Sarah Emmerich

Sarah Emmerich

La suivante

Livre 5'33"

Philippe Chauveau :

Dans ce premier roman Sarah Emmerich, nous faisons connaissance avec Agnès, c'est votre héroïne. C'est elle la narratrice, elle se présente comme une petite souris grise, elle veut être très discrète, elle vit à Paris, et curieusement elle fait le même métier que vous, elle écrit des textes et des discours pour Madame le maire de Paris. Pourquoi avoir eu envie d'une héroïne qui vous ressemble ?

Sarah Emmerich :

Au départ, je voulais qu'Agnès soit rédactrice sinistre dans une compagnie d'assurance. J'ai toujours trouvé ce nom de métier absolument incroyable. Et puis je me suis aperçue que je n'avais rien à dire sur ce métier que je ne connaissais pas et puis que moi-même j'exerçais un métier qui avait à voir avec Agnès : ce côté dans l'ombre, en retrait. Donc je me suis dit qu'il fallait que je me rende à l' évidence car là j'avais des choses à dire et ce métier va bien avec Agnès.

Philippe Chauveau :

Et ça permettait de parler d'un métier assez peu connu finalement. Ca vous permettait peut-être aussi d'envoyer de temps en temps quelques gentilles petites piques au monde politique. Il y a quelques pages assez savoureuses dans ce domaine là. Rien n'est méchant.

Sarah Emmerich :

Elles sont tendres et savoureuses. Quand j'ai écrit, je me disais « pense à La Bruyère », la barre est haute ! Mais c'est de là que vient le goût de dépeindre et d'envoyer des piques effectivement.

Philippe Chauveau :

Finalement, le fait que votre héroïne fasse ce métier n'est pas non plus anodin puisque ça va correspondre à l'univers qu'elle s'est construit. Elle vit de façon très discrète, elle arpente les rues de Paris qui sont souvent sombres et pluvieuses. On ne sait pas grand chose d'elle, elle cache pas mal de secrets. Agnès perd son père, et avec sa sœur, elles vont enterrer ce père qui était une sorte de statue du commandeur. Ce père est important. C'est un rescapé d'Auschwitz et quelque part, on ne pouvait rien lui dire parce qu'il avait vécu l'horreur. La famille a vécu un peu dans l'ombre de ce père.

Sarah Emmerich :

Oui, là on s'éloigne de la fiction car Agnès est un personnage de fiction mais le récit de son père est le récit de mon père. C'est une façon de livrer ce récit et de donner envie de le suivre jusqu'au bout. On ne peut pas ne pas vivre dans l'ombre de quelqu'un qui est un rescapé d'Auschwitz, on ne peut pas ne pas vivre dans l'ombre de cette histoire. C'est comme si ça livrait une connaissance de la noirceur humaine et des fois ça empêche de vivre des choses très lumineuses de la vie. Donc oui, Agnès vit sous le poids de cette histoire et ce poids de cette statue, ce personnage qu'est son père et qu'elle aime profondément et qui lui pèse profondément. Elle a un peu de mal à faire la part des choses entre l'histoire et le fait que tout le monde doit tuer le père. Sauf que quand le vôtre est rescapé des camps de concentration, vous avez un peu de mal à l'idée de vouloir tuer le père, forcément.

Philippe Chauveau :

Ce qui est passionnant dans votre roman, c'est que vous entraînez le lecteur dans plusieurs directions. Il y a le personnage d'Agnès avec ce côté professionnel dans la Mairie de Paris, il y a cette famille, ces secrets de famille avec ce père rescapé d'Auschwitz, il y a les secrets que porte Agnès qui a essayé de se construire dans son petit univers, dans l'ombre de ce père et qui cache des secrets inattendus. Et puis il y a cette ombre, cette femme, cette suivante qui donne le titre au roman. Il y a un côté énigmatique dans les premières pages du roman, Agnès se sent suivie, épiée, il y a cette ombre furtive qui est là en permanence. Pourquoi avoir eu envie de donner le titre « La suivante », à votre roman ? On peut lui donner beaucoup d'interprétations finalement à ce titre.

Sarah Emmerich :

Oui, c'est le point de départ. Elle sent qu'elle est suivie par une femme, elle ne sait pas pourquoi mais elle le sait. La suivante, c'est aussi la génération suivante, « La suivante » je trouvais ça ambigu et féminin à la fois, c'est un peu le cas d'Agnès je crois.

Philippe Chauveau :

Entre cette héroïne qui fait le même métier que vous, entre ce père rescapé d'Auschwitz... et vous nous avez expliqué que cela concernait aussi un passage de votre famille. C'est un roman qui était essentiel pour vous pour entrer dans l'univers littéraire. Est-ce que la suite de votre parcours littéraire sera aussi axé sur votre propre existence ou au contraire, ce premier roman était une façon de mettre de côté un pan de votre vie et de passer à autre chose ?

Sarah Emmerich :

Bien sur, ça continue à me suivre parce que cette tragédie où il n'y a presque plus de survivants maintenant a légué aux enfants une vision très exacerbée du monde. Donc ce regard là, je le conserve pour voir les choses du monde contemporain. Agnès aussi prend la parole parce qu'elle voit venir des choses, elle pense à ceux qui demandent asile, ceux qui ont besoin d'aide maintenant, à ceux qui veulent être considérés comme des êtres humains qui ont le droit de se poser quelque part, elle a ce regard hyper sensible lié à cela, j'espère que je vais le garder.

Philippe Chauveau :

Un personnage tout à fait énigmatique, une intrigue envoutante, le tout porté par une belle écriture très littéraire, c'est votre premier roman Sarah Emmerich, ça s'appelle « La suivante », vous êtes publiée chez Flammarion. Merci beaucoup.

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  • LIVRE
  • Un premier roman, c’est toute une aventure, à la fois un aboutissement et un premier pas. C’est cette aventure que vit aujourd’hui Sarah Emmerich qui publie « La suivante » chez Flammarion. S’il s’agit d’un premier livre, l’auteur n’est pourtant pas novice dans le maniement des mots et de la syntaxe puisqu’elle fut journaliste puis rédactrice de textes et de discours dans l’univers politique. D’ailleurs, Agnès, l’héroïne de ce roman, est elle-même petite main à la mairie de Paris, elle est la plume de...La suivante de Sarah Emmerich - Présentation - Suite
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