Nathalie Saint Cricq

Nathalie Saint Cricq

Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir

Livre 00'07'59"

Philippe Chauveau :

Voici donc, Nathalie Saint-Cricq, ce qui est votre premier livre en librairie, « Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir ». Quel joli titre, quelle jolie phrase ! Vous allez nous expliquer comment est né ce livre. On vous connaît, on l'a dit, en tant que journaliste politique. Là, justement, c'est à un monstre politique que vous vous attaquez, mais appartenant à notre histoire déjà ancienne, il y a un peu plus de 100 ans. Pourquoi ce clin d’œil ? Vous gardez un pied dans la politique mais vous faites aussi un pas de côté en allant dans la politique d'il y a cent ans.

Nathalie Saint-Cricq :

Exactement. Je choisis quelqu'un qui a une épaisseur historique et une épaisseur politique qui fait parfois défaut à certains de nos contemporains pour des raisons que je ne vais pas détailler. Donc, je garde la politique en tête et on en parle beaucoup dans le livre. Mais je la prends par un biais qui a peu été exploré avant parce que tout a été dit ou presque sur Clémenceau. Donc là, j'ai trouvé cette histoire en lisant des biographies. C'est bizarre, personne n'en a parlé auparavant. Je ne comprends pas que cela n'ait pas intéressé les biographes de raconter cette histoire. Qu'il ait été amoureux, très bien, à 82 ans, c'est déjà plus étonnant, qu'il ait écrit 668 lettres à une femme, c'est encore plus surprenant et je me suis dit :" Elle, quelle a été sa réaction ?". C'est quelque chose qu'il fallait creuser. J'ai trouvé que cela rendait Clémenceau, non pas sympathique parce que ce n'était pas mon intention spécifique, mais je trouve que c'est bien de raconter l'histoire autrement, toujours avec cette obsession que ce soit grand public, pas rebutant.

Philippe Chauveau :

On plante le décor. Nous sommes au printemps 1923. Clémenceau a 82 ans. Vous le dites, c'est le Père la victoire, c'est le Tigre, on l'aime ou on ne l’aime pas, mais en tout cas, il fait partie déjà partie de l’histoire nationale avec un grand parcours derrière lui. Là, il est dans son dans son bureau parisien et il y a cette jeune femme qui a 40 ans de moins que lui, qui vient parce qu'elle travaille dans le monde de l'édition. Elle veut lui proposer de faire un livre. Elle s'appelle Marguerite Baldensperger. Ils vont faire connaissance et va naître une histoire d’amour entre eux. Vous allez nous expliquer quelle est vraiment la teneur de cette histoire. En tout cas, il y a ces lettres qui ont été conservées et que vous avez pu utiliser pour écrire ce livre. Ce n'est pas un travail de commande, c'est bien vous qui vous êtes intéressée à cette relation.

Nathalie Saint-Cricq :

Ah oui, je trouvais que c'était absolument incroyable cette vie d'une telle richesse ! On peut se dire qu'à 82 ans Clémenceau était fatigué ou qu'il aurait eu les activités d'un homme de son âge à cette époque, c'est à dire écrire quelques lettres, lire quelques livres et puis, le reste du temps, aller se promener. Et là, pas du tout. Il est toujours très actif, agité, il considère qu'il a des livres à écrire. Donc il s'occupe et se passionne. Il voit cette dame qui arrive. Il a toujours aimé les femmes et n'a toujours pas compris qu'à son âge, il doit les regarder éventuellement différemment, comme un grand-père peut le faire. Marguerite a dix ans de moins qu'une de ses filles. Mais il est frappé d'abord parce qu'elle correspond à ses critères physiques. Elle est plutôt fine, plutôt élancée, plutôt discrète, un peu effacée, mais c'est une vraie femme pour lui. Il n'aime pas les femmes trop féministes, agitées. Il est flatté aussi parce qu'elle le regarde et le flatte, lui parle beaucoup et lui propose d’écrire un livre. Et il se dit qu'il n'y a pas de raison de considérer que parce qu'il a 82 ans, ça ne pourrait pas continuer comme avant. Il dira : "Toute ma vie, j'ai été amoureux. Pourquoi arrêter à cet âge ? ».

Philippe Chauveau :

Ce qui aurait pu n'être qu'une simple historiette va être vraiment une belle relation, une belle histoire. Il en reste plus de plus de 650 correspondances qui sont encore lisibles aujourd'hui. Et va naître un vrai respect de part et d'autre entre ces deux êtres qui ont des failles.

Nathalie Saint-Cricq :

Chacun se satisfait car cette histoire tombe au bon moment. Lui est un peu esseulé et un peu triste d'avoir été renvoyé de ses fonctions politiques. Il faut quand même rappeler qu’il a réussi à faire gagner la France en 1918, à récupérer l'Alsace et la Lorraine. Il est vénéré dans toute la France mais ses collègues ne veulent plus de lui. Marguerite, elle, a perdu une fille dans des circonstances tragiques ; elle s'est suicidée à l’âge de 17 ans. Marguerite a probablement une part de responsabilité, ou du moins, elle s'accuse d'avoir une part de responsabilité.

Philippe Chauveau :

Et un mariage qui ne fonctionne pas très bien…

Nathalie Saint-Cricq :

Un mariage qui, à partir de ce drame, commencera à se déliter un peu. En gros, elle n'a plus goût à la vie. Aujourd'hui, on dirait qu'elle est en dépression. Clémenceau va la secouer. Il va lui donner envie de vivre, de se battre, quelquefois très gentiment, en l'aimant sincèrement. Et être aimée par le Père la victoire, quand même, ce n'est pas rien, ce n’est pas le voisin de palier... Quelquefois, il sera extrêmement désagréable, mais ça la réveille. Et les parents de Marguerite qui fréquenteront Clémenceau aussi, lui diront : "Vous nous avez rendu notre fille".

Philippe Chauveau :

Le sujet était éminemment romanesque. En revanche, vous n'avez pas choisi de faire un roman. Vous en avez fait un récit. Vous avez utilisé cette correspondance phénoménale qui existe toujours, en tout cas pour l'un des protagonistes. Et vous avez fait le choix d'imaginer le journal intime de Clémenceau. Finalement, comment avez-vous travaillé ce matériau ? Dès le départ, saviez-vous la forme que vous vouliez lui donner ? Sont-ce Marguerite et Georges qui vous ont tapé sur l'épaule en vous disant : "Voilà, c'est comme ça qu'il faut raconter notre histoire" ? Comment s’est passé l'écriture de ce livre ?

Nathalie Saint-Cricq :

D'abord, j'ai demandé conseil autour de moi à des gens qui savaient écrire ou qui avaient une sorte de vision. Je ne voulais pas faire : "ce jour-là il est rentré ; ce jour-là, elle est arrivée etc...". Je trouvais que ça n'allait pas. Le problème, c'est que Marguerite a demandé à Clémenceau de brûler ses lettres. Donc, on n’a presque plus rien. Il restait quatre ou cinq lettres qu'on a pu retrouver, mais on n'a plus ce qui venait d'elle. Donc, au début, j'ai essayé d'avoir d'abord des informations. Et je me suis dit, la façon la plus distrayante d'écrire, c'est d'imaginer. Cela me permettait d'avoir un contrepoint, en lui faisant dire : "Il a encore été désagréable aujourd'hui, mais finalement, il me donne envie de me lever le matin » ou encore : « Il ronchonne tout le temps". Cela me permettait aussi de le raconter à la première personne, dans les déjeuners de famille par exemple, avec plus de liberté de ton, quelque chose de plus réaliste et quelquefois de plus intime.

Philippe Chauveau :

Au-delà de leur relation, vous avez voulu aussi dépeindre cette époque de l'entre-deux guerres, mettre en en toile de fond la vie politique de l'époque et, à différents moments du récit, faire apparaitre les personnalités que Clémenceau côtoyait. Il y avait aussi cette envie de votre part ?

Nathalie Saint-Cricq :

Mais oui parce qu’honnêtement, parler de Clémenceau simplement sous le prisme d'une relation avec Marguerite c'était un peu court.

Philippe Chauveau :

Et il reste un homme politique.

Nathalie Saint-Cricq :

Clémenceau est un homme politique, certes mais en plus, là où il est le plus drôle, c’est qu’il est connu pour ses mots d'esprit, son humour et un certain nombre d'anecdotes où il était absolument impayable. Je trouve que cela méritau vraiment d'être raconté.

Philippe Chauveau :

Si d'un mot, après avoir écrit et raconté cette histoire, vous deviez définir Georges Clemenceau, que diriez-vous ?

Nathalie Saint-Cricq :

Libre, drôle, infernal. Trois mots.

Philippe Chauveau :

C'est une bonne définition. C'est votre actualité, Nathalie Saint-Cricq, ce premier livre que vous publiez donc aux éditions de L'Observatoire, « Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir ». Merci beaucoup.

Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir Editions de l'Observatoire
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  •   Vous la connaissez bien sûr ! Son visage apparait régulièrement sur les écrans de télévison quand il s’agit de politique. Nathalie St Cricq est une figure médiatique incontournable dont l’analyse est à la fois crainte par les hommes et femmes politiques et plébiscitée par les téléspectateurs. Nathalie Saint Cricq est aujourd’hui en librairie pour ce qui est son premier livre. Et contre toute attente, elle fait le choix de ne pas nous parler de notre époque contemporaine, et de notre politique nationale qui comporte...Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir de Nathalie Saint Cricq - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :  Bonjour Nathalie Saint-Cricq.   Nathalie Saint-Cricq : Bonjour.   Philippe Chauveau :  Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes en librairie pour la première fois avec un titre aux Éditions de L'Observatoire, « Je vous aiderai à vivre, vous m’aiderez à mourir ». Nous allons parler de Clémenceau dans un instant, mais au préalable, j'aimerais qu'on parle un peu de vous. Vous êtes un visage que l'on connaît bien, un visage de la télévision. Vous êtes éditorialiste sur France...Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir de Nathalie Saint Cricq - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau : Voici donc, Nathalie Saint-Cricq, ce qui est votre premier livre en librairie, « Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir ». Quel joli titre, quelle jolie phrase ! Vous allez nous expliquer comment est né ce livre. On vous connaît, on l'a dit, en tant que journaliste politique. Là, justement, c'est à un monstre politique que vous vous attaquez, mais appartenant à notre histoire déjà ancienne, il y a un peu plus de 100 ans. Pourquoi ce clin d’œil ? Vous gardez un pied dans la politique mais vous...Je vous aiderai à vivre, vous m'aiderez à mourir de Nathalie Saint Cricq - Livre - Suite