :
Au départ, je voulais qu'Agnès soit rédactrice sinistre dans une compagnie...
La suivante de Sarah Emmerich - Livre - Suite
Sarah Emmerich
La suivante
Présentation 1'40"Un premier roman, c’est toute une aventure, à la fois un aboutissement et un premier pas. C’est cette aventure que vit aujourd’hui Sarah Emmerich qui publie « La suivante » chez Flammarion. S’il s’agit d’un premier livre, l’auteur n’est pourtant pas novice dans le maniement des mots et de la syntaxe puisqu’elle fut journaliste puis rédactrice de textes et de discours dans l’univers politique. D’ailleurs, Agnès, l’héroïne de ce roman, est elle-même petite main à la mairie de Paris, elle est la plume de madame le maire. Certains autour d’elle voudraient bien sa peau. Elle le sait mais Agnès ne veut pas faire de bruit. Quant à sa vie personnelle, là aussi, Agnès se veut discrète et personne ne connait ses secrets, pas même sa sœur. Lorsque leur père meurt, c’est un peu comme si on enterrait la statue du Commandeur. Rescapé d’Auschwitz, il était le phare de toute la famille. Mais là encore, tout n’est peut-être pas aussi simple. La réalité va peu à peu rattraper Agnès tandis qu’une ombre furtive semble la suive à chacun de ses pas…. Avec ce premier titre, Sarah Emmerich nous propose un roman envoûtant, oppressant, avec un personnage central, Agnès, que l’on a à la fois envie d’aimer et de détester. En suivant Agnès dans les rues de Paris, le lecteur est entrainé dans plusieurs histoires qui déboucheront sur un dénouement inattendu, douloureux mais salutaire. Porté par une belle écriture, littéraire et puissante, le premier roman de Sarah Emmerich est une réussite. « La suivante » est publié chez Flammarion.
Sarah Emmerich
La suivante
Portrait 5'45"Philippe Chauveau :
Bonjour Sarah Emmerich
Sarah Emmerich :
Bonjour
Philippe Chauveau :
Votre premier roman sort chez Flammarion, ça s'appelle La suivante. J'imagine qu'il y a une certaine fébrilité lorsque l'on sort son premier livre ? On va faire connaissance et on va surtout s'intéresser à votre amour des mots, de la langue, de la syntaxe. Vous avez une formation de journaliste, vous avez beaucoup travaillé dans l'univers politique où vous écriviez des discours. Pourquoi ce goût pour les mots, cette appétence pour la musique de la langue ?
Sarah Emmerich :
La musique, c'est exactement ça. Déjà je suis une enfant qui a entendu parler le français comme une langue étrangère de la part de ses parents donc il y a surement une musique qui s'est imprimée un peu, le fait de lire énormément aussi. J'ai lu Gide, Giraudoux, Anatole France, Roger Martin du Guard... Une librairie des années 40, qu'était la lecture de jeunesse de ma mère.
Philippe Chauveau :
Aujourd'hui, lorsque vous prenez un livre, vous avez toujours cette sensation d'évasion ? D'un autre univers ? D'une liberté que le quotidien ne vous apporterait peut-être pas ? C'est toujours la même alchimie ?
Sarah Emmerich :
Oui, là je suis entrain de découvrir Le Clézio, car on a des abîmes culturelles, toujours. Et puis quand je lis Diderot, j'ai toujours l'impression que c'est un homme qui, trois siècles après, me parle à l'oreille et me raconte des petites histoires, me fait rire. C'est ce qu'il y a de plus important je crois.
Philippe Chauveau :
Alors on comprend qu'il y a cet amour pour les mots et la syntaxe. Vous choisissez le métier de journaliste et ensuite vous prenez une autre direction, vous choisissez l'univers politique pour prêter votre plume pour l'écriture de discours ou de textes prononcés par des hommes ou des femmes politiques. Pourquoi cette envie ? Pourquoi ce choix ? Est-ce le hasard ou y avait-il une réelle volonté de mettre un pied dans ce monde politique ?
Sarah Emmerich :
J'ai choisi le journalisme parce que j'avais l'impression de ne savoir que lire, écrire ou parler... Alors je me suis dit « puisque tu sais faire que ça, quel est le métier qui peut correspondre ? ». Et ce n'est pas un hasard parce que je me rappelle très bien avoir choisi ce métier en 1984 quand Le Pen a fait 10% aux élections européennes. Je voulais être là pour lutter contre le retour de l'extrême-droite, ce qui nous conduit à la deuxième question, pourquoi on écrit pour des hommes/femmes politiques ? Parce que c'est amusant de se glisser, d'essayer de comprendre la musique : une façon de parler de quelqu'un, se couler dans sa façon d'être. C'est un peu plus de la création à ce moment là.
Philippe Chauveau :
On va reparler d'Agnès, l'héroïne de votre roman qui, curieusement, fait ce métier et écrit pour les hommes et les femmes politiques. Vous lui faites dire : « J'ai voulu faire de la politique pour observer le monde tel qu'il va », c'est la définition que vous pourriez donner de votre propre parcours professionnel ?
Sarah Emmerich :
Je crois. Quand on est journaliste et qu'on s'intéresse à la politique intérieure, ou quand on écrit des discours, on écoute les autres avant tout, ce qu'ils disent parfois même sans s'en rendre compte est important.
Philippe Chauveau :
Pourquoi l'envie de l'écriture romanesque ? Vous faisiez un métier dans l'ombre, en retrait. Là, en choisissant de mettre votre propre nom sur la couverture d'un livre dans une grande maison d'édition, vous allez être en lumière. Pourquoi cette envie ? Qu'est-ce qui vous fait passer le pas ?
Sarah Emmerich :
L'ombre me va très bien. Je n'ai pas du tout de regret ou d'amertume d'être la plume, le nègre, j'aime beaucoup ce métier.
Philippe Chauveau :
Pas de frustration.
Sarah Emmerich :
Aucune. Avoir son nom, peut-être c'est une façon de s'engager parce que ce livre, à mon sens, dit aussi des choses du monde tel qu'il va.
Philippe Chauveau :
Vous êtes heureuse de voir ce premier livre ? Il y a de l'appréhension mais il y a une grande jubilation j'imagine.
Sarah Emmerich :
Oui ! Bien sûr, je suis contente d'en être débarrassée d'une certaine façon. C'est-à-dire que ce livre est devenu un objet, je ne peux plus changer une virgule. C'est la première fois que j'entends quelques retours et c'est très amusant parce qu'on me renvoie des choses et je me dis « Ah oui, c'est vrai ! ». Finalement, on découvre en écrivant, on découvre aussi en lisant et en étant lu donc c'est tout l'intérêt de la chose je crois.
Philippe Chauveau :
C'est votre premier roman, nous sommes heureux de vous accompagner dans cette belle aventure Sarah Emmerich. La Suivante, votre premier roman est chez Flammarion.
Sarah Emmerich
La suivante
Livre 5'33"Philippe Chauveau :
Dans ce premier roman Sarah Emmerich, nous faisons connaissance avec Agnès, c'est votre héroïne. C'est elle la narratrice, elle se présente comme une petite souris grise, elle veut être très discrète, elle vit à Paris, et curieusement elle fait le même métier que vous, elle écrit des textes et des discours pour Madame le maire de Paris. Pourquoi avoir eu envie d'une héroïne qui vous ressemble ?
Sarah Emmerich :
Au départ, je voulais qu'Agnès soit rédactrice sinistre dans une compagnie d'assurance. J'ai toujours trouvé ce nom de métier absolument incroyable. Et puis je me suis aperçue que je n'avais rien à dire sur ce métier que je ne connaissais pas et puis que moi-même j'exerçais un métier qui avait à voir avec Agnès : ce côté dans l'ombre, en retrait. Donc je me suis dit qu'il fallait que je me rende à l' évidence car là j'avais des choses à dire et ce métier va bien avec Agnès.
Philippe Chauveau :
Et ça permettait de parler d'un métier assez peu connu finalement. Ca vous permettait peut-être aussi d'envoyer de temps en temps quelques gentilles petites piques au monde politique. Il y a quelques pages assez savoureuses dans ce domaine là. Rien n'est méchant.
Sarah Emmerich :
Elles sont tendres et savoureuses. Quand j'ai écrit, je me disais « pense à La Bruyère », la barre est haute ! Mais c'est de là que vient le goût de dépeindre et d'envoyer des piques effectivement.
Philippe Chauveau :
Finalement, le fait que votre héroïne fasse ce métier n'est pas non plus anodin puisque ça va correspondre à l'univers qu'elle s'est construit. Elle vit de façon très discrète, elle arpente les rues de Paris qui sont souvent sombres et pluvieuses. On ne sait pas grand chose d'elle, elle cache pas mal de secrets. Agnès perd son père, et avec sa sœur, elles vont enterrer ce père qui était une sorte de statue du commandeur. Ce père est important. C'est un rescapé d'Auschwitz et quelque part, on ne pouvait rien lui dire parce qu'il avait vécu l'horreur. La famille a vécu un peu dans l'ombre de ce père.
Sarah Emmerich :
Oui, là on s'éloigne de la fiction car Agnès est un personnage de fiction mais le récit de son père est le récit de mon père. C'est une façon de livrer ce récit et de donner envie de le suivre jusqu'au bout. On ne peut pas ne pas vivre dans l'ombre de quelqu'un qui est un rescapé d'Auschwitz, on ne peut pas ne pas vivre dans l'ombre de cette histoire. C'est comme si ça livrait une connaissance de la noirceur humaine et des fois ça empêche de vivre des choses très lumineuses de la vie. Donc oui, Agnès vit sous le poids de cette histoire et ce poids de cette statue, ce personnage qu'est son père et qu'elle aime profondément et qui lui pèse profondément. Elle a un peu de mal à faire la part des choses entre l'histoire et le fait que tout le monde doit tuer le père. Sauf que quand le vôtre est rescapé des camps de concentration, vous avez un peu de mal à l'idée de vouloir tuer le père, forcément.
Philippe Chauveau :
Ce qui est passionnant dans votre roman, c'est que vous entraînez le lecteur dans plusieurs directions. Il y a le personnage d'Agnès avec ce côté professionnel dans la Mairie de Paris, il y a cette famille, ces secrets de famille avec ce père rescapé d'Auschwitz, il y a les secrets que porte Agnès qui a essayé de se construire dans son petit univers, dans l'ombre de ce père et qui cache des secrets inattendus. Et puis il y a cette ombre, cette femme, cette suivante qui donne le titre au roman. Il y a un côté énigmatique dans les premières pages du roman, Agnès se sent suivie, épiée, il y a cette ombre furtive qui est là en permanence. Pourquoi avoir eu envie de donner le titre « La suivante », à votre roman ? On peut lui donner beaucoup d'interprétations finalement à ce titre.
Sarah Emmerich :
Oui, c'est le point de départ. Elle sent qu'elle est suivie par une femme, elle ne sait pas pourquoi mais elle le sait. La suivante, c'est aussi la génération suivante, « La suivante » je trouvais ça ambigu et féminin à la fois, c'est un peu le cas d'Agnès je crois.
Philippe Chauveau :
Entre cette héroïne qui fait le même métier que vous, entre ce père rescapé d'Auschwitz... et vous nous avez expliqué que cela concernait aussi un passage de votre famille. C'est un roman qui était essentiel pour vous pour entrer dans l'univers littéraire. Est-ce que la suite de votre parcours littéraire sera aussi axé sur votre propre existence ou au contraire, ce premier roman était une façon de mettre de côté un pan de votre vie et de passer à autre chose ?
Sarah Emmerich :
Bien sur, ça continue à me suivre parce que cette tragédie où il n'y a presque plus de survivants maintenant a légué aux enfants une vision très exacerbée du monde. Donc ce regard là, je le conserve pour voir les choses du monde contemporain. Agnès aussi prend la parole parce qu'elle voit venir des choses, elle pense à ceux qui demandent asile, ceux qui ont besoin d'aide maintenant, à ceux qui veulent être considérés comme des êtres humains qui ont le droit de se poser quelque part, elle a ce regard hyper sensible lié à cela, j'espère que je vais le garder.
Philippe Chauveau :
Un personnage tout à fait énigmatique, une intrigue envoutante, le tout porté par une belle écriture très littéraire, c'est votre premier roman Sarah Emmerich, ça s'appelle « La suivante », vous êtes publiée chez Flammarion. Merci beaucoup.