Victor Pouchet

Victor Pouchet

Autoportrait en chevreuil

Livre 00'07'02"

Philippe Chauveau :

Vous avez le chic, Victor Pouchet, pour trouver des titres toujours surprenants. Il y avait eu Pourquoi les oiseaux meurent, sans point d'interrogation. Je me souviens très bien. Et puis là, Autoportrait en chevreuil, avec cette couverture choisie conjointement avec votre éditeur. Cette toile haut au canevas. Dans ce livre on va faire connaissance avec Elias . C'est un jeune homme d'aujourd'hui qui ne sait peut être pas très bien où il en est de sa vie, ni où est sa place dans la société.

Victor Pouchet :

Peut-être que je peux d’abord raconter comment est né le livre. Ce livre est né sur un chemin. Je marche depuis 9 ans maintenant avec deux amis autour de la France. Chaque année, en fait une étape de marche. On est partis de Brest. Il y a trois ans sur ce chemin, on faisait une pause dans une petite forêt bretonne et il y avait des menhirs autour de nous, des dolmens. Une personne un peu étrange avait placé un certain nombre de capteurs électroniques autour, il s'agitaient, etc. Donc, je suis allé parler avec cette personne qui m'a raconté ce qu'il faisait. Il me disait qu'il captait les ondes scalaires, qu'il était en train d'avoir des activités de magnétiseurs. Donc, j'ai parlé longtemps avec cette personne et quelques semaines plus tard, j'ai repensé à cet homme qui avait à la fois un discours très scientifique en apparence, mais aussi très incohérent, très étrange. Je me suis dit que ce qui était étonnant, ce qui pourrait produire un livre, ça serait pas non pas ce personnage directement, mais le fils de ce magnétiseur. Je me suis dit que je voulais raconter cette histoire.

Philippe Chauveau :

Et voilà comment donc est né le personnage d'Elias. D'ailleurs, vous situez votre action près de Douarnenez. Nous sommes au cœur de la Bretagne et de ses légendes. Et c'est vrai que Elias a du mal, parce que lorsqu'il est gamin, il grandit avec ce père que certains considèrent comme un guérisseur-magnétiseur, un peu comme un fou ou un doux dingues, ou même quelqu'un de dangereux. Allez savoir comment trouver sa place, sachant que Elias a perdu sa mère lorsqu'il était gamin. Il avait il avait 3 ans. Son père refait plus ou moins sa vie avec Céline. Il va y avoir un petit frère qu'on va appeler Ann sans "e", mais Elias ne sait pas très bien où il est. Ça va être compliqué lorsqu'il va rencontrer Avril. Comment être amoureux lorsqu'on ne sait pas soi-même qui l'on est? Voilà l'histoire que vous aviez envie de nous raconter. Une histoire toute simple en apparence. Et pourquoi, Elias a-t-il tant de difficultés, même devenu adulte?

Victor Pouchet :

Alors il y a quelque chose qui pèse sur lui, qui est lié à cette enfance un peu hors norme qu'il a vécu et qui fait que cela contamine un peu son existence. Il y a l'influence de son père, la famille un peu brisée et recomposée qui s'est formée après la mort de sa mère. Il y a aussi un accident, un grand accident qui est quelque chose qui va un peu arrêter et traumatiser sa vie et qui je ne peut pas révéler. Que lui même ne peut pas vraiment en parler, mais qui est la zone d'ombre autour de laquelle il tourne, qui peut être l'empêche en effet d'avancer et qu'il va entrer dans l'existence avec ce poids. C'est peut être en rencontrant cette jeune femme, Avril et en tombant amoureux que cet accident va pouvoir à la fois se dire et se dépasser.

Philippe Chauveau :

Vous avez fait le choix d'une écriture d'abord très poétique. Il y a des passages qui sont d'une grande poésie, d'une grande sensibilité. Le livre est découpé en trois parties qui ne sont pas de même taille. La première partie est conséquente. La deuxième moins et la troisième encore un peu moins. La première partie, c'est Elias qui va se raconter à la première personne qui va se confier, comme s'il écrivait une sorte de journal intime. La deuxième partie, c'est plus Avril sa compagne, qui explique pourquoi c'est difficile pour elle et comment aider cet homme qu'elle aime. La troisième partie, c'est le père. Celui qu'on appelle le magnétiseur, le mage ou le fou qui lui va donner un peu sa version des faits. Pourquoi cette construction en trois parties? Et justement, ces trois parties qui ne sont pas d'égalité en taille?

Victor Pouchet :

Oui, alors, c'est quelque chose de très important pour moi, dans le livre, que cette construction en trois parties. Je crois que c'est né d'un constat très simple. Le plus souvent, on ne réussit pas à comprendre les autres. Les autres nous échappent un peu sur le mode d'animaux sauvages qu'on ne réussit pas à saisir. Et pour Elias, c'est la même chose. Ils se racontent, mais on n'arrive pas tout à fait à accéder à sa vérité, à le saisir. Et donc, il me fallait passer par trois points de vue pour tenter de saisir ce qu'a pu être sa vie. Ce que peut être un homme. Elias qui se raconte lui même. Avril, qui va tenter de raconter quel est cet homme qu'elle a rencontré. Quelles sont ses étrangetés, ces bizarreries? Quel est le lien qui les unit? Et ensuite, on a le père qui résout aussi un peu les choses. J'avais l'impression qu'on pouvait accéder au mystère d'une existence, un peu comme quand on avance dans une forêt qu'une image se forme. Et là aussi, l'image se forme. Elle ne peut se former que dans la confrontation, dans la succession de ces trois regards sur une même existence.

Philippe Chauveau :

Vous avez laissé entendre que vous aviez toujours été façonné par les contes de votre enfance, les histoires qu'on vous racontaient. Dans vos livres, que ce soit celui-ci, le précédent ou les livres jeunesse, nous sommes toujours dans un présent assez fantasmé, avec un décor qui ressemble à la réalité, mais qui n'est pas tout à fait celui de la réalité. Avez-vous l'impression vous même d'être dans un univers parallèle en tant qu'homme? En tant qu'être? Où avez-vous envie de vous offrir un monde un peu parallèle, justement un peu différent de la réalité quotidienne?

Victor Pouchet :

Je crois que j'ai complètement l'impression de vivre dans un monde parallèle et que, sans doute, chacun a cette impression qu'il y a une grande étrangeté. Parfois, ce qui se passe autour de moi, mais les choses aussi simples que des gens dans le métro, ou qu'assister à une cérémonie de mariage, tout ça me semble être aussi étrange qu'un monde papoue très lointain. En effet, l'écriture sert peut être aussi à tenter de rendre ce monde étrange compréhensible, ou de lui donner une forme, une existence.

Philippe Chauveau :

Vous faites écrire à Elias ce texte : " je voudrais être capable de saisir les grandes affaires de la vie simple et réussir à habiter le pays apaisé des lieux communs, le monde sans surprises ni paradoxes, où l'on trouve de la poésie là où c'est poétique et du prosaïque dans la prose des jours, où l'on frissonne dans le vent pluvieux et où l'on plisse des yeux face au soleil éblouissant. Un monde où l'on a les larmes aux yeux en écoutant des chansons tristes et où l'on partage doucement le plaisir des choses douces." Merci beaucoup. Victor Pouchet de nous faire partager les plaisirs des choses douces. C'est votre nouveau roman. C'est un joli coup de cœur. C'est aux éditions Finitude, ça s'appelle Autoportrait en chevreuil. Merci.

Victor Pouchet :

Merci.

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  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Attention, jeune talent à suivre ! En 2017, Victor Pouchet nous avait enthousiasmé avec son premier roman « Pourquoi les oiseaux meurent », sorte de conte initiatique aux sources de l’enfance. Depuis, Victor Pouchet a aussi montré qu’il avait le talent d’écrire pour les plus jeunes. A l’Ecole des Loisirs, il a publié « Lancelot Dulac » et « Le tsarevitch aux pieds rapides », deux jolis romans jeunesse sur la différence et l’aptitude à vivre avec les autres. Aux éditions Finitude, voici le nouveau livre de...Autoportrait en chevreuil de Victor Pouchet - Présentation - Suite
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