Même si elle a grandi en France, du coté de Toulouse, Lydie Salvayre n'a jamais oublié ses racines espagnoles que l'on retrouve d'ailleurs dans ce nouveau roman, « Pas pleurer » qui a obtenu le Prix Goncourt.L'importance de la famille et les hispanismes sont récurrent dans son œuvre littéraire. Mais avant l'écriture, la médecine psychiatrique a été le quotidien de Lydie Salvayre, et aujourd'hui encore, sonder les âmes reste le terreau de son travail d'auteur.On la découvre en 1990, avec « La déclaration » puis « La...
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :Merci Lydie Salvayre de nous accueillir, ici, chez vous, dans votre intimité. Quelques semaines maintenant après l'obtention du prix Goncourt, la tension est un peu retombée. Quels souvenirs allez-vous en garder ?Lydie Salvayre :Le souvenir qu'un petit bonheur personnel est peu de choses s'il n'est pas doublé d'un bonheur de plusieurs, un bonheur collectif, et cela s'est produit avec le Seuil. Un vrai bonheur avec toute cette maison d'édition. Quand votre joie est doublée, triplée, quadruplée par celle des...
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :Lydie Salvayre, votre actualité « Pas pleurer », ce roman avec lequel vous avez obtenu le Prix Goncourt. Nous sommes en Espagne en 1936, c'est un roman, mais on le sait, ce personnage central de Montse est celui de votre mère. Elle perd un peu la mémoire mais a gardé en mémoire les événements de cette révolution libertaire de 1936. Pour schématiser, disons que ce sont les prémices de la Guerre civile espagnole, lorsque tout était encore possible. Montse est très engagée dans cette révolution...
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Le livre - Suite
La Manœuvre58, rue de la Roquette75011 ParisTél : Tel : 01 47 00 79 70
J'ai beaucoup aimé le livre de Lydie Salvayre paru aux éditions du Seuil, c'est pour moi un livre extrêmement pertinent et c'est surtout un livre extrêmement émouvant, qui met en scène sa mère et j'ai été très touchée. C'est un roman qui a plusieurs points forts, le premier étant le parallèle entre la mère de Lydie Salvayre et l'écrivain Georges Bernanos, un écrivain qu'elle met en scène de manière intelligente et touchante.Le deuxième point fort,...
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - L'avis du libraire - Suite
Lydie Salvayre
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014
Présentation 1'56Même si elle a grandi en France, du coté de Toulouse, Lydie Salvayre n'a jamais oublié ses racines espagnoles que l'on retrouve d'ailleurs dans ce nouveau roman, « Pas pleurer » qui a obtenu le Prix Goncourt.
L'importance de la famille et les hispanismes sont récurrent dans son œuvre littéraire. Mais avant l'écriture, la médecine psychiatrique a été le quotidien de Lydie Salvayre, et aujourd'hui encore, sonder les âmes reste le terreau de son travail d'auteur.
On la découvre en 1990, avec « La déclaration » puis « La médaille », « La puissance des mouches » ou encore « La compagnie des spectres » qui l'installe dans l'univers littéraire français. Mais à l'étranger aussi Lydie Salvayre a ses adeptes,
puisque ses livres sont traduis en une vingtaine de langues.
En 2014, c'est à la fois le nouveau roman de Lydie Salvayre que l'Académie Goncourt récompense, mais plus largement, une écriture bien particulière, qui dérange parfois. Un travail stylistique qui n'hésite pas à bousculer les codes ou à fréquenter d'autres expressions artistiques.
Mais surtout, ce Goncourt met en lumière une femme de cœur, d'engagement et de convictions, une femme attachante. Dans ce livre « Pas pleurer », nous sommes au cœur de l'Espagne de 1936. lydie Salvayre met en parallèle l'écrivain conservateur Georges Bernanos
et la mère de la narratrice, femme de gauche, engagée dans le révolution libertaire. Chacun à sa manière assistera impuissant à la déliquescence du pays. Une Espagne qui s'enfoncera dans la haine et dans l'incompréhension pendant de longs mois.
Un roman puissant où les pages les plus sombres alternent avec des passages résolument joyeux, une histoire d'hier qui résonne étrangement dans notre présent incertain.
« Pas pleurer », c'est le nouveau titre de Lydie Salvayre, Prix Goncourt 2014, publié aux éditions du Seuil et Lydie Salvayre nous reçois pour WEB TV CULTURE.
Même si elle a grandi en France, du coté de Toulouse, Lydie Salvayre n'a jamais oublié ses racines espagnoles que l'on retrouve d'ailleurs dans ce nouveau roman, « Pas pleurer » qui a obtenu le Prix Goncourt.
L'importance de la famille et les hispanismes sont récurrent dans son œuvre littéraire. Mais avant l'écriture, la médecine psychiatrique a été le quotidien de Lydie Salvayre, et aujourd'hui encore, sonder les âmes reste le terreau de son travail d'auteur.
On la découvre en 1990, avec « La déclaration » puis « La médaille », « La puissance des mouches » ou encore « La compagnie des spectres » qui l'installe dans l'univers littéraire français. Mais à l'étranger aussi Lydie Salvayre a ses adeptes,
puisque ses livres sont traduis en une vingtaine de langues.
En 2014, c'est à la fois le nouveau roman de Lydie Salvayre que l'Académie Goncourt récompense, mais plus largement, une écriture bien particulière, qui dérange parfois. Un travail stylistique qui n'hésite pas à bousculer les codes ou à fréquenter d'autres expressions artistiques.
Mais surtout, ce Goncourt met en lumière une femme de cœur, d'engagement et de convictions, une femme attachante. Dans ce livre « Pas pleurer », nous sommes au cœur de l'Espagne de 1936. Lydie Salvayre met en parallèle l'écrivain conservateur Georges Bernanos
et la mère de la narratrice, femme de gauche, engagée dans le révolution libertaire. Chacun à sa manière assistera impuissant à la déliquescence du pays. Une Espagne qui s'enfoncera dans la haine et dans l'incompréhension pendant de longs mois.
Un roman puissant où les pages les plus sombres alternent avec des passages résolument joyeux, une histoire d'hier qui résonne étrangement dans notre présent incertain.
« Pas pleurer », c'est le nouveau titre de Lydie Salvayre, Prix Goncourt 2014, publié aux éditions du Seuil et Lydie Salvayre nous reçois pour WEB TV CULTURE.
Lydie Salvayre
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014
Portrait 8'40Merci Lydie Salvayre de nous accueillir, ici, chez vous, dans votre intimité. Quelques semaines maintenant après l'obtention du prix Goncourt, la tension est un peu retombée. Quels souvenirs allez-vous en garder ?
Le souvenir qu'un petit bonheur personnel est peu de choses s'il n'est pas doublé d'un bonheur de plusieurs, un bonheur collectif, et cela s'est produit avec le Seuil.
Un vrai bonheur avec toute cette maison d'édition. Quand votre joie est doublée, triplée, quadruplée par celle des autres, c'est formidable à vivre.
Avez-vous l'impression que le Goncourt va changer quelque chose dans votre parcours d'auteur ? Y aura t'il un avant et un après ?
Je ne dirais pas ça comme ça… J'ai l'impression que j'ai les mêmes passions qu'avant, les mêmes colères, le même désir d'écrire, la même peur de ne plus écrire. Je vis avec le même homme, je vis dans la même maison, j'ai les mêmes amis…
Je n'ai pas l'impression que cela ait changé radicalement ma vie. Évidemment, cela a changé le nombre des lecteurs qui vont me lire, ça c'est clair !
Avant de recevoir vous-même le Goncourt, y prêtiez-vous attention chaque année ?
Je serais malhonnête de dire non. Quel que soit le regard que l'on porte sur la vanité de la gloire, sur le fait que l'œuvre est plus importante que le reste, il m'était impossible de regarder avec dédain les prix littéraires. Oui, cela m'intéressait.
Vous prenez donc place dans cette grande famille des Goncourt. Pour vous dont les racines sont espagnoles, dont les parents ont fui l'Espagne et qui n'avaient pas le français pour langue maternelle, est-ce une sorte de récompense ou de revanche sur la vie ?
Cette revanche aurait été surtout très importante pour ma mère. Je regrette qu'elle ne soit plus là, elle qui a élevé sa fille dans un « fragnol » de guingois, aurait été extrêmement fière de voir sa fille recevoir un prix littéraire
Justement, comment découvrez-vous le français puisqu'à la maison, on parle essentiellement espagnol.
Oui ! Dans les premières années de leur présence en France, on parle espagnol à la maison. Puis, par l'école et la lecture, j'apprends le beau français, le « bien dire », la grammaire, la conjugaison, c'est le français que je découvre et que j'apprends à aimer !
Vous êtes aujourd'hui une auteur reconnue mais auparavant, il y a eu un autre parcours avec lé médecine, la psychiatrie. Comment passe t'on d'un univers à l'autre ? Peut-on voir un lien entre ces deux vocations ?
J'ai vraiment toujours vécu les deux en amitié, l'une n'a jamais rendu l'exercice de l'autre impossible, parce qu'elles ont des choses en commun me semble t'il. Le prix de ce qui se dit, comme le prix d'une lecture est impossible à évaluer.
Cela n'a pas de prix, ça peut changer la vie. Comme un livre peut changer une vie, la rencontre avec un thérapeute peut aussi changer une vie, ou pas.
Mais personne ne peut en donner le tarif et cela me plait ! La pratique de la pédopsychiatrie dans une banlieue me mettait à un poste où le monde venait à moi dans mon bureau. Toutes sortes de gens et de familles venaient me dire leur désarroi et leurs peines.
Je voyageais puisque venaient dans mon bureau des gens de diverses communautés étrangères, de maints horizons, des enfants de tous âges.
Si je reprends ce terme « voyager », avec vos romans « La médaille », « La compagnie des spectres » ou aujourd'hui « Pas pleurer », vers quels voyages avez—vous souhaité entraîner le lecteur ?
Y a-t-il un fil conducteur entre tous vos livres car on y trouve des récurrences, les fêlures des personnages, l'engagement social, l'attachement à l'Espagne?
Sûrement… Il me semble qu'il est souvent question de la famille, dans ses côtés souvent sombres, avec un pouvoir paternel lourd, parce que je n'ai cessé de recevoir dans mon bureau de médecin, justement, des familles qui me confiaient leur désarroi.
Et si j'avais écrit le 10ème de ce que l'on m'a confié, cela aurait été insupportable à la lecture. Le fait que je travaille dans ces conditions et en banlieue a ajouté à la violence de ce que je pouvais écrire.
Ce qui se passe dans les familles est violent, quoi qu'on en dise. C'est même, à mon avis, le germe de toutes les violences, celles que l'on reproduit plus tard.
Cette violence que vous avez côtoyée avec vos patients et dans votre famille, vous la transmettez dans vos livres car souvent il y a des situations ou des personnages violents, mais paradoxalement, l'écriture vous apaise t'elle ?
Ce qui est extraordinaire, c'est que l'on me dit souvent qu'il y a de la colère dans mes livres mais dans la vie de tous les jours, il est très rare que je sois en colère. Or, dès que je prends la plume, il y a une sorte de réflexe de colère qui s'éveille. C'est extraordinaire ! Je crois que cela tient….
Je n'en sais rien au fond ! Enfant, j'étais sensible aux violences qui s'exerçaient sur moi, les violences du regard social puisqu'on habitait dans une HLM, fille de parents ouvriers, la violence de mal parler, du regard que l'on peut avoir sur un enfant qui s'exprime mal…
Si je dois chercher l'origine de la violence, je pense qu'elle est dans ces choses que j'ai vécues enfant comme une injustice ;
Mais alors que vous a apporté l'écriture dans votre vie ?
Justement, pouvoir transformer sous forme d'art des choses, des sensations qui étaient plutôt négatives. Je suis contente d'être arrivée à cela plutôt que rester dans un ressentiment perpétuel, un désir amer de ne pas pouvoir l'exprimer.
Au contraire, j'ai pu le transformer, même en quelque chose de joyeux…
Philippe Chauveau :
Merci Lydie Salvayre de nous accueillir, ici, chez vous, dans votre intimité. Quelques semaines maintenant après l'obtention du prix Goncourt, la tension est un peu retombée. Quels souvenirs allez-vous en garder ?
Lydie Salvayre :
Le souvenir qu'un petit bonheur personnel est peu de choses s'il n'est pas doublé d'un bonheur de plusieurs, un bonheur collectif, et cela s'est produit avec le Seuil. Un vrai bonheur avec toute cette maison d'édition. Quand votre joie est doublée, triplée, quadruplée par celle des autres, c'est formidable à vivre.
Philippe Chauveau :
Avez-vous l'impression que le Goncourt va changer quelque chose dans votre parcours d'auteur ? Y aura-t-il un avant et un après ?
Lydie Salvayre :
Je ne dirais pas ça comme ça… J'ai l'impression que j'ai les mêmes passions qu'avant, les mêmes colères, le même désir d'écrire, la même peur de ne plus écrire. Je vis avec le même homme, je vis dans la même maison, j'ai les mêmes amis… Je n'ai pas l'impression que cela ait changé radicalement ma vie. Évidemment, cela a changé le nombre des lecteurs qui vont me lire, ça c'est clair !
Philippe Chauveau :
Avant de recevoir vous-même le Goncourt, y prêtiez-vous attention chaque année ?
Lydie Salvayre :
Je serais malhonnête de dire non. Quel que soit le regard que l'on porte sur la vanité de la gloire, sur le fait que l'œuvre est plus importante que le reste, il m'était impossible de regarder avec dédain les prix littéraires. Oui, cela m'intéressait.
Philippe Chauveau :
Vous prenez donc place dans cette grande famille des Goncourt. Pour vous dont les racines sont espagnoles, dont les parents ont fui l'Espagne et qui n'avaient pas le français pour langue maternelle, est-ce une sorte de récompense ou de revanche sur la vie ?
Lydie Salvayre :
Cette revanche aurait été surtout très importante pour ma mère. Je regrette qu'elle ne soit plus là, elle qui a élevé sa fille dans un « fragnol » de guingois, aurait été extrêmement fière de voir sa fille recevoir un prix littéraire
Philippe Chauveau :
Justement, comment découvrez-vous le français puisqu'à la maison, on parle essentiellement espagnol.
Lydie Salvayre :
Oui ! Dans les premières années de leur présence en France, on parle espagnol à la maison. Puis, par l'école et la lecture, j'apprends le beau français, le « bien dire », la grammaire, la conjugaison, c'est le français que je découvre et que j'apprends à aimer !
Philippe Chauveau :
Vous êtes aujourd'hui une auteur reconnue mais auparavant, il y a eu un autre parcours avec lé médecine, la psychiatrie. Comment passe-t-on d'un univers à l'autre ? Peut-on voir un lien entre ces deux vocations ?
Lydie Salvayre :
J'ai vraiment toujours vécu les deux en amitié, l'une n'a jamais rendu l'exercice de l'autre impossible, parce qu'elles ont des choses en commun me semble-t-il. Le prix de ce qui se dit, comme le prix d'une lecture est impossible à évaluer. Cela n'a pas de prix, ça peut changer la vie. Comme un livre peut changer une vie, la rencontre avec un thérapeute peut aussi changer une vie, ou pas. Mais personne ne peut en donner le tarif et cela me plaît ! La pratique de la pédopsychiatrie dans une banlieue me mettait à un poste où le monde venait à moi dans mon bureau. Toutes sortes de gens et de familles venaient me dire leur désarroi et leurs peines. Je voyageais puisque venaient dans mon bureau des gens de diverses communautés étrangères, de maints horizons, des enfants de tous âges.
Philippe Chauveau :
Si je reprends ce terme « voyager », avec vos romans « La médaille », « La compagnie des spectres » ou aujourd'hui « Pas pleurer », vers quels voyages avez—vous souhaité entraîner le lecteur ? Y a-t-il un fil conducteur entre tous vos livres car on y trouve des récurrences, les fêlures des personnages, l'engagement social, l'attachement à l'Espagne?
Lydie Salvayre :
Sûrement… Il me semble qu'il est souvent question de la famille, dans ses côtés souvent sombres, avec un pouvoir paternel lourd, parce que je n'ai cessé de recevoir dans mon bureau de médecin, justement, des familles qui me confiaient leur désarroi. Et si j'avais écrit le 10ème de ce que l'on m'a confié, cela aurait été insupportable à la lecture. Le fait que je travaille dans ces conditions et en banlieue a ajouté à la violence de ce que je pouvais écrire. Ce qui se passe dans les familles est violent, quoi qu'on en dise. C'est même, à mon avis, le germe de toutes les violences, celles que l'on reproduit plus tard.
Philippe Chauveau :
Cette violence que vous avez côtoyée avec vos patients et dans votre famille, vous la transmettez dans vos livres car souvent il y a des situations ou des personnages violents, mais paradoxalement, l'écriture vous apaise-t-elle ?
Lydie Salvayre :
Ce qui est extraordinaire, c'est que l'on me dit souvent qu'il y a de la colère dans mes livres mais dans la vie de tous les jours, il est très rare que je sois en colère. Or, dès que je prends la plume, il y a une sorte de réflexe de colère qui s'éveille. C'est extraordinaire ! Je crois que cela tient…. Je n'en sais rien au fond ! Enfant, j'étais sensible aux violences qui s'exerçaient sur moi, les violences du regard social puisqu'on habitait dans une HLM, fille de parents ouvriers, la violence de mal parler, du regard que l'on peut avoir sur un enfant qui s'exprime mal… Si je dois chercher l'origine de la violence, je pense qu'elle est dans ces choses que j'ai vécues enfant comme une injustice ;
Philippe Chauveau :
Mais alors que vous a apporté l'écriture dans votre vie ?
Lydie Salvayre :
Justement, pouvoir transformer sous forme d'art des choses, des sensations qui étaient plutôt négatives. Je suis contente d'être arrivée à cela plutôt que rester dans un ressentiment perpétuel, un désir amer de ne pas pouvoir l'exprimer. Au contraire, j'ai pu le transformer, même en quelque chose de joyeux…
Lydie Salvayre
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014
Le livre 6'47Lydie Salvayre, votre actualité « Pas pleurer », ce roman avec lequel vous avez obtenu le Prix Goncourt. Nous sommes en Espagne en 1936, c'est un roman, mais on le sait, ce personnage central de Montse est celui de votre mère.
Elle perd un peu la mémoire mais a gardé en mémoire les événements de cette révolution libertaire de 1936. Pour schématiser, disons que ce sont les prémices de la Guerre civile espagnole, lorsque tout était encore possible. Montse est très engagée dans cette révolution libertaire.
Il y a un autre personnage important, c'est Georges Bernanos, dont le fils va combattre pendant quelques mois dans le camp adverse. Et ces deux personnages vont observer les événements. Avant tout, Lydie Salvayre, pourquoi ce titre « Pas pleurer » ?
Il se trouve que pour mon livre précédent « Sept femmes » qui était un essai sur sept femmes poètes, j'étais tombée sur une lettre de Marina Tsvetaeva écrivant je crois à Pasternak, dans laquelle elle se plaignait de sa condition d'exilée et tout à coup,
elle s'arrêtait brusquement comme elle le fait dans ses écrits, et disait « ne pas pleurer ». J'avais trouvé cela très beau, tout à fait dans l'esprit maternel : on serre les dents, on avance, et quoi que la vie nous réserve, pas de pleurnicheries, pas de dolorisme, pas de pathos !
J'avais retenu cette chose et après avoir lu le livre de Bernanos, dont la lecture a vraiment été le déclencheur de l'écriture de mon roman, cette injonction « pas pleurer » s'est imposée rapidement à moi.
Je ne voulais pas faire un livre de larmoiement sur la condition d'exilés de mes parents. Je voulais tout le contraire. Je voulais que l'on retienne de la vie de ma mère quelque chose de solaire, lumineux et joyeux.
C'est effectivement ce que l'on retrouve dans le livre car il y a certes les passages sombres et douloureux, la guerre qui arrive mais il y a surtout très joyeux où votre mère découvre la vie, vivant des choses qui vont la transformer à jamais.
Mais oui, car en 1936, ma mère vit dans un village perdue de Catalogne et elle ne sait rien du monde, rien de l'amour, rien de la politique… Elle ne sait pas ce qui se passe autour. Elle vit dans une famille entre un père très autoritaire qui l'empêche de sortir et une mère dévote,
elle va à l'église catholique où on lui apprend à ne rien savoir. Et soudain, entraînée par son frère à Barcelone où les milices libertaires ont pris le pouvoir, elle découvre qu'elle a le droit de parler, elle découvre le monde, la politique, l'amour, le plaisir, l'alcool…
Dans votre roman, vous évoquez votre mère âgée, alors que la mémoire commence à lui faire défaut mais dans votre jeunesse, la Guerre d'Espagne était-elle un sujet dont on vous parlait ?
Nous avons grandi en écoutant mes parents et leurs amis républicaines exilés en France raconter les choses de l'Espagne avant, pendant et après la guerre
Mais pourquoi ne l'évoquer qu'aujourd'hui dans un ouvrage ?
Je crois que c'est parce que ma mère est morte, le désir est venu parce qu'elle est morte, comme pour pallier à son absence. Je pense que si elle était encore là, je n'aurais pas écrit « Pas pleurer » et en même temps, ce livre ne remplace pas sa présence.
Ces temps-ci, je m'en rends vraiment compte mais tout cela a vraiment été déterminant.
Quand on referme votre livre, on est aussi frappé de sa résonance contemporaine. On y évoque le fanatisme, religieux notamment, on y évoque des sociétés qui se déchirent parce qu'elles ne pensent pas de la même façon.
Le livre se déroule en 1936 mais que de rapprochements avec notre actualité.
Et surtout le déni. Bernanos ne cesse de dire « Regardez ce qui se passe en Espagne » et l'Europe ferme les yeux, elle est dans le déni ; elle ne veut pas voir, ne veut pas savoir. Il me semble qu'aujourd'hui aussi, nous sommes dans un déni très fort.
Il y a eu le déni de ce qui se passe en banlieue, qui nous a sauté à la figure le 7 janvier et qu'un certain nombre de gens ne voulaient pas voir malgré la douleur de ce qui s'y manifestait. Le déni, c'est vraiment ça que je retiendrais.
Le Goncourt est aussi une rencontre avec le lecteur et sans doute de nouveaux lecteurs vont-ils vous découvrir avec ce roman. Ecrivez-vous avant tout pour le lecteur ou pour vous-même ?
Pour en revenir à Bernanos et aux sept femmes que j'évoque dans le livre « Sept femmes », lui et elles étaient dans une indépendance extraordinaire par rapport à l'esprit du temps, ils ne cherchaient pas à plaire ou à séduire.
Au contraire, ils allaient vers des sujets qui n'allaient pas dans le sens du poil, pour l'exprimer vulgairement. Ils sont mes exemples et j'aurais horreur de caresser mes lecteurs dans le sens du poil, si j'ose dire !
Continuez à nous bousculer avec vos ouvrages ! Merci Lydie Salvayre. « Pas pleurer » prix Goncourt 2014, est paru aux éditions du Seuil.
Philippe Chauveau :
Lydie Salvayre, votre actualité « Pas pleurer », ce roman avec lequel vous avez obtenu le Prix Goncourt. Nous sommes en Espagne en 1936, c'est un roman, mais on le sait, ce personnage central de Montse est celui de votre mère. Elle perd un peu la mémoire mais a gardé en mémoire les événements de cette révolution libertaire de 1936. Pour schématiser, disons que ce sont les prémices de la Guerre civile espagnole, lorsque tout était encore possible. Montse est très engagée dans cette révolution libertaire. Il y a un autre personnage important, c'est Georges Bernanos, dont le fils va combattre pendant quelques mois dans le camp adverse. Et ces deux personnages vont observer les événements. Avant tout, Lydie Salvayre, pourquoi ce titre « Pas pleurer » ?
Lydie Salvayre :
Il se trouve que pour mon livre précédent « Sept femmes » qui était un essai sur sept femmes poètes, j'étais tombée sur une lettre de Marina Tsvetaeva écrivant je crois à Pasternak, dans laquelle elle se plaignait de sa condition d'exilée et tout à coup, elle s'arrêtait brusquement comme elle le fait dans ses écrits, et disait « ne pas pleurer ». J'avais trouvé cela très beau, tout à fait dans l'esprit maternel : on serre les dents, on avance, et quoi que la vie nous réserve, pas de pleurnicheries, pas de dolorisme, pas de pathos ! J'avais retenu cette chose et après avoir lu le livre de Bernanos, dont la lecture a vraiment été le déclencheur de l'écriture de mon roman, cette injonction « pas pleurer » s'est imposée rapidement à moi. Je ne voulais pas faire un livre de larmoiement sur la condition d'exilés de mes parents. Je voulais tout le contraire. Je voulais que l'on retienne de la vie de ma mère quelque chose de solaire, lumineux et joyeux.
Philippe Chauveau :
C'est effectivement ce que l'on retrouve dans le livre car il y a certes les passages sombres et douloureux, la guerre qui arrive mais il y a surtout très joyeux où votre mère découvre la vie, vivant des choses qui vont la transformer à jamais.
Lydie Salvayre :
Mais oui, car en 1936, ma mère vit dans un village perdue de Catalogne et elle ne sait rien du monde, rien de l'amour, rien de la politique… Elle ne sait pas ce qui se passe autour. Elle vit dans une famille entre un père très autoritaire qui l'empêche de sortir et une mère dévote, elle va à l'église catholique où on lui apprend à ne rien savoir. Et soudain, entraînée par son frère à Barcelone où les milices libertaires ont pris le pouvoir, elle découvre qu'elle a le droit de parler, elle découvre le monde, la politique, l'amour, le plaisir, l'alcool…
Philippe Chauveau :
Dans votre roman, vous évoquez votre mère âgée, alors que la mémoire commence à lui faire défaut mais dans votre jeunesse, la Guerre d'Espagne était-elle un sujet dont on vous parlait ?
Lydie Salvayre :
Nous avons grandi en écoutant mes parents et leurs amis républicaines exilés en France raconter les choses de l'Espagne avant, pendant et après la guerre
Philippe Chauveau :
Mais pourquoi ne l'évoquer qu'aujourd'hui dans un ouvrage ?
Lydie Salvayre :
Je crois que c'est parce que ma mère est morte, le désir est venu parce qu'elle est morte, comme pour pallier à son absence. Je pense que si elle était encore là, je n'aurais pas écrit « Pas pleurer » et en même temps, ce livre ne remplace pas sa présence. Ces temps-ci, je m'en rends vraiment compte mais tout cela a vraiment été déterminant.
Philippe Chauveau :
Quand on referme votre livre, on est aussi frappé de sa résonance contemporaine. On y évoque le fanatisme, religieux notamment, on y évoque des sociétés qui se déchirent parce qu'elles ne pensent pas de la même façon. Le livre se déroule en 1936 mais que de rapprochements avec notre actualité.
Lydie Salvayre :
Et surtout le déni. Bernanos ne cesse de dire « Regardez ce qui se passe en Espagne » et l'Europe ferme les yeux, elle est dans le déni ; elle ne veut pas voir, ne veut pas savoir. Il me semble qu'aujourd'hui aussi, nous sommes dans un déni très fort. Il y a eu le déni de ce qui se passe en banlieue, qui nous a sauté à la figure le 7 janvier et qu'un certain nombre de gens ne voulaient pas voir malgré la douleur de ce qui s'y manifestait. Le déni, c'est vraiment ça que je retiendrais.
Philippe Chauveau :
Le Goncourt est aussi une rencontre avec le lecteur et sans doute de nouveaux lecteurs vont-ils vous découvrir avec ce roman. Écrivez-vous avant tout pour le lecteur ou pour vous-même ?
Lydie Salvayre :
Pour en revenir à Bernanos et aux sept femmes que j'évoque dans le livre « Sept femmes », lui et elles étaient dans une indépendance extraordinaire par rapport à l'esprit du temps, ils ne cherchaient pas à plaire ou à séduire. Au contraire, ils allaient vers des sujets qui n'allaient pas dans le sens du poil, pour l'exprimer vulgairement. Ils sont mes exemples et j'aurais horreur de caresser mes lecteurs dans le sens du poil, si j'ose dire !
Philippe Chauveau :
Continuez à nous bousculer avec vos ouvrages ! Merci Lydie Salvayre. « Pas pleurer » prix Goncourt 2014, est paru aux éditions du Seuil.
Lydie Salvayre
Pas pleurer - Prix Goncourt 2014
L'avis du libraire 1'45J'ai beaucoup aimé le livre de Lydie Salvayre paru aux éditions du Seuil. C'est pour moi un livre extrêmement pertinent et c'est surtout un livre extrêmement émouvant qui met en scène sa mère et j'en ai été très touchée.
C'est un roman qui a plusieurs points forts, le premier étant le parallèle entre la mère de Lydie Salvayre et l'écrivain Georges Bernanos, un écrivain qu'elle met en scène de manière intelligente et touchante.
Le deuxième point fort, c'est la langue. Il y a une vrai ré-invention du français, ce qu'elle appelle le « Fragnol », un mélange de français et d'espagnol. Ce qui donne au livre un aspect original et réjouissant.
La patte de Lydie Salvayre, c'est de toujours mettre beaucoup de poésie, elle n'a jamais écrit de grands romans fleuves, elle a l'art de la synthèse. C'est ce que j'aime chez elle, d'aller à l'essentiel tout en étant une orfèvre.
Je le recommande encore et j'espère bien le recommander pendant quelques années, je trouve que c'est un très beau Goncourt et c'est un livre qui doit perdurer.
La Manœuvre
58, rue de la Roquette
75011 Paris
Tél : Tel : 01 47 00 79 70
J'ai beaucoup aimé le livre de Lydie Salvayre paru aux éditions du Seuil, c'est pour moi un livre extrêmement pertinent et c'est surtout un livre extrêmement émouvant, qui met en scène sa mère et j'ai été très touchée.
C'est un roman qui a plusieurs points forts, le premier étant le parallèle entre la mère de Lydie Salvayre et l'écrivain Georges Bernanos, un écrivain qu'elle met en scène de manière intelligente et touchante.
Le deuxième point fort, c'est la langue. Il y a une vrai ré-invention du français, ce qu'elle appelle le « Fragnol », un mélange de français et d'espagnol. Ce qui donne au livre un aspect original et réjouissant.
La pâte de Lydie Salvayre, c'est de toujours mettre beaucoup de poésie, elle a jamais écrit de grands romans fleuves, elle a l'art de la synthèse. C'est ce que j'aime chez elle, d'aller l'essentiel tout en étant une orfèvre.
Je le recommande encore et j'espère bien le recommander pendant quelques années, je trouve que c'est un très beau Goncourt et c'est un livre qui doit perdurer.