Frédéric Lenoir

Frédéric Lenoir

La consolation de l'ange

Portrait 00'06'16"

Philippe Chauveau :

Bonjour Frédéric Lenoir. Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau livre, « La consolation de l’ange », qui prend place dans une bibliographie déjà conséquente mais, en terme de roman, c'est le septième. On dit souvent de vous que vous êtes un écrivain philosophe ou le philosophe écrivain. C'est une définition qui vous plaît, qui vous convient ?

Frédéric Lenoir :

Oui, pourquoi pas, puisque j’ai écrit une cinquantaine de livres et j'essaye de philosopher depuis l'âge de 13 ans, âge auquel j'ai découvert « Le Banquet » de Platon et cela m'a illuminé. Depuis, j'ai une passion pour la philosophie. Alors si on m'appelle le philosophe écrivain, je prends !

Philippe Chauveau :

Comment découvre-t-on, à treize ans, « Le Banquet » de Platon à l'heure où certains sont encore avec les Pieds Nickelés ?

Frédéric Lenoir :

Ah mais je lisais aussi Astérix, Tintin ou Le Club des Cinq etc. Mais un jour, mon père qui est passionné de philosophie, donc transmission familiale, me dit : « Tiens, tu devrais lire ça ! » parce que je lui posais une question sur l'amour ou je ne sais pas quoi. Et là, c'est passionnant parce qu'on a des philosophes qui discutent d'un sujet majeur. L'amour, c'est quoi ? Ils ne sont pas d'accord entre eux mais c'est passionnant de pouvoir débattre de cette question-là. Dès lors, j'ai lu tous les dialogues socratiques puis Epicure, puis Epictète et j'ai lu nombre de philosophes. Ce qui fait que la philosophie m'a accompagné toute ma scolarité bien avant d'en faire en terminale. C'est pour ça que j'ai créé, il y a trois ans, une association qui s'appelle SEVE, ça veut dire savoir être et vivre ensemble. On y forme des animateurs à faire des ateliers de philo avec les enfants dès l'école primaire car il faudrait commencer la philosophie beaucoup plus tôt.

Philippe Chauveau :

La transmission et le partage font vraiment partie de votre ADN. Que ce soit pour les plus jeunes ou pour les adultes, vous aimez transmettre

Frédéric Lenoir :

Complètement. J'aime transmettre et j'aime simplifier les idées, les rendre accessibles puisque la philosophie paraît inaccessible a beaucoup de gens. C'est vrai qu'un certain nombre de philosophes sont difficiles. Si vous lisez « La critique de la raison pure » de Kant ou « L’éthique » de Spinoza, ce sont des ouvrages extrêmement difficiles à lire. Pourtant, les idées sont capitales et tout le monde peut avoir accès à ces idées si on simplifie un peu, sans les trahir mais en donnant des mots plus accessibles, les raisonnements qui sont expliqués dans ces livres. J'essaie de populariser la philosophie. Comme disait Diderot au XVIIIème siècle, rien n'est plus urgent que de rendre la philosophie populaire.

Philippe Chauveau :

Avez-vous l'impression, qu'en terme de pédagogie et d'enseignement, la France n'est peut-être pas au point pour l'apprentissage de la philosophie ?

Frédéric Lenoir :

Ce n'est pas que la France n'est pas au point, c’est le fait que la philosophie ne commence qu’en terminale. Mais je sais qu'il y a des pays où il n'y a pas de philosophie du tout. La France est donc déjà mieux que beaucoup d'autres pays. En revanche, on pourrait faire beaucoup mieux. Plutôt que d'étudier la philosophie, il faudrait l’aborder beaucoup plus tôt et pas uniquement à travers l'apprentissage des grands auteurs mais à travers des ateliers de philo, faire philosopher les gens, les faire discuter, les faire débattre, apprendre à argumenter et à conceptualiser, à écouter les autres etc… C'est formidable parce qu'on développe une intelligence, un discernement, une capacité d'écoute. Ce serait des laboratoires de citoyenneté de faire philosopher les gens dès l'école primaire.

Philippe Chauveau :

Si vous deviez donner une définition de la philosophie, une définition simple, c'est quoi ? La philosophie est-elle un regard sur le monde ?

Frédéric Lenoir :

Je dirais que l'objet de la philosophie, c'est le monde, c'est le réel, c'est la totalité du réel. Par l'utilisation d'un outil qui est la raison, la norme de la philosophie est la vérité et le but de la philosophie est d'améliorer la vie donc, si possible, d'être heureux. C'est la définition même de la philosophie chez les Grecs. Pour synthétiser tout cela en peu de mots, je reprendrais la définition de mon ami André Comte-Sponville qui dit de la philosophie : « C'est apprendre à penser mieux pour vivre mieux ».

Philippe Chauveau :

Est-ce parfois lourd à vivre au quotidien d'être philosophe ?

Frédéric Lenoir :

En tout cas de philosopher, oui ! Parce que finalement, qui peut décréter qu'il est philosophe ou non. On peut tous être philosophe ! Je dirais qu'il n'y a pas de philosophes professionnels, il y a des gens qui, dans leur vie, pratiquent la philosophie et l'usage de la raison telle que je l'ai définie pour essayer de vivre mieux. Je dirais, qu'au contraire, le fait de se poser des questions, de réfléchir, d'essayer d'être lucide, moi ça m'aide à vivre mieux. Je me sens mieux quand je comprends les choses, quand je comprends comment je fonctionne, quand j'apprends à me connaître puisque l'injonction socratique : « Connais toi toi-même » est le fondement même de la philosophie. Cela veut dire qu’en arrivant à s'observer et à se comprendre, on comprend les autres, on comprend le monde puisqu'on s'aperçoit que tous les êtres humains se ressemblent. Finalement, ce travail d'introspection m'aide à mieux vivre. Donc, pour moi, philosopher, c'est mieux me connaître, mieux connaître le monde et essayer de comprendre les mécanismes qui sont des lois de l'univers. Cela me passionne. C'est ça qui me donne envie de vivre, c'est de comprendre le monde.

Philippe Chauveau :

Allez, je vous titille un peu, je suis l'avocat du diable. Depuis l'Antiquité il y a des philosophes mais depuis toujours les hommes se font la guerre. Le monde ne tourne pas rond. La philosophie ne sert à rien si ça ne change pas le monde.

Frédéric Lenoir :

Qu’en savez-vous puisqu'on a l'impression que le monde grandit en conscience. Si vous regardez l'histoire de l'humanité, l'histoire longue, pas uniquement les quinze dernières années, on s'aperçoit qu'il y a un progrès de la conscience humaine parce qu'il y a deux mille ans, on estimait que ceux qui n'étaient pas de notre tribu étaient des sous-hommes. Les Grecs eux-mêmes, qui étaient pourtant éclairés, qui ont inventé la philosophie, considéraient que les citoyens hommes grecs étaient supérieurs aux non grecs. On a progressivement aboli les frontières entre les hommes et, aujourd'hui, on a les Droits de l'homme universels dans lesquels on considère que tout être humain, homme, femme, enfant, peu importe sa religion ou sa race, sont tous égaux en dignité. C'est un progrès colossal de la conscience humaine. Peut-être que la philosophie a joué alors un rôle important.

Philippe Chauveau :

Que ce soit lors de la présentation de vos livres ou dans les conférences que vous animez, vous aimez la rencontre, vous aimez l'échange et le partage, Quelle est la phrase qui revient le plus souvent, le compliment qui revient et où vous vous dites que vous avez trouvé votre voie.

Frédéric Lenoir :

Ce qui me touche le plus, c’est quand j'entends des gens qui me disent : "Votre livre a changé ma vie". Alors, je ne sais pas ce que ça veut dire changer sa vie mais le fait qu'ils le disent, et qu'ils aient envie de me remercier, qu'il y ait de la gratitude, cela me touche parce que je me dis, qu'au fond, je suis utile aux autres. Je crois que, pour moi, le bonheur n'est pas simplement être heureux égoïstement, dans mon coin, c'est aussi faire des choses qui aident les autres à être plus heureux, à s'améliorer, à mieux comprendre ce qui les entoure. Quand j'entends ça, cela me touche parce que ça participe à mon bonheur de savoir que je fais quelque chose qui aide les autres.

Philippe Chauveau :

Votre actualité, Frédéric Lenoir, « La consolation de l'ange » chez Albin Michel.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Découvrir la philosophie à l’âge de 13 ans en lisant « Le Banquet » de Platon et en faire son chemin de vie, voilà résumé le parcours de Frédéric Lenoir. Ayant suivi des études de philosophie, il se spécialise ensuite dans l’histoire des religions, obtenant un doctorat sur le bouddhisme à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. C’est dire que Frédéric Lenoir maîtrise son sujet. Mais sa véritable vocation, il la trouve en partageant ses connaissances. Collaborant à différences titres en presse magazine...La consolation de l'ange de Frédéric Lenoir - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Frédéric Lenoir. Vous êtes dans l'actualité avec ce nouveau livre, « La consolation de l’ange », qui prend place dans une bibliographie déjà conséquente mais, en terme de roman, c'est le septième. On dit souvent de vous que vous êtes un écrivain philosophe ou le philosophe écrivain. C'est une définition  qui vous plaît, qui vous convient ? Frédéric Lenoir : Oui, pourquoi pas, puisque j’ai écrit une cinquantaine de livres et j'essaye de philosopher depuis l'âge de 13 ans, âge auquel...La consolation de l'ange de Frédéric Lenoir - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau : Dans ce qui est donc votre septième roman Frédéric Lenoir, « La consolation de l'ange », voilà un duo tout à fait étonnant. Il y a il y a Hugo qui vient de faire une tentative de suicide. Il est encore tout jeune. Mais la situation de l'hôpital étant ce qu'elle est, il se retrouve dans une chambre où il y a déjà un autre patient, Blanche. Une femme âgée en fin de vie attendant doucement que la mort l'emporte. Ces deux personnages vont découvrir le monde, vont se découvrir, vont s'apprivoiser....La consolation de l'ange de Frédéric Lenoir - Livre - Suite