Anne Icart

Anne Icart

Lettres de Washington Square

Livre 00'06'52"

Philippe Chauveau
Nous allons faire connaissance avec finalement toute une famille, mais surtout, nous allons nous projeter en 1989 avec Zélie. Zélie est une jeune femme qui partage son temps entre Paris et ce petit village d'Ercé dans l'Ariège, où elle a sa grand-tante, qui est un peu sa grand-mère aussi. Zélie y vient très régulièrement passer ses vacances. C'est une jeune fille bien dans ses baskets. Elle aimerait que son père Michel s'occupe un peu plus souvent d'elle. Mais c'est un professeur, un chirurgien très réputé, et il est très pris à Paris. Et elle vient souvent se ressourcer ici, dans ce village familial où il y a Tine, qu'elle considère comme sa grand-mère, qui ne va pas bien et qui va décéder dans les premières pages. Ce sera l'occasion, peut-être, de fouiller un peu la maison et de découvrir des secrets de famille. Voilà le point de départ. Mais on est en 1990. Ce qui veut dire qu'on n'a pas les réseaux sociaux, qu'on n'a pas Internet. On n'a pas les mêmes moyens de recherche qu'aujourd'hui.

Anne Icart
C'est ça.

Philippe Chauveau
Et c'est important dans l'histoire, parce que Zélie va découvrir tout un pan de sa famille qu'elle ne connaissait pas. La famille, la transmission, les relations intergénérationnelles. Vous nous en aviez déjà parlé dans la "saga Balaguère". Cette fois-ci, c'est plus entre un père et son fils que vous allez poser la relation familiale. Qui est-il Michel ? Et qui est-il Baptiste ? Qui sont-ils finalement ces deux personnages que l'on va suivre entre les années 25 et 1989 ?

Anne Icart
Donc, ce sont deux hommes séparés, père et fils, séparés un peu tragiquement. Michel va perdre sa mère à sa naissance. Sa mère va mourir en couches. Et son père va se laisser convaincre de laisser cet enfant nouveau né à la sœur de sa femme qu'il vient de perdre pour que lui ait le temps de trouver du travail, de s'installer, de construire une vie où il pourra accueillir cet enfant.

Philippe Chauveau
Ce qui veut dire que Baptiste va confier son nourrisson à sa belle-mère et à sa belle-sœur, avec le projet de partir aux Etats-Unis, mais avec le projet de revenir chercher son fils une fois qu'il aura assuré son train de vie. Mais on se doute évidemment que ça ne va pas forcément se passer comme il l'espérait. C'est le point de départ de votre histoire. Les décors sont très importants dans ce récit. Parce qu'avec Zélie, en 1989, nous sommes dans ce petit village de l'Ariège qui se dépeuple avec les maisons qui se vident. Même si Zélie aime cet environnement, vous le dépeignez très bien, il y a cette campagne qui se meurt. Et puis, en parallèle, par un roman épistolaire, puisqu'il y a de nombreuses lettres qui sont retracées dans cet ouvrage, nous sommes dans le New York de 1925, de 1930, de 1950. On voit cette ville qui grossit, qui devient la mégalopole que l'on sait. C'était important que ces deux lieux soient aussi des personnages à part entière ?

Anne Icart
Oui, c'était important, parce que c'est là qu'intervient ma propre histoire, ma propre histoire familiale. Mon grand-père paternel a quitté cette vallée de l'Ariège. Il est parti à 17 ans à New-York, en 1904, donc. Et moi, ça m'a toujours paru absolument incroyable. D'abord, je trouve ça extrêmement courageux à 17 ans, de quitter un petit village perdu au fin fond des Pyrénées pour aller à New-York. Je me suis souvent demandé ce qu'avait éprouvé mon grand-père, ce contraste entre ces deux vies dans deux décors tellement différents. C'était important pour moi de parler de ça aussi, de ce contraste, de cette différence de vie et de décor.

Philippe Chauveau
Le titre "Lettre de Washington Square" nous laisse comprendre qu'il y aura des lettres dans ce roman. Et c'est vrai que vous faites le choix d'un roman épistolaire. Alors, roman épistolaire, oui et non, parce qu'il n'y a pas les réponses.

Anne Icart
Oui et il y a des pas que des lettres.

Philippe Chauveau
Il n'y a pas que des lettres, mais ce qui veut dire que lorsque l'on travaille à l'écriture de son roman, si l'on choisit de retranscrire des lettres, c'est une autre façon d'écrire le roman. Comment avez-vous conçu ce récit ?

Anne Icart
C'est vrai qu'au début, je pensais n'écrire que des lettres. Et puis, vous l'avez très bien dit. C'est vrai qu'il n'y a pas les réponses. C'est compliqué de n'écrire que des lettres sans réponse, c'est un peu triste. Et puis, je me suis dit qu'il serait intéressant d'avoir le point de vue des trois personnages principaux de cette histoire, c'est-à-dire de vivre cette levée du secret, finalement, puisque c'est de ça dont on parle à travers ces lettres, mais aussi vue par chacun des trois personnages principaux, Zélie, qui va les découvrir, Baptiste, qui les a écrites, et Michel, qui est un peu entre les deux, qui va les découvrir, mais après sa fille et qui n'a jamais répondu parce que ces lettres, il ne les a jamais lues.

Philippe Chauveau
Dans vos trois précédents romans qui forment la "saga Balaguère", nous étions dans des relations mère-fille. Cette fois-ci, c'est une relation père-fils et père-fille sur les différentes générations. Etait-ce un challenge supplémentaire pour vous ? Un défi supplémentaire de vous mettre dans la peau de deux hommes ?

Anne Icart
Oui. Et puis un challenge par rapport à moi-même et puis par rapport à certaines personnes qui me disaient que je ne savais écrire que sur les femmes. Donc, je me suis donné ce défi presque d'écrire sur les hommes et de montrer qu'une femme pouvait écrire sur les hommes. Et j'ai eu des retours plutôt sympas, plutôt positifs, me disant "oui, c'est vrai, je me suis bien reconnu", le côté, on parle pas trop, on ne se raconte pas forcément nos vies. Des relations plus pudiques, voilà que celles peut-être de deux femmes ou de deux amies ou de deux soeurs. Voilà.

Philippe Chauveau
Une belle histoire de famille, écrite avec beaucoup de sensibilité et qui nous emmène donc de l'Ariège à New York, et de 1925 à 1989. C'est une belle réussite. Anne Icart, c'est votre actualité "Lettre de Washington Square", c'est aux éditions Robert Laffont.

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  • Si sa vie est à Paris, Anne Icart n’oublie rien de l’Ariège, berceau de sa famille. Rédactrice juridique, son quotidien professionnel est très éloigné de la littérature. Pourtant, au fil du temps, elle y trouve sa place.Nous l’avions découverte en 2009, avec « Les lits en diagonale », récit à la fois pudique et bouleversant dans lequel l’auteur évoquait son frère handicapé, héros de son enfance.Puis, il y eut en 2013 ce roman choral, « Ce que je peux te dire d’elles ». Des années 60 à nos jours, trois...Lettres de Washington Square d'Anne Icart - Présentation - Suite
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