Carole Martinez

Carole Martinez

La terre qui penche

Livre 5'58

Philippe Chauveau :

Dans ce nouveau titre, Carole Martinez, tu nous entraînes à nouveau dans cette période médiévale, où nous étions allés avec Esclarmonde dans Du domaine des murmures. Là on est 200 ans après en 1360. Et nous allons faire connaissance avec Blanche. C'est une fillette, elle a 11 ans. Et finalement, ce sont deux personnages qui vont nous raconter l'histoire alternativement, Blanche et puis son âme, qui va continuer à vivre après la mort de la fillette. Quelle drôle d'envie de nous raconter l'histoire d'un seul et même personnage à travers deux voix. Pourquoi ?

Carole Martinez :

Parce que c'est une question d'identité. En fait, ce qui m'intéressait aussi, c'était de savoir comment un personnage, une personne, comment nous, on évolue au fil... j'allais dire au fil des siècles, non, au fil des années. Qu'est-ce que l'on a de commun avec l'enfant que l'on a été. Et travailler ça, c'était comme avoir la possibilité de tomber sur un journal intime que l'on aurait écrit gamine ou gamin à 11 ans, très très précis sur nos sensations alors que 90 ans étaient passés. Et avoir la possibilité de se redécouvrir enfant et de voir le décalage qu'il peut y avoir entre ce qu'on a fait de nous, ce qu'on s'est fabriqué comme souvenir, l'enfant qu'on s'imagine avoir été, et puis l'enfant qu'on était.

Philippe Chauveau :

Je vais faire un résumé très court. Donc Blanche en 1360 a 10-11ans. Elle est la fille d'un seigneur un peu rustre. On comprendra au fil des pages pourquoi il y a cette difficulté de relation entre la fillette et son père. Et puis on doit l'emmener dans un autre château pour être mariée à un jeune garçon, Aymon, un garçon un peu simplet qui joue de la flûte à longueur de journée. Et bien évidemment, il va se passer beaucoup de choses, on va faire connaissance avec de nombreux personnages, et puis il y a aussi un autre personnage, c'est la rivière, c'est la Loue. Alors j'ai une question qui me taraude Carole, c'est pendant la période médiévale, mais finalement, cela aurait pu se passer un peu dans n'importe quelle campagne. Pourquoi avoir voulu placer très géographiquement ce roman, dans cette région ?

Carole Martinez :

J'ai dû chercher au moment Du domaine des murmures une terre où poser mon château littéraire. Et finalement j'ai trouvé ce lieu : je voulais une rivière, un escarpement rocheux, une forêt présente au 12ème, au 14ème, au 16ème, au 21ème, je voulais normalement que ce soit dans le royaume de France mais je n'ai pas trouvé donc j'ai cherché du côté du Saint-Empire. Et j'ai choisi le comté de Bourgogne, Franche-Comté aujourd'hui. J'ai choisi sur photo, à la base. C'est-à-dire que c'est un endroit que je ne connaissais absolument pas. Et quand j'ai vu la vallée de la Loue sur photo, quand j'ai vu cette rivière, je me suis dit : c'est là.

Philippe Chauveau :

Ce qui est aussi intéressant, c'est que certes, l'intrigue se passe à cette période médiévale, nous sommes en 1360. Il y a de temps en temps par l'intermédiaire de la seconde voix, la vieille âme, il y a quelques petits clins d'oeil à notre époque contemporaine. Et puis surtout, il y a des thèmes qui sont universels, qui sont intemporels. Il y a l'enfance, la place de la femme dans la société, aussi le regard que l'on peut porter à sa propre mort. Aurons-nous aussi, lorsque nous ne serons plus que poussière, aurons-nous une âme qui continuera à vivre après nous ? Et ce sont plusieurs thèmes comme ça que le lecteur va s'approprier au fil de la lecture.

Carole Martinez :

Oui, d'autant que La terre qui penche, le titre dont tu parlais tout à l'heure, c'est évidemment cette terre qui penche mais c'est aussi ce fameux siècle qui est un siècle terrible. Le 14ème s'ouvre sur des désordres climatiques qui provoquent des disettes, des désordres économiques. En plus, comme les gens sont affaiblis, la peste arrive, qui va tout de même tuer entre un tiers et la moitié de l'humanité. En plus, tu ajoutes à ça les guerres, en tous cas la guerre de 100 ans, terrible, surtout pendant ses trêves pour la Franche-Comté, puisque le comté de Bourgogne, c'était le Saint-Empire donc ils étaient un peu extérieurs à la guerre, mais à partir du moment où il y avait trêve entre les anglais et les français, les grandes compagnies laissées sur le carreau, il fallait bien qu'elles se nourrissent, donc c'était des bandes d'hommes qui allaient piller... Donc c'était un siècle, abominable !

Philippe Chauveau :

Il y a de nombreux personnes dont on pourrait parler. Il y a le père de Blanche, il y a Aelys, l'épouse du seigneur, il y a des personnages qui vont arriver. Il y a aussi ce cheval qui joue un rôle capital. Mais si je parle de Blanche précisément, cette fillette qui a un sacré caractère, est-ce qu'il y a beaucoup de toi dans ce personnage de Blanche, est-ce qu'elle a certains traits de caractère que tu pourrais lui avoir empruntés ?

Carole Martinez :

Oui, il y a beaucoup de Blanche en moi, ou de moi en Blanche. Evidemment. Même si on écrit une fiction qui se déroule au 12ème, au 14ème siècle ou je ne sais pas moi, en 2086, de toutes façons, il y a forcément de nous. C'est avec notre matériau qu'on écrit. Je pense que ce serait compliqué en tous cas pour moi d'inventer absolument.

Philippe Chauveau :

Laissez-vous à votre tour envoûter par la belle écriture de Carole Martinez et allez à la rencontre de cette jeune fille, cette jeune Blanche en 1360. Ca s'appelle La terre qui penche et c'est aux éditions Gallimard. Merci beaucoup Carole.

Carole Martinez :

Merci Philippe.

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  • L'AVIS DU LIBRAIRE
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    J'ai beaucoup aimé le roman de Carole Martinez « La terre qui penche ». Il fait suite au roman « Du domaine des murmures » sorti il y a quelques années que j 'avais déjà aimé et donc il s'inscrit dans le même univers : moyenâgeux, poétique. Pour moi c'est une suite logique. Les points forts de Martinez, c'est qu'elle arrive à nous plonger dans un univers assez dure tout en étant poétique et magnifique. Elle donne vie à des personnages de papier et on a l'impression qu'ils sont vraiment vivants. Il y a une plume...Sur une île déserte, quels livres emporteraient-ils ? de Carole Martinez - L'avis du libraire - Suite