Jérémy Bracone

Jérémy Bracone

Danse avec la foudre

Livre 00'06'55"

Philippe Chauveau :

La couverture est très parlante et on va très vite comprendre qui est cette jeune femme avec ce voile de mariée dans ce décor industriel. Danse avec la foudre, c'est votre premier roman aux Éditions de L'Iconoclaste. On peut imaginer que cette jeune femme sur la couverture, c'est la fameuse Moïra dont on va beaucoup nous parler. Elle brise le cœur de Figuette, votre héros. Nous sommes en Lorraine, là haut dans le nord de la France, dans ces régions où l'industrialisation a fait bien des ravages. Nous sommes dans une petite commune où il n'y a plus beaucoup de boulot. Figuette travaille, mais ne sait pas si son boulot va pouvoir continuer. Et puis, il essaye au quotidien d'élever seule la petite Zoé, puisque Moïra a décidé de prendre la poudre d'escampette. Je plante le décor, je présente des personnages principaux. D'où vient elle? Cette histoire, vous la connaissez bien, cette Lorraine et la commune dans laquelle évoluent les personnages.

Jérémy Bracone :

Je la connais bien pour y avoir grandi et vécu une partie de ma vie. Au final, j'invente peu. Le cœur du livre est une fiction, mais tout le décor et finalement, les histoires les plus folles qui peuvent se passer dedans sont toutes véridiques.

Philippe Chauveau :

Il y a un côté roman social puisque vous racontez cette région de France où l'industrialisation a fait des ravages avec des entreprises, des industries et des usines qui ont fermé ou qui ferment encore. Vous racontez ces Italiens qui sont venus pour trouver du travail et puis qui aujourd'hui sont peut être un peu perdus. Vous évoquez aussi l'entraide entre ces personnes en difficulté. Vous aviez envie de rendre aussi, d'une certaine façon, un hommage, même si le mot est peut être un peu appuyé, mais une sorte d'hommage à cette terre qui vous a vu grandir.

Jérémy Bracone :

Oui, à cette terre, mais surtout aux gens. Parce que trop souvent, on tombe dans le syndrome de Germinal quand on me parle de ces régions. On imagine la grisaille et la misère, de l'alcoolisme. Moi, je n'ai pas grandi dans ce paysage là, ni dans cet environnement. J'ai des souvenirs de gens bons vivants qui adorait faire la fête. Ils luttaient, leur vie n'était pas simple, mais ils savaient vivre.

Philippe Chauveau :

C'est vrai que là, on parle d'amitié, d'entraide, d'amour, d'affection. Qui est il alors ce Figuette? J'ai envie de dire c'est un brave gars et ça n'a rien de péjoratif. Il connait ses limites. Il sait que parfois, il n'est pas toujours facile à vivre, mais il a envie de bien faire. Il a surtout envie de rendre heureux sa petite fille Zoé. Il n'a pas forcément les moyens, notamment, de l'emmener en vacances, de l'emmener au bord de la mer. Qui est il, ce Figuette?

Jérémy Bracone :

Figuette, contrairement à sa femme, Moïra a besoin de rêver, de romance, de s'évader. C'est quelqu'un qui aime passer sa vie. Il travaille à l'usine et passe ses soirées au bistrot avec les copains et ça lui convient. Sauf que pour sa femme, puis pour sa fille, il est obligé de se dépasser. Il a besoin de les faire rêver. Il va aller chercher ailleurs sa créativité. Il va devenir artiste à sa manière.

Philippe Chauveau :

Comme par hasard. Moïra, on ne va jamais la voir. On sait qu'elle est partie. On sait qu'elle a été installer du côté de Clermont-Ferrand. On ne sait pas trop ni avec qui ni pourquoi, mais en tout cas, elle n'est pas présente dans le roman. Mais on parle beaucoup d'elle. C'est une jeune femme assez fantasque et, semble t il, aussi assez fragile. Elle n'est peut être pas, en tout cas, la femme qu'il aurait fallu à Figuette.

Jérémy Bracone :

Ou peut être que c'était la femme qu'il lui fallait justement pour se dépasser et pour ouvrir les yeux sur ce qui ne va pas dans sa vie et sur ce besoin de s'élever. C'est peut être la muse quelque part.

Philippe Chauveau :

Il n'empêche qu'en partant, Moïra a aussi ouvert les yeux de Figuette sur l'amour qu'il doit donner à sa fille à la petite Zoé. On n'oubliera pas aussi le chien, Mouche. Il est bien présent dans l'histoire. Il lui en arrive des choses. Mais il y a cette relation qui est très belle entre ce père et sa fille. Ce père qui est très maladroit dans l'affection qu'il essaye de témoigner à son enfant. Comment avez vous cherché à travailler l'écriture de cette relation père-enfant?

Jérémy Bracone :

C'est un père démissionnaire. Tout a basculé dans leur couple à la naissance de l'enfant, comme ça peu arriver. Ils avaient cette vie où il organisait fêtes organisées juste pour elle, pour la faire rêver. L'enfant arrive et là, tout d'un coup, c'est le quotidien qui les rattrape. Et lui, le quotidien, il a fui pour retrouver les copains au bistrot donc quand sa femme se barre, effectivement, il se retrouve tout seul avec sa fille, mais il ne sait pas faire. Il va devoir apprendre à grandir et à être un père, à l'aimer, à savoir comment l'aimer, à la découvrir comme une personne. À un moment, il se rend compte que c'est une vraie personne. Ce n'est pas une espèce d'objet, ce n'est pas une petite chose qui fait juste du bruit et qu'il faut nourrir. Ce n'est pas juste des contraintes.

Philippe Chauveau :

Oui, et il faut la faire rêver. Quand à Moïra, on ne sait pas finalement si elle est partie à cause de Figuette ou simplement parce que son instabilité l'a poussé ailleurs. Vous écrivez : « elle était immature et égoïste. Son refus de l'ordinaire, son inaptitude à vivre le quotidien n'autorisait pas la moindre faute. C'était le prix à payer pour côtoyer ces exquises folies. Les nuages d'où, à tout moment, ils espéraient voir jaillir la lumière. Alors, l'orage pouvait gronder. Ils y feraient face. Ils serait le paratonnerre de ses colères, la laisserait se décharger sur lui, de ses forces sombres qu'il embrasées, avant de la laisser sans défense. Après la tempête, ensemble, ils connaîtraient de nouveau le printemps. Parce que finalement, Figuette ne vit que pour ça, pour le retour de Moïra. »

Jérémy Bracone :

C'est ça, il va mettre tout en œuvre. Il va créer un univers, un monde, une fiction. C'est ça le vrai sujet du livre, c'est la part de fiction dans nos vies, la recherche de ce besoin d'imaginaire.

Philippe Chauveau :

Figuette est un garçon plein de fêlures et d'ambivalence aussi. Est-ce qu'il vous ressemble beaucoup?

Jérémy Bracone :

Pas tant, désolé de vous décevoir, mais il y a très peu de moi en Figuette. Peut-être un peu le côté lunaire. Mais moi, je suis plutôt dans la recherche, justement, du défi quotidien et peut être de la fuite quelque part.

Philippe Chauveau :

En tout cas, c'est un roman très lumineux. J'ai employé le terme de roman social, mais j'insiste sur le fait que c'est une histoire très lumineuse, très solaire, et qu'il y a vraiment ce lien entre eux, entre Figuette et sa fille Zoé. C'est un vrai coup de cœur. Et puis l'écriture est magnifique. Donc continuer comme ça, Jérémie Bracone. On attend le deuxième roman avec impatience. Danse avec la foudre est publié aux Éditions de L'Iconoclaste. Merci beaucoup.

Jérémy Bracone :

Merci.

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  • Même s’il n’a rien oublié de sa jeunesse passée en Lorraine, Jérémy Bracone a posé ses valises sur les bords de l’Atlantique, dans le Sud-Oust, là où les vagues font rêver les surfeurs dont il fait partie. C’est aussi là qu’il a installé son atelier et où, en tant qu’artiste plasticien, il laisse parler son inspiration et son imagination. S’il a attendu d’avoir 40 ans pour publier son premier roman, Jérémy s’est toujours senti attiré par l’écriture et devenir écrivain était une évidence....Danse avec la foudre de Jérémy Bracone - Présentation - Suite
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