Antonin Varenne a eu mille vies en une. Dans son enfance, ses parents l’emmènent pour un tour du monde en bateau, lui donnant le goût du voyage et de l’aventure. Après une maitrise de philosophie, et des escapades plus ou moins prolongées en Islande, au Mexique ou aux Etats-Unis, on le retrouve alpiniste du bâtiment. Et puis, un jour, voilà son nom qui apparait dans les vitrines des librairies, d’abord au rayon polar avec « Le fruit de vos entrailles » ou « Fakir » plusieurs fois primé. Puis vient un grand roman...
La toile du monde d'Antonin Varenne - Présentation - Suite
Philippe Chauveau : Bonjour Antonin Varenne.
Antonin Varenne : Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau : Vous êtes l'actualité avec « La toile du monde », votre nouveau roman chez Albin Michel. On va bien sûr parler de cette fabuleuse épopée dans laquelle vous nous entrainez mais, auparavant, remontons un peu le cours du temps : 2006, c'était votre premier titre « Le fruit de vos entrailles » et puis il y avait eu une autre vie avant faite de beaucoup de voyages. Qui êtes-vous Antonin Varenne ?
Antonin Varenne : Qui...
La toile du monde d'Antonin Varenne - Portrait - Suite
Philippe Chauveau : Antonin Varenne, parmi vos précédents titres, il y a eu « Trois mille chevaux vapeur », puis « Equateur » et voici « La toile du monde » où nous allons faire la connaissance d’Aileen Bowman. Nous sommes en 1900, elle a 35ans, elle arrive des Etats-Unis. On va faire connaissance avec elle mais si je cite deux de vos précédents titres c'est qu'il y a, me semble-t-il, peut-être un lien plus ou moins important entre ces trois romans, vrai ou pas ?
Antonin Varenne : Absolument vrai et pas du tout...
La toile du monde d'Antonin Varenne - Livre - Suite
Antonin Varenne
La toile du monde
Présentation 2'10"Antonin Varenne a eu mille vies en une. Dans son enfance, ses parents l’emmènent pour un tour du monde en bateau, lui donnant le goût du voyage et de l’aventure. Après une maitrise de philosophie, et des escapades plus ou moins prolongées en Islande, au Mexique ou aux Etats-Unis, on le retrouve alpiniste du bâtiment. Et puis, un jour, voilà son nom qui apparait dans les vitrines des librairies, d’abord au rayon polar avec « Le fruit de vos entrailles » ou « Fakir » plusieurs fois primé. Puis vient un grand roman d’aventures, encensé par la critique « trois mille chevaux vapeur » qui nous emmenait de la jungle birmane à l’Amérique de la conquête de l’ouest en passant par les bas-fonds de Londres des années 1850. Bref, Antonin Varenne a maintes fois prouvé son talent d’auteur et son goût pour l’éclectisme. Avec « La toile du monde », nous voici en 1900. Eilen Bowman est une femme d’une trentaine d’années. Journaliste à New York, elle est envoyée par sa rédaction pour couvrir l’exposition universelle de Paris. Femme au caractère bien trempé, bien loin des codes de son époque, Eilen découvre la capitale française avec fascination. Mais derrière ce Paris qui brille et pétille, derrière cette exposition qui encense l’innovation et la modernité, c’est aussi un autre univers qui attend Eilen, qui secrètement est aussi revenu sur les pas de ses parents, eux-mêmes européens et qui avaient tout quitté pour l’utopie américaine. Pourquoi Eilen éprouve t’elle le besoin de retrouver ses racines ? Et le lecteur d’être embarqué dans une grande saga, une grande fresque dont le Paris de la Belle époque est le personnage clé. Mais ce nouveau roman d’Antonin Varenne va plus loin. En s’autorisant un parallèle avec notre époque contemporaine, il nous interroge sur le rôle de la femme dans la société, sur l’évolution du monde, sur la place grandissante de la technologie face à l’humain, le tout porté par une belle écriture puissante et sensuelle. Un roman bouillonnant, passionnant et une phrase à retenir « Aux hommes libres, rien n’arrive comme aux autres ». «La toile du monde », le nouveau roman d’Antonin Varenne, aux éditions Albin Michel.
Antonin Varenne
La toile du monde
Portrait 6'18"Philippe Chauveau : Bonjour Antonin Varenne.
Antonin Varenne : Bonjour Philippe.
Philippe Chauveau : Vous êtes l'actualité avec « La toile du monde », votre nouveau roman chez Albin Michel. On va bien sûr parler de cette fabuleuse épopée dans laquelle vous nous entrainez mais, auparavant, remontons un peu le cours du temps : 2006, c'était votre premier titre « Le fruit de vos entrailles » et puis il y avait eu une autre vie avant faite de beaucoup de voyages. Qui êtes-vous Antonin Varenne ?
Antonin Varenne : Qui j'étais avant ce premier bouquin ? C'est marrant, j'y pensais ce matin sous ma douche ! C'est étonnant cette bifurcation avec cette première publication en 2006 dans une petite maison d'édition, tirage très modeste. Je me remémorais récemment à quel point cela a créé une perturbation dans mon destin et je me demandais ce que je serai devenu si je n'étais pas devenu écrivain…
Philippe Chauveau : Ce n'était pas prémédité ?
Antonin Varenne : Pas du tout, je n'avais pas du tout imaginé être écrivain. Si je n'avais pas publié ce bouquin, je serais quelque part sur une plage à tenir une petite paillote, à faire des cocktails avec des ombrelles et des tranches de citron vert dedans. Philippe Chauveau : Mais entendons-nous bien, une plage un peu à l'autre bout du monde parce que vous avez toujours aimé voyager, on vous a toujours un peu élevé dans ce goût de l'ailleurs, de l'inattendu, des autres horizons ? Antonin Varenne : Oui, j'ai eu des parents qui avaient un redoutable besoin de bouger et de se déplacer. Mon père a quand même eu l'idée saugrenue de construire un voilier dans un potager de Creuse à la fin des années 70, avec la grande et belle idée de retirer ses deux enfants des pattes de l'Education nationale, ma sœur et moi, et de nous embarquer sur un bateau pour faire le tour du monde. C'était un grand rêve un peu utopiste des années 70, partir, voyager, échapper aux règles du monde civilisé et contemporain. Cela s'est soldé par un échec, on a passé deux petites années sur ce bateau.
Philippe Chauveau : C'est déjà pas mal ! Antonin Varenne : Oui, j'aurais pu avoir la réaction inverse et dire « je veux une vie sédentaire ». Parfois quand les parents poussent dans un sens, les enfants partent dans l'autre. Mais j'ai plutôt gardé cette bougeotte. L'écriture, c'est quelque chose qui s'est un peu accumulée comme une idée, comme une envie, mais il n'y a pas eu de passage à l'acte avant l'année 2005 quand j'ai écrit « Le fruit de vos entrailles »
Philippe Chauveau : Vous arrivez dans l'écriture un peu par hasard donc mais est-elle vraie cette histoire que cela fait suite à un accident ? Vous étiez immobilisé donc, vous avez pris la plume et avez commencé à écrire un roman ? Il n'a pas été publié, mais le virus était pris.
Antonin Varenne : C'est ça oui, je travaillais à Toulouse, j’étais alpiniste du bâtiment et je me suis cassé la main. Je suis resté deux mois sans pouvoir travailler dans mon petit appartement toulousain, et je me suis mis à écrire une histoire pour m'occuper.
Philippe Chauveau : C'est bien ne pas se casser la main qui empêche d'écrire
Antonin Varenne : A l'époque je tapais vraiment comme un flic ! J'avais quelques doigts plâtrés et je pense que je n'en utilisais que quatre pour taper.
Philippe Chauveau : On vous a d’abord un peu catalogué comme auteur de polar, de roman noir, après on vous a catalogué comme auteur de roman d'aventure. Il y a eu « Trois mille chevaux-vapeur » suivi de « Equateur ». Je crois que vous n'aimez pas trop qu'on vous mette dans des cases, mais si vous deviez définir ce que vous avez publié jusqu'à présent, quel est le fil rouge ? Quels ont été vos envies ?
Antonin Varenne : Les choses se sont faites par hasard. Mon premier bouquin a été un polar parce que n'ayant aucune expérience, n'ayant rien prémédité, et me lançant complètement à l'aveugle, je pense que je me suis dirigé vers une littérature de genre parce que c'était rassurant d'avoir le cadre des codes du roman policier.
Philippe Chauveau : Vous disiez en ouverture de cet entretien que s'il n'y avait pas eu l'écriture vous seriez peut être en train de tenir une petite paillote sur une plage à l'autre bout du monde, l'écriture vous a changé ? Vous avez l'impression d'être devenu un autre homme depuis que vous êtes devenu écrivain ?
Antonin Varenne : Pour mon plus grand bonheur et malheur, je vis avec une femme qui est bien plus spirituelle que moi et qui croit en la vie éternelle des âmes, sans décorum religieux, et elle m'a expliqué que j'étais probablement une âme très jeune. Donc, quand elle me racontait ça, au début, ça me faisait doucement rigoler. Ensuite, on a eu deux garçons et j'ai pu constater à quel point l'un de nos fils est une âme vraiment jeune, on sent qu'il explore tout, il découvre le monde pour la première fois et le second semble être sur Terre depuis bien plus longtemps. Et donc, je travaille au vieillissement de mon âme, j'essaie de prendre un peu de recul par rapport à tout cela et comprendre ma place sur Terre ! Je pense que l'écriture participe modestement à cet avancement personnel de la quête de ma place dans ce monde. Finalement, ce n'est pas la plus absurde des places d'être écrivain pour avoir une idée de qui on est et de ce que l’on fait dans l'existence, pourquoi on est là.
Philippe Chauveau : Votre actualité Antonin Varenne, « La toile du monde », vous êtes publié chez Albin Michel
Antonin Varenne
La toile du monde
Livre 5'56"Philippe Chauveau : Antonin Varenne, parmi vos précédents titres, il y a eu « Trois mille chevaux vapeur », puis « Equateur » et voici « La toile du monde » où nous allons faire la connaissance d’Aileen Bowman. Nous sommes en 1900, elle a 35ans, elle arrive des Etats-Unis. On va faire connaissance avec elle mais si je cite deux de vos précédents titres c'est qu'il y a, me semble-t-il, peut-être un lien plus ou moins important entre ces trois romans, vrai ou pas ?
Antonin Varenne : Absolument vrai et pas du tout nécessaire, c'est à dire que ce n'est pas une trilogie et c'en est absolument une, ce ne sont pas des suites et ce sont des bouquins qui se succèdent et qui se sont donné naissance les uns aux autres. Il y a très peu de choses préméditées dans ce que je fais. « Trois mille chevaux-vapeur » est un bouquin que j'ai eu envie d'écrire, que j'ai terminé et qui m'a laissé un goût pour ce type d'aventure. Dès lors, je n'ai pas eu envie de m'arrêter. Je me méfiais beaucoup des suites. Quand j'écrivais des polars, j'ai toujours refusé l'idée d'avoir un personnage récurent et d'instaurer une suite et une régularité comme ça. Mais là, pour une foi, j'ai eu envie de continuer dans cet univers ou le livre m'avait amené : les Etats-Unis à la fin de la guerre de Sécession. Avec cette famille qui venait de naître au bord du lac Tahoe, qui avait construit son ranch. Quand l'idée est arrivée, quand ces deux neurones se sont croisés et ont fait une étincelle, c'est devenu une évidence.
Philippe Chauveau : Dans ce nouveau roman « La toile du monde » on retrouve ce côté épique de « Trois mille chevaux-vapeur » ou « Equateur » et on fait connaissance avec Aileen Bowman, cette jeune femme américaine dont les parents sont originaires d'Europe. Et puis il y a cette fameuse exposition universelle de 1900 qui sert de toile de fond. Vous connaissiez déjà un peu cette exposition universelle mais comment l'avez-vous redécouverte ? Qu'est-ce qui vous a marqué dans cet événement ?
Antonin Varenne : Ce qui m'a intéressé, ce qui m'a marqué, ce sont les chiffres. La France comptait 40 millions habitants et il y a eu 50 millions de visiteurs, il y avait 132 nations représentées, c'était une gabegie économique absolument incroyable, la liste des inventions qui ont été présentées à cette exposition et qui vont durablement marquer le XXe siècle, le moteur à combustion interne de Diesel par exemple. Quand on commence à faire cette liste, ça n'en finit plus ! C'est époustouflant.
Philippe Chauveau : On l'a bien compris, il y a une toile de fond historique avec cette exposition universelle de 1900. C'est le Paris de la belle-époque mais tout de même dans le roman on découvre un Paris à deux vitesses. Ce Paris superbe, ce Paris qui s'encanaille, et puis il y a aussi les faubourgs de Paris, tous ceux qui triment, il y a la misère de Paris qui est présente également dans le roman. Vous parlez de la modernité, de ces technologies que l'on découvre à la belle-époque. Vous nous présentez ce personnage féminin très moderne, très avant-gardiste, il y a pas mal de résonances avec notre époque. Etes-vous d'accord avec ça ? Est-ce que c'était voulu ? Est-ce que ce sont les hasards de l'écriture ?
Antonin Varenne : Tout auteur qui se frotte à des sujets historiques va essayer de convaincre les lecteurs actuels que le choix de ces événements passés était judicieux et calculé, en rapport avec notre présent. Il l'est parce que j'avais cette envie d'avancer jusqu'au XXe siècle à travers ce cycle de livres pour aborder directement et avec moins de détour la question de notre modernité très orientée vers les technologies. Philippe Chauveau : Justement, je réitère un peu ma question. Puisqu'en 1900 il y avait plein d'espoirs qui se sont évanouis, est-ce qu'en 2018 il y a des espoirs qui pourraient aussi s'évanouir ? Qu'en pense le romancier ?
Antonin Varenne : C'est très facile de jouer avec le passé et de faire le faux devin une fois que les choses sont déjà arrivées. Je ne suis pas doué d'un grand recul sur le présent, du fait que tout soit constamment en changement. Je pense que l'Internet, la génétique, l'environnement, sont des choses qui seront déterminantes sur l'évolution de notre monde mais il y a vraiment un chantier colossal qu'est le chantier de l'écologie et c'est pour ça que j'avais très envie que Diesel soit un des personnages que Aileen rencontre parce qu'aujourd'hui, le sort du monde dépend de ces fameux moteurs à combustion interne dont il faut se débarrasser. Lui qui imaginait que ses moteurs tourneraient aux huiles végétales... C'est assez ironique. L'avenir n'est pas technologique, il est politique et décisionnel avec la question « Que va-t-on faire avec notre environnement »
Philippe Chauveau : Voilà un livre passionnant de bout en bout avec un personnage féminin qui va vous marquer, vous allez vous régaler, c'est une belle écriture et c'est une belle épopée. « La toile du monde » l'actualité d'Antonin Varenne chez Albin Michel. Merci beaucoup.
Antonin Varenne : Merci à vous.