Elle s’imaginait plutôt scientifique et là voilà évoluant dans le monde des lettres.
Issue d’une famille où le livre n’avait pas une place essentielle, c’est dans la bibliothèque de sa petite commune de province que Maud Simonnot découvre le plaisir de la lecture. Voilà, comment de fil en aiguille, les études scientifiques deviennent des études de lettre, comment après un doctorat de lettres, la jeune femme se retrouve au service culturel de l’ambassade de France en Norvège, comment elle trouve sa place chez...
L'heure des oiseaux de Maud Simonnot - Présentation - Suite
Philippe ChauveauBonjour Maud Simonnot.
Maud SimonnotBonjour.
Philippe ChauveauVous êtes dans l'actualité avec ce titre L'heure des oiseaux. C'est aux éditions de l'Observatoire et c'est bien la romancière, l'auteur que je reçois aujourd'hui puisque en parallèle, on va en parler. Vous êtes aussi éditrice et puis vous avez repris la NRF. On va en reparler également. Un parcours riche, mais finalement, les lettres, la littérature, c'était peut être pas une évidence.Quel a été votre votre parcours justement pour arriver là...
L'heure des oiseaux de Maud Simonnot - Portrait - Suite
Philippe Chauveau
Dans votre nouveau roman, Maude Simonnot, l'heure des oiseaux, aux Editions d'Observatoire. Vous nous emmenez sur une île, une île qu'on a l'impression de connaître parce qu'on en parle régulièrement. Et finalement, tout le monde ne la connaît peut être pas si bien. C'est l'île de Jersey, une île anglo normande comme ça entre entre la France et l'Angleterre. Cette île de Jersey, elle peut sembler paradisiaque.
Maud SimonnotC'est l'île aux fleurs.
Philippe ChauveauC'est comme ça qu'on la surnomme. Et c'est...
L'heure des oiseaux de Maud Simonnot - Livre - Suite
Maud Simonnot
L'heure des oiseaux
Présentation 00'03'03"Elle s’imaginait plutôt scientifique et là voilà évoluant dans le monde des lettres. Issue d’une famille où le livre n’avait pas une place essentielle, c’est dans la bibliothèque de sa petite commune de province que Maud Simonnot découvre le plaisir de la lecture. Voilà, comment de fil en aiguille, les études scientifiques deviennent des études de lettre, comment après un doctorat de lettres, la jeune femme se retrouve au service culturel de l’ambassade de France en Norvège, comment elle trouve sa place chez Gallimard en tant qu’éditrice et comment elle publie aujourd’hui son nouveau roman « L’heure des oiseaux ». En parallèle, Maud Simonnot s’est vu confier la direction de la prestigieuse NRF, la nouvelle revue française, dont le premier numéro date de 1909 et qui depuis, reste une référence dans le monde littéraire. Au-delà d’être éditrice, avec une prédilection pour les premiers romans, Maud Simonnot fait aussi le choix d’être auteur, avec deux anthologies, recueils de textes autour des thématiques de la forêt et de la nuit, puis une biographie consacrée à Robert McAlmon, premier éditeur d’Ernest Hemingway, au parcours chaotique. Et puis vint l’envie du roman, inspirée par les années que Maud Simonnot passa en Norvège. « L’enfant céleste », en lice pour le prix Goncourt 2020, racontait l’histoire de Célian, ce gamin mal dans sa peau, qui avec l’amour de sa mère, sur une petite île de la mer Baltique allait découvrir une vie nouvelle au cœur de la nature et de l’immensité du ciel. Les ambiances insulaires semblent parler à Maud Simonnot puisqu’avec son nouveau roman, « L’heure des oiseaux », elle nous emmène à Jersey, bout de terre entre la France et l’Angleterre surnommée, « L’île aux fleurs ». Là, dans ce cadre paradisiaque, dans les années 50, des dizaines d’enfants d’un orphelinat furent violentés et abusés par le directeur mais aussi des notables locaux. Révélée au début des années 2000, l’affaire fit grand bruit mais retomba bien vite dans l’oubli, face à la pression de la population de Jersey et de son gouvernement autonome, ne voulant pas abîmer l’image idyllique de leur coin de paradis, manne touristique s’il en est. Ainsi donc, après l’humiliation de l’enfance vint la double peine pour les victimes devenues adultes, celle d’être réduit au silence. Maud Simonnot s’inspire de ce fait divers sordide pour imaginer une jeune femme d’aujourd’hui, partant sur les traces de ces enfants sacrifiés, en particulier le personnage de la petite Lily. Mais la force de ce roman est d’être empreint de beaucoup de pudeur, de douceur, de beauté et de poésie. Des personnages secondaires viennent contrebalancer la violence du propos et les paysages de Jersey tiennent toute leur place dans cette histoire qui fend le cœur et porte en elle une douce mélancolie. Le livre de Maud Simonnot, « L’heure des oiseaux » est publié aux éditions de l’Observatoire et c’est un coup de cœur.
Maud Simonnot
L'heure des oiseaux
Portrait 00'07'55"Philippe Chauveau
Bonjour Maud Simonnot.
Maud Simonnot
Bonjour.
Philippe Chauveau
Vous êtes dans l'actualité avec ce titre L'heure des oiseaux. C'est aux éditions de l'Observatoire et c'est bien la romancière, l'auteur que je reçois aujourd'hui puisque en parallèle, on va en parler. Vous êtes aussi éditrice et puis vous avez repris la NRF. On va en reparler également. Un parcours riche, mais finalement, les lettres, la littérature, c'était peut être pas une évidence.
Quel a été votre votre parcours justement pour arriver là ?
Maud Simonnot
Oui, ce n'était pas forcément une évidence. J'étais partie plus tôt pour faire des sciences ou j'ai un bac scientifique. Et puis ensuite, je me suis inscrite à la fois en prépa scientifique et littéraire et au dernier prix de littérature. J'en suis très heureuse, mais j'ai fait beaucoup d'autres choses en parallèle des lettres, notamment de l'histoire de l'édition. C'était ma formation principale jusqu'au doctorat, et de l'histoire de l'art aussi.
J'aime beaucoup tout ce qui est peinture et archéologie.
Et si je rembobine encore plus le fil du temps, vous m'avez laissé entendre que finalement, chez vous, le livre n'avait pas beaucoup, beaucoup de place et que ce sont les bibliothèques qui vous ont permis de vous ouvrir à la littérature.
Je viens d'une famille très simple. Ma mère était sage femme et mon père professeur de ce qu'on appelait sciences naturelles à l'époque et de cette envie d'aller plus vers tout ce qui était scientifique.
Et puis, naturellement, il y avait quelques livres chez moi, mais pas beaucoup de romans, et j'ai eu la chance d'avoir déjà des gens à l'école. Je dois tout à l'école de la République qui m'ont donné des livres. Et puis d'aller en bibliothèque. Et je le dis tous souvent, très souvent, je dois tout aux bibliothèques et aux bibliothécaires, parce que, grâce à la gratuité des livres, j'ai pu lire tout ce que je voulais pendant toute mon enfance.
Philippe Chauveau
Et puis après, il y a eu ces études de lettres dont vous nous avez parlé, avant d'évoquer la romancière que vous êtes aujourd'hui. Parlons de l'éditrice. Si vous deviez résumer, c'est quoi le métier d'éditeur ? Ça consiste en quoi ce métier ?
Maud Simonnot
Il faut être très curieux, je dirais parce qu'on est sans arrêt en train de chercher une pépite d'or dans une immense rivière. Et on me dit souvent Tu fais ce métier, est ce que tu aimes les livres ? Mais je crois qu'il faut aimer les gens aussi, parce que c'est aussi un compagnonnage avec des auteurs qu'on construit tout au long de leur écriture.
Et puis ensuite, au moment des publications de livres qui sont des moments parfois délicats et au moment ou ils recommencent à écrire. Donc c'est beaucoup de discussions aussi. C'est ça le métier que j'aime pour toutes ces raisons.
Philippe Chauveau
Et je le disais en préambule. En parallèle, vous venez de reprendre quelque chose de mythique dans le monde des lettres, la NRF. Alors rappelez nous un peu ce qu'est la NRF. Et puis quel ! Quelle image vous avez envie de lui donner pour, peut être, la dépoussiérer ?
Maud Simonnot
C'est la revue littéraire la plus ancienne et de plus célèbre d'entre toutes. Elle a été fondée en 1908 et c'est sur cette revue qu'a été bâtie la maison Gallimard. Elle est donc, oui, un peu un peu légendaire. Il y a beaucoup de gens qui ont commencé dedans. Dans le premier numéro, je fais une bibliothèque idéale de Jean-Marie Gustave Le Clézio et il m'a dit qu'il avait commence à écrire dans la NRF dans les années 60. C'est vraiment pour beaucoup d'auteurs actuels un endroit ou ils ont pu publier leur premier texte qui a été une revue très très importante et qui, comme toutes les revues littéraires, était elle légèrement tombée en déshérence. Mais il y a moins d'abonnés, c'est aussi ce qu'on lit forcément tout de suite. Et Antoine Gallimard m'a proposé de la reprendre avec cet enjeu de la relancer en 2022, avec sans doute des auteurs qui sont les grands auteurs de demain.
Et puis des thématiques qui sont des thématiques, aussi des faits de société et une partie critique très très forte portée par des auteurs.
Philippe Chauveau
Rappelez nous l'acronyme de NRF.
Maud Simonnot
Nouvelle Revue française. Donc c'est la nouvelle Nouvelle Nouvelle Revue française parce qu'elle a été relancée plusieurs fois.
Philippe Chauveau
Mais vous gardez le titre, le titre d'origine. Quel lien faites vous justement entre le métier d'éditeur et ce que vous exercez ? Être aujourd'hui directrice de publication, c'est peut être le nom du poste. Et puis le fait d'être romancière, parce que finalement, ce sont trois choses différentes. Mais il y a des passerelles.
Maud Simonnot
Et des passerelles parce qu'évidemment je vais faire appel à des auteurs que je publie et à des auteurs aussi, que j'ai rencontrés comme auteurs sur des salons ou que je lis comme lectrice. Donc l'idée, c'est de mettre des gens que j'aime et qui viennent d'horizons très variés, mais qu'évidemment, j'ai souvent rencontrés par. Par mon métier d'éditeur ou en tant qu'auteur complet.
Tout est lié.
Philippe Chauveau
En tant qu'auteur, justement, on vous connaît pour des anthologies, on vous connaît pour une biographie et puis on vous connaît aussi en tant que romancière. Il y a eu assez récemment l'Enfance céleste qui a été primée, qui avait été largement repérée par la critique et par les lecteurs. Et puis voici aujourd'hui l'heure des oiseaux. A quel moment avez vous envie de passer le cap, de devenir, de franchir le Rubicon, de devenir vous même romancier ?
Maud Simonnot
Très tard. J'ai été éditrice longtemps avant d'être auteure. En général, c'est l'inverse. On demande à des auteurs de passer éditeurs dans les grandes maisons alors que moi, je n'ai pas fait les choses d'un nouvel ordre parce que je pense que je me l'interdisait. J'avais été stagiaire il y a une vingtaine d'années pour Paulo Tchaïkovsky, Laurence, le patron de P.O.L. et qui avait dit un jour quand on discutait ensemble Oh là, là, tous ces éditeurs qui écrivent depuis quelques années, ça lui semblaient deux métiers très différents.
Et il avait raison, il n'y a pas forcément d'obligation. On peut être un incroyable éditeur sans être écrivain, mais j'ai commencé à écrire la biographie d'un éditeur qui s'appelait Robert de Calmont. Et c'est en écrivant sur quelqu'un d'autre que petit à petit, je me suis autorisée à devenir écrivain. J'avais du mal à le dire encore maintenant, mais à écrire des livres en tout cas.
Philippe Chauveau
Vous vous êtes découverte différemment en prenant la plume de romancière ?
Maud Simonnot
Pas vraiment, mais je suis beaucoup, beaucoup plus dans la compréhension des difficultés des auteurs, non, c'est vrai que c'est un métier. Quand on écrit ou on imagine pas avant de s'y mettre. L'engagement physique, par exemple. Comme ça peut être fatigant d'être plusieurs heures concentré sur un texte, comme quelquefois on a l'impression qu'il y a une montagne devant soi et qu'on va jamais la franchir.
Il y a quelque chose de cet ordre là qui est sensuel et corporel, que je n'avais pas forcément mesuré dans les auteurs m'avait parlé. Mais c'est bien, c'est bien de récolter un peu pour mieux comprendre ce par quoi il passe.
Philippe Chauveau
Et puis tout ça a bien démarré en tant que romancière puisque L'enfant céleste, je le disais, a été un livre qui a eu un très beau succès, dans lequel on retrouve une influence scandinave, peut être en lien avec les quelques années que vous avez passées en Norvège. Là encore, c'était professionnel. Par rapport à votre engagement littéraire et culturel, vous avez été amenée à travailler là bas.
Maud Simonnot
Oui je travaillais pour l'ambassade de France à Oslo pour un poste autour du livre et la diffusion notamment des auteurs et des livres français dans tout le pays. Il se trouve que j'ai eu la chance en bateau de passer à côté d'une île qui était l'île de Ven, qui est une réserve naturelle maintenant. Et de découvrir que c'était sur cette île qu'il y avait eu le premier observatoire contemporain qui s'appelait Uranie Borg.
Et c'était un nom quand j'étais enfant, qui me faisait rêver. Donc ça me semblait évident de commencer à écrire sur sur cette île.
Philippe Chauveau
Mais alors justement, est ce à dire que c'est le sujet qui vous amène à l'écriture du premier roman ou est ce l'envie de d'écrire un premier roman ? Et vous vous dites Il faut que je trouve un sujet.
Maud Simonnot
C'est le lieu. En fait, c'est cette île qui m'a inspiré. Et les îles en général. Écrire sur les îles, c'est extrêmement divertissant, réjouissant.
Philippe Chauveau
Merci de me donner cette belle transition puisqu'après l'enfance céleste, nous allons parler d'une autre île dans votre actualité. Maud Simonnot L'heure des oiseaux, c'est aux éditions de l'Observatoire.
Maud Simonnot
L'heure des oiseaux
Livre 00'08'04"Philippe Chauveau
Dans votre nouveau roman, Maude Simonnot, l'heure des oiseaux, aux Editions d'Observatoire. Vous nous emmenez sur une île, une île qu'on a l'impression de connaître parce qu'on en parle régulièrement. Et finalement, tout le monde ne la connaît peut être pas si bien. C'est l'île de Jersey, une île anglo normande comme ça entre entre la France et l'Angleterre. Cette île de Jersey, elle peut sembler paradisiaque.
Maud Simonnot
C'est l'île aux fleurs.
Philippe Chauveau
C'est comme ça qu'on la surnomme. Et c'est vrai que quand on y va comme ça, passé un ou deux jours, elle est super verdoyante, elle est fleurie, mais il s'y cache parfois des choses et des secrets enfouis. C'est un peu ce que vous allez nous raconter. Votre roman se passe en deux temps, à l'époque contemporaine, avec une narratrice qui va aller sur les traces du passé de son père sur cette île.
Et puis on va aussi repartir en 1959 pour suivre le destin de deux jeunes enfants dans un orphelinat. Comment est née ce livre Maud Simonnot ?
Maud Simonnot
Comme souvent par hasard, je suis retombée sur un scandale médiatique avait défrayé la chronique dans les îles Anglo-Normandes et en Angleterre en 2007. On avait découvert que dans un orphelinat qui depuis n'est plus un orphelinat, durant une vingtaine d'années, il y avait eu des crimes commis sur des enfants. Et il y avait eu plus de 160 témoignages de ces anciens enfants placés là, qui avaient vraiment incriminé le directeur de l'époque et des adultes qui abusaient des enfants.
Il y a eu un procès et comme c'est un gouvernement autonome, ils ont fait ce qu'ils ont voulu et il n'y a eu aucun coupable. Et ça m'a doublement révolté parce que l'histoire de cet orphelinat et cette histoire sordide de pédophilie qui qu'on a vu dernièrement dans plein d'endroits glauques comme ça, s'ajoute un clivage de classe. Il se trouve que Jersey, c'est la plaque tournante, le paradis fiscal.
Et là, c'était évidemment des enfants pauvres. Donc ça a été assez facile de les ignorer.
Philippe Chauveau
Alors certes, c'est le point de départ, mais vous avez vraiment écrit un roman puisque l'histoire que vous racontez est une histoire inventée mais qui aurait pu et qui ressemble sans doute à celle de bien des enfants. Et puis il y avait cette volonté de construire le roman sur deux périodes, comme je le disais, l'époque contemporaine avec cette narratrice qui va marcher sur les souvenirs de son père.
Et puis cette période de 1959 1960. Ce qui veut dire qu'on est dans deux temporalités sur lesquelles il y a deux écritures différentes, puisque parfois il y a la narratrice. Et puis parfois, vous êtes à la première personne. Comment avez vous construit cette histoire ?
Maud Simonnot
En fait, ce qui m'intéressait, c'était de raconter cette affaire, mais sans que ça soit justement omniprésent, parce que je voulais redonner la parole aux enfants. Et dans le monde de l'enfance telle que je l'imaginais, il fallait que ce soit des enfants fort, courageux, avec un imaginaire débordant. Donc, toute la partie qui se passe dans les années, à la fin des années 50, ou on voit la petite Lili, cette enfant solaire et son compagnon de cinq ans qu'on appelle le petit.
Et je voulais que cette partie soit un peu onirique. Et c'était assez facile parce que l'île de Jersey s'y prêtait. C'est une île appelée tout à l'heure. On s'appelle l'Île aux fleurs, mais une île ou il y a eu énormément de choses enfouies pendant la Seconde Guerre mondiale sous ses parterres de fleurs et ses serres incroyables, il y a des tunnels qui ont été construits pour le mur de l'Atlantique.
Il y a des blockhaus sur une plage ou il y a eu le premier club de surf au monde dans les années 50. Il y a, à côté de l'orphelinat, une forêt qu'on appelle la forêt oubliée. Donc, tout me donner l'occasion de transformer cette histoire en conte cruel. Mais un conte quand même.
Philippe Chauveau
Le jour ou je suis arrivé sur l'île, il neigeait. J'avais rêvé d'azur, de voiliers et de soleil couchant qui brûle en silence. J'ai débarqué en pleine tempête, dans un endroit ou personne ne m'attendait. C'est le point de départ du roman et c'est vrai que j'ai Jersey, l'île aux fleurs, comme on le disait, Paradis qui cache, qui cache ses secrets.
L'ambiance est très importante, vous nous l'avez rappelé avec l'Enfance céleste, vous aviez déjà écrit sur une île. Là, vous repartez sur une île et l'ambiance est très importante dans le roman. Les paysages, les oiseaux aussi sont dans le roman, ce qui donne aussi de la poésie par rapport à l'histoire très sombre que vous racontez.
Maud Simonnot
C'est une île qui est un peu l'inverse de celle de l'enfant céleste, dont l'enfant céleste est un refuge pour la mère et l'enfant qui y ont trouvé le moyen, de grâce à la nature, d'épuiser leur chagrin. Et là, c'est une île qui est une prison dans laquelle il y a un orphelinat qui est une prison dans la prison.
Et j'ai brodé sur sur ce thème de l'enfermement dans un endroit qui est censé être ouvert sur l'océan, l'horizon. Et je voulais montrer comment, dans cet endroit paradisiaque, il pouvait y avoir des hôtels, des choses si difficiles que les deux soient juxtaposés. Ça me semblait intéressant.
Philippe Chauveau
C'est aussi un roman sur l'enfance, puisqu'il y a les lits et le petit qui est son, son camarade. On comprendra au fil des pages quel est le lien qui les unit. C'est une sorte de roman initiatique parce qu'il va y avoir un personnage secondaire qu'on va appeler l'ermite et qui va enseigner, qui va apprendre beaucoup de choses à la jeune Lili, et notamment les oiseaux et tout l'environnement de l'île.
Travailler sur l'enfance, écrire sur l'enfance, c'est quelque chose qui vous qui vous parle ?
Maud Simonnot
J'aime écrire sur les enfants parce qu'ils sont à un moment de leur vie ou ils ne sont pas encore tous les filtres intellectualisé et tous les codes, et ou ils voient le monde tel qu'il est. Et là, pour Lili la forêt, c'est vraiment un émerveillement répété à chaque jour qui lui permet de pouvoir, malgré tout ce qu'elle vit la nuit dans l'orphelinat, s'évader et être encore une enfant.
Philippe Chauveau
Alors, sans rien dévoiler de l'intrigue, puisqu'il y a une intrigue mais on le sait, on va parler de cet orphelinat. Donc, ce qui veut dire qu'on va parler de la famille, on va parler des secrets enfouis. Ça aussi, c'est un matériau pour la romancière qui est important.
Maud Simonnot
J'aime beaucoup travailler sur la mémoire et sur la manière dont l'histoire est fabriquée uniquement par les souvenirs qu'on en a et pas par la vérité. Ces enfants là n'ont pas pu parler parce que le procès n'a pas donné lieu à des condamnations. Et à chaque fois, j'aime bien travailler sur cette matière.
Philippe Chauveau
Alors c'est vrai que l'histoire, l'histoire est dramatique, l'histoire est sombre. Et ces enfants abusés dans cet orphelinat à la fin des années des années 50. Et néanmoins, il n'y a pas de pathos dans votre roman. Il est très doux, il est très sensible, très poétique parce qu'on l'a dit. Il y a cette île avec ses paysages, il y a le chant des oiseaux, toutes ces espèces d'oiseaux qui peuplent l'île de Jersey.
Il y a aussi la musique qui est là comme ça. En filigrane, la musique de Messiaen, qui est présente d'une certaine façon. Dans quel état d'esprit étiez vous lors de l'écriture sur un sujet aussi dur ?
Maud Simonnot
Je n'avais pas envie pour moi même déjà. Pendant tout le temps, j'écrivais d'être dans quelque chose de sur écrit. On sait tout ce que c'est que les affaires de pédophilie. On imagine bien ce qui a pu se passer et j'avais envie que ça soit dit sans fard, mais que ça ne soit pas dit de façon vraiment lourde.
Et à chaque fois de replacer aussi ces faits dans un contexte qui était sans doute celui que les enfants ont connu, c'est à dire une île enchanteresse. Au dernier moment, ils étaient enfermés ou subissaient des choses horribles. Malgré tout, il peut y avoir, je sais pas, la vision sur un arbre aux fleurs, chants d'oiseaux, un coucher de soleil.
On sait très bien que dans la vie, tout est mêlé, que. Et ça, ça me semblait vraiment essentiel en tout cas, de redonner la place, même dans cet univers épouvantable, à ce qui a pu aider parfois les enfants à s'en sortir, à tenir la tête hors de l'eau.
Philippe Chauveau
Voilà un roman absolument magnifique, un roman sombre, mais en même temps plein de plein de lumière et plein de poésie. C'est un coup de cœur cette année que je recommande vivement. Maud Simonneau, L'heure des oiseaux, vous êtes publiée aux éditions de l'Observatoire. Merci beaucoup.
Maud Simonnot
Merci beaucoup.