Lydie Salvayre

Lydie Salvayre

Pas pleurer - Prix Goncourt 2014

Portrait 8'40

Merci Lydie Salvayre de nous accueillir, ici, chez vous, dans votre intimité. Quelques semaines maintenant après l'obtention du prix Goncourt, la tension est un peu retombée. Quels souvenirs allez-vous en garder ?
Le souvenir qu'un petit bonheur personnel est peu de choses s'il n'est pas doublé d'un bonheur de plusieurs, un bonheur collectif, et cela s'est produit avec le Seuil.
Un vrai bonheur avec toute cette maison d'édition. Quand votre joie est doublée, triplée, quadruplée par celle des autres, c'est formidable à vivre.
Avez-vous l'impression que le Goncourt va changer quelque chose dans votre parcours d'auteur ? Y aura t'il un avant et un après ?
Je ne dirais pas ça comme ça… J'ai l'impression que j'ai les mêmes passions qu'avant, les mêmes colères, le même désir d'écrire, la même peur de ne plus écrire. Je vis avec le même homme, je vis dans la même maison, j'ai les mêmes amis…
Je n'ai pas l'impression que cela ait changé radicalement ma vie. Évidemment, cela a changé le nombre des lecteurs qui vont me lire, ça c'est clair !
Avant de recevoir vous-même le Goncourt, y prêtiez-vous attention chaque année ?
Je serais malhonnête de dire non. Quel que soit le regard que l'on porte sur la vanité de la gloire, sur le fait que l'œuvre est plus importante que le reste, il m'était impossible de regarder avec dédain les prix littéraires. Oui, cela m'intéressait.
Vous prenez donc place dans cette grande famille des Goncourt. Pour vous dont les racines sont espagnoles, dont les parents ont fui l'Espagne et qui n'avaient pas le français pour langue maternelle, est-ce une sorte de récompense ou de revanche sur la vie ?
Cette revanche aurait été surtout très importante pour ma mère. Je regrette qu'elle ne soit plus là, elle qui a élevé sa fille dans un « fragnol » de guingois, aurait été extrêmement fière de voir sa fille recevoir un prix littéraire
Justement, comment découvrez-vous le français puisqu'à la maison, on parle essentiellement espagnol.
Oui ! Dans les premières années de leur présence en France, on parle espagnol à la maison. Puis, par l'école et la lecture, j'apprends le beau français, le « bien dire », la grammaire, la conjugaison, c'est le français que je découvre et que j'apprends à aimer !
Vous êtes aujourd'hui une auteur reconnue mais auparavant, il y a eu un autre parcours avec lé médecine, la psychiatrie. Comment passe t'on d'un univers à l'autre ? Peut-on voir un lien entre ces deux vocations ?
J'ai vraiment toujours vécu les deux en amitié, l'une n'a jamais rendu l'exercice de l'autre impossible, parce qu'elles ont des choses en commun me semble t'il. Le prix de ce qui se dit, comme le prix d'une lecture est impossible à évaluer.
Cela n'a pas de prix, ça peut changer la vie. Comme un livre peut changer une vie, la rencontre avec un thérapeute peut aussi changer une vie, ou pas.
Mais personne ne peut en donner le tarif et cela me plait ! La pratique de la pédopsychiatrie dans une banlieue me mettait à un poste où le monde venait à moi dans mon bureau. Toutes sortes de gens et de familles venaient me dire leur désarroi et leurs peines.
Je voyageais puisque venaient dans mon bureau des gens de diverses communautés étrangères, de maints horizons, des enfants de tous âges.
Si je reprends ce terme « voyager », avec vos romans « La médaille », « La compagnie des spectres » ou aujourd'hui « Pas pleurer », vers quels voyages avez—vous souhaité entraîner le lecteur ?
Y a-t-il un fil conducteur entre tous vos livres car on y trouve des récurrences, les fêlures des personnages, l'engagement social, l'attachement à l'Espagne?
Sûrement… Il me semble qu'il est souvent question de la famille, dans ses côtés souvent sombres, avec un pouvoir paternel lourd, parce que je n'ai cessé de recevoir dans mon bureau de médecin, justement, des familles qui me confiaient leur désarroi.
Et si j'avais écrit le 10ème de ce que l'on m'a confié, cela aurait été insupportable à la lecture. Le fait que je travaille dans ces conditions et en banlieue a ajouté à la violence de ce que je pouvais écrire.
Ce qui se passe dans les familles est violent, quoi qu'on en dise. C'est même, à mon avis, le germe de toutes les violences, celles que l'on reproduit plus tard.
Cette violence que vous avez côtoyée avec vos patients et dans votre famille, vous la transmettez dans vos livres car souvent il y a des situations ou des personnages violents, mais paradoxalement, l'écriture vous apaise t'elle ?
Ce qui est extraordinaire, c'est que l'on me dit souvent qu'il y a de la colère dans mes livres mais dans la vie de tous les jours, il est très rare que je sois en colère. Or, dès que je prends la plume, il y a une sorte de réflexe de colère qui s'éveille. C'est extraordinaire ! Je crois que cela tient….
Je n'en sais rien au fond ! Enfant, j'étais sensible aux violences qui s'exerçaient sur moi, les violences du regard social puisqu'on habitait dans une HLM, fille de parents ouvriers, la violence de mal parler, du regard que l'on peut avoir sur un enfant qui s'exprime mal…
Si je dois chercher l'origine de la violence, je pense qu'elle est dans ces choses que j'ai vécues enfant comme une injustice ;
Mais alors que vous a apporté l'écriture dans votre vie ?
Justement, pouvoir transformer sous forme d'art des choses, des sensations qui étaient plutôt négatives. Je suis contente d'être arrivée à cela plutôt que rester dans un ressentiment perpétuel, un désir amer de ne pas pouvoir l'exprimer.
Au contraire, j'ai pu le transformer, même en quelque chose de joyeux…

Philippe Chauveau :
Merci Lydie Salvayre de nous accueillir, ici, chez vous, dans votre intimité. Quelques semaines maintenant après l'obtention du prix Goncourt, la tension est un peu retombée. Quels souvenirs allez-vous en garder ?

Lydie Salvayre :
Le souvenir qu'un petit bonheur personnel est peu de choses s'il n'est pas doublé d'un bonheur de plusieurs, un bonheur collectif, et cela s'est produit avec le Seuil. Un vrai bonheur avec toute cette maison d'édition. Quand votre joie est doublée, triplée, quadruplée par celle des autres, c'est formidable à vivre.

Philippe Chauveau :
Avez-vous l'impression que le Goncourt va changer quelque chose dans votre parcours d'auteur ? Y aura-t-il un avant et un après ?

Lydie Salvayre :
Je ne dirais pas ça comme ça… J'ai l'impression que j'ai les mêmes passions qu'avant, les mêmes colères, le même désir d'écrire, la même peur de ne plus écrire. Je vis avec le même homme, je vis dans la même maison, j'ai les mêmes amis… Je n'ai pas l'impression que cela ait changé radicalement ma vie. Évidemment, cela a changé le nombre des lecteurs qui vont me lire, ça c'est clair !

Philippe Chauveau :
Avant de recevoir vous-même le Goncourt, y prêtiez-vous attention chaque année ?

Lydie Salvayre :
Je serais malhonnête de dire non. Quel que soit le regard que l'on porte sur la vanité de la gloire, sur le fait que l'œuvre est plus importante que le reste, il m'était impossible de regarder avec dédain les prix littéraires. Oui, cela m'intéressait.

Philippe Chauveau :
Vous prenez donc place dans cette grande famille des Goncourt. Pour vous dont les racines sont espagnoles, dont les parents ont fui l'Espagne et qui n'avaient pas le français pour langue maternelle, est-ce une sorte de récompense ou de revanche sur la vie ?

Lydie Salvayre :
Cette revanche aurait été surtout très importante pour ma mère. Je regrette qu'elle ne soit plus là, elle qui a élevé sa fille dans un « fragnol » de guingois, aurait été extrêmement fière de voir sa fille recevoir un prix littéraire

Philippe Chauveau :
Justement, comment découvrez-vous le français puisqu'à la maison, on parle essentiellement espagnol.

Lydie Salvayre :
Oui ! Dans les premières années de leur présence en France, on parle espagnol à la maison. Puis, par l'école et la lecture, j'apprends le beau français, le « bien dire », la grammaire, la conjugaison, c'est le français que je découvre et que j'apprends à aimer !

Philippe Chauveau :
Vous êtes aujourd'hui une auteur reconnue mais auparavant, il y a eu un autre parcours avec lé médecine, la psychiatrie. Comment passe-t-on d'un univers à l'autre ? Peut-on voir un lien entre ces deux vocations ?

Lydie Salvayre :
J'ai vraiment toujours vécu les deux en amitié, l'une n'a jamais rendu l'exercice de l'autre impossible, parce qu'elles ont des choses en commun me semble-t-il. Le prix de ce qui se dit, comme le prix d'une lecture est impossible à évaluer. Cela n'a pas de prix, ça peut changer la vie. Comme un livre peut changer une vie, la rencontre avec un thérapeute peut aussi changer une vie, ou pas. Mais personne ne peut en donner le tarif et cela me plaît ! La pratique de la pédopsychiatrie dans une banlieue me mettait à un poste où le monde venait à moi dans mon bureau. Toutes sortes de gens et de familles venaient me dire leur désarroi et leurs peines. Je voyageais puisque venaient dans mon bureau des gens de diverses communautés étrangères, de maints horizons, des enfants de tous âges.

Philippe Chauveau :
Si je reprends ce terme « voyager », avec vos romans « La médaille », « La compagnie des spectres » ou aujourd'hui « Pas pleurer », vers quels voyages avez—vous souhaité entraîner le lecteur ? Y a-t-il un fil conducteur entre tous vos livres car on y trouve des récurrences, les fêlures des personnages, l'engagement social, l'attachement à l'Espagne?

Lydie Salvayre :
Sûrement… Il me semble qu'il est souvent question de la famille, dans ses côtés souvent sombres, avec un pouvoir paternel lourd, parce que je n'ai cessé de recevoir dans mon bureau de médecin, justement, des familles qui me confiaient leur désarroi. Et si j'avais écrit le 10ème de ce que l'on m'a confié, cela aurait été insupportable à la lecture. Le fait que je travaille dans ces conditions et en banlieue a ajouté à la violence de ce que je pouvais écrire. Ce qui se passe dans les familles est violent, quoi qu'on en dise. C'est même, à mon avis, le germe de toutes les violences, celles que l'on reproduit plus tard.

Philippe Chauveau :
Cette violence que vous avez côtoyée avec vos patients et dans votre famille, vous la transmettez dans vos livres car souvent il y a des situations ou des personnages violents, mais paradoxalement, l'écriture vous apaise-t-elle ?

Lydie Salvayre :
Ce qui est extraordinaire, c'est que l'on me dit souvent qu'il y a de la colère dans mes livres mais dans la vie de tous les jours, il est très rare que je sois en colère. Or, dès que je prends la plume, il y a une sorte de réflexe de colère qui s'éveille. C'est extraordinaire ! Je crois que cela tient…. Je n'en sais rien au fond ! Enfant, j'étais sensible aux violences qui s'exerçaient sur moi, les violences du regard social puisqu'on habitait dans une HLM, fille de parents ouvriers, la violence de mal parler, du regard que l'on peut avoir sur un enfant qui s'exprime mal… Si je dois chercher l'origine de la violence, je pense qu'elle est dans ces choses que j'ai vécues enfant comme une injustice ;

Philippe Chauveau :
Mais alors que vous a apporté l'écriture dans votre vie ?

Lydie Salvayre :
Justement, pouvoir transformer sous forme d'art des choses, des sensations qui étaient plutôt négatives. Je suis contente d'être arrivée à cela plutôt que rester dans un ressentiment perpétuel, un désir amer de ne pas pouvoir l'exprimer. Au contraire, j'ai pu le transformer, même en quelque chose de joyeux…

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LE LIVRE
  • L'AVIS DU LIBRAIRE
  • Même si elle a grandi en France, du coté de Toulouse, Lydie Salvayre n'a jamais oublié ses racines espagnoles que l'on retrouve d'ailleurs dans ce nouveau roman, « Pas pleurer » qui a obtenu le Prix Goncourt.L'importance de la famille et les hispanismes sont récurrent dans son œuvre littéraire. Mais avant l'écriture, la médecine psychiatrique a été le quotidien de Lydie Salvayre, et aujourd'hui encore, sonder les âmes reste le terreau de son travail d'auteur.On la découvre en 1990, avec « La déclaration » puis « La...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Merci Lydie Salvayre de nous accueillir, ici, chez vous, dans votre intimité. Quelques semaines maintenant après l'obtention du prix Goncourt, la tension est un peu retombée. Quels souvenirs allez-vous en garder ?Lydie Salvayre :Le souvenir qu'un petit bonheur personnel est peu de choses s'il n'est pas doublé d'un bonheur de plusieurs, un bonheur collectif, et cela s'est produit avec le Seuil. Un vrai bonheur avec toute cette maison d'édition. Quand votre joie est doublée, triplée, quadruplée par celle des...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau :Lydie Salvayre, votre actualité « Pas pleurer », ce roman avec lequel vous avez obtenu le Prix Goncourt. Nous sommes en Espagne en 1936, c'est un roman, mais on le sait, ce personnage central de Montse est celui de votre mère. Elle perd un peu la mémoire mais a gardé en mémoire les événements de cette révolution libertaire de 1936. Pour schématiser, disons que ce sont les prémices de la Guerre civile espagnole, lorsque tout était encore possible. Montse est très engagée dans cette révolution...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Le livre - Suite
    La Manœuvre58, rue de la Roquette75011 ParisTél : Tel : 01 47 00 79 70 J'ai beaucoup aimé le livre de Lydie Salvayre paru aux éditions du Seuil, c'est pour moi un livre extrêmement pertinent et c'est surtout un livre extrêmement émouvant, qui met en scène sa mère et j'ai été très touchée. C'est un roman qui a plusieurs points forts, le premier étant le parallèle entre la mère de Lydie Salvayre et l'écrivain Georges Bernanos, un écrivain qu'elle met en scène de manière intelligente et touchante.Le deuxième point fort,...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - L'avis du libraire - Suite