Jean-René Van der Plaetsen

Jean-René Van der Plaetsen

La nostalgie de l'honneur

Livre 7'25

Philippe Chauveau :

Avec ce qui est votre premier titre, Jean-René Van der Plaetsen, ce n'est pas un roman même si on sent un peu de volonté romanesque dans la construction. Vous nous racontez votre grand-père maternel, Jean Crépin, qui fut un compagnon de la Libération, qui fut général d'armée, un homme pour lequel vous aviez une grande admiration et un grand attachement, c'est ce que l'on ressent au fil des pages. Quelle image gardez-vous de votre grand-père ? Est-ce que, lorsque vous pensez à lui, c'est tout de suite le militaire qui vient ou bien est-ce un moment plus intime ?

Jean-René Van der Plaetsen :

Il y a les deux. J'ai le souvenir de mon grand-père qui était en soldat, en uniforme avec tant de médailles que cela faisait un cliquetis très particulier. A l'époque, lorsqu'il donnait un ordre, des centaines de milliers de personnes l'exécutaient. Il était commandant en chef des forces de l'OTAN. Donc, j'ai le souvenir de puissance qu'un enfant ressent instinctivement, j'ai ce souvenir là et aussi des souvenirs plus personnels...

Philippe Chauveau
:

Votre livre est touchant car il y a la grande Histoire et des souvenirs très personnels. Il y a beaucoup de choses d'ailleurs dans la photo que vous avez choisi sur la couverture ou il y a votre grand-père qui vous embrasse. Tout est dit dans ce cliché. Au-delà de votre grand père, Jean Crépin, vous nous racontez aussi d'autres grands hommes qui ont fait la France des années 40-50-60... C'est De Gaulle, le maréchal Leclerc, De Lattre.... C'est aussi une vision de la France que vous avez envie de nous transmettre à travers cet écrit.

Jean-René Van der Plaetsen :

Tout à fait. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que le personnage principal est mon grand-père, mais je raconte aussi les hommes autour, que j'ai connus, qui étaient des grands héros et qui étaient comme lui tout aussi humbles et modestes, raison pour laquelle l'Histoire a perdu leur trace.

Philippe Chauveau :

Vous nous racontez ces hommes d'honneur, ces militaires qui ont fait le choix des armes pour la défense de leur pays, qui parfois vont être tiraillés, vont parfois être obligés de se renier pour répondre à des ordres.

Jean-René Van der Plaetsen :

Evidemment, je pense qu'entre 1940 et 1965, c'est une période terrible pour l'armée française, où les hommes d'honneur ont été obligés de faire appel à leur conscience en permanence. Je pense que l'honneur n'est pas dans un seul camp.

Philippe Chauveau :

Vous écrivez : « Le sens de l'honneur ne se théorise pas : certains êtres l'éprouvent en eux et agissent en conséquence, et c'est aussi simple que cela; d'autres ne le ressentent pas en eux, et ne peuvent donc en tenir compte, et c'est tout aussi simple. »

Jean-René Van der Plaetsen :

Oui je pense qu'il y a beaucoup d'intuition. Quand mon grand-père fait le choix de sortir de la légalité, c'est quand même un choix très important, à l'époque ça voulait dire la condamnation à mort. Lorsqu'il décide de poursuivre le combat contre les allemands en août 1940, c'est une réaction encore plus intuitive que raisonnée parce que partir avec 200 hommes contre toutes les forces de l'Axe, c'est totalement absurde comme raisonnement ou alors il fallait une profondeur de vue qui, quelle que soit son intelligence, je doute qu'il ait eue. En tout cas, c'était une réaction d'instinct, d'intuition. Et je pense que le général Leclerc et le général De Gaulle ont eu ce genre de réactions.

Philippe Chauveau :

Ce qui est passionnant dans votre livre c'est que la grande Histoire et la petite histoire cohabitent et vous écrivez : « Dans ces moments là, il me semble que la vérité de l'instant s'accroît de la force de la réalité pour atteindre à la vérité romanesque qui, elle, est universelle. » Votre grand père est-il un personnage de roman ? Lorsque vous racontez votre grand-père il y a le militaire, et puis il y a l'homme qui a une vie parfois difficile, parfois douloureuse, une vie personnelle qui n'est pas simple avec notamment la disparition de son épouse sur une mine, Y aurait-il des personnages de romans qui pourraient rappeler votre grand père ? A la fois le panache et la désespérance.

Jean-René Van der Plaetsen :

Je pense que certains personnages sont aussi romanesques que peuvent l'être les héros de Stendhal ou Balzac. Ces hommes là, pas seulement mon grand-père, il était un maillon parmi les autres, ces hommes là étaient des mélanges de non pas de d'Artagnan, qui est un peu la tarte à la crème de la bravoure et du panache, mais plutôt Athos, il y a une métaphysique chez Athos, il y a une souffrance de la condition humaine que l'on ne ressent pas chez d'Artagnan. Ces hommes là avaient ce côté métaphysique, avaient cette dimension profonde. C'étaient des grands soldats et des hommes de paix. Je pense que si ce livre a également eu le prix Jean Giono, qui était un grand écrivain pacifiste, c'est parce que Sylvie Giono, la fille de Jean Giono, ainsi que les membres du jury, constitué d'écrivains pacifistes, ont reconnu dans ce livre, dans lequel il n'est question que de fracas, ont reconnu la dimension pacifique des personnages qui sont dans ce livre.

Philippe Chauveau :

En choisissant ce titre, la nostalgie de l'honneur, y-a-t-il une résonnance d'amertume peut être ?

Jean-René Van der Plaetsen :

Dans la conception que je me fais de l'honneur et de la manière dont il nous est demandé de vivre, j'y vois aussi l'humilité, et on en vient à l'un des autres thèmes fondamentaux de ce livre. Pourquoi les hommes dont je parle dans ce livre n'ont ils pas été connus ? Parce qu'ils étaient des hommes humbles, faisant acte d'humilité, et qu'ils ont souhaité rester humbles et modestes. En gros, c'est le contraire de notre époque où tout le monde cherche à passer à la télé. Je pense que c'est quand l'humilité rencontre l'honneur que la France devient la France, et je pense que la France est grande lorsqu'elle marche sur les deux jambes que sont l'honneur et l'humilité.

Philippe Chauveau :

Justement, lorsque vous nous parlez de ces hommes pleins de panache, qui savaient à la fois avoir l'honneur et l'humilité, vous écrivez : « Il y a des hommes dont la voix manque à notre époque. Aujourd'hui, c'est au fond des bibliothèques, dans le silence et la pénombre des salles de lecture désertées que nous pouvons parfois entendre ces hommes nous murmurer ce que fut leur vie. C'est par les bibliothèques que nous trouverons le salut. » Là, c'est le passionné de littérature qui se dit que le livre peut encore être l'outil d'une civilisation ?

Jean-René Van der Plaetsen :

Bien sûr ! Je pense qu'il vaut mieux aller dans les bibliothèques et essayer d'écouter Dante, Goethe, Shakespeare, Balzac, Stendhal et autres nous raconter ce que fut leurs vies. Au pire, ça nous laisse un vague substrat et au mieux ça nous élève.

Philippe Chauveau :

Votre actualité Jean-René Van der Plaetsen, « La nostalgie de l'honneur », aux éditions Grasset. Avec ce titre vous avez eu le prix Jean Giono et le prix Interallié. Merci beaucoup

Jean-René Van der Plaetsen :

Merci beaucoup.

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