On le connait en tant que philosophe, ministre, chroniqueur, Luc Ferry a plus d'une corde à son arc, mais un seul leitmotiv, l'échange, le partage, le dialogue. Attentif à l'évolution de notre société, n'hésitant pas à aborder les sujets les plus polémiques en argumentant pour exposer ses positions quitte à faire grincer des dents, Luc Ferry suit son chemin, fidèle à ses idées, tout en flegme et en élégance, sans se départir d'une certaine originalité. Cette originalité on la retrouve d'ailleurs dans ce bel album aux...
L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :Bonjour Luc Ferry. Merci de nous accueillir à l'occasion de la sortie au Cercle d'Art de ce très bel ouvrage « L'invention de la vie de Bohème ». On connait l'homme politique, le chroniqueur, vous êtes régulièrement convié pour donner votre position sur tel ou tel sujet. On connait aussi le philosophe et surtout le philosophe. Quand on est enfant ou adolescent, on veut être pompier, vétérinaire ou médecin, est-ce que l'on peut avoir envie d'être philosophe ?Luc Ferry :D'abord, je vais être honnête,...
L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :Luc Ferry, quel bel album que vous publiez aux éditions Cercle d'Art, « L'invention de la vie de Bohème ». J'ai envie de dire que vous êtes toujours là ou on ne vous attend pas. Comment un philosophe peut-il proposer un livre sur la Bohème et avec beaucoup d'illustrations, il y a des demi-mondaines à moitié nues à toute les pages. Qu'est ce qui vous fascine dans la vie de Bohème ?Luc Ferry :Très brièvement, c'est à la fois la pré-histoire de mai 68, l'invention de l'utopie moderne et en même temps,...
L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - Le livre - Suite
La Colomberie(Paris)Jean-Denys Tétier
On ne s'attend pas à trouver Luc Ferry, le philosophe, auteur d'un magnifique album sur la vie de Bohème, la vie dans les années 1850-1900 à Paris, où se côtoient des écrivains, des journalistes, des sculpteurs, des peintres. Mais il semble que notre philosophe, ministre de l'Education, s'intéresse avec beaucoup de sérieux à cette période où l'art a explosé. Il en ressort un très beau livre qui nous donne de magnifiques reproductions, mais aussi un texte intéressant, documenté. On...
L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - L'avis du libraire - Suite
Luc Ferry
L'invention de la vie de bohème
Présentation 1'25On le connait en tant que philosophe, ministre, chroniqueur, Luc Ferry a plus d'une corde à son arc, mais un seul leitmotiv, l'échange, le partage, le dialogue. Attentif à l'évolution de notre société,
n'hésitant pas à aborder les sujets les plus polémiques en argumentant pour exposer ses positions quitte à faire grincer des dents, Luc Ferry suit son chemin, fidèle à ses idées, tout en flegme et en élégance, sans se départir d'une certaine originalité.
Cette originalité on la retrouve d'ailleurs dans ce bel album aux éditions Cercle d'Art « L'invention de la vie de Bohème ». Là encore, en abordant ce thème, Luc Ferry va là où on ne l'attend pas. Qu'est ce que le philosophe vient faire dans cette vie débauchée qu'est la Bohème ?
Dans cet ouvrage à la mise en page pleine de fantaisie, agrémenté d'une riche iconographie, Luc Ferry raconte et explique cet art de vivre, cette utopie, cet idéal existentiel qui vit le jour à Paris entre 1830 et 1900. Les cabarets montmartrois, les arts décadents, l'irrévérence...
Comment et pourquoi est née la Bohème ? Que représente-t-elle de nos jours et à quoi s'apparente-t-elle dans notre société contemporaine ? Un livre que l'on parcoure avec délectation et qui nous invite à prendre éventuellement un peu de légèreté face à nos vies
et qui fait du bien à nos égos parfois un peu surdimensionnés. « L'invention de la vie de Bohème » par Luc Ferry aux éditions Cercle d'Art. Luc Ferry nous reçoit chez lui pour Web TV Culture.
On le connait en tant que philosophe, ministre, chroniqueur, Luc Ferry a plus d'une corde à son arc, mais un seul leitmotiv, l'échange, le partage, le dialogue. Attentif à l'évolution de notre société, n'hésitant pas à aborder les sujets les plus polémiques en argumentant pour exposer ses positions quitte à faire grincer des dents, Luc Ferry suit son chemin, fidèle à ses idées, tout en flegme et en élégance, sans se départir d'une certaine originalité. Cette originalité on la retrouve d'ailleurs dans ce bel album aux éditions Cercle d'Art « L'invention de la vie de Bohème ». Là encore, en abordant ce thème, Luc Ferry va là où on ne l'attend pas. Qu'est ce que le philosophe vient faire dans cette vie débauchée qu'est la Bohème ? Dans cet ouvrage à la mise en page pleine de fantaisie, agrémenté d'une riche iconographie, Luc Ferry raconte et explique cet art de vivre, cette utopie, cet idéal existentiel qui vit le jour à Paris entre 1830 et 1900. Les cabarets montmartrois, les arts décadents, l'irrévérence... Comment et pourquoi est née la Bohème ? Que représente-t-elle de nos jours et à quoi s'apparente-t-elle dans notre société contemporaine ? Un livre que l'on parcoure avec délectation et qui nous invite à prendre éventuellement un peu de légèreté face à nos vies et qui fait du bien à nos égos parfois un peu surdimensionnés. « L'invention de la vie de Bohème » par Luc Ferry aux éditions Cercle d'Art. Luc Ferry nous reçoit chez lui pour Web TV Culture.
Luc Ferry
L'invention de la vie de bohème
Portrait 3'57Bonjour Luc Ferry. Merci de nous accueillir à l'occasion de la sortie au Cercle d'Art de ce très bel ouvrage « L'invention de la vie de Bohème ». On connait l'homme politique, le chroniqueur, vous êtes régulièrement convié pour donner votre position sur tel ou tel sujet.
On connait aussi le philosophe et surtout le philosophe. Quand on est enfant ou adolescent, on veut être pompier, vétérinaire ou médecin, est-ce que l'on peut avoir envie d'être philosophe ?
D'abord, je vais être honnête, j'aurais aimé être pilote de course comme mon père. C'était le premier métier à l'époque ou plutôt la première vocation, mais quand j'ai découvert la philosophie, j'avais un grand frère, plus âgé que moi, Jean-Marc,
qui est lui aussi professeur d'université en philosophie. Quand j'ai découvert grâce à lui la philosophie, il m'avait fait lire un texte de Kant, la préface de « La critique de la raison pure », je me suis rendu compte que ça ne ressemblait à rien de ce que je connaissais.
Ca parlait de l'être humain, comme la littérature, mais ça avait cette espèce de rationalité de la science qui n'appartient pas au monde littéraire. Et donc cet objet non identifié et pour moi non identifiable à l'époque m'a vraiment intrigué.
J'ai voulu savoir ce que c'était et à quinze ans j'ai décidé d'y consacré ma vie et je n'ai pas changé depuis.
Vous êtes un philosophe un peu poil à gratter. Vous n'allez pas dans le sens dans lequel vont les autres philosophes que l'on peur connaître. Est-ce que quelque part vous aimez mettre le doigt où ça fait mal ?
Non, il y a une dimension critique dans la philosophie. Il y a une dimension de recherche de la vérité. Sans vouloir être cuistre, je cite Hegel, mais ce n'est pas par cuistrerie, c'est parce qu'il dit quelque chose de très intelligent.
Il dit que la philosophie c'est « son temps saisi dans la pensée » et il y a quelque chose de cet ordre là dans la philosophie, dans le travail théorique de la philosophie. De la même manière, il y a une dimension éthique.
Il y a forcément dans l'optique de la connaissance de la vérité et dans l'optique de l'éthique une dimension critique. Donc ça fait partie du jeu. La tâche de la philosophie c'est de réfléchir à cette question de la vie bonne et éventuellement de proposer des hypothèses de travail.
Vous même, lorsque vous publiez, lorsque vous écrivez, même si vous n'êtes pas romancier, quel est le mot qui pourrait traduire votre envie vis à vis du lecteur ? C'est le partage, c'est l'échange ?
Oui. Partage, c'est un mot un peu nunuche, mais en même temps c'est le bon...
C'est le seul qui me soit venu à l'esprit...
C'est le bon. C'est ce que je vous aurai dit si vous ne l'aviez pas dit. Evidemment, ça fait un peu nunuche, un peu cul-cul, le quart d'heure partage, ce n'est évidemment pas au sens cul-cul du terme. Je vais vous dire dans quel sens exactement.
Quand vous êtes devant un paysage magnifique ou quand vous êtes dans un musée sublime – j'étais l'autre jour à Tournay dans un petit musée que pas grand monde visite aujourd'hui en Belgique où il y a des oeuvres absolument magnifiques, à tomber par terre –
si vous êtes seul, vous êtes malheureux. La joie que vous éprouvez est entachée d'une espèce de souffrance liée à la solitude, on aimerait avoir quelqu'un qu'on aime à côté de soi, partager cette beauté, cette grandeur qu'on a devant soi.
Ce qui m'intéresse, c'est d'écrire sans jargon, parce que j'ai envie de partager avec un lecteur non spécialiste le caractère sublime de ces palais magnifiques que sont les grandes philosophies.
Et en plus, je pense que si on veut un jour philosopher par soi-même, il faut d'abord, avec humilité, commencer par les autres. L'idéologie des cafés de philo est sympathique, mais elle est fausse.
On ne philosophe pas comme ça en claquant des doigts, pas plus que Bach ou Beethoven ne pouvaient se permettre d'ignorer le solfège, ça n'a pas de sens.
Merci Luc Ferry. Votre actualité, c'est donc « L'invention de la vie de Bohème » et c'est aux éditions Cercle d'Art.
Philippe Chauveau :
Bonjour Luc Ferry. Merci de nous accueillir à l'occasion de la sortie au Cercle d'Art de ce très bel ouvrage « L'invention de la vie de Bohème ». On connait l'homme politique, le chroniqueur, vous êtes régulièrement convié pour donner votre position sur tel ou tel sujet. On connait aussi le philosophe et surtout le philosophe. Quand on est enfant ou adolescent, on veut être pompier, vétérinaire ou médecin, est-ce que l'on peut avoir envie d'être philosophe ?
Luc Ferry :
D'abord, je vais être honnête, j'aurais aimé être pilote de course comme mon père. C'était le premier métier à l'époque ou plutôt la première vocation, mais quand j'ai découvert la philosophie, j'avais un grand frère, plus âgé que moi, Jean-Marc, qui est lui aussi professeur d'université en philosophie. Quand j'ai découvert grâce à lui la philosophie, il m'avait fait lire un texte de Kant, la préface de « La critique de la raison pure », je me suis rendu compte que ça ne ressemblait à rien de ce que je connaissais. Ca parlait de l'être humain, comme la littérature, mais ça avait cette espèce de rationalité de la science qui n'appartient pas au monde littéraire. Et donc cet objet non identifié et pour moi non identifiable à l'époque m'a vraiment intrigué. J'ai voulu savoir ce que c'était et à quinze ans j'ai décidé d'y consacré ma vie et je n'ai pas changé depuis.
Philippe Chauveau :
Vous êtes un philosophe un peu poil à gratter. Vous n'allez pas dans le sens dans lequel vont les autres philosophes que l'on peur connaître. Est-ce que quelque part vous aimez mettre le doigt où ça fait mal ?
Luc Ferry :
Non, il y a une dimension critique dans la philosophie. Il y a une dimension de recherche de la vérité. Sans vouloir être cuistre, je cite Hegel, mais ce n'est pas par cuistrerie, c'est parce qu'il dit quelque chose de très intelligent. Il dit que la philosophie c'est « son temps saisi dans la pensée » et il y a quelque chose de cet ordre là dans la philosophie, dans le travail théorique de la philosophie. De la même manière, il y a une dimension éthique. Il y a forcément dans l'optique de la connaissance de la vérité et dans l'optique de l'éthique une dimension critique. Donc ça fait partie du jeu. La tâche de la philosophie c'est de réfléchir à cette question de la vie bonne et éventuellement de proposer des hypothèses de travail.
Philippe Chauveau :
Vous même, lorsque vous publiez, lorsque vous écrivez, même si vous n'êtes pas romancier, quel est le mot qui pourrait traduire votre envie vis à vis du lecteur ? C'est le partage, c'est l'échange ?
Luc Ferry :
Oui. Partage, c'est un mot un peu nunuche, mais en même temps c'est le bon...
Philippe Chauveau :
C'est le seul qui me soit venu à l'esprit...
Luc Ferry :
C'est le bon. C'est ce que je vous aurai dit si vous ne l'aviez pas dit. Evidemment, ça fait un peu nunuche, un peu cul-cul, le quart d'heure partage, ce n'est évidemment pas au sens cul-cul du terme. Je vais vous dire dans quel sens exactement. Quand vous êtes devant un paysage magnifique ou quand vous êtes dans un musée sublime – j'étais l'autre jour à Tournay dans un petit musée que pas grand monde visite aujourd'hui en Belgique où il y a des oeuvres absolument magnifiques, à tomber par terre – si vous êtes seul, vous êtes malheureux. La joie que vous éprouvez est entachée d'une espèce de souffrance liée à la solitude, on aimerait avoir quelqu'un qu'on aime à côté de soi, partager cette beauté, cette grandeur qu'on a devant soi. Ce qui m'intéresse, c'est d'écrire sans jargon, parce que j'ai envie de partager avec un lecteur non spécialiste le caractère sublime de ces palais magnifiques que sont les grandes philosophies. Et en plus, je pense que si on veut un jour philosopher par soi-même, il faut d'abord, avec humilité, commencer par les autres. L'idéologie des cafés de philo est sympathique, mais elle est fausse. On ne philosophe pas comme ça en claquant des doigts, pas plus que Bach ou Beethoven ne pouvaient se permettre d'ignorer le solfège, ça n'a pas de sens.
Philippe Chauveau :
Merci Luc Ferry. Votre actualité, c'est donc « L'invention de la vie de Bohème » et c'est aux éditions Cercle d'Art.
Luc Ferry
L'invention de la vie de bohème
Le livre 3'58Luc Ferry, quel bel album que vous publiez aux éditions Cercle d'Art, « L'invention de la vie de Bohème ». J'ai envie de dire que vous êtes toujours là ou on ne vous attend pas. Comment un philosophe peut-il proposer un livre sur la Bohème
et avec beaucoup d'illustrations, il y a des demi-mondaines à moitié nues à toute les pages. Qu'est ce qui vous fascine dans la vie de Bohème ?
Très brièvement, c'est à la fois la pré-histoire de mai 68, l'invention de l'utopie moderne et en même temps, c'est la préhistoire de l'art contemporain.
On a à faire à des jeunes gens qui vont s'appeler eux-mêmes les Bohèmes entre les années 1830 et 1900 qui transgressent les tabous de l'époque, mais qui transgressent des tabous avec derrière des régimes policiers qui sont quand mêmes inquiétant.
On a l'impression que le fait de transgresser, ils le cachent derrière l'art. L'art finalement leur permet de tout faire.
Il y a quelque chose qui est très intéressant. Ils vont se donner des noms qui vont passer dans le langage courant en français et qui signifient tous cette volonté de déconstruire les traditions, de faire table rase du passé.
C'est un héritage de la Révolution française, c'est pour ça que ça naît à Paris. C'est même un héritage de Descartes, celui qui met en doute tout ce qui est hérité du passé, qui veut faire table rase et reconstruire à partir de l'an Un.
Tocqueville disait que les Jacobins, les révolutionnaires français, sont des cartésiens sortis des écoles et descendus dans la rue. Les Bohèmes en sont les héritiers. Ils veulent faire table rase du passé et inventer quelque chose.
Mais je pense que leur vrai projet, ce n'est pas simplement de transfigurer la vie par l'art, c'est aussi concrètement dans la vie de tous les jours de la rendre plus belle.
Ces Bohèmes croient-ils réellement à cet idéal ou bien le vivent-ils pour se cacher de la réalité qui les rattrape, simplement une réalité économique pour beaucoup d'entre-eux qui sont des « crève-misère » ?
Dans la préface de son livre « Les scènes de la vie de bohème », Murger fait une typologie de la Bohème. Il y a la Bohème misérable, mais il la déteste. Ca se termine par l'hôpital, la mort, mais il ne l'aime pas.
Ce qu'il pense et ce que presque tous ces jeunes gens pensent, c'est que la Bohème est le premier pas vers la célébrité. En vérité ce qui les tente, on peut les juger non pur par rapport à leur propres idéaux,
ils pensent presque tous que la Bohème c'est la propédeutique de l'Académie française, presque tous vont terminer à l'Académie française, Victor Hugo le premier.
Est-ce un phénomène typiquement parisien ou est ce que la province va vivre aussi la vie de Bohème.
Non. C'est parisien. C'est cartésien, révolutionnaire et parisien. Après, ça s'étend au reste de l'Europe. Après la Belgique va suivre rapidement.
Mais c'est d'abord parisien. D'ailleurs dans « Le manifeste des incohérents », ils disent très clairement que la Bohème ne peut fleurir qu'à Paris, la province pour eux, c'est la vie ennuyeuse, répétitive, c'est la campagne surtout à l'époque.
Pourquoi le philosophe que vous êtes s'intéresse-t-il à la vie de Bohème ? En quoi la philosophie et la Bohème se rejoignent-elles ?
Parce que dans la philosophie, il y a trois grands axes. Il y a la connaissance, la morale et la question du salut, de la vie bonne. Ce que l'on doit comprendre, c'est la mondialisation. Et ça, c'est la pré-histoire de la mondialisation.
Au fond, c'est ce capitalisme mondialisé qui va pousser à sortir des sociétés traditionnelles, des sociétés qui sont orientées par le passé, le respect des traditions, des coutumes, des anciens et qui va nous faire rentrer dans une société qui va nous faire tourner vers l'avenir,
vers l'innovation. On a des histoires parallèles, celle de la naissance de la mondialisation, celle de la naissance de l'art moderne, celle de la naissance de l'utopie et celle de la naissance de la famille moderne qui sont des histoires absolument analogues,
qui sont indispensable à la compréhension du monde présent, c'est pour ça que ça me passionne évidemment.
Merci beaucoup Luc Ferry de nous faire partager votre enthousiasme pour « L'invention de la vie de Bohème », c'est aux éditions Cercle d'Art.
Philippe Chauveau :
Luc Ferry, quel bel album que vous publiez aux éditions Cercle d'Art, « L'invention de la vie de Bohème ». J'ai envie de dire que vous êtes toujours là ou on ne vous attend pas. Comment un philosophe peut-il proposer un livre sur la Bohème et avec beaucoup d'illustrations, il y a des demi-mondaines à moitié nues à toute les pages. Qu'est ce qui vous fascine dans la vie de Bohème ?
Luc Ferry :
Très brièvement, c'est à la fois la pré-histoire de mai 68, l'invention de l'utopie moderne et en même temps, c'est la préhistoire de l'art contemporain. On a à faire à des jeunes gens qui vont s'appeler eux-mêmes les Bohèmes entre les années 1830 et 1900 qui transgressent les tabous de l'époque, mais qui transgressent des tabous avec derrière des régimes policiers qui sont quand mêmes inquiétant.
Philippe Chauveau :
On a l'impression que le fait de transgresser, ils le cachent derrière l'art. L'art finalement leur permet de tout faire.
Luc Ferry :
Il y a quelque chose qui est très intéressant. Ils vont se donner des noms qui vont passer dans le langage courant en français et qui signifient tous cette volonté de déconstruire les traditions, de faire table rase du passé. C'est un héritage de la Révolution française, c'est pour ça que ça naît à Paris. C'est même un héritage de Descartes, celui qui met en doute tout ce qui est hérité du passé, qui veut faire table rase et reconstruire à partir de l'an Un. Tocqueville disait que les Jacobins, les révolutionnaires français, sont des cartésiens sortis des écoles et descendus dans la rue. Les Bohèmes en sont les héritiers. Ils veulent faire table rase du passé et inventer quelque chose. Mais je pense que leur vrai projet, ce n'est pas simplement de transfigurer la vie par l'art, c'est aussi concrètement dans la vie de tous les jours de la rendre plus belle.
Philippe Chauveau :
Ces Bohèmes croient-ils réellement à cet idéal ou bien le vivent-ils pour se cacher de la réalité qui les rattrape, simplement une réalité économique pour beaucoup d'entre-eux qui sont des « crève-misère » ?
Luc Ferry :
Dans la préface de son livre « Les scènes de la vie de bohème », Murger fait une typologie de la Bohème. Il y a la Bohème misérable, mais il la déteste. Ca se termine par l'hôpital, la mort, mais il ne l'aime pas. Ce qu'il pense et ce que presque tous ces jeunes gens pensent, c'est que la Bohème est le premier pas vers la célébrité. En vérité ce qui les tente, on peut les juger non pur par rapport à leur propres idéaux, ils pensent presque tous que la Bohème c'est la propédeutique de l'Académie française, presque tous vont terminer à l'Académie française, Victor Hugo le premier.
Philippe Chauveau :
Est-ce un phénomène typiquement parisien ou est ce que la province va vivre aussi la vie de Bohème.
Luc Ferry :
Non. C'est parisien. C'est cartésien, révolutionnaire et parisien. Après, ça s'étend au reste de l'Europe. Après la Belgique va suivre rapidement. Mais c'est d'abord parisien. D'ailleurs dans « Le manifeste des incohérents », ils disent très clairement que la Bohème ne peut fleurir qu'à Paris, la province pour eux, c'est la vie ennuyeuse, répétitive, c'est la campagne surtout à l'époque.
Philippe Chauveau :
Pourquoi le philosophe que vous êtes s'intéresse-t-il à la vie de Bohème ? En quoi la philosophie et la Bohème se rejoignent-elles ?
Luc Ferry :
Parce que dans la philosophie, il y a trois grands axes. Il y a la connaissance, la morale et la question du salut, de la vie bonne. Ce que l'on doit comprendre, c'est la mondialisation. Et ça, c'est la pré-histoire de la mondialisation. Au fond, c'est ce capitalisme mondialisé qui va pousser à sortir des sociétés traditionnelles, des sociétés qui sont orientées par le passé, le respect des traditions, des coutumes, des anciens et qui va nous faire rentrer dans une société qui va nous faire tourner vers l'avenir, vers l'innovation. On a des histoires parallèles, celle de la naissance de la mondialisation, celle de la naissance de l'art moderne, celle de la naissance de l'utopie et celle de la naissance de la famille moderne qui sont des histoires absolument analogues, qui sont indispensable à la compréhension du monde présent, c'est pour ça que ça me passionne évidemment.
Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Luc Ferry de nous faire partager votre enthousiasme pour « L'invention de la vie de Bohème », c'est aux éditions Cercle d'Art.
Luc Ferry
L'invention de la vie de bohème
L'avis du libraire 1'21On ne s'attend pas à trouver Luc Ferry, le philosophe, auteur d'un magnifique album sur la vie de Bohème, la vie dans les années 1850-1900 à Paris, où se côtoient des écrivains, des journalistes, des sculpteurs, des peintres.
Mais il semble que notre philosophe, ministre de l'Education, s'intéresse avec beaucoup de sérieux à cette période où l'art a explosé. Il en ressort un très beau livre qui nous donne de magnifiques reproductions, mais aussi un texte intéressant, documenté.
On découvre cette période avec plaisir dans ce quartier latin qui nous entoure ici. On voit le foisonnement culturel, artistique et il en ressort un livre intéressant qui peut faire un joli cadeau de noël. Il n'y a pas que des images, il y a aussi un texte très travaillé.
La Colomberie
(Paris)
Jean-Denys Tétier
On ne s'attend pas à trouver Luc Ferry, le philosophe, auteur d'un magnifique album sur la vie de Bohème, la vie dans les années 1850-1900 à Paris, où se côtoient des écrivains, des journalistes, des sculpteurs, des peintres. Mais il semble que notre philosophe, ministre de l'Education, s'intéresse avec beaucoup de sérieux à cette période où l'art a explosé. Il en ressort un très beau livre qui nous donne de magnifiques reproductions, mais aussi un texte intéressant, documenté. On découvre cette période avec plaisir dans ce quartier latin qui nous entoure ici. On voit le foisonnement culturel, artistique et il en ressort un livre intéressant qui peut faire un joli cadeau de noël. Il n'y a pas que des images, il y a aussi un texte très travaillé.