Philippe Besson

Philippe Besson

Les passants de Lisbonne

Livre 6'06

Philippe Chauveau :
Un nouveau titre, Philippe Besson, j'imagine que c'est toujours un moment particulier pour un auteur. Vous nous avez emmenés aux Etats-Unis, parfois en France, on se souvient de « La maison Atlantique ». Cette fois-ci, c'est Lisbonne qui vous a attiré et vous nous entrainez dans la capitale portugaise. Quel est votre attachement à Lisbonne ?

Philippe Besson :
C'est une ville qui me fascine ! Je crois que quiconque a été à Lisbonne a été intrigué par son mystère, happé par sa beauté avec une lumière magnifique, le poids de l'histoire… Tout cela me plait énormément.

Philippe Chauveau :
Lisbonne est un personne à part entière dans votre roman. On part avec les personnages déambuler dans les ruelles. Dans vos précédents titres, toujours sur les sentiments, il y avait eu des moments de violence, de haine. Cette fois-ci c'est un éloge de la lenteur : nous avons deux personnages d'une grande douceur. Hélène a perdu son mari dans un tremblement de terre que vous imaginez à San Francisco et il y a Mathieu, qui a simplement perdu son compagnon, une séparation amoureuse comme chacun peut en vivre un jour ou l'autre. D'où viennent-ils ces deux personnages ?

Philippe Besson :
Hélène vient de cette idée que j'ai eu un jour, et qu'on a sans doute tous eu en voyant une catastrophe naturelle se dérouler sous nos yeux à la télé. On entend des chiffres abominables, des dizaines de milliers de morts, au fond comme dans « L'absence des hommes » où j'avais parlé des milliers de morts pendant la guerre. C'est toujours, une personne et une autre personne et une autre personne. Le chiffre est terrible mais ne veut rien dire s'il n'est ramené à une réalité individuelle.

Philippe Chauveau :
Hélène et Mathieu se rencontrent, ils ne sont pas de la même génération, ils n'ont pas le même âge, mais ils sont dans le même hôtel. Ils sont tous les deux à Lisbonne pour panser leurs plaies, leurs solitudes. Mathieu a été quitté par son amant et il essaye de dire à Hélène que ce qu'ils ont vécu n'est pas comparable. Et pourtant Hélène lui dit que si, c'est la même absence.

Philippe Besson :
Oui c'était cela aussi l'objet de ce livre, c'est à dire qu'Hélène est dans une situation extraordinaire, celle de perdre son mari dans une catastrophe à l'autre bout du monde. Mathieu est dans la chose la plus ordinaire qui soit, une rupture sentimentale. Donc il lui dit que leurs douleurs ne sont pas comparables et elle lui dit que si, parce que la douleur est universelle. Comparer les douleurs ne sert à rien, elle dit elle-même que dans la catastrophe, certaines personnes ont perdu plus de proche qu'elle et pourtant cela ne rend pas son chagrin plus léger. Cela m'intéressait d'évoquer le fait que les chagrins, même s'ils ne sont pas à la même échelle, restent des chagrins.

Philippe Chauveau :
Ces deux êtres qui n'auraient jamais dû se rencontrer vont s'apprivoiser, tous cela dans la touffeur de Lisbonne. Il y a la lenteur de l'action puisqu'ils marchent tranquillement dans les rues, ils discutent des heures et des heures à la terrasse de l'hôtel. En comparant à l'un de vos précédents titres qui s'appelait « Vivre vite » où vous nous racontiez James Dean, là au contraire on sent que vous avez voulu prendre votre temps.

Philippe Besson :
Oui, c'est une ode à la lenteur, mais parce que Lisbonne s'y prête aussi. Pour moi, Lisbonne est une ville de déambulation. En plus, je prends Lisbonne l'été, donc écrasée de chaleur et quand il fait 42 degrés vous n'avez pas envie de faire la course. Ce sont aussi deux personnes qui parlent pour la première fois, parce qu'ils ne se connaissent pas, ils vont être capables d'aller dans cet intime, dans cette nudité totale, qui est d'enfin dire à quelqu'un ce qui leur est arrivé. Et pour arriver à cette nudité il faut y aller lentement.

Philippe Chauveau :
La situation est dramatique, mais le roman n'est jamais triste, c'est très lumineux, c'est très solaire puisque nous sommes à Lisbonne. Ce que vous dites aussi dans votre roman, c'est que, lorsque l'on est malheureux, c'est peut-être utile de regarder un peu les autres parce que c'est sûrement d'eux que va venir la solution.


Philippe Besson :
C'est une chose toute bête mais je crois que oui, à un moment donné c'est quelqu'un d'autre qui vous sauve, je ne crois pas que l'on puisse se sauver soi-même. Je crois qu'il y a toujours quelqu'un qui vous sauve, une main qui se tend. Même si c'est involontaire. Mais je pense qu'il y a toujours une situation où vous vous dites « je vais m'en sortir ». Et c'est ce qui m'intéressait à travers ces deux personnages, ces deux naufragés qui vont mutuellement se sauver.

Philippe Chauveau :
On peut tous un jour ou l'autre rencontrer une Hélène.
Merci beaucoup Philippe Besson, votre actualité «Les passants de Lisbonne », vous êtes publié chez Julliard.

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  • LIVRE
  • Depuis 1999, Philippe Besson trace son sillon. Discrètement, loin du tumulte du milieu littéraire, roman après roman, son écriture et son style ont conquis un large public et il est devenu l'un des auteurs phares de sa génération. Romancier des sentiments, sachant sonder au plus profond de l'être, dépeignant avec pudeur et sensibilité les sentiments humains, Philippe Besson sait toucher au plus profond de l'âme.C'est avec deux livres chocs qu'on le découvrit « Son frère » et « En l'absence des hommes ». Il a...Un soir d'été de Philippe Besson - Présentation - Suite
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