Depuis son premier roman, « Le voyage d’Octavio », en 2013, Miguel Bonnefoy a trouvé une place bien à lui dans l’univers littéraire. Né d’une mère vénézuélienne, diplomate, et d’un père chilien, romancier, Miguel Bonnefoy a choisi d’évoquer dans ses romans le voyage, l’exil, le déracinement, dans une langue à la fois poétique et lumineuse, flirtant avec le conte.
Son nouveau roman « Héritage » est une véritable réussite. On ne s’étonnera pas qu’il ait séduit les jurés des prix Femina et Goncourt...
L'inventeur de Miguel Bonnefoy - Présentation - Suite
Portrait
Philippe Chauveau :
Bonjour Miguel Bonnefoy,
« Héritage », c'est votre actualité aux éditions Rivages. Voilà un livre dont on parle beaucoup. Voilà un auteur dont on parle beaucoup aussi ! Vous faites votre petit bonhomme de chemin. Depuis « Le voyage d'Octavio », il s'en est passé pas mal de choses. Si vous deviez vous définir aujourd'hui en tant qu'auteur, qu'écrivain, quelle définition donneriez-vous de vous?
Miguel Bonnefoy :
Un homme chanceux qui a tout simplement eu la bonne fortune de tomber dans une...
L'inventeur de Miguel Bonnefoy - Portrait - Suite
Livre
Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau roman, Miguel Bonnefoy, « Héritage », on retrouve des thèmes que vous aviez parfois abordés sous d'autres formes dans vos précédents titres. Là, nous faisons connaissance avec toute une famille que nous allons suivre sur quatre générations au fil des pages. Le point de départ, c'est quand même celui qu'on appelle le patriarche, qui va se faire appeler, un peu par hasard, Lonsonier. Ce patronyme sera le nom qu'on va leur donner désormais,. Nous sommes à la fin du 19ème siècle. Le...
L'inventeur de Miguel Bonnefoy - Livre - Suite
Miguel Bonnefoy
Héritage
Présentation 00'02'15"Depuis son premier roman, « Le voyage d’Octavio », en 2013, Miguel Bonnefoy a trouvé une place bien à lui dans l’univers littéraire. Né d’une mère vénézuélienne, diplomate, et d’un père chilien, romancier, Miguel Bonnefoy a choisi d’évoquer dans ses romans le voyage, l’exil, le déracinement, dans une langue à la fois poétique et lumineuse, flirtant avec le conte.
Son nouveau roman « Héritage » est une véritable réussite. On ne s’étonnera pas qu’il ait séduit les jurés des prix Femina et Goncourt qui l’ont sélectionné dans cette rentrée littéraire 2020.
L’auteur le reconnait lui-même, s’il s’agit bien d’un roman, Miguel Bonnefoy s’est librement inspiré de l’histoire de sa propre famille, originaire du Jura, partie chercher une vie meilleure en Amérique du Sud au milieu du XIXème siècle.
Dans « Héritage », nous suivons sur quatre générations la famille Lonsonier dont le patriarche a tout quitté en France, vers les années 1870, avec pour seul bagage, le dernier cep de vigne épargné par le philoxera.
Dès lors, dans la lumière et les couleurs éblouissantes, la famille Lonsonnier va faire souche au Chili. Lazare, Thérèse, Margot… on s’attache à tous ces personnages pleins de fantaisie et de complexité. Quant à l’ambiance dans laquelle ils évoluent, c’est aussi l’une des grandes réussites de ce roman où virevoltent des centaines d’oiseaux colorés. Conteur hors pair, Miguel Bonnefoy narre avec poésie et pudeur l’histoire de ces français du bout du monde. Mais au-delà, c’est bien l’histoire universelle et intemporelle du déracinement et de l’exil qui nous est ici racontée et donne à ce récit une lecture très actuelle.
De générations en générations, de coups de cœur en coups de folie, c’est avec jubilation que l’on suit les pérégrinations de cette famille Lonsonier, marchant sur un fil entre deux cultures alors que la grande histoire laisse des traces sur ces destins individuels.
Un formidable roman, lumineux et sombre à la fois, empreint d’une profonde humanité. Incontestablement, l’un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire 2020.
« Héritage » de Miguel Bonnefoy est publié aux éditions Rivages.
Miguel Bonnefoy
Héritage
Portrait 00'06'55"Portrait
Philippe Chauveau :
Bonjour Miguel Bonnefoy,
« Héritage », c'est votre actualité aux éditions Rivages. Voilà un livre dont on parle beaucoup. Voilà un auteur dont on parle beaucoup aussi ! Vous faites votre petit bonhomme de chemin. Depuis « Le voyage d'Octavio », il s'en est passé pas mal de choses. Si vous deviez vous définir aujourd'hui en tant qu'auteur, qu'écrivain, quelle définition donneriez-vous de vous?
Miguel Bonnefoy :
Un homme chanceux qui a tout simplement eu la bonne fortune de tomber dans une belle maison d'édition, avec une éditrice extraordinaire, avec des attachés de presse sublimes, et me rendre compte à quel point c'est un travail collectif. Les victoires ont souvent beaucoup de pères et les défaites sont orphelines. J'ai observé que chaque livre se passait bien. Donc, il y avait un travail collectif qui était fait. Et si demain un livre se passe moins bien, je pense que, de toutes façons, la maison d'édition sera derrière pour m'épauler.
Philippe Chauveau :
Vous vous sentez en famille chez Rivages?
Miguel Bonnefoy :
Absolument. En famille, et je me sens aussi dans une situation de grande solidarité et de grande générosité, avec beaucoup de participation autour. Je me rends compte que lorsque tu fais ce chemin d'écrivain, tu ne peux pas être en train de penser d'une façon solitaire, mais au contraire, te dire que tu es dans une ruche d'abeilles pour que chacun puisse faire son propre miel.
Philippe Chauveau :
Il y a la famille Rivages et puis, il y a l'autre famille, la vraie famille de Miguel Bonnefoy, avec une mère qui est diplomate vénézuélienne et votre père, qui est romancier chilien. Là aussi, vous avez l'impression que vous êtes tombé dans une bonne famille ? C'est notamment peut-être votre père qui vous fait découvrir l'amour des livres ?
Miguel Bonnefoy :
Oui, c'est mon père qui m'a fait découvrir l'amour des livres en tant qu'écrivain mais ma mère m’a fait découvrir aussi l'amour de la poésie en tant que grande lectrice. Ma mère est attachée culturel. C'est une femme qui a toujours été aussi dans ces porosités de disciplines artistiques, où il y a eu à la maison des compositeurs, des chanteurs et des architectes, il y a eu des peintres aussi. Sans cesse, l'art était présent à la maison. Il y a eu un apport poétique de sa part, vraiment, par rapport à une littérature qui était plus proche presque de la musique que des lettres. Ensuite, mon père, lui, est romancier, donc c'est encore un autre pan de l'histoire, et lui a été davantage dans la structure, davantage dans l'échafaudage du déroulé romanesque, beaucoup plus dans un travail de charpente, alors que ma mère était plus, en effet, dans l'air, dans l'aloi, dans le scintillement d'une phrase.
Philippe Chauveau :
Et en ce qui vous concerne ? Comment le déclic se fait-il ? Pourquoi l'envie de prendre la plume à votre tour ?
Miguel Bonnefoy :
Je pense par mimétisme. Mon père écrit, donc, fatalement, moi, j'ai voulu écrire. Sans doute également pour pouvoir m'accouder au goût et au parfum que ma mère pouvait me donner avec la poésie. Mais également, et je veux le croire humblement, parce que peut-être qu'on a quelque chose à dire ou du moins, j'avais l'impression d'avoir quelque chose à dire ou j'avais envie de le dire.
Philippe Chauveau :
Le Venezuela, le Chili, le Portugal aussi, où, je crois, vous avez fait un séjour assez long, et la France maintenant. Sans doute d'autres voyages de par le monde… Vous êtes un oiseau migrateur, vous êtes un déraciné, un citoyen du monde ? Comment vous considérez vous dans cette période où l’on a souvent tendance à mettre les gens dans les cases, ou lorsqu'ils franchissent les frontières on les regarde parfois de travers.
Miguel Bonnefoy :
C'est vrai? Non ! Moi, j'ai grandi dans une famille de déracinés, d'exilés, dans une famille de migrants. Et si je regarde en arrière, je remonte sans cesse. Plus je remonte dans les généalogies et plus j'observe qu'on a sans cesse cet élan dans des mouvements, dans des déplacements humains, dans un monde, dans un univers de crise migratoire comme celui-ci. Je pense que montrer que les frontières peuvent être ouvertes, qu'il peut y avoir justement des ouvertures à ce niveau-là et qu'il y a des personnes qui essaient de montrer que, dans leur cœur, il n'y a pas de divisions, qu'il n'y a pas de patriotisme, de frontière, qu'il n'y a pas des fissures et des compartiments de nationalité ou d'identité, mais qu'au contraire, on est tous une mélasse, un croisement, un métissage; ce n'est sans doute pas si déplacé de tenir un discours comme ça. C'est avec beaucoup de fierté que je montre, en effet, que je n'ai pas une nationalité précise, que je n'ai pas une langue précise et que jamais, je ne serai celui qui se dressera devant des drapeaux pour cracher sur d'autres.
Philippe Chauveau :
J'aimerais que l'on fasse une petite parenthèse sur cet autre voyage qui est celui de la Villa Médicis en 2018-2019. Pour l'auteur maintenant reconnu que vous êtes, qu'apportent ces deux années à la Villa Médicis ?
Miguel Bonnefoy :
Merveilleux, bien sûr, c'était un rêve d'enfant ! Comme pour énormément d'artistes, que ce soit des peintres, des compositeurs, des écrivains ou des historiens de l'art, c'est bien entendu le rêve absolu de pouvoir aller à la Villa Médicis ou tu sais que tu vas être installé là-haut. Pendant trois siècles et demi, la France, l'Académie de France, a essayé de rayonner en Italie. En arrivant à la Villa, tu te rends compte que tu ne t'es pas trompé, qu'on ne t'a pas maquillé l'affaire. C'est vrai que c'est un endroit qui est spectaculaire, qui offre en effet des possibilités immenses. En plus, l'administration de la Villa Medicis s'occupe de dresser des ponts et faire des passerelles avec les artistes locaux pour voir s'il est possible de créer une sorte d'art un peu bipolaire où l’on puisse se répondre et faire écho avec la culture italienne. Ensuite, il y a la rencontre avec les seize autres artistes qui sont là, qui, eux, bien entendu, ne travaillent pas du tout sur les mêmes sujets que toi, sur les mêmes thèmes, qui ont un autre filtre, qui ont un autre angle et qui cependant, par leur influence, finissent par te nourrir davantage, t'alimenter en plus. Lorsque tu as des conversations et que tu dis que tu es en train de travailler sur la migration, tu te rends compte que l'autre travaille également sur la migration mais du point de vue de la composition musicale. Il finit par éclairer et mettre en lumière des choses que tu n'avais même pas soupçonnées.
Philippe Chauveau :
On l'a dit, le voyage est l'une des constantes, l'une des récurrences de vos romans. Il y a aussi souvent beaucoup de poésie et beaucoup de couleurs dans votre écriture et une foison de personnages picaresques. Néanmoins, il y a souvent aussi la fureur de la grande Histoire qui traverse vos romans avec des moments de violence. Diriez-vous que vous êtes aussi parfois un écorché vif qui met de belles couleurs pour masquer un certain désappointement?
Miguel Bonnefoy :
Intéressant… Je ne me présenterais pas comme un écorché vif pour une raison très simple c'est que, pour en avoir rencontré comme vous sans doute dans la vie, on se rend compte qui sont les véritables écorchés vifs du monde. Et moi, je n'ai pas du tout une vie compliquée, j'ai au contraire eu une vie suffisamment heureuse pour ne pas être en train de me charger d'amertume. J'essaie, comme je peux, de travailler dans les livres, une sorte de monde dans lequel il peut y avoir des fleurs et pas seulement des épines.
Philippe Chauveau :
Votre actualité, Miguel Bonnefoy, « Héritage », aux éditions Rivages.
Miguel Bonnefoy
Héritage
Livre 00'07'09"Livre
Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau roman, Miguel Bonnefoy, « Héritage », on retrouve des thèmes que vous aviez parfois abordés sous d'autres formes dans vos précédents titres. Là, nous faisons connaissance avec toute une famille que nous allons suivre sur quatre générations au fil des pages. Le point de départ, c'est quand même celui qu'on appelle le patriarche, qui va se faire appeler, un peu par hasard, Lonsonier. Ce patronyme sera le nom qu'on va leur donner désormais,. Nous sommes à la fin du 19ème siècle. Le phylloxéra a fait des ravages en France. Il arrache le dernier ceps de vigne encore à peu près vivace. Et il prend le bateau. Qui est-il, ce fameux patriarche ?
Miguel Bonnefoy :
Il semblerait, selon ma légende familiale, que les Bonnefoy sont nés près de Boissières, près de Clairvaux-les-Lacs, pas loin de Lons-le-Saunier. Le premier Bonnefoy était tavernier ; il n'était pas vigneron mais bien tavernier. À partir de là, ils sont partis au Chili pour des raisons un peu inconnues. Mais je pense, en effet, que, étant tavernier, peut-être qu'il y a eu une crise au niveau de la viticulture. Lui a été touché par procuration. Ensuite, il s'est retrouvé à prendre ce navire en fer pour traverser l'Atlantique et arriver au Chili. J'ai voulu imaginer par le filtre de la fiction un personnage qui puisse en effet s'appeler Lonsonier et qui, lui, aurait quitté la vigne, étant directement vigneron, fuyant le phylloxéra pour aller les replanter sur les flancs de la cordillère.
Philippe Chauveau :
Le lecteur va donc embarquer avec ce patriarche et son cep de vigne sur ce bateau de fer jusqu'au Chili. Et puis, on va suivre cette famille sur plusieurs générations. Il y a une belle galerie de portraits, que ce soit Lazare, que ce soit Thérèse et ses oiseaux, que ce soit ensuite Margot l'aventurière et son avion. Tous ces personnages, comment les avez-vous conçus ?
Miguel Bonnefoy :
Ils se construisent de deux façons. D'abord, bien sûr, dans la terre de l'imagination, dans laquelle chacun a envie de développer. Par exemple, pour le personnage ornithologue, tu as envie de développer un personnage aviatrice, de pouvoir rendre hommage aux guérisseurs mapuche chez Alcanes avec les matches, tu as envie de parler d'une sorte de poilu franco-chilien qui, lui, se battraient dans la Marne. Bien sûr, ils naissent comme ça dans l'imagination, comme tous les écrivains, comme tous les livres. Mais il y avait à côté aussi des chevilles narratives qui étaient un peu obligatoires pour pouvoir bien dresser l'architecture du livre. Et ça obligeait d'avoir certains personnages pour pouvoir en introduire d'autres. C'est pour dire que si le personnage de Margot, l'aviatrice devait naître, c'était intéressant de pouvoir lui donner une sorte de présage en la faisant naître au cœur d'une volière. Mais si elle doit naître au cœur d'une volière, et bien il faut construire la volière. Donc, tu te dis, je vais prendre quelques chapitres pour développer le personnage de Thérèse qui, elle, est fascinée par les oiseaux. Mais pourquoi elle est fascinée par les oiseaux ? Allons un petit peu avant pour se demander justement comment le père de Thérèse est arrivé et pourquoi cela l'a obligé à être dans les zoos. Et finalement, les personnages que tu as envie de développer, tu les développes dans ton imagination mais ils finissent aussi par entrer dans une sorte de grande chaîne, une grande fresque narrative qui oblige aussi à créer d’autres personnages.
Philippe Chauveau :
Je l'ai dit en préambule, nous allons suivre cette famille sur plusieurs générations qui va faire souche en Amérique du Sud. Mais il y a ces fameuses racines, que ce soient celles de la vigne ou celles de la famille. Et la France n'est jamais très loin dans leur décor, dans leur histoire. La France est aussi souvent synonyme de la grande Histoire, puisque, par ces personnages, nous allons aussi revivre les deux grandes guerres. Pourquoi était-ce important que ces racines françaises soient aussi noires, finalement ?
Miguel Bonnefoy :
En effet, elles sont noires d'un côté, elles sont blanches de l'autre. Et elles sont noires, bien-sûr, parce que selon ce qu'on m'a raconté dans ma légende familiale, il y a cette Première Guerre mondiale dans laquelle Robert et Charles Bonnefoy meurent. Mais il y a aussi une blancheur, car lorsque tu parles de la migration, il ne faut pas oublier de parler du revers qui est celui de l'accueil dans les années 1970, lorsque tout un flux de latino-américains, fuyant les dictatures du Chili, de l'Argentine, d'Uruguay et du Brésil, sont arrivés sur les côtes françaises, sont arrivés à Paris. Il y a eu un accueil extraordinaire de la part des Français. La France a été une véritable terre d'asile, qui leur a permis justement de se reconstruire, de se réinventer, d'avoir des enfants. Et aujourd'hui, l’un des garçons écrit cette histoire et je pense que cela nous fait réfléchir un peu sur tous les migrants qui se retrouvent dans des tentes, dans des jungles ou aux portes de la France. Ils ont des enfants et qui sait si parmi ces enfants en train de dormir dans une tente, il n’y a pas un prochain astrophysicien, un prochain médecin, un prochain avocat ou un jeune Zola qui se tient là.
Philippe Chauveau :
Vous nous le faites comprendre, la migration est le thème même de ce roman « Héritage ». Et puis, dans votre écriture, il y a toujours ce qui fait le charme de votre travail, c'est cette poésie, cette peinture que vous mettez. Il y a beaucoup d'amour également, que ce soit Lazare et Thérèse, que ce soit dans les rencontres que va faire Margot. Dans cette poésie, il y a un univers assez fantasmé. C'est un peu votre carte de visite ?
Miguel Bonnefoy :
Oui, la langue est mon territoire, la langue est mon pays, disait Fernando Pessoa. Donc, bien entendu que moi, je travaille essentiellement la langue. Il y a un développement au niveau des personnages. Il y a bien sûr un travail d'astuce et de ruse littéraire, avec des prolepses, avec des analepses et ce genre de choses. Il y a bien entendu le travail de documentation au niveau de l'Histoire. Là où moi j'y mets le plus de cœur, là où je m'efforce, avec discipline et avec méthode, de pouvoir créer, constituer un territoire qui est la naissance de l'art comme disait Deleuze, c'est sans doute au niveau de la langue. Je cherche à marier la langue française avec l'espagnol dans un même syncrétisme, sans qu'on y voit les jointures, sans qu'on y voit les coutures et voir s'il est possible d'apporter un peu de couleur, comme une sorte de tropicalisation de la langue française.
Philippe Chauveau :
Au-delà du plaisir de lecture que vous offrez aux lecteurs et de la réflexion aussi à laquelle vous nous incitez avec les thématiques abordées, avez-vous l'impression d'avoir rempli une mission vis à vis de ceux qui vous ont précédés ? Ce livre est-il pour vous une évidence ?
Miguel Bonnefoy :
Oui, mais ce n'est pas non plus un hommage ni une mission par rapport à la réalité et à la migration. Moi, je suis tout petit, j'ai encore tout à apprendre, j'ai encore tout à faire et ce n'est pas non plus une sorte d'hommage que je rends parce que les migrants n'ont pas besoin qu'on les défende. Ils n'ont pas à me dire merci pour un livre comme ça. Mon travail a simplement été celui d'exprimer le monde au lieu de le copier. J'ai fait ce qu'on réclame à un écrivain, c'est à dire mentir pour mieux dire la vérité. Je ne suis qu'un artisan du réel ivre de fiction comme un musicien peut être ivre de silence.
Philippe Chauveau :
C'est l'un des gros coups de cœur de cette rentrée littéraire 2020, une petite pépite. Miguel Bonnefoy, « Héritage », aux Éditions Rivages. Merci beaucoup.