Arnaud Delalande

Arnaud Delalande

Memory

Livre 00'08'27"

Philippe Chauveau :

Dans ce nouveau titre, Arnaud Delalande, « Memory », déjà la couverture est très parlante et ça donne envie, forcément, de se plonger dans cette histoire. Nous allons faire connaissance avec une jeune flic. Elle s'appelle Jeanne Ricker. Elle vit à Annecy, dans ce bel endroit. Elle a bel appartement qui donne sur le lac. Elle ne va pas très bien dans sa vie, Jeanne Ricker, qui est elle, cette jeune femme qui va être l'héroïne de ce roman?

Arnaud Delalande :

C'est quelqu'un qui se pose justement des problèmes de mémoire, mais d'une façon particulière, on va dire des preuves de filiation surtout. Parce qu'au début du livre, c'est en effet une jeune femme flic qui a tout à prouver. Il se trouve qu'elle a été adoptée car ses parents biologiques étaient des junky qui étaient déclarés "inconsistants", selon la terminologie juridique étrange, et donc elle a été remise à une famille adoptive. Le problème, c'est que au début du livre, son père adoptif vient de mourir, et il était flic. Donc elle a suivi un peu les traces paternelles. Elle n'a plus qu'une mère biologique, sa mère adoptive étant morte bien plus tôt, dont elle ignore tout et qu'elle ne veut surtout pas revoir a priori. Elle est en deuil au début du livre et elle est moitié alcoolique. Elle ne dort plus, elle a perdu tous ses repères. Elle a cette espèce d'enfance blessée qu'elle porte en elle, évidemment.

Philippe Chauveau :

Et puis, elle va être embarquée par son supérieur dans une enquête. C'est assez surprenant puisqu'on va l'emmener dans un centre de réhabilitation en haut de la montagne, alors que les conditions météo commencent à se dégrader. C'est un centre où on accueille des gens qui ont perdu la mémoire. Alors expliquez nous parce que c'est une maladie qu'on ne connaît pas très bien. Qui sont-ils, ces personnes qui sont dans ce centre?

Arnaud Delalande :

C'est partie d'un reportage que j'avais saisi comme ça à la volée sur France Télévisions, qui montrait justement un service, une unité pilote, parce que ça existe, il y en a quelques unes, qui se consacraient au suivi de patients atteints d'amnésie antérograde. C'est simple, l'amnésie antérograde c'est que vous avez cinq ou six minutes de mémoire vive, en quelque sorte. Et il ne s'agit pas de la maladie d'Alzheimer où il y a une dégénérescence progressive avec une perte d'orientation, et de mémoire, naturellement. Ici, il s'agit d’avoir vécu un trauma, par exemple tout à coup vous avez un accident de voiture, des lésions cérébrales, une rupture d'anévrisme. Et dès le moment où ça se produit, vous oubliez tout. Donc j'oublie tout à partir du choc, puis je ne retrouve que les six dernières minutes que je suis entrain de vivre, et c'est sans fin.

Philippe Chauveau :

Je le dis tout de suite votre livre est addictif parce que dès la première page, on est embarqué. Il y a l'ambiance aussi qui est là. Je l'ai dit, nous sommes à Annecy. Et puis après, on va monter dans ce centre perdu en pleine montagne. Il y a la neige qui va se mettre à tomber, qui va bloquer un peu tout le monde là haut. C'est très oppressant, mais forcément, quand on est lecteur de thriller, on adore ça. Et puis surtout, Jeanne Ricker va devoir enquêter puisqu'on a retrouvé un homme qui se serait suicidé, pendu et ont assisté à ce suicide huit personnes qui ont tout oublié puisqu'elles sont effectivement victimes d'amnésie antérograde. Jeanne Ricker va essayer de démêler le vrai du faux. Alors, quels sont les rouages quand on est un auteur de thriller? Comment avez vous écrit cette histoire?

Arnaud Delalande :

Ça nous embarquerait bien loin. Parce que, bien entendu, il y a d'abord une thématique, mais au delà, il y avait aussi à la fois cette exigence de ce thriller, c'est à dire de pouvoir tenir. J'allais dire un rythme parce que ça veut dire un certain tempo quand même. Mais en même temps, ce qui m'intéressait et je me trahit très volontiers dans le livre, vous l'avez vu, c'est toute cette dimension de mémoire et de la communauté, de ces gens qui ont tous un drame individuel, qui ont tous, à des âges différents, subi un trauma particulier et qui se retrouvent en effet tout à coup unis par un drame dont eux mêmes ignorent tout parce qu'ils l'oublié. En plus, quand Jeanne arrive, c'est la réalité de la situation, elle trouve en effet un pendu et on lui dit il y a eu huit témoins oculaires. « Qu'est ce que je fais là? Si il y a huit témoins c'est plié. - Non, non, mais pas du tout. Vous n'avez pas bien compris les huit témoins ils ont tous vu mais ils se souviennent de rien. »

Philippe Chauveau :

Et puis, très vite, on va comprendre que ce suicide n'en est sans doute pas un. Elle va essayer de savoir ce qui s'est réellement passé. Et puis l'intérêt, c'est qu'on l'a dit, Jeanne Ricker est aussi une jeune femme qui est pleine de fêlures. Et forcément, son drame personnel vient se répercuter sur le drame qu'elle est en train de vivre au sein de cette institution.

Arnaud Delalande :

Exactement. C'était l'idée, c'est à dire que, d'une certaine manière, on voudrait oublier. Elle a refoulé une partie de ses souvenirs d'enfance les plus douloureux. Cette mère qu'elle veut plus voir, qui est pourtant le seul lien qui lui reste avec sa filiation réelle. Et puis les autres, au contraire, donneraient tout pour se souvenir et revenir à une vie. Évidemment, ça l'interroge parce qu'elle va être jetée au milieu de ses drames personnels. Donc, elle rentre dans un espèce d'univers totalement halluciné, de perte de mémoire, évidemment, puis au milieu de la neige qui, en effet, va symboliser un peu cette perte de soi et cet égarement de la mémoire où tout deviens uniforme comme un mur blanc.

Philippe Chauveau :

Voilà un thriller oppressant à souhait, un vrai bon moment de lecture. Lorsque vous allez en librairie chercher le livre d'Arnaud Delalande, vous irez aussi faire un petit tour au rayon des bandes dessinées puisque c'est votre autre actualité. Là, on change complètement de registre. Vous avez collaboré avec Yvon Bertorello et Cédric Fernandez pour publier chez Glénat « Notre-Dame de Paris La nuit du feu ». Comment est né ce projet ? Ce qui est intéressant, c'est que vous avez fait le scénario de cette bande dessinée. Vous allez nous raconter le drame d'avril 2019, quasiment minute par minute. Et puis, on a aussi, tout en parallèle, la grande histoire de Notre-Dame de Paris, comment est née cette cathédrale connue dans le monde entier. D'où vient le projet de ce livre, estampillé Stéphane Bern, d'ailleurs?

Arnaud Delalande :

Justement, ça vient en partie de lui. C'est à dire qu'il se trouve que le soir du drame en question, moi, je donnais un cours rue Dante, ça ne s'invente pas, à cent mètres de là. Et donc, on fait une pause. On sort, on voit la fumée, on se précipite, on se dit que ça doit être des maisons en face, etc. Ce qui était déjà grave. Et puis là, tout à coup, effarement, il y a la fumée jaune, les premiers camions de pompiers qui arrivent, les lances qui sont trop courtes, alors ça retombe au dessous. On se dit ça va être une catastrophe, donc émotion générale. Bref, je n'en fais pas le film, si j'ose dire. Et le lendemain, je reçois un coup de fil d'Yvon Bertorello, qui revenait du sud de la France et qui me dit « Il faut absolument qu'on fasse quelque chose. J'en ai parlé à Stéphane Bern. Il serait d'accord. On va essayer de monter un partenariat avec la Fondation Notre-Dame pour qu'un euro soit reversé pour la reconstruction. Est-ce que tu veux écrire le scénario? » Évidemment, j'ai dit oui tout de suite. On a cherché Cédric Fernandez, qui a fait un travail remarquable et assez acrobatique dans un temps record. On a travaillé avec Cédric, j'allais dire en temps réel avec cette idée qui était particulière, c'est à dire pas seulement 24 heures chrono du moment. On est vraiment au cœur de l'incendie et c'était l'idée. C'était la difficulté du point de vue du scénario. On voulait aussi restituer toute la portée historique, patrimoniale et symbolique de l'événement. Et d'où cette mise en abime avec des flash back historiques réguliers qui permettent de mettre en lumière les grands moments de la cathédrale et donc souligner ce qu'on risquait de perdre ce soir là, c'est à dire des siècles d'histoire, notre histoire. Notre-Dame de Paris, c'est un ancrage mémoriel. On a vu l'émotion soulevée par des gens qui n'avaient jamais mis les pieds à l'international.

Philippe Chauveau :

Ce qui est très fort, c'est que par la qualité des dessins et puis par le scénario que vous avez écrit, on retrouve cette intensité. On est vraiment au cœur de l'évènement et le parallèle avec la grande histoire est vraiment très, très bien rendu. C'est un vrai coup de cœur. Je précise que dans les dernières pages, il y a l'historien Jean-Pierre Cartier, qui apporte des éléments très pédagogiques

Arnaud Delalande :

C'est ça et bien entendu, le concours de Stéphane Bern, dont on sait l'intérêt pour le patrimoine et qui est notre porte étendard aussi sur ce projet.

Philippe Chauveau :

Voilà donc une belle réussite. « Notre-Dame de Paris, La nuit du feu », c'est aux éditions Glénat et vous signez le scénario de cette bande dessinée. Et puis, à titre plus personnel, je rappelle ce nouveau triller, glaçant à souhait, ça s'appelle « Memory », publié aux Éditions du Cherche midi. Merci Arnaud Delalande.

Arnaud Delalande :

Merci beaucoup à vous.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Hypokhâgne, khâgne, une licence d’histoire, un diplôme à l’institut d’études politiques de Paris, voilà le brillant parcours d’Arnaud Delalande. Mais c’est surtout à son imagination fertile et à ses divers talents auxquels nous allons nous intéresser. Repéré par la célèbre éditrice Françoise Verny, Arnaud Delalande publie son premier roman en 1998, « Notre Dame sous la terre », un thriller ésotérique qui connait un joli succès et reçoit plusieurs prix. C’est dans cette veine du roman noir historique...Memory d'Arnaud Delalande - Présentation - Suite
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    Philippe Chauveau : Dans ce nouveau titre, Arnaud Delalande, « Memory », déjà la couverture est très parlante et ça donne envie, forcément, de se plonger dans cette histoire. Nous allons faire connaissance avec une jeune flic. Elle s'appelle Jeanne Ricker. Elle vit à Annecy, dans ce bel endroit. Elle a bel appartement qui donne sur le lac. Elle ne va pas très bien dans sa vie, Jeanne Ricker, qui est elle, cette jeune femme qui va être l'héroïne de ce roman?   Arnaud Delalande : C'est quelqu'un qui se pose justement des...Memory d'Arnaud Delalande - Livre - Suite