Ancienne journaliste, réalisatrice de reportages notamment pour Arte et France 5, Bernadette Pécassou-Camebrac a laissé derrière elle cette profession qu'elle aimait pour vivre désormais de sa plume. Et avec talent.
Très attachée à son Pays basque natal, elle ne manque jamais d'y glisser quelques références dans ses romans et c'est là-bas qu'elle s'installe pour écrire.
La belle chocolatière, Villa Belza ou plus récemment La passagère du France ont été des succès de librairie. Dans chacun de ses romans, s'accompagnant de...
de Bernadette Pécassou-Camebrac - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour, vous sortez votre nouveau livre, votre 6ème roman chez Flammarion, « La dernière bagnarde ». Que de chemin parcouru depuis « La belle chocolatière », c'était en 2001 ! Mais encore avant, c'était le journalisme et l'actualité, le news. L'écriture a-t-elle été pour vous un moyen de vous échapper, de vous évader de ce que l'actualité vous imposait ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Pour avoir une réponse très synthétique, oui, parce que le news est quelque chose de très technique en fait. On...
de Bernadette Pécassou-Camebrac - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Bernadette Pécassou-Camebrac, votre nouveau titre, votre 6ème roman « La dernière bagnarde » chez Flammarion. Nous sommes en 1888 avec une femme, Marie Bartête, qui embarque pour partir vers la Guyane, vers Cayenne, vers le bagne. Comment avez-vous découvert ce personnage de Marie Bartête qui, précisons le, est un personnage authentique ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Je l'ai découvert dans un premier temps en lisant « Au bagne » d'Albert Londres, le livre qui a fondé le mythe d'Albert Londres. Il a...
de Bernadette Pécassou-Camebrac - Le livre - Suite
Bernadette Pécassou-Camebrac
La dernière bagnarde
Présentation 1'38Très attachée à son Pays basque natal, elle ne manque jamais d'y glisser quelques références dans ses romans et c'est là-bas qu'elle s'installe pour écrire.
La belle chocolatière, Villa Belza ou plus récemment La passagère du France ont été des succès de librairie. Dans chacun de ses romans, s'accompagnant de recherches historiques complètes, Bernadette Pécassou-Camebrac fait la part belle à des portraits de femmes résolues et combattantes.
C'est à nouveau le cas de ce très beau roman « La dernière bagnarde » qui retrace le parcours de ces femmes qui à la fin du XIXème siècle, sous notre IIIème République, furent envoyées au bagne de Cayenne, non pour être emprisonnées mais officiellement pour épouser des bagnards en fin de peine et repeupler ainsi la Guyane, comme le stipule les textes d'époque.
Parmi ces femmes, Marie Bartête, qui en 1888 embarqua de Bordeaux pour rejoindre St Laurent du Maroni. Très vite, elle comprendra que ce voyage la mènera vers l'enfer.
Il faudra attendre le témoignage d'Albert Londres en 1923 pour que les conditions de détention soient révélées au grand public. Lors de son reportage en Guyane, Albert Londres croisera Marie Bartête, elle était la dernière bagnarde.
Une histoire bouleversant, une page méconnue de notre histoire et un personnage inoubliable. « La dernière bagnarde », le nouveau roman de Bernadette Pécassou-Camebrac est publié chez Flammarion. Bernadette Pécassou-Camebrac nous reçoit chez elle pour WTC.
Très attachée à son Pays basque natal, elle ne manque jamais d'y glisser quelques références dans ses romans et c'est là-bas qu'elle s'installe pour écrire.
La belle chocolatière, Villa Belza ou plus récemment La passagère du France ont été des succès de librairie. Dans chacun de ses romans, s'accompagnant de recherches historiques complètes, Bernadette Pécassou-Camebrac fait la part belle à des portraits de femmes résolues et combattantes.
C'est à nouveau le cas de ce très beau roman « La dernière bagnarde » qui retrace le parcours de ces femmes qui à la fin du XIXème siècle, sous notre IIIème République, furent envoyées au bagne de Cayenne, non pour être emprisonnées mais officiellement pour épouser des bagnards en fin de peine et repeupler ainsi la Guyane, comme le stipule les textes d'époque.
Parmi ces femmes, Marie Bartête, qui en 1888 embarqua de Bordeaux pour rejoindre St Laurent du Maroni. Très vite, elle comprendra que ce voyage la mènera vers l'enfer.
Il faudra attendre le témoignage d'Albert Londres en 1923 pour que les conditions de détention soient révélées au grand public. Lors de son reportage en Guyane, Albert Londres croisera Marie Bartête, elle était la dernière bagnarde.
Une histoire bouleversant, une page méconnue de notre histoire et un personnage inoubliable. « La dernière bagnarde », le nouveau roman de Bernadette Pécassou-Camebrac est publié chez Flammarion. Bernadette Pécassou-Camebrac nous reçoit chez elle pour WTC.
Bernadette Pécassou-Camebrac
La dernière bagnarde
Portrait 3'56Bonjour, vous sortez votre nouveau livre, votre 6ème roman chez Flammarion, « La dernière bagnarde ». Que de chemin parcouru depuis « La belle chocolatière », c'était en 2001 ! Mais encore avant, c'était le journalisme et l'actualité, le news. L'écriture a-t-elle été pour vous un moyen de vous échapper, de vous évader de ce que l'actualité vous imposait ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Pour avoir une réponse très synthétique, oui, parce que le news est quelque chose de très technique en fait. On réagit immédiatement à l'actualité, je parle du news télé, et on amène une information en un temps très court. L'écriture est quelque chose qui vous replonge dans l'étude, dans ce que j'appelerai le savoir. Cela vous oblige à aller chercher, à comprendre, de mettre en ordre. Du coup, c'est très reposant pour l'esprit parce qu'on a le sentiment d'étoffer quelque chose en soi. Le news vous vide et l'on ressent quelque chose de très dur dans ce vide qui se fait. On sent qu'on ne vit que sur la technique, vous voyez ce que je veux dire. On sait faire : on sait les questions qu'il fait poser, on sait qu'on ne maîtrise pas tout mais on donne une information. Elle est bonne cette information mais elle est tronquée, il n'y a qu'un bout de la réalité car en 45 secondes, vous ne dîtes pas tout. Or c'est ce qui se passe. Quand j'ai démarré l'info, on était à 3 minutes, quand j'ai fini mon métier, on était à 45 secondes.
Philippe Chauveau :
Donc, l'écriture vous donne une plus grande liberté ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
L'écriture me permet de plonger dans le savoir et le savoir, c'est la liberté. Le cerveau s'aère, on est content parce qu'on comprend, parce qu'on a appris. Vous voyez, en faisant ce livre, pour moi le bagne était une abstraction. Bien sûr j'en savais des choses parce que j'ai lu Seznec, j'ai toujours entendu « Au bagne » d'Albert Londres, donc LE bagne. Mais tant que vous ne plongez pas réellement dans l'étude, vous n'êtes pas dans le savoir. C'est l'étude qui vous donne le savoir.
Philippe Chauveau :
Pareillement, le fait de placer vos romans dans des époques plus ou moins reculées, en tout cas non contemporaines, c'était le cas dans « Villa Belza », « La belle chocolatière » ou même « La passagère du France », là on était dans les années 60. Est-ce une façon de vous réfugier dans le passé, dans l'Histoire, de vous réfugier dans autre chose que votre époque contemporaine ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Non parce que j'aime mon temps. Mon temps est complexe, brouillon, violent parfois parce qu'il manque de repères mais je ne me réfugie pas dans le passé parce que je suis obligée d'être dans mon époque. Je suis une femme qui élève ses enfants et je ne peux pas être ailleurs que dans mon époque. En parlant du passé, je comprends mon époque. En faisant ce livre, j'ai découvert par exemple l'incroyable réalité des femmes et de la prison. Du coup, cela m'a amené à élargir mon paysage, je n'ai pas regardé que dans le passé. J'ai regardé tous les dossiers qui se font actuellement sur les femmes et l'emprisonnement. C'est ahurissant ! Donc cela vous rend très aigu sur votre temps de comprendre le passé. Ce n'est pas un refuge, c'est juste une façon de mieux comprendre aujourd'hui.
Philippe Chauveau :
Vous êtes aussi une femme qui aimez beaucoup votre Pays Basque. C'est une terre qui est synonyme de liberté, qui vous inspire dans votre écriture ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Oui, cela a été le socle de mes débuts en écriture. C'est très profond l'attachement à une terre. Cela vous marque à jamais. Pour moi, c'est comme Obélix, je suis tombée dedans, je n'ai pas fait exprès. Et puis, j'ai été tellement heureuse sur cette terre du sud-ouest qui est splendide. D'un point de vue culturel, le sud-ouest a gardé une identité puissante, très marquée par des valeurs profondes. Je m'y sens bien et c'est vrai que cela a beaucoup marqué tous mes livres, y compris celui-là puisque cette « dernière bagnarde » était originaire des Pyrénées.
Philippe Chauveau :
Merci Bernadette Pécassou-Camebrac. Votre actualité, votre nouveau roman, le 6ème déjà, « La dernière bagnarde » est publié chez Flammarion.
Bonjour, vous sortez votre nouveau livre, votre 6ème roman chez Flammarion, « La dernière bagnarde ». Que de chemin parcouru depuis « La belle chocolatière », c'était en 2001 ! Mais encore avant, c'était le journalisme et l'actualité, le news. L'écriture a-t-elle été pour vous un moyen de vous échapper, de vous évader de ce que l'actualité vous imposait ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Pour avoir une réponse très synthétique, oui, parce que le news est quelque chose de très technique en fait. On réagit immédiatement à l'actualité, je parle du news télé, et on amène une information en un temps très court. L'écriture est quelque chose qui vous replonge dans l'étude, dans ce que j'appelerai le savoir. Cela vous oblige à aller chercher, à comprendre, de mettre en ordre. Du coup, c'est très reposant pour l'esprit parce qu'on a le sentiment d'étoffer quelque chose en soi. Le news vous vide et l'on ressent quelque chose de très dur dans ce vide qui se fait. On sent qu'on ne vit que sur la technique, vous voyez ce que je veux dire. On sait faire : on sait les questions qu'il fait poser, on sait qu'on ne maîtrise pas tout mais on donne une information. Elle est bonne cette information mais elle est tronquée, il n'y a qu'un bout de la réalité car en 45 secondes, vous ne dîtes pas tout. Or c'est ce qui se passe. Quand j'ai démarré l'info, on était à 3 minutes, quand j'ai fini mon métier, on était à 45 secondes.
Philippe Chauveau :
Donc, l'écriture vous donne une plus grande liberté ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
L'écriture me permet de plonger dans le savoir et le savoir, c'est la liberté. Le cerveau s'aère, on est content parce qu'on comprend, parce qu'on a appris. Vous voyez, en faisant ce livre, pour moi le bagne était une abstraction. Bien sûr j'en savais des choses parce que j'ai lu Seznec, j'ai toujours entendu « Au bagne » d'Albert Londres, donc LE bagne. Mais tant que vous ne plongez pas réellement dans l'étude, vous n'êtes pas dans le savoir. C'est l'étude qui vous donne le savoir.
Philippe Chauveau :
Pareillement, le fait de placer vos romans dans des époques plus ou moins reculées, en tout cas non contemporaines, c'était le cas dans « Villa Belza », « La belle chocolatière » ou même « La passagère du France », là on était dans les années 60. Est-ce une façon de vous réfugier dans le passé, dans l'Histoire, de vous réfugier dans autre chose que votre époque contemporaine ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Non parce que j'aime mon temps. Mon temps est complexe, brouillon, violent parfois parce qu'il manque de repères mais je ne me réfugie pas dans le passé parce que je suis obligée d'être dans mon époque. Je suis une femme qui élève ses enfants et je ne peux pas être ailleurs que dans mon époque. En parlant du passé, je comprends mon époque. En faisant ce livre, j'ai découvert par exemple l'incroyable réalité des femmes et de la prison. Du coup, cela m'a amené à élargir mon paysage, je n'ai pas regardé que dans le passé. J'ai regardé tous les dossiers qui se font actuellement sur les femmes et l'emprisonnement. C'est ahurissant ! Donc cela vous rend très aigu sur votre temps de comprendre le passé. Ce n'est pas un refuge, c'est juste une façon de mieux comprendre aujourd'hui.
Philippe Chauveau :
Vous êtes aussi une femme qui aimez beaucoup votre Pays Basque. C'est une terre qui est synonyme de liberté, qui vous inspire dans votre écriture ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Oui, cela a été le socle de mes débuts en écriture. C'est très profond l'attachement à une terre. Cela vous marque à jamais. Pour moi, c'est comme Obélix, je suis tombée dedans, je n'ai pas fait exprès. Et puis, j'ai été tellement heureuse sur cette terre du sud-ouest qui est splendide. D'un point de vue culturel, le sud-ouest a gardé une identité puissante, très marquée par des valeurs profondes. Je m'y sens bien et c'est vrai que cela a beaucoup marqué tous mes livres, y compris celui-là puisque cette « dernière bagnarde » était originaire des Pyrénées.
Philippe Chauveau :
Merci Bernadette Pécassou-Camebrac. Votre actualité, votre nouveau roman, le 6ème déjà, « La dernière bagnarde » est publié chez Flammarion.
Bernadette Pécassou-Camebrac
La dernière bagnarde
Le livre 4'20Bernadette Pécassou-Camebrac, votre nouveau titre, votre 6ème roman « La dernière bagnarde » chez Flammarion. Nous sommes en 1888 avec une femme, Marie Bartête, qui embarque pour partir vers la Guyane, vers Cayenne, vers le bagne. Comment avez-vous découvert ce personnage de Marie Bartête qui, précisons le, est un personnage authentique ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Je l'ai découvert dans un premier temps en lisant « Au bagne » d'Albert Londres, le livre qui a fondé le mythe d'Albert Londres. Il a écrit des articles dans « Le petit parisien » puis c'est devenu un livre et c'est ce qui a déclenché l'arrêt du bagne. Et j'ai relevé un petit passage où il rencontre deux vieilles femmes et il dit : « J'ai rencontré deux vieilles ruines avec des pieds énormes – elles avaient l'éléphantiasis – deux vieilles femmes dans un état physique épouvantable ». Et je me dis : « Tiens, il y avait des femmes au bagne ? ». Il y avait des bagnardes et je ne le savais pas. Et c'est la mère supérieure, dont j'ai fait un personnage, et qui s'appelle Sœur Florence qui les lui montre. Mais lui ne dit rien de plus et le passage est très court. Quand j'ai commencé mes recherches, j'ai retrouvé le livre d'Alexis Danan écrit quand il y est allé, deux ans et demi après. Alexis Danan était reporter au Figaro et lui parle avec celle qui est la dernière bagnarde, celle qu'il rencontre et il donne son nom. Il lui parle et lui dit : « Comment vous appelez-vous ? D'où venez-vous ?». Et elle lui répond : « Je m'appelle Marie Bartête, je viens des Pyrénées, de Monin à côté d'Oloron ». Pour moi, cela a été une très grande surprise parce que je ne savais pas qu'elle était de chez moi.
Philippe Chauveau :
Marie Bartête est donc un personnage authentique et cela déclenche chez vous l'envie d'en savoir plus. Résumons : à peu près 2000 femmes ont été envoyées au bagne, à Saint Laurent du Maroni en Guyane, en leur faisant miroiter une vie meilleure.
Bernadette Pécassou-Camebrac :
On les fait rêver et ça c'est très violent. Non seulement on s'en débarrasse en les envoyant très loin dans les océans en sachant qu'elles y resteront ; d'ailleurs elles y sont toutes restées. Mais en plus on leur fait croire qu'elles vont être heureuses. On leur dit : « Mais vous savez, là-bas, vous allez épouser un bagnard et on vous offrira une concession, un petit lopin de terre. Vous allez faire votre vie ». Elles se voyaient déjà avec des villas, des enfants, un bon mari. Mais quel enfer de faire rêver à des jeunes filles qui déjà n'ont rien, quelque chose qui est le rêve absolu de la famille et de la maison. Alors qu'en fait, on les envoie au massacre.
Philippe Chauveau :
Ces femmes arrivent donc à Saint Laurent du Maroni, en Guyane, au milieu des bagnards évidemment mais aussi avec une société qui s'est organisée, un peu en marge de la société officielle qu'elle est censée représenter. Et il y a des affrontements très violents entre tous ces personnages.
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Albert Londres le dit bien. C'est l'exergue de mon livre quand il dit « Dans quel pays suis-je tombé car il semble que rien n'est comme ailleurs ». Rien n'est normal à Saint Laurent du Maroni. Parce qu'il faut savoir que l'administration, à l'époque, n'a pas formé les surveillants, ils ont mis 12ans, 20ans même à avoir un véritable contingent de surveillants. A l'époque, il n'y avait rien donc on faisait avec les bagnards libérés qui devenaient surveillants eux-mêmes. En fait, on bidouillait, on était loin, personne ne savait ce qui se passait et personne n'avait envie de la savoir. Et puis, soyons honnêtes, c'était très loin.
Philippe Chauveau :
Ce livre qui est un roman, rappelons le, c'est aussi un formidable hommage à tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont été déportés là-bas, en Guyane. Et c'est surtout un bel hommage à Marie Bartête.
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Il n'y a pas de héros au bagne. Il y a des gens massacrés, des gens qui meurent, une histoire très violente. Et ce qu'il y a de terrible, c'est que les femmes n'ont jamais fait l'objet d'un seul travail historique. Seule une femme, Odile Krakovitch, une remarquable archiviste, avait fait une compilation érudite de ces femmes au bagne. Mais jamais on en a parlé car peut-être trop violent. Vous voyez, l'Histoire fait la part belle, crée des mythes, des héros mais là, il n'y a pas de héros, juste des gens massacrés. Et ces femmes ont été plus massacrées que les autres parce que l'Histoire les a ensevelies.
Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Bernadette Pécassou-Camebrac et merci pour ce bel hommage à Marie Bartête, ce personnage que l'on va donc découvrir dans « La dernière bagnarde ». C'est votre nouveau roman et c'est chez Flammarion.
Bernadette Pécassou-Camebrac, votre nouveau titre, votre 6ème roman « La dernière bagnarde » chez Flammarion. Nous sommes en 1888 avec une femme, Marie Bartête, qui embarque pour partir vers la Guyane, vers Cayenne, vers le bagne. Comment avez-vous découvert ce personnage de Marie Bartête qui, précisons le, est un personnage authentique ?
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Je l'ai découvert dans un premier temps en lisant « Au bagne » d'Albert Londres, le livre qui a fondé le mythe d'Albert Londres. Il a écrit des articles dans « Le petit parisien » puis c'est devenu un livre et c'est ce qui a déclenché l'arrêt du bagne. Et j'ai relevé un petit passage où il rencontre deux vieilles femmes et il dit : « J'ai rencontré deux vieilles ruines avec des pieds énormes – elles avaient l'éléphantiasis – deux vieilles femmes dans un état physique épouvantable ». Et je me dis : « Tiens, il y avait des femmes au bagne ? ». Il y avait des bagnardes et je ne le savais pas. Et c'est la mère supérieure, dont j'ai fait un personnage, et qui s'appelle Sœur Florence qui les lui montre. Mais lui ne dit rien de plus et le passage est très court. Quand j'ai commencé mes recherches, j'ai retrouvé le livre d'Alexis Danan écrit quand il y est allé, deux ans et demi après. Alexis Danan était reporter au Figaro et lui parle avec celle qui est la dernière bagnarde, celle qu'il rencontre et il donne son nom. Il lui parle et lui dit : « Comment vous appelez-vous ? D'où venez-vous ?». Et elle lui répond : « Je m'appelle Marie Bartête, je viens des Pyrénées, de Monin à côté d'Oloron ». Pour moi, cela a été une très grande surprise parce que je ne savais pas qu'elle était de chez moi.
Philippe Chauveau :
Marie Bartête est donc un personnage authentique et cela déclenche chez vous l'envie d'en savoir plus. Résumons : à peu près 2000 femmes ont été envoyées au bagne, à Saint Laurent du Maroni en Guyane, en leur faisant miroiter une vie meilleure.
Bernadette Pécassou-Camebrac :
On les fait rêver et ça c'est très violent. Non seulement on s'en débarrasse en les envoyant très loin dans les océans en sachant qu'elles y resteront ; d'ailleurs elles y sont toutes restées. Mais en plus on leur fait croire qu'elles vont être heureuses. On leur dit : « Mais vous savez, là-bas, vous allez épouser un bagnard et on vous offrira une concession, un petit lopin de terre. Vous allez faire votre vie ». Elles se voyaient déjà avec des villas, des enfants, un bon mari. Mais quel enfer de faire rêver à des jeunes filles qui déjà n'ont rien, quelque chose qui est le rêve absolu de la famille et de la maison. Alors qu'en fait, on les envoie au massacre.
Philippe Chauveau :
Ces femmes arrivent donc à Saint Laurent du Maroni, en Guyane, au milieu des bagnards évidemment mais aussi avec une société qui s'est organisée, un peu en marge de la société officielle qu'elle est censée représenter. Et il y a des affrontements très violents entre tous ces personnages.
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Albert Londres le dit bien. C'est l'exergue de mon livre quand il dit « Dans quel pays suis-je tombé car il semble que rien n'est comme ailleurs ». Rien n'est normal à Saint Laurent du Maroni. Parce qu'il faut savoir que l'administration, à l'époque, n'a pas formé les surveillants, ils ont mis 12ans, 20ans même à avoir un véritable contingent de surveillants. A l'époque, il n'y avait rien donc on faisait avec les bagnards libérés qui devenaient surveillants eux-mêmes. En fait, on bidouillait, on était loin, personne ne savait ce qui se passait et personne n'avait envie de la savoir. Et puis, soyons honnêtes, c'était très loin.
Philippe Chauveau :
Ce livre qui est un roman, rappelons le, c'est aussi un formidable hommage à tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont été déportés là-bas, en Guyane. Et c'est surtout un bel hommage à Marie Bartête.
Bernadette Pécassou-Camebrac :
Il n'y a pas de héros au bagne. Il y a des gens massacrés, des gens qui meurent, une histoire très violente. Et ce qu'il y a de terrible, c'est que les femmes n'ont jamais fait l'objet d'un seul travail historique. Seule une femme, Odile Krakovitch, une remarquable archiviste, avait fait une compilation érudite de ces femmes au bagne. Mais jamais on en a parlé car peut-être trop violent. Vous voyez, l'Histoire fait la part belle, crée des mythes, des héros mais là, il n'y a pas de héros, juste des gens massacrés. Et ces femmes ont été plus massacrées que les autres parce que l'Histoire les a ensevelies.
Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Bernadette Pécassou-Camebrac et merci pour ce bel hommage à Marie Bartête, ce personnage que l'on va donc découvrir dans « La dernière bagnarde ». C'est votre nouveau roman et c'est chez Flammarion.