Eric-Emmanuel Schmitt

Eric-Emmanuel Schmitt

Journal d'un amour perdu

Portrait 00'06'53"

Philippe Chauveau :
Bonjour Eric-Emmanuel Schmitt
Merci d'avoir accepté notre invitation. « Journal d'un amour perdu », c’est votre actualité chez Albin Michel. Vous le savez, généralement, lorsqu'on se rencontre avec les auteurs, ici sur notre plateau, nous commençons toujours par parler de leur vie avant d'entrer dans le sujet du livre. Mais là, il est vrai que votre actualité est très liée à votre propre parcours puisque vous allez nous parler de votre maman et de cette relation que vous aviez avec elle. Vous nous avez toujours raconté, et expliqué, que c'était grâce à une sortie au théâtre, avec elle, que vous étiez entré en littérature. Vous aviez été fasciné par ce que vous voyiez sur scène.
Cette image revient-elle toujours régulièrement lorsque vous êtes à votre table de travail ?

Eric-Emmanuel Schmitt :
Je me replonge régulièrement dans les grands éblouissements qu'ont été les piliers de ma vie, parce qu'une vie est faite de ça. Et dans mes grands éblouissements, il y a la première fois au théâtre, comme il y a le premier livre « Les Trois Mousquetaires », comme il y a certaines rencontres, certaines admirations… J’essaie de faire en sorte que ma vie soit cousue autour de ça et ne la quitte pas. Alors, pour vous dire les choses, au théâtre je n’ai pas besoin d'être nostalgique pour être heureux. Il y a aujourd'hui encore plein de choses magnifiques qui se passent au théâtre. Je n'ai pas forcément besoin de revenir à mes 11 ans pour retrouver le bonheur du théâtre

Philippe Chauveau :
La lecture puis l'écriture ont elles été aussi des façons pour vous de combler une solitude, de combler un vide ou un manque ?

Eric-Emmanuel Schmitt :
Je crois que la découverte de la lecture est vraiment liée à la solitude, à la volonté de rompre avec la solitude. Jusqu'à l'âge de 8 ans, j'ai vécu dans un immeuble avec mes parents ; ils faisaient construire une maison. Cela prenait du temps et, lorsque j'avais 8 ans, on a déménagé. Je me suis alors retrouvé tout seul, sans mes camarades, sans mes amis, dans une maison au milieu des champs et des bois puisque c'était la seule maison construite. Et il n'y avait plus personne. Je me souviens, pendant cet été de mes 8 ans, un jour, je suis descendu dans la bibliothèque de mon père, j'ai regardé et j'ai vu un livre qui avait une belle couverture, je l'ai tiré. Cela s'appelait « Les Trois Mousquetaires » d'Alexandre Dumas. Et c'était parti pour la vie ! J'ai eu immédiatement quatre amis… J'ai lu les trois tomes et j'ai pleuré à la mort de d'Artagnan. Et la solitude, cétait fini pour toute ma vie ! Parce qu'il y a la lecture puis aujourd'hui l'écriture. C'est la même chose.

Philippe Chauveau :
Ces amis de papier ont ils été aussi parfois des amis qui vous ont protégé d'un monde dans lequel vous aviez peut-être du mal à trouver vos marques ?

Eric-Emmanuel Schmitt :
Bien sûr que la littérature m'a aidé à comprendre les autres. D'abord moi même parfois. Comprendre la complexité des êtres. Et puis même rire de ce qui peut être triste comme la distance que prennent certains auteurs, particulièrement des auteurs dramatiques comme Molière. Je sais par coeur Molière et c'est une manière de rire des défauts, de l'avarice, du snobisme etc... Donc, bien sûr c'est salutaire. La littérature vous aide à mieux vivre, à mieux appréhender les autres et à mieux supporter ce qui est insupportable.

Philippe Chauveau :
Aujourd'hui, vous êtes encore un grand lecteur. Vous nous avez parlé d'Alexandre Dumas et de Molière mais vous n'êtes pas indifférent à ce que font aussi vos petits camarades de jeu. Quel regard portez-vous sur la littérature contemporaine, peut-être internationale mais focalisons-nous sur les auteurs francophones ?

Eric-Emmanuel Schmitt :
Oui, j'ai la chance depuis quelques années de lire beaucoup mes contemporains parce que je fais partie de l'académie Goncourt. Je fais partie des dix personnes qui essaient de repérer les talents de nos contemporains. Premièrement, ma grande surprise, c'est découvrir qu'il y a beaucoup de talent, mais vraiment beaucoup plus que je ne l’imaginais parce qu'il y a plein de gens qui ne sont pas connus mais qui ont énormément de talent et plein de gens qui sont chez de petits éditeurs, des petits éditeurs de talent qui éditent des gens de talent. Enfin, je découvre tout ce que je ne connaissais pas puisque j'étais, au fond, un lecteur plutôt des classiques et des grands étrangers. Et puis, je découvre aussi qu'il y a toutes sortes d'écoles d'écriture absolument différentes. Personne n'attend la même chose de la littérature. C'est extrêmement vivant et varié. Je trouve qu'il y a beaucoup de femmes pour qui c'est essentiel d'écrire et qui écrivent des livres essentiels. Cela me paraît peut-être un peu nouveau par rapport à d'autres époques. Et puis, il y a aussi dans la littérature francophone des gens qui vivent sur d'autres terres et qui ont choisi de s'exprimer en français et qui ont aussi des choses importantes, essentielles et urgentes à écrire. Donc, je trouve que la littérature francophone est extrêmement riche.

Philippe Chauveau :
Vous faites partie de ces auteurs qui avez réussi à réconcilier des publics qui ne se côtoyaient pas beaucoup, entre ceux qui sont plus sur le style, ceux qui sont plus sur l'intrigue et ceux qui sont plus sur le contenu. Lorsque vous êtes à votre table de travail, pensez-vous à ces publics assez différents ? Vous avez un contact très fort avec vos lecteurs en librairie ou en médiathèque. Sont-ils présents lorsque vous écrivez ?

Eric-Emmanuel Schmitt :
Oui et non. Oui, parce que je m'adresse à eux, et je m'adresse à de multiples têtes et non parce qu'il n'y a personne de précis qui obstrue la vision. Et parce que je suis aussi beaucoup à l'écoute de mes personnages, je regarde mes personnages dans les yeux pour essayer de les comprendre et ressentir. Donc, oui ma parole est une parole adressée et non car ma parole est aussi inspirée par l'imaginaire ou les personnages.

Philippe Chauveau :
Plus tard, bien plus tard, lorsqu'on écrira un dictionnaire des grands auteurs des 20ème et 21ème siècle, lorsque l'on fera votre épitaphe, que voudriez-vous que l'on écrive ? Ecrivain, romancier certes mais quoi d'autre ? Passeur d'émotions ? Qu'est-ce qui vous conviendrez ?

Eric-Emmanuel Schmitt :
Je crois que je suis un conteur. Je conte au théâtre, je conte parfois au cinéma, je conte dans des romans, des nouvelles ou dans des récits. C'est vraiment ça ! Je suis un raconteur d'histoires et des histoires que j'espère pas insignifiantes. C'est à dire des histoires qui permettent de dégager du sens en même temps que des émotions parce que je pense que la vie de l'esprit est tout autant faite d'émotions que de l'intellect. C'est vrai que je suis aussi un passeur, j'aime bien votre mot, et il y a toujours chez moi la volonté de partager ce qui est beau, ce qui m'émeut, ce qui me trouble positivement dans la vie, chez les autres, dans la culture et dans l'art.

Philippe Chauveau :
Votre actualité Eric-Emmanuel Schmitt, « Journal d'un amour perdu », publié chez Albin Michel.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • On ne présente plus Eric-Emmanuel Schmitt. Romancier, homme de théâtre, philosophe, il fait indéniablement partie de la vie littéraire et culturelle française mais sa relation aux lecteurs va bien au-delà. Très présent dans les librairies et les salons, on le voit aussi sur scène portant ses propres textes comme « M. Ibrahim et les fleurs du Coran » ou « Mme Pilynska et le secret de Chopin ». Ses livres se sont vendus à plusieurs millions d’exemplaires à travers le monde, qu’il s’agisse de romans, de nouvelles ou...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Bonjour Eric-Emmanuel SchmittMerci d'avoir accepté notre invitation. « Journal d'un amour perdu », c’est votre actualité chez Albin Michel. Vous le savez, généralement, lorsqu'on se rencontre avec les auteurs, ici sur notre plateau, nous commençons toujours par parler de leur vie avant d'entrer dans le sujet du livre. Mais là, il est vrai que votre actualité est très liée à votre propre parcours puisque vous allez nous parler de votre maman et de cette relation que vous aviez avec elle. Vous nous avez...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau :Dans ce très beau livre, Eric-Emmanuel Schmitt, « Journal d'un amour perdu » avec cette couverture pleine de sensibilité, cette maman et son enfant, vous nous parlez de votre relation avec votre mère suite à son décès.Pourquoi avez-vous eu besoin, ou envie, de nous raconter cette histoire très intime et très personnelle ? Vous nous ouvrez votre cœur. Pourquoi était-ce si important ? Eric-Emmanuel Schmitt :Parce que j'ai fait une découverte dans les deux ans qui ont suivi la mort de ma mère. J'ai...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? d'Eric-Emmanuel Schmitt - Livre - Suite