Valérie Clo

Valérie Clo

Une vie et des poussières

Livre 00'07'40"

Philippe Chauveau Dans ce nouveau titre, Valérie Clo, Une vie et des poussières, nous allons faire connaissance avec Mathilde. Mathilde vit depuis quelque temps dans un EHPAD. Ce sont ses enfants, Rose et Baptiste, qui l'ont poussée à s'installer dans cet EHPAD. Et Mathilde va nous raconter en quelque sorte son quotidien sur plusieurs mois. C'est une forme de journal que vous avez eu envie de nous proposer. D'où vient-elle, Mathilde, et pourquoi avoir eu envie, vous, de nous parler de cette vie en EHPAD ?

Valérie Clo Je pense que j'avais envie d'en parler parce que quand je suis arrivée, j'ai commencé à travailler dans ce milieu là, je trouvais que c'était un monde invisible dont on ne parlait pas et j'avais envie de mettre un peu de lumière sur ce monde là. J'avais aussi envie de montrer qu'il y a beaucoup de vie dans ces lieux. Beaucoup d'humour, beaucoup de poésie. Et c'est vrai qu'on s'en rend pas compte. Ce milieu-là, on en a peur, mais il se passe plein de choses. C'est un milieu très enrichissant.

Philippe Chauveau Mathilde, donc en EHPAD, elle est entourée de gens qui perdent plus ou moins la mémoire. Sa propre fille, Rose, s'inquiète beaucoup pour sa mère, s'inquiète même sans doute un peu trop pour sa mère, ce qui énerve cette dernière.

Valérie Clo Elle a peur.

Philippe Chauveau Vous avez eu envie aussi de nous parler de la maladie d'Alzheimer à travers ces pages.

Valérie Clo Exactement. Je voulais parler de la maladie d'Alzheimer. Mais à travers le regard d'une résidente. J'avais envie de retranscrire l'ambiance qu'il peut y avoir. C'est dur pour les enfants, mais en travaillant avec ces personnes là, on va quand même des choses qui sont amusantes. Ils n'en souffrent pas eux forcément. C'est beaucoup l'entourage qui en souffre, mais eux, ils sont dans le présent et ils sont dans leur truc, dans leur univers.

Philippe Chauveau Vous écrivez en parlant, donc en faisant parler Mathilde, Le soir, dans mon lit, je ferme les yeux. Je redeviens une enfant de 6 ans alors que je suis à l'hiver de ma vie, que le froid gagne mes os, que ma peau s'affine un peu plus chaque jour, que mes joues se creusent, que mes dents jouent à saute-mouton. Mon âme, elle, continue à danser. Au creux de la nuit, rien ne semble la faire renoncer. Vous nous dites aussi que ces personnes qui vieillissent, dont certaines sont en fin de vie, finalement, au fond d'elles-mêmes, elles sont restées très jeunes. En tous cas, pour la plupart, elles ont encore envie d'avoir des projets, encore envie d'être présentes dans le quotidien.

Valérie Clo Oui, elles ont dans leurs souvenirs, elles vivent, elles sont... Il y en a qui sont encore très coquettes par exemple. Elles ont une histoire. C'est vrai, il y en a qui sont très touchant.

Philippe Chauveau Vous nous parlez de Mathilde avec ces souvenirs. On comprend quel a été le parcours de Mathilde, mais vous ne rentrez pas non plus dans dans le détail, comme si vous souhaitiez que chacun puisse s'identifier à Mathilde par soi-même ou par des personnages de son entourage. C'était une volonté que le lecteur soit vraiment présent dans l'histoire ?

Valérie Clo Oui, j'avais envie que ce soit des petites bulles, des petites notes comme ça et que le lecteur puisse en faire ce qu'il veut.

Philippe Chauveau Vous l'avez remarqué, je me suis arrêté, j'ai corné pas mal de pages parce qu'à plusieurs moments dans le livre, on s'arrête et on a envie de relire pour s'approprier ce que vous avez écrit. Il m'est arrivé souvent d'être surprise par l'étrangeté de la vie, par sa capacité à être à la fois incroyablement solide et fragile, pouvant résister aux pires intempéries et, dans le même temps, être capable de s'évanouir en un souffle. Une frontière mince comme une feuille de papier. C'est-à-dire que lorsque l'on arrive comme ça au seuil de sa vie, lorsque l'on est en EHPAD, chaque jour doit compter doublement ?

Valérie Clo Oui, je me suis mise à la place d'une résidente, mais je pense que c'est ce qu'on ressent. En fait, on voit des personnes qui disparaissent. Tout est très fragile et en même temps, quand on annonce la fin de quelqu'un, ça peut durer des mois. En fait, c'est fragile et solide à la fois.

Philippe Chauveau Vous avez également fait le choix de parler du personnel médical qui entoure ces personnes âgées, comme une sorte d'hommage que vous aviez envie de leur rendre, à travers le personnage de Maryline qui d'ailleurs, ne s'appelle pas Maryline. Mais on va l'appeler Maryline parce qu'elle est blonde et pulpeuse à souhait. Pourquoi cette envie de rendre hommage au personnel médical, eu égard à tout ce qu'on a pu entendre ces derniers temps ?

Valérie Clo Parce qu'ils font un travail très, très dur. Moi, je suis très admirative. Je les vois tous les jours. C'est très dur. Ils sont pas assez nombreux. Ils travaillent dans des conditions parfois compliquées. Et pourtant, il y a beaucoup de bienveillance chez elle. En général, c'est beaucoup de femmes. Il y a quelques hommes mais il y a beaucoup de bienveillance, d'attention. Il y a beaucoup d'amour qui circule. Et à chaque fois, je suis incroyablement surprise de les voir.

Philippe Chauveau Votre livre est une vraie bouffée de tendresse. On pleure, on rit. Au fil des pages, on s'attache forcément au personnage. Il y a Mathilde, il y a Chantal, complètement excentrique, il y a Jeannot qui lui, rêve d'avoir une petite aventure sentimentale avec l'une des pensionnaires. Vous avez eu du mal à quitter vos personnages ? Comment sont-ils nés dans votre esprit ? Et où sont-ils aujourd'hui, que le point final du roman est mis. Ils vous accompagnent encore ?

Valérie Clo Non. Là, c'est fini l'âge. J'ai terminé le livre. Ils ne m'accompagnent pas. Mais c'est vrai qu'ils sont nés au fur et à mesure de l'écriture. Ils ont été inspirés par ce que je peux voir, mais ce n'est pas vraiment la réalité non plus. Ils sont apparus au fur à mesure des pages. Je n'ai pas de plan quand j'écris. Donc Mathilde, c'est elle qui est arrivée en premier. J'avais envie de quelqu'un qui soit un peu incisif et en même temps, qui ait de l'humour, qui soit joyeux quand même, au fond d'elle-même. Lorsque je regarde mes compagnons de la dernière heure, je me demande si eux aussi, ont des questions sans réponse à l'hiver de leur vie. Des choses non résolues. Des haines toujours vivaces, des regrets, des remords, des rancœurs, des histoires de familles insolvables, des traumatismes encore présents, des noeuds dans leur cœur impossible à défaire qu'ils emporteront avec eux dans leur tombe. Vous avez un regard qui a évolué sur le temps qui passe et sur la vieillesse ?

Valérie Clo Oui. Depuis que je travaille dans ces genres de lieu, oui, et je suis beaucoup plus apaisée par rapport à la vieillesse, par rapport à la mort. Je ne sais pas. Alors peut-être parce que je travaille avec des personnes qui, comme elles sont en fin de vie, tout ce qui est important est là. Tout ce qui est futile est mis de côté. Et on travaille beaucoup avec des choses toutes simples. Ça remet vraiment les choses à leur place. C'est ça que j'aime bien dans cet univers.

Philippe Chauveau Et en écrivant cette histoire, avez-vous eu envie aussi de dire à votre lecteur : ensemble, soyons plus attentifs, soyons plus vigilants envers nos aînés ?

Valérie Clo Oui, c'est vrai, parce qu'on n'y fait pas attention. On ne se rend pas compte de la richesse de leur vie en fait. C'est vrai qu'ils ont une vie parfois trépidante. Ils ont aimé, désiré. Et puis, on ne voit que des personnes âgées. On voit des gens qui sont vieux et on oublie.

Philippe Chauveau Voilà un livre essentiel qui se lit avec beaucoup de plaisir. Et puis un livre, surtout, qui aborde un sujet de société dont on ne parle sans doute pas assez. Le tout porté par une écriture tout en sensibilité. C'est votre nouveau titre, Valérie Clo. Ça s'appelle Une vie et des poussières. Vous êtes publiée chez Buchet-Chastel. Merci beaucoup.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • La cruauté du temps qui passe, les années qui filent et nous font passer en un rien de temps de jeunes à vieux, les relations intergénérationnelles parfois compliquées, voilà des thèmes que Valérie Clo a déjà abordé dans plusieurs de ses romans comme « Les gosses » ou « La tyrannie des apparences ». Le manque affectif après un deuil et la reconstruction sont aussi en filigrane dans « Papa bis », « Plein soleil » ou « Encore un peu de patience ». Ainsi, au fil du temps, avec une écriture sensible et...Une vie et des poussières de Valérie Clo - Présentation - Suite
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