Françoise Bourdin

Françoise Bourdin

Face à la mer

Livre 6'53

Philippe Chauveau :
Dans « Face à la mer », nous faisons la connaissance d'un homme qui finalement à plutôt bien réussi sa vie. Il habite au Havre, il dirige une belle librairie, c'était son choix même si sa famille ne l'a pas forcément aidé, mais il a réussi avec toute sa volonté à monter cette librairie. Et un beau jour, c'est le burn out, il tombe en dépression. D'où vient-il ce personnage de Mathieu et pourquoi en avoir fait un libraire ?

Françoise Bourdin :
En fait je n'ai jamais vu de libraire dans un roman, c'est pourtant un très beau métier, mais un métier pas facile aujourd'hui. Donc, je me disais, voilà un thème intéressant à traiter avec toutes ces difficultés. Beaucoup de librairies ferment, comment on fait quand on veut vraiment que cela marche, comment on ouvre la librairie sur le livre, mais aussi tout ce qu'il y a à côté du livre, comme la papeterie. Je voulais que Mathieu soit ce libraire moderne, très engagé, qui a une belle réussite, qui a travaillé pendant quinze heures par jour pendant des années, et qui est arrivé là où il voulait. Mais ça ne l'a pas préservé du burn out.

Philippe Chauveau :
Vous le dites, il a travaillé 15 heures par jour, peut être au détriment de sa propre famille. Son épouse a préféré partir, il y a sa fille Angélique avec qui cela se passe bien, mais il y a quand même une fêlure dans la famille. Mathieu se retrouve un petit peu seul avec sa compagne Tess, dont il est amoureux mais ne sait pas comment lui montrer. Et il se retrouve dans la maison de César, un ami à qui il a acheté sa maison en viager. Finalement il aurait tout pour être heureux, redémarrer une nouvelle vie mais il n'y arrive pas.

Françoise Bourdin :
Non, il n'y arrive pas ! Il y a un matin où c'est fini, il n'a plus l'énergie et je pense que ce doit être quelque chose de terrible quand cela vous arrive. Moi, j'ai observé cela dans mon entourage et il ne suffit pas de dire aux gens « Allez ! Reprends toi ! ». Non, on a vraiment à faire à quelqu'un qui n'en peut plus. C'est ce qui arrive à Mathieu, au fond de cette maison, il regarde la mer en se demandant si il va pas aller se suicider. Et ce qui m'intéressait, moi auteur, c'était de voir la raison du burn out, qui n'est pas qu'un excès de travail, et comment il allait s'en sortir.

Philippe Chauveau :
On sent que le terme burn out ne vous convient pas forcément ? Pour vous c'est une façon de cacher le mot « dépression ».

Françoise Bourdin :
Exactement ! Ce sont toujours ces phénomènes de mode, on utilise aujourd'hui le mot burn out, mais peut-être qu'on ne l'utilisera plus dans quelques années et quand on prend un vocabulaire à la mode, on est très vite démodé.

Philippe Chauveau :
C'est peut être parce que « dépression » serait un mot tabou.

Françoise Bourdin :
Oui, d'abord ce n'est pas une maladie d'homme la dépression et puis ce n'est pas très flatteur. Mais ce qui arrive à Mathieu n'est pas très flatteur.

Philippe Chauveau :
Finalement, on va découvrir que Mathieu à des failles bien plus profondes qu'on ne croit et vos romans ne sont jamais gratuits, c'est ce qui fait la richesse de votre écriture. Le lecteur n'est pas là en simple spectateur, il peut s'identifier aux personnages, il peut s'identifier au désordre qui apparait au fil des pages et c'est ce que vous aimez faire.

Françoise Bourdin :
Tout à fait ! J'aime bien que mon lecteur se dise « ah oui, ça pourrait m'arriver », j'aime l'idée que le lecteur pense que ce sont des histoires vraies, même si ce sont des fictions.

Philippe Chauveau :
Vous avez choisi de situer votre action dans la ville du Havre et on sent que vous vous êtes imprégnées des lieux et au fil des pages, on sent aussi une sorte de déclaration d'amour à cette ville du Havre un peu mal-aimée.

Françoise Bourdin :
Tout à fait, mais il faut aller voir le Havre ! Même les porte-conteneurs, ces bateaux gigantesques, ont du charme. Et puis, cette architecture d'après guerre est beaucoup plus douce qu'on ne l'imagine. J'aime beaucoup Auguste Perret, l'église Saint-Joseph qu'il a construite est une réalisation en béton qui laisse pantois tellement c'est beau.

Philippe Chauveau :
Et cette succession de tempêtes et de ciel bleu que l'on trouve au Havre, propice au caractère de Mathieu…Vous avez choisi un libraire, un personnage d'homme pour vous confronter à la dépression. C'est le plaisir de la romancière de se confronter à un personnage masculin ?

Françoise Bourdin :
Tout à fait ! Essayer de se mettre dans la tête d'un personnage masculin est intéressant. Beaucoup de mes confrères et consoeurs le font, moi je le fais toujours avec un peu de dérision en me disant « est-ce qu'un homme pense comme ça ? ». et quand j'ai trop de doutes je vais demander à quelqu'un.

Philippe Chauveau :
En tout cas, voilà encore un livre réussi, un livre que l'on dévore de la première à la dernière page, c'est votre actualité Françoise Bourdin. « Face à la mer » est publié aux éditions Belfond.

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  • Françoise Bourdin est ce qu'on appelle un «phénomène littéraire » ! Depuis plus de 25 ans, sans tambour ni trompette, sans médiatisation outrancière, sans soutien de l'élite culturelle parisienne, Françoise Bourdin reste un auteur incontournable cher au cœur des lecteurs. Avec plus de 9 millions de livres vendus, traduits en une quinzaine de langues, elle est ce que l'on appelle un auteur populaire, au sens noble du terme. Chaque année, on la retrouve dans le classement des dix meilleures ventes de livres en France. La recette...Web TV Culture lui rend hommage de Françoise Bourdin - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Bonjour Françoise Bourdin, « Face à la mer » c'est votre actualité chez Belfond. Je vais me permettre de résumer, dans les années 70, il y a deux premiers titres qui marchent très bien : « De vagues herbes jaunes » et « Les soleils mouillés », puis pendant une vingtaine d'années, on ne vous voit plus en librairie, jusqu'à ce que vous fassiez votre réapparition au début des années 90 et depuis le succès ne s'est jamais démenti. Comment analysez-vous votre parcours d'auteurs ? Françoise Bourdin :Je...Web TV Culture lui rend hommage de Françoise Bourdin - Portrait - Suite
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