Adeline Dieudonné

Adeline Dieudonné

Reste

Portrait 00'08'00"

Philippe Bonjour Adeline Dieudonné.

Adeline Dieudonné Bonjour.

Philippe J'ai grand plaisir à vous accueillir. Je rappelle que vous êtes Belge, vous vivez à Bruxelles, mais actuellement vous êtes en promotion pour votre nouveau livre. Ce qui veut dire que vous sillonnez un peu la France, tantôt là, tantôt ailleurs. Et vous avez accepté d'avoir ce petit moment avec nous. Donc je vous en remercie infiniment. "Reste", c'est votre actualité aux éditions de L'iconoclaste. Il y a eu "Kérozène", il y a eu "La vraie vie". Et puis il y a aussi un autre parcours. Puisque vous montez sur les planches, on va avoir l'occasion d'en reparler. On vous a découverte en 2018 avec "La vraie vie", qui a été un formidable succès. Quel souvenir gardez-vous de ces moments, de ce qui est considéré comme votre premier roman ?

Adeline Dieudonné Un grand bouleversement. Ç'a été une période complètement folle parce que pour moi, c'était déjà fou d'écrire un roman. Il y avait quelque chose de très transgressif pour moi dans la démarche même d'écrire un roman. Parce que pour moi, les romans étaient écrit par des hommes morts, pour la plupart. Ou quand c'étaient des femmes qui écrivaient dans ma tête, c'étaient des femmes qui étaient très lettrées, qui avaient fait des grandes études et ce qui n'était pas mon cas. Donc voilà, déjà l'idée d'écrire un roman, c'était transgressif. Qu'il soit publié, c'était déjà une nouvelle extraordinaire. Qu'il est le succès qu'il a eu, je n'en revenais pas. J'ai vraiment passé six mois d'hébétude complète, de grand ravissement. Et puis aussi beaucoup d'angoisse et de sentiment d'illégitimité de ne pas me sentir à ma place.

Philippe Justement, ce qu'on appelle communément le syndrome de l'imposteur, vous l'avez ressenti ? Ça, c'est quelque chose qui vous colle encore à la peau ou maintenant vous avez réussi à laisser tomber ?

Adeline Dieudonné Non, je pense que là, j'ai réussi à passer outre. Même si ça reste angoissant de publier un livre parce qu'on sait qu'on nefera pas l'unanimité. Mais le sentiment d'imposture, oui, ça, je pense que j'ai réussi à le dépasser parce que j'ai aussi réalisé à quel point le monde de l'édition est vaste et qu'en faite, il y a de la place pour tout le monde.

Philippe Avant la vraie vie, il y avait des nouvelles, il y avait des publications dans des recueils de nouvelles. Et puis il y avait aussi un seul en scène "Bonobo Moussaka". Ça, c'était en 2017. Ce qui veut dire que vous vous épanouissez aussi dans la dramaturgie et sur les planches. C'est une autre Adeline Dieudonné, dans ces cas là, qui est face au public ? Que celle qui écrit seul en attendant son lecteur ?

Adeline Dieudonné Non, non, c'est la même, mais c'est vraiment deux aspects du travail qui ne sont pas forcément complémentaires. Mais en l'occurrence, pour "La vraie vie", ça l'a été, c'est-à-dire que c'était un prolongement. En fait, j'avais raconté ce que j'avais à raconter par rapport à cette petite fille. Je lui avais prêté ma voix du mieux que je pouvais à travers le roman. Et puis on m'a proposé de monter sur scène pour jouer dans l'adaptation théâtrale. Et ç'a été extraordinaire pour moi parce que, en fait, j'ai l'impression de ne toujours pas avoir réglé mes comptes avec cette petite fille. J'ai l'impression qu'elle reste très vivante en moi et qu'elle a encore besoin de s'exprimer. Et donc le fait de pouvoir être sur scène et de lui prêter mon corps, ma voix, c'était extraordinaire. Et puis aussi de pouvoir... Bah c'est vrai que le travail d'écrivain est très solitaire et que on n'est pas là au moment où les lecteurs et lectrices reçoivent le texte. Et là, je trouve que de pouvoir leur livrer le texte moi-même et de pouvoir ressentir et d'avoir cet échange d'émotion avec avec le public, c'est extraordinaire.

Philippe Vous avez aujourd'hui trois romans à votre actif. Vous avez l'impression que c'est une sorte d'aboutissement ? Ou finalement, est ce que ce sont les hasards de la vie qui vous ont fait devenir autrice ?

Adeline Dieudonné Ce sont les hasards de la vie qui m'ont fait devenir actrice, ça, c'est certain. Je suis un peu arrivé là par accident. Maintenant, je suis très heureuse d'y être. Et oui, c'est vrai que trois romans, plus un texte de théâtre, ça commence à ressembler à une œuvre pour dire des grands mots, mais en tout cas à une trajectoire. Et c'est vrai que je commence à prendre un tout petit peu confiance et à savoir où je vais et à pouvoir décider peut-être maintenant où j'ai envie d'aller. Je ne suis pas obligée de publier pour me rassurer. Je pourrais maintenant consacrer un petit peu de temps à une œuvre peut-être un peu plus foisonnante. Voilà, c'est l'idée que j'ai en ce moment.

Philippe Il y a une démarche et une réflexion sur votre travail d'autrice. "La vraie vie", c'était cette histoire d'une famille qui a explosé en plein vol après un drame. "Kérozène", c'était cette station service avec ces personnages qui se retrouvaient à 23 h 12 sur une route improbable. "Reste", on va en reparler, mais c'est l'histoire de cette femme qui veille l'homme qu'elle aime et qui vient de mourir. Quel est le fil rouge dans votre écriture ? Parce que les histoires sont très différentes. La nature est très présente dans ces trois romans. S'il y avait un fil rouge, lequel serait-il ?

Adeline Dieudonné C'est vrai, c'est une question compliquée parce que j'ai l'impression que je pourrais y répondre de 1000 façons différentes. Mais je peux peut-être choisir la domination, qui reste un thème qui traverse - qui a évidemment était très évident dans la vraie vie - qui reste très présent dans "Kérozène" et que j'aborde de nouveau dans "Reste". Et c'est vrai que ça reste ce qui m'émeut, ce qui me mobilise, de parler de la domination. Mais sous toutes ses formes, que ce soit la domination sociale, la domination masculine, la domination sur le vivant, sur les animaux, sur les enfants. Oui, je crois que c'est peut-être, pour l'instant, le mot qui peut traverser les quatre. Parce que dans "Bonobo Moussaka", il en était aussi amplement question.

Philippe Si je poursuis dans ce que vous venez de nous dire, ça veut dire qu'il y a dans votre écriture, dans votre travail, peut-être pas une part de militantisme, mais en tout cas, vous rôle d'autrice, de romancière ? Il y a volonté de de bousculer les consciences, de faire réfléchir ?

Adeline Dieudonné Eh bien, c'est une grande question sur laquelle je passe pas mal de temps en ce moment. Parce que oui, bien sûr, je pense que la fiction conditionne nos sociétés, nous conditionne. Et donc c'est le soft power, c'est voilà. Maintenant, est-ce que j'ai vraiment envie de l'utiliser ? Ou est-ce que j'ai envie de l'utiliser de façon consciente ? Et voilà, je suis un tout petit peu sceptique sur la notion utilitariste de la fiction. Est-ce que ça doit devenir la tranche de jambon dans laquelle on met la pilule pour la faire passer ? Je suis très divisée sur cette question.

Philippe Mais ce qui veut dire que vous cheminez avec votre brique, avec votre plume, vous essayez de comprendre quel est votre responsabilité dans tout cela et quel est votre rôle ?

Adeline Dieudonné Oui. Et puis, de toute façon, je pense que toute fiction est politique. En fait, voilà, je crois que ne pas penser la dimension politique d'une œuvre, c'est déjà une démarche politique. Ça veut dire qu'on accepte l'ordre établi. Ça veut dire qu'on accepte que cette œuvre s'inscrive dans une forme... Alors le mot de "propagande" est peut-être un petit peu fort, mais en tout cas viennent confirmer l'ordre dans lequel on vit et l'ordre social dans lequel on vit. Donc en fait, toute fiction est politique. Et voilà. ce dont je suis en train de prendre conscience aujourd'hui, c'est qu'on n'y échappe pas. Voilà, ma réflexion, elle en est là pour l'instant.

Philippe Votre actualité Adeline Dieudonné, ça s'appelle "Reste". C'est aux éditions de L'iconoclaste.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Son premier roman « La vrai vie » en 2018 avait fait l’effet d’une petite bombe par l’engouement médiatique qui avait suivi la sortie du livre. Avec cette histoire, racontée par une enfant, d’une famille ordinaire dans un quartier pavillonnaire face à un drame et un secret sordide, Adeline Dieudonné avait tout de suite marqué les esprits par l’originalité du propos et la pertinence du ton, usant d’un style à la fois cru et littéraire, poétique et cauchemardesque, pour aborder des thématiques contemporaines....Reste d'Adeline Dieudonné - Présentation - Suite
    Philippe Bonjour Adeline Dieudonné. Adeline Dieudonné Bonjour. Philippe J'ai grand plaisir à vous accueillir. Je rappelle que vous êtes Belge, vous vivez à Bruxelles, mais actuellement vous êtes en promotion pour votre nouveau livre. Ce qui veut dire que vous sillonnez un peu la France, tantôt là, tantôt ailleurs. Et vous avez accepté d'avoir ce petit moment avec nous. Donc je vous en remercie infiniment. "Reste", c'est votre actualité aux éditions de L'iconoclaste. Il y a eu "Kérozène", il y a eu "La vraie vie". Et puis il...Reste d'Adeline Dieudonné - Portrait - Suite
    Philippe Dans ce nouveau titre, Aline Dieudonné, c'est votre troisième roman : "Reste". La couverture est belle. Nous allons faire la connaissance d'un couple. C'est un couple, ce qu'on appelle communément un couple illégitime. Ils sont partis pour quelques jours dans un chalet au bord d'un lac. Un chalet qui a été prêté par un ami. Oui, mais ça ne va pas se passer comme prévu puisque l'homme va mourir accidentellement. Et puis cette jeune femme va rester à veiller son corps et c'est elle qui va parler à la première personne....Reste d'Adeline Dieudonné - Livre - Suite