Mathias Malzieu

Mathias Malzieu

Le guerrier de porcelaine

Livre 00'07'48"

Philippe Chauveau
"Le Guerrier de porcelaine", c'est votre nouveau livre Matthias Malzieu. Vous ne parlez pas de vous et indirectement si puisqu'en fait vous allez nous parler de votre père, ce gamin qui va être chez sa grand mère suite au décès de sa mère ? Nous sommes dans la fin de la guerre, 44, nous sommes en Lorraine, dans cette partie de la France qui n'est plus tout à fait la France. Qui était il, votre père lorsqu'il était gamin ?

Mathias Malzieu
C'était un... Je l'appelais guerrier de porcelaine justement, parce que c'était à la fois un combattant de la résilience, il savait pas du tout ce que ça pouvait dire, ce que ça pouvait vouloir dire ce mot là à l'époque. Mais en tout cas, moi, j'ai eu envie d'écrire ce livre parce que il perd sa mère. Dans le livre, je lui fais avoir neuf ans mais ça, c'est un petit a petit choix de romancier pour qu'il puisse écrire à la première personne. Je voulais qu'il parle directement de le faire parler à la première personne. Le côté "il" et le côté "je me souviens" me plaisait pas sur ce livre.

Philippe Chauveau
Là vous faites le choix, il parle à la première personne sous forme d'un journal, comme si il écrivait à sa mère.

Mathias Malzieu
Voilà, comme s'il écrivait à sa mère une lettre, une longue lettre à sa mère qui n'est pas une lettre mystique, comme si elle était là. Mais ce besoin de continuer à lui parler.

Philippe Chauveau
De lui raconter son quotidien.

Mathias Malzieu
Et je raconte son quotidien, mais dans la vraie vie, pour répondre à votre question, il a quatre ans. Il vient de perdre sa mère et sa possible sœur en couches. Il ne sait pas s'il reverra son père et il doit partir traverser la ligne de démarcation cachée dans une charrette de foin, au risque de sa vie et de la cousine qui a un terrain des deux côtés de cette ligne de démarcation qui va prendre le risque de le faire passer sans laisser passer, donc de manière clandestine. Et moi, quand je rencontre ce papa et que je commence à comprendre qu'il est donc vers l'âge de... il commence à vraiment comprendre qu'il est vers... au collège, qu'il me raconte cette histoire, entre autres histoires ; il n'y a pas une once de victimisation. Je n'ai jamais de victimisation, c'est à dire que il est devenu lui même, comme on disait tout à l'heure par rapport à... et il m'a beaucoup aidé dans cet exemple là, quand moi j'ai été malade. Malgré il n'est pas devenu un survivant ou un orphelin ou un quelqu'un qui a été, qui a perdu sa mère. Tout ça en fait, ça lui est arrivé, mais il continue à dire je, il ne dit pas nous. Donc il n'y a aucun communautarisme de la souffrance.

Philippe Chauveau
Ce qui est intéressant dans le livre, c'est que certes, ce sont les souvenirs de votre père que vous traduisez sous forme romanesque. Mais chacun peut aussi s'approprier l'histoire parce qu'on a tous des souvenirs de famille, de ce que l'on nous a raconté ou au contraire, de ce que l'on nous a tu et de ce qu'on a voulu s'inventer. Alors je replante le décor. Ce qui est intéressant, c'est que ce petit Germain qu'on va appeler Menou, lui, il passe la ligne de démarcation dans l'autre sens puisqu'effectivement sa mère, vous l'avez dit, est morte en couches, son père qui doit sans doute aller travailler avec la résistante.

Mathias Malzieu
Tout à fait, qui est revenu avec la croix de guerre, la Légion d'honneur.

Philippe Chauveau
Mais il faut qu'il confie l'enfant à sa grand mère qui, elle, habite de l'autre côté, en Lorraine.

Mathias Malzieu
Dans la gueule du loup.

Philippe Chauveau
Et là, il va découvrir une autre façon de vivre. On est à la campagne, on est à la ferme qui fait aussi épicerie. Il y a la tante Louise, il y a Emile, il y a la grand mère, toujours très à la fois sévère et tendre. C'est tout un nouvel univers qui s'offre, qui s'offre à lui. Puis il y a surtout les bombes qui tombent assez régulièrement. Cet enfant, comment l'avez vous dépeint dans votre roman ? Est ce qu'il est très fidèle à ce que vous a raconté votre père ? Ou reste t-il quand même un personnage de roman ?

Mathias Malzieu
C'est un mélange, c'est un mix encore une fois. C'est un mix, c'est à dire que si vraiment j'avais seulement documenté le souvenir de mon père, qui est en plus émouvant, il est émouvant, mais il est mouvant aussi, c'est à dire qu'il raconte pas toujours exactement la même histoire. Parce qu'il y a des fois il y a des souvenirs qui sont lointains, il a 83 ans déjà maintenant. Et puis il y a des souvenirs de souvenirs. Il y a des choses qu'on lui a racontées sur sa propre, sur sa propre enfance. Donc c'est mouvant. Mais ce qui m'a donné pour moi en tout cas, la note juste, peut être pas la note vraie, mais la note juste c'est qu'il nous racontait ça et ça, ça va avec ce que je vous ai dit juste avant ; sans se victimiser et comme un western presque. C'était épique, c'était homérique la manière de nous raconter qu'il avait envie d'éternuer dans la charrette, que la tante Louise, elle, passait tout le temps ses journées avec elle avait toujours son livre, comme si elle était mordue par son livre de prières tout le temps. Et l'oncle Emile qui était costaud et qui rêvait de se marier avec la voisine. Il y avait un côté à la fois tendre et très simple, et en même temps, c'était un western. C'était vraiment, c'était épique. Il y avait des bombes, il fallait courir à la gare.

Philippe Chauveau
Il faut se cacher à la cave.

Mathias Malzieu
Il y avait le trou d'obus dans le jardin.

Philippe Chauveau
Y a le grenier ou il ne faut pas aller.

Mathias Malzieu
Interdit d'aller au grenier parce que c'est l'endroit qui pourrait être décapité le plus facilement par une bombe. Il y a le trou d'obus dans le pré avec alors quand il a plu, il peut faire comme un mini lac. Tout ça, mais si j'avais documenté seulement la vérité, comme un récit, je pense que je faisais un livre de 20 pages. Je faisais une nouvelle.

Philippe Chauveau
Il y aussi beaucoup de poésie dans ce que vous écrivez alors il y a des personnages que vous évoquez là la tante bigote, la grand mère, etc Et puis il y a aussi cette campagne environnante. Il y a les petits détails, que ce soit la pendule, qui fait tic tac, que ce soit les animaux, la cigogne à qui on donne un joli joli nom de Marlène Dietrich. Enfin il y a plein de petits détails. Il y a une écriture très poétique. Vous vouliez aussi que ce livre raconte ça, que ce soit un peu le monde de l'enfance ?

Mathias Malzieu
Oui, parce que j'aime les contrastes et j'ai adoré par exemple, des livres comme "L'Attrape cœurs" sur des voix d'enfants qui par leur énergie, fabriquent de la poésie pas forcément en essayant de faire poète mais dans le frottement de quelque chose qui se passe mal et une énergie de combat qui retourne tout. Il y a ça chez Romain Gary aussi, enfin Emile Ajar mais c'est une chose dans "La vie devant soi". Il y a ça chez Jonathan Safran Foer, dans son livre "Extrêmement près et incroyablement fort" où un enfant perd son père dans les tours du 11 septembre et il va rechercher un "Monsieur Black" parce qu'il passe du temps avec les vêtements de son père et que dans les vêtements de son père, il trouve une lettre d'un certain "Monsieur Black". Et donc il y a une voix d'enfant qui est cherchée et ce combat là, pour moi, c'est vraiment c'est la pulsion de vie.

Philippe Chauveau
Il y a beaucoup de choses en tout cas dans ce livre qui est un condensé des souvenirs de votre père, écrit de façon romanesque. Ça s'appelle "Le Guerrier de porcelaine" avec une écriture très poétique. Et puis ce livre nous dit aussi que malgré les aléas de la vie, on peut toujours revenir à la joie. "Le Guerrier de porcelaine", Mathias Malzieu, c'est aux éditions Albin Michel. Merci beaucoup.

Mathias Malzieu
Merci beaucoup à vous.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Il se rêvait champion de tennis, le voilà romancier. Mais pas que ! Puisque Mathias Malzieu est aussi musicien et réalisateur.C’est la scène qui le révèle, au milieu des années 90, avec le succès du groupe Dyonisos, dont il est le chanteur.Mais c’est bien par l’écriture qu’il arrive à la musique. Quand pour passer le temps lors d’une convalescence et pour séduire une fille, il attrape une guitare qui traine et un bout de papier pour griffonner quelques mots qui deviennent poésie.Depuis, Mathias Malzieu fait le choix...Le guerrier de porcelaine de Mathias Malzieu - Présentation - Suite
    Philippe ChauveauBonjour Mathias Malzieu, Mathias MalzieuBonjour. Philippe ChauveauVotre actualité, c'est ce nouveau livre, ce nouveau roman, "Le Guerrier de porcelaine" chez Albin Michel, où vous nous faites partager un peu des souvenirs de famille, des souvenirs d'enfance et en tout cas des souvenirs d'enfance de votre père. On en parle dans un instant. Et l'écriture, l'écriture romanesque, l'écriture musicale, c'est votre univers ? Est ce que ça a toujours été une évidence ?Est ce que déjà, lorsque vous étiez gamin, vous...Le guerrier de porcelaine de Mathias Malzieu - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau"Le Guerrier de porcelaine", c'est votre nouveau livre Matthias Malzieu. Vous ne parlez pas de vous et indirectement si puisqu'en fait vous allez nous parler de votre père, ce gamin qui va être chez sa grand mère suite au décès de sa mère ? Nous sommes dans la fin de la guerre, 44, nous sommes en Lorraine, dans cette partie de la France qui n'est plus tout à fait la France. Qui était il, votre père lorsqu'il était gamin ? Mathias MalzieuC'était un... Je l'appelais guerrier de porcelaine justement, parce que...Le guerrier de porcelaine de Mathias Malzieu - Livre - Suite