Emilie de Turckheim

Emilie de Turckheim

Lunch box

Portrait 00'06'08"

Philippe Chauveau :

Bonjour Émilie de Turckheim.

Émilie de Turckheim :

Bonjour à vous.

Philippe Chauveau :

Lunchbox, est publié chez Gallimard, c'est votre 12e titre en littérature générale. Il y eu des récits aussi. En parallèle, il y a également de la littérature jeunesse, un autre pan de votre activité. Des activités, vous en avez beaucoup parce que vous faites aussi des ateliers d'écriture. Mais j'ai envie de dire que le maître mot, c'est l'écrit, c'est le livre, c'est la littérature. Pourquoi cette appétence ?

Émilie de Turckheim :

Oh, j'espère que vous avez six heures devant vous pour répondre à une question pareille. Comme on dit, aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours écrit. Donc, je ne peux même pas répondre à cette question parce que je n'ai pas de souvenirs de moi n'écrivant pas. Même à l'âge où on n'écrit pas encore, je me souviens que je me racontais tous les soirs une histoire dans ma tête, que je poursuivais la nuit suivante, etc.

Philippe Chauveau :

Dès que vous avez été en âge d'écrire, vous les avez mis sur le papier?

Émilie de Turckheim :

Oui, alors j'étais spécialiste dans les débuts d'histoire, des premiers chapitres, voir les tables de matières. Je faisais des tables de matières de romans qui ne voyaient jamais le jour. Mais oui, j'ai toujours écrit en général quand j'étais petite, des histoires d'une tristesse infinie, des histoires sordides au Moyen-Âge, avec des familles de douze enfants qui mouraient de faim, des épidémies. Je ne le savais pas encore, mais je traitais de sujets d'avenir. Ce goût pour l'écriture, il avaient à voir avec un esprit tout à fait solitaire, rêveur, qui se sentait toujours un peu à côté de la plaque, à côté du monde, à côté des enfants de son âge. Donc, c'était de façon très classique, un refuge.

Philippe Chauveau :

Vous analysez cela comme un refuge a besoin de vous protéger par les mots, par les histoires, par les personnages que vous inventiez.

Émilie de Turckheim :

Alors ce n'était pas une protection. Parce que la question de la cabane, que l'écriture soit une cabane, pour moi, c'est quelque chose de très important. Mais ce n'est pas une protection au sens où l'extérieur serait hostile. C'est une autre façon d'explorer l'extérieur. C'est un rapport au monde qui passe par le besoin de faire un pas de côté et d'observer les choses plutôt que d'être noyé dans le bruit dans le monde.

Philippe Chauveau :

Vous avez un parcours scolaire, universitaire, vous avez fait de grandes écoles, mais avec toujours cette envie de l'écriture et l'envie d'être publié aussi. Ça veut dire que vous ne vous êtes pas contenté d'inventer des histoires pour vous même. Vous avez eu envie de les partager. Aujourd'hui, comment expliquez-vous cela? Pourquoi cette envie de partager votre travail d'auteur?

Émilie de Turckheim :

Ça correspond à un moment très précis de ma vie. Je ne pensais pas du tout publier. Je n'y pensais pas. Je ne me posais pas la question. Et quand j'ai eu l'âge de 22-23 ans, je me souviens que mon meilleur ami a écrit un roman, un manuscrit, qu'il a envoyé à peu près à tous les éditeurs de Paris. Il a reçu 150 refus, des lettres types et je me suis dit : il a écrit ce livre, il a eu le courage de l'envoyer à plein d'éditeurs, tout le monde lui a dit non et il n'en est pas mort. Donc je vais en faire autant.

Philippe Chauveau :

Je disais en préambule, vous avez une douzaine de titres à votre actif. Les amants terrestres, Héloïse est chauve, Le joli mois de mai et plus proche de nous, Popcorn mélodies, entre autres. Si vous deviez définir le fil rouge qui unit tous ces titres? Et puis, en parallèle, comment vous êtes vous vu évoluer en tant qu'auteur?

Émilie de Turckheim :

Alors, le fil rouge, il n'est pas de thématique. Je pense que c'est plus une question de ce que j'explore dans l'écriture et qui est du côté du corps, des sensations, de la subtilité des réactions, des images qu'on a en société, de l'idée qu'on se fait des gens et à quel point on découvre qu'ils sont différents de leurs visages, de leurs chaises, de leur parole. C'est tout ce qui se cache. C'est la subtilité dans la littérature, qui m'a toujours émue. C'est le fait que on croit quelque chose comme on voit une poupée russe. Et puis, on ouvre une autre poupée à l'intérieur, il y en a une autre et indéfiniment il y a un monde dans le monde. Voilà, j'ai creusé ça. J'ai par contre des lieux qui reviennent souvent. Là, ça se passe aux États-Unis. Ce n’est pas la première fois, mais la troisième fois. C'est un lieu où j'ai passé quelques années très marquantes de mon enfance et je vois bien que j'y reviens sans cesse. Je suis arrivée vers l'âge de 5-6 ans aux Etats-Unis. J'ai assez peu de souvenirs avant, donc mes vrais premiers souvenirs d'enfance sont tous associés aux Etats-Unis et à la langue anglaise. Je pense que si il y a un fil rouge, c'est peut être cet amour de la langue anglaise et des paysages américains qui revient de façon régulière et que je nourrie avec le temps et qui ne peut pas s'empêcher de revenir.

Philippe Chauveau :

Justement, vous aimez jouer avec les mots, vous aimez peut être parfois un peu brouiller les pistes pour vos lecteurs. Pourquoi cette appétence aussi pour les ateliers d'écriture auxquels vous participez alors?

Émilie de Turckheim :

Les ateliers d'écriture, c'est marrant parce qu'avant d'en faire, je me disais mais quelle escroquerie! C'est absurde, ça ne veut rien dire un atelier d'écriture. Je suis bien placée pour savoir que l'on n'apprend pas à écrire, ça n'a pas de sens. Finalement, je me rends compte qu'il se passe autre chose dans un atelier d'écriture. On se retrouve et plusieurs personnes à écrire en même temps. Ce qui n'arrive pas dans la vie quand on écrit, c'est une activité terriblement solitaire, et le fait d'avoir des gens à côté de soi qui écrivent, ça change tout. On écrit et tout de suite des gens vont écouter ce texte et poser des mots sur ces textes.

Philippe Chauveau :

Vous avez l'impression que vous vous enrichissez vous même sur le plan de l'écriture avec ces ateliers?

Émilie de Turckheim :

Je ne sais pas si ça change ma façon d'écrire, mais ça change la question de la solitude. On peut se dire qu'on n'est pas totalement foutu et seul avec ce qu'on écrit et que le regard des autres n'est pas seulement un regard de jugement. Il a un regard qui peut pousser l'écriture quelque part.

Philippe Chauveau :

Votre actualité, Émilie de Turckheim, Lunchbox publié chez Gallimard.

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