Lydie Salvayre

Lydie Salvayre

Pas pleurer - Prix Goncourt 2014

Le livre 6'47

Lydie Salvayre, votre actualité « Pas pleurer », ce roman avec lequel vous avez obtenu le Prix Goncourt. Nous sommes en Espagne en 1936, c'est un roman, mais on le sait, ce personnage central de Montse est celui de votre mère.
Elle perd un peu la mémoire mais a gardé en mémoire les événements de cette révolution libertaire de 1936. Pour schématiser, disons que ce sont les prémices de la Guerre civile espagnole, lorsque tout était encore possible. Montse est très engagée dans cette révolution libertaire.
Il y a un autre personnage important, c'est Georges Bernanos, dont le fils va combattre pendant quelques mois dans le camp adverse. Et ces deux personnages vont observer les événements. Avant tout, Lydie Salvayre, pourquoi ce titre « Pas pleurer » ?
Il se trouve que pour mon livre précédent « Sept femmes » qui était un essai sur sept femmes poètes, j'étais tombée sur une lettre de Marina Tsvetaeva écrivant je crois à Pasternak, dans laquelle elle se plaignait de sa condition d'exilée et tout à coup,
elle s'arrêtait brusquement comme elle le fait dans ses écrits, et disait « ne pas pleurer ». J'avais trouvé cela très beau, tout à fait dans l'esprit maternel : on serre les dents, on avance, et quoi que la vie nous réserve, pas de pleurnicheries, pas de dolorisme, pas de pathos !
J'avais retenu cette chose et après avoir lu le livre de Bernanos, dont la lecture a vraiment été le déclencheur de l'écriture de mon roman, cette injonction « pas pleurer » s'est imposée rapidement à moi.
Je ne voulais pas faire un livre de larmoiement sur la condition d'exilés de mes parents. Je voulais tout le contraire. Je voulais que l'on retienne de la vie de ma mère quelque chose de solaire, lumineux et joyeux.
C'est effectivement ce que l'on retrouve dans le livre car il y a certes les passages sombres et douloureux, la guerre qui arrive mais il y a surtout très joyeux où votre mère découvre la vie, vivant des choses qui vont la transformer à jamais.
Mais oui, car en 1936, ma mère vit dans un village perdue de Catalogne et elle ne sait rien du monde, rien de l'amour, rien de la politique… Elle ne sait pas ce qui se passe autour. Elle vit dans une famille entre un père très autoritaire qui l'empêche de sortir et une mère dévote,
elle va à l'église catholique où on lui apprend à ne rien savoir. Et soudain, entraînée par son frère à Barcelone où les milices libertaires ont pris le pouvoir, elle découvre qu'elle a le droit de parler, elle découvre le monde, la politique, l'amour, le plaisir, l'alcool…
Dans votre roman, vous évoquez votre mère âgée, alors que la mémoire commence à lui faire défaut mais dans votre jeunesse, la Guerre d'Espagne était-elle un sujet dont on vous parlait ?
Nous avons grandi en écoutant mes parents et leurs amis républicaines exilés en France raconter les choses de l'Espagne avant, pendant et après la guerre
Mais pourquoi ne l'évoquer qu'aujourd'hui dans un ouvrage ?
Je crois que c'est parce que ma mère est morte, le désir est venu parce qu'elle est morte, comme pour pallier à son absence. Je pense que si elle était encore là, je n'aurais pas écrit « Pas pleurer » et en même temps, ce livre ne remplace pas sa présence.
Ces temps-ci, je m'en rends vraiment compte mais tout cela a vraiment été déterminant.
Quand on referme votre livre, on est aussi frappé de sa résonance contemporaine. On y évoque le fanatisme, religieux notamment, on y évoque des sociétés qui se déchirent parce qu'elles ne pensent pas de la même façon.
Le livre se déroule en 1936 mais que de rapprochements avec notre actualité.
Et surtout le déni. Bernanos ne cesse de dire « Regardez ce qui se passe en Espagne » et l'Europe ferme les yeux, elle est dans le déni ; elle ne veut pas voir, ne veut pas savoir. Il me semble qu'aujourd'hui aussi, nous sommes dans un déni très fort.
Il y a eu le déni de ce qui se passe en banlieue, qui nous a sauté à la figure le 7 janvier et qu'un certain nombre de gens ne voulaient pas voir malgré la douleur de ce qui s'y manifestait. Le déni, c'est vraiment ça que je retiendrais.
Le Goncourt est aussi une rencontre avec le lecteur et sans doute de nouveaux lecteurs vont-ils vous découvrir avec ce roman. Ecrivez-vous avant tout pour le lecteur ou pour vous-même ?
Pour en revenir à Bernanos et aux sept femmes que j'évoque dans le livre « Sept femmes », lui et elles étaient dans une indépendance extraordinaire par rapport à l'esprit du temps, ils ne cherchaient pas à plaire ou à séduire.
Au contraire, ils allaient vers des sujets qui n'allaient pas dans le sens du poil, pour l'exprimer vulgairement. Ils sont mes exemples et j'aurais horreur de caresser mes lecteurs dans le sens du poil, si j'ose dire !
Continuez à nous bousculer avec vos ouvrages ! Merci Lydie Salvayre. « Pas pleurer » prix Goncourt 2014, est paru aux éditions du Seuil.

Philippe Chauveau :
Lydie Salvayre, votre actualité « Pas pleurer », ce roman avec lequel vous avez obtenu le Prix Goncourt. Nous sommes en Espagne en 1936, c'est un roman, mais on le sait, ce personnage central de Montse est celui de votre mère. Elle perd un peu la mémoire mais a gardé en mémoire les événements de cette révolution libertaire de 1936. Pour schématiser, disons que ce sont les prémices de la Guerre civile espagnole, lorsque tout était encore possible. Montse est très engagée dans cette révolution libertaire. Il y a un autre personnage important, c'est Georges Bernanos, dont le fils va combattre pendant quelques mois dans le camp adverse. Et ces deux personnages vont observer les événements. Avant tout, Lydie Salvayre, pourquoi ce titre « Pas pleurer » ?

Lydie Salvayre :
Il se trouve que pour mon livre précédent « Sept femmes » qui était un essai sur sept femmes poètes, j'étais tombée sur une lettre de Marina Tsvetaeva écrivant je crois à Pasternak, dans laquelle elle se plaignait de sa condition d'exilée et tout à coup, elle s'arrêtait brusquement comme elle le fait dans ses écrits, et disait « ne pas pleurer ». J'avais trouvé cela très beau, tout à fait dans l'esprit maternel : on serre les dents, on avance, et quoi que la vie nous réserve, pas de pleurnicheries, pas de dolorisme, pas de pathos ! J'avais retenu cette chose et après avoir lu le livre de Bernanos, dont la lecture a vraiment été le déclencheur de l'écriture de mon roman, cette injonction « pas pleurer » s'est imposée rapidement à moi. Je ne voulais pas faire un livre de larmoiement sur la condition d'exilés de mes parents. Je voulais tout le contraire. Je voulais que l'on retienne de la vie de ma mère quelque chose de solaire, lumineux et joyeux.

Philippe Chauveau :
C'est effectivement ce que l'on retrouve dans le livre car il y a certes les passages sombres et douloureux, la guerre qui arrive mais il y a surtout très joyeux où votre mère découvre la vie, vivant des choses qui vont la transformer à jamais.

Lydie Salvayre :
Mais oui, car en 1936, ma mère vit dans un village perdue de Catalogne et elle ne sait rien du monde, rien de l'amour, rien de la politique… Elle ne sait pas ce qui se passe autour. Elle vit dans une famille entre un père très autoritaire qui l'empêche de sortir et une mère dévote, elle va à l'église catholique où on lui apprend à ne rien savoir. Et soudain, entraînée par son frère à Barcelone où les milices libertaires ont pris le pouvoir, elle découvre qu'elle a le droit de parler, elle découvre le monde, la politique, l'amour, le plaisir, l'alcool…

Philippe Chauveau :
Dans votre roman, vous évoquez votre mère âgée, alors que la mémoire commence à lui faire défaut mais dans votre jeunesse, la Guerre d'Espagne était-elle un sujet dont on vous parlait ?

Lydie Salvayre :
Nous avons grandi en écoutant mes parents et leurs amis républicaines exilés en France raconter les choses de l'Espagne avant, pendant et après la guerre

Philippe Chauveau :
Mais pourquoi ne l'évoquer qu'aujourd'hui dans un ouvrage ?

Lydie Salvayre :
Je crois que c'est parce que ma mère est morte, le désir est venu parce qu'elle est morte, comme pour pallier à son absence. Je pense que si elle était encore là, je n'aurais pas écrit « Pas pleurer » et en même temps, ce livre ne remplace pas sa présence. Ces temps-ci, je m'en rends vraiment compte mais tout cela a vraiment été déterminant.

Philippe Chauveau :
Quand on referme votre livre, on est aussi frappé de sa résonance contemporaine. On y évoque le fanatisme, religieux notamment, on y évoque des sociétés qui se déchirent parce qu'elles ne pensent pas de la même façon. Le livre se déroule en 1936 mais que de rapprochements avec notre actualité.

Lydie Salvayre :
Et surtout le déni. Bernanos ne cesse de dire « Regardez ce qui se passe en Espagne » et l'Europe ferme les yeux, elle est dans le déni ; elle ne veut pas voir, ne veut pas savoir. Il me semble qu'aujourd'hui aussi, nous sommes dans un déni très fort. Il y a eu le déni de ce qui se passe en banlieue, qui nous a sauté à la figure le 7 janvier et qu'un certain nombre de gens ne voulaient pas voir malgré la douleur de ce qui s'y manifestait. Le déni, c'est vraiment ça que je retiendrais.

Philippe Chauveau :
Le Goncourt est aussi une rencontre avec le lecteur et sans doute de nouveaux lecteurs vont-ils vous découvrir avec ce roman. Écrivez-vous avant tout pour le lecteur ou pour vous-même ?

Lydie Salvayre :
Pour en revenir à Bernanos et aux sept femmes que j'évoque dans le livre « Sept femmes », lui et elles étaient dans une indépendance extraordinaire par rapport à l'esprit du temps, ils ne cherchaient pas à plaire ou à séduire. Au contraire, ils allaient vers des sujets qui n'allaient pas dans le sens du poil, pour l'exprimer vulgairement. Ils sont mes exemples et j'aurais horreur de caresser mes lecteurs dans le sens du poil, si j'ose dire !

Philippe Chauveau :
Continuez à nous bousculer avec vos ouvrages ! Merci Lydie Salvayre. « Pas pleurer » prix Goncourt 2014, est paru aux éditions du Seuil.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LE LIVRE
  • L'AVIS DU LIBRAIRE
  • Même si elle a grandi en France, du coté de Toulouse, Lydie Salvayre n'a jamais oublié ses racines espagnoles que l'on retrouve d'ailleurs dans ce nouveau roman, « Pas pleurer » qui a obtenu le Prix Goncourt.L'importance de la famille et les hispanismes sont récurrent dans son œuvre littéraire. Mais avant l'écriture, la médecine psychiatrique a été le quotidien de Lydie Salvayre, et aujourd'hui encore, sonder les âmes reste le terreau de son travail d'auteur.On la découvre en 1990, avec « La déclaration » puis « La...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Merci Lydie Salvayre de nous accueillir, ici, chez vous, dans votre intimité. Quelques semaines maintenant après l'obtention du prix Goncourt, la tension est un peu retombée. Quels souvenirs allez-vous en garder ?Lydie Salvayre :Le souvenir qu'un petit bonheur personnel est peu de choses s'il n'est pas doublé d'un bonheur de plusieurs, un bonheur collectif, et cela s'est produit avec le Seuil. Un vrai bonheur avec toute cette maison d'édition. Quand votre joie est doublée, triplée, quadruplée par celle des...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau :Lydie Salvayre, votre actualité « Pas pleurer », ce roman avec lequel vous avez obtenu le Prix Goncourt. Nous sommes en Espagne en 1936, c'est un roman, mais on le sait, ce personnage central de Montse est celui de votre mère. Elle perd un peu la mémoire mais a gardé en mémoire les événements de cette révolution libertaire de 1936. Pour schématiser, disons que ce sont les prémices de la Guerre civile espagnole, lorsque tout était encore possible. Montse est très engagée dans cette révolution...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - Le livre - Suite
    La Manœuvre58, rue de la Roquette75011 ParisTél : Tel : 01 47 00 79 70 J'ai beaucoup aimé le livre de Lydie Salvayre paru aux éditions du Seuil, c'est pour moi un livre extrêmement pertinent et c'est surtout un livre extrêmement émouvant, qui met en scène sa mère et j'ai été très touchée. C'est un roman qui a plusieurs points forts, le premier étant le parallèle entre la mère de Lydie Salvayre et l'écrivain Georges Bernanos, un écrivain qu'elle met en scène de manière intelligente et touchante.Le deuxième point fort,...Pas pleurer - Prix Goncourt 2014 de Lydie Salvayre - L'avis du libraire - Suite