Luc Ferry

Luc Ferry

L'invention de la vie de bohème

Le livre 3'58

Luc Ferry, quel bel album que vous publiez aux éditions Cercle d'Art, « L'invention de la vie de Bohème ». J'ai envie de dire que vous êtes toujours là ou on ne vous attend pas. Comment un philosophe peut-il proposer un livre sur la Bohème
et avec beaucoup d'illustrations, il y a des demi-mondaines à moitié nues à toute les pages. Qu'est ce qui vous fascine dans la vie de Bohème ?
Très brièvement, c'est à la fois la pré-histoire de mai 68, l'invention de l'utopie moderne et en même temps, c'est la préhistoire de l'art contemporain.
On a à faire à des jeunes gens qui vont s'appeler eux-mêmes les Bohèmes entre les années 1830 et 1900 qui transgressent les tabous de l'époque, mais qui transgressent des tabous avec derrière des régimes policiers qui sont quand mêmes inquiétant.
On a l'impression que le fait de transgresser, ils le cachent derrière l'art. L'art finalement leur permet de tout faire.
Il y a quelque chose qui est très intéressant. Ils vont se donner des noms qui vont passer dans le langage courant en français et qui signifient tous cette volonté de déconstruire les traditions, de faire table rase du passé.
C'est un héritage de la Révolution française, c'est pour ça que ça naît à Paris. C'est même un héritage de Descartes, celui qui met en doute tout ce qui est hérité du passé, qui veut faire table rase et reconstruire à partir de l'an Un.
Tocqueville disait que les Jacobins, les révolutionnaires français, sont des cartésiens sortis des écoles et descendus dans la rue. Les Bohèmes en sont les héritiers. Ils veulent faire table rase du passé et inventer quelque chose.
Mais je pense que leur vrai projet, ce n'est pas simplement de transfigurer la vie par l'art, c'est aussi concrètement dans la vie de tous les jours de la rendre plus belle.
Ces Bohèmes croient-ils réellement à cet idéal ou bien le vivent-ils pour se cacher de la réalité qui les rattrape, simplement une réalité économique pour beaucoup d'entre-eux qui sont des « crève-misère » ?
Dans la préface de son livre « Les scènes de la vie de bohème », Murger fait une typologie de la Bohème. Il y a la Bohème misérable, mais il la déteste. Ca se termine par l'hôpital, la mort, mais il ne l'aime pas.
Ce qu'il pense et ce que presque tous ces jeunes gens pensent, c'est que la Bohème est le premier pas vers la célébrité. En vérité ce qui les tente, on peut les juger non pur par rapport à leur propres idéaux,
ils pensent presque tous que la Bohème c'est la propédeutique de l'Académie française, presque tous vont terminer à l'Académie française, Victor Hugo le premier.
Est-ce un phénomène typiquement parisien ou est ce que la province va vivre aussi la vie de Bohème.
Non. C'est parisien. C'est cartésien, révolutionnaire et parisien. Après, ça s'étend au reste de l'Europe. Après la Belgique va suivre rapidement.
Mais c'est d'abord parisien. D'ailleurs dans « Le manifeste des incohérents », ils disent très clairement que la Bohème ne peut fleurir qu'à Paris, la province pour eux, c'est la vie ennuyeuse, répétitive, c'est la campagne surtout à l'époque.
Pourquoi le philosophe que vous êtes s'intéresse-t-il à la vie de Bohème ? En quoi la philosophie et la Bohème se rejoignent-elles ?
Parce que dans la philosophie, il y a trois grands axes. Il y a la connaissance, la morale et la question du salut, de la vie bonne. Ce que l'on doit comprendre, c'est la mondialisation. Et ça, c'est la pré-histoire de la mondialisation.
Au fond, c'est ce capitalisme mondialisé qui va pousser à sortir des sociétés traditionnelles, des sociétés qui sont orientées par le passé, le respect des traditions, des coutumes, des anciens et qui va nous faire rentrer dans une société qui va nous faire tourner vers l'avenir,
vers l'innovation. On a des histoires parallèles, celle de la naissance de la mondialisation, celle de la naissance de l'art moderne, celle de la naissance de l'utopie et celle de la naissance de la famille moderne qui sont des histoires absolument analogues,
qui sont indispensable à la compréhension du monde présent, c'est pour ça que ça me passionne évidemment.
Merci beaucoup Luc Ferry de nous faire partager votre enthousiasme pour « L'invention de la vie de Bohème », c'est aux éditions Cercle d'Art.

Philippe Chauveau :
Luc Ferry, quel bel album que vous publiez aux éditions Cercle d'Art, « L'invention de la vie de Bohème ». J'ai envie de dire que vous êtes toujours là ou on ne vous attend pas. Comment un philosophe peut-il proposer un livre sur la Bohème et avec beaucoup d'illustrations, il y a des demi-mondaines à moitié nues à toute les pages. Qu'est ce qui vous fascine dans la vie de Bohème ?

Luc Ferry :
Très brièvement, c'est à la fois la pré-histoire de mai 68, l'invention de l'utopie moderne et en même temps, c'est la préhistoire de l'art contemporain. On a à faire à des jeunes gens qui vont s'appeler eux-mêmes les Bohèmes entre les années 1830 et 1900 qui transgressent les tabous de l'époque, mais qui transgressent des tabous avec derrière des régimes policiers qui sont quand mêmes inquiétant.

Philippe Chauveau :
On a l'impression que le fait de transgresser, ils le cachent derrière l'art. L'art finalement leur permet de tout faire.

Luc Ferry :
Il y a quelque chose qui est très intéressant. Ils vont se donner des noms qui vont passer dans le langage courant en français et qui signifient tous cette volonté de déconstruire les traditions, de faire table rase du passé. C'est un héritage de la Révolution française, c'est pour ça que ça naît à Paris. C'est même un héritage de Descartes, celui qui met en doute tout ce qui est hérité du passé, qui veut faire table rase et reconstruire à partir de l'an Un. Tocqueville disait que les Jacobins, les révolutionnaires français, sont des cartésiens sortis des écoles et descendus dans la rue. Les Bohèmes en sont les héritiers. Ils veulent faire table rase du passé et inventer quelque chose. Mais je pense que leur vrai projet, ce n'est pas simplement de transfigurer la vie par l'art, c'est aussi concrètement dans la vie de tous les jours de la rendre plus belle.

Philippe Chauveau :
Ces Bohèmes croient-ils réellement à cet idéal ou bien le vivent-ils pour se cacher de la réalité qui les rattrape, simplement une réalité économique pour beaucoup d'entre-eux qui sont des « crève-misère » ?

Luc Ferry :
Dans la préface de son livre « Les scènes de la vie de bohème », Murger fait une typologie de la Bohème. Il y a la Bohème misérable, mais il la déteste. Ca se termine par l'hôpital, la mort, mais il ne l'aime pas. Ce qu'il pense et ce que presque tous ces jeunes gens pensent, c'est que la Bohème est le premier pas vers la célébrité. En vérité ce qui les tente, on peut les juger non pur par rapport à leur propres idéaux, ils pensent presque tous que la Bohème c'est la propédeutique de l'Académie française, presque tous vont terminer à l'Académie française, Victor Hugo le premier.

Philippe Chauveau :
Est-ce un phénomène typiquement parisien ou est ce que la province va vivre aussi la vie de Bohème.

Luc Ferry :
Non. C'est parisien. C'est cartésien, révolutionnaire et parisien. Après, ça s'étend au reste de l'Europe. Après la Belgique va suivre rapidement. Mais c'est d'abord parisien. D'ailleurs dans « Le manifeste des incohérents », ils disent très clairement que la Bohème ne peut fleurir qu'à Paris, la province pour eux, c'est la vie ennuyeuse, répétitive, c'est la campagne surtout à l'époque.

Philippe Chauveau :
Pourquoi le philosophe que vous êtes s'intéresse-t-il à la vie de Bohème ? En quoi la philosophie et la Bohème se rejoignent-elles ?

Luc Ferry :
Parce que dans la philosophie, il y a trois grands axes. Il y a la connaissance, la morale et la question du salut, de la vie bonne. Ce que l'on doit comprendre, c'est la mondialisation. Et ça, c'est la pré-histoire de la mondialisation. Au fond, c'est ce capitalisme mondialisé qui va pousser à sortir des sociétés traditionnelles, des sociétés qui sont orientées par le passé, le respect des traditions, des coutumes, des anciens et qui va nous faire rentrer dans une société qui va nous faire tourner vers l'avenir, vers l'innovation. On a des histoires parallèles, celle de la naissance de la mondialisation, celle de la naissance de l'art moderne, celle de la naissance de l'utopie et celle de la naissance de la famille moderne qui sont des histoires absolument analogues, qui sont indispensable à la compréhension du monde présent, c'est pour ça que ça me passionne évidemment.

Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Luc Ferry de nous faire partager votre enthousiasme pour « L'invention de la vie de Bohème », c'est aux éditions Cercle d'Art.

L'invention de la vie de bohème Aux éditions Cercle d'Art
  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LE LIVRE
  • L'AVIS DU LIBRAIRE
  • On le connait en tant que philosophe, ministre, chroniqueur, Luc Ferry a plus d'une corde à son arc, mais un seul leitmotiv, l'échange, le partage, le dialogue. Attentif à l'évolution de notre société, n'hésitant pas à aborder les sujets les plus polémiques en argumentant pour exposer ses positions quitte à faire grincer des dents, Luc Ferry suit son chemin, fidèle à ses idées, tout en flegme et en élégance, sans se départir d'une certaine originalité. Cette originalité on la retrouve d'ailleurs dans ce bel album aux...L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Bonjour Luc Ferry. Merci de nous accueillir à l'occasion de la sortie au Cercle d'Art de ce très bel ouvrage « L'invention de la vie de Bohème ». On connait l'homme politique, le chroniqueur, vous êtes régulièrement convié pour donner votre position sur tel ou tel sujet. On connait aussi le philosophe et surtout le philosophe. Quand on est enfant ou adolescent, on veut être pompier, vétérinaire ou médecin, est-ce que l'on peut avoir envie d'être philosophe ?Luc Ferry :D'abord, je vais être honnête,...L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau :Luc Ferry, quel bel album que vous publiez aux éditions Cercle d'Art, « L'invention de la vie de Bohème ». J'ai envie de dire que vous êtes toujours là ou on ne vous attend pas. Comment un philosophe peut-il proposer un livre sur la Bohème et avec beaucoup d'illustrations, il y a des demi-mondaines à moitié nues à toute les pages. Qu'est ce qui vous fascine dans la vie de Bohème ?Luc Ferry :Très brièvement, c'est à la fois la pré-histoire de mai 68, l'invention de l'utopie moderne et en même temps,...L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - Le livre - Suite
    La Colomberie(Paris)Jean-Denys Tétier On ne s'attend pas à trouver Luc Ferry, le philosophe, auteur d'un magnifique album sur la vie de Bohème, la vie dans les années 1850-1900 à Paris, où se côtoient des écrivains, des journalistes, des sculpteurs, des peintres. Mais il semble que notre philosophe, ministre de l'Education, s'intéresse avec beaucoup de sérieux à cette période où l'art a explosé. Il en ressort un très beau livre qui nous donne de magnifiques reproductions, mais aussi un texte intéressant, documenté. On...L'invention de la vie de bohème de Luc Ferry - L'avis du libraire - Suite