Pierre Assouline

Pierre Assouline

Sigmaringen

Le livre 4'53

Dans ce nouveau roman « Sigmaringen » que vous publiez chez Gallimard, c'est un morceau de notre histoire nationale que vous évoquez, mais c'est surtout aussi une situation ubuesque.
Nous sommes à la fin de l'été 44, Hitler dégage les Hohenzollern de leur château pour y installer le maréchal Pétain et son ministre Pierre Laval. Et on va assister à cet univers un peu bizarre de fin du monde entre Pétain, Laval
et tout ça sous les yeux d'un majordome qui a vécu plusieurs années dans ce château de Sigmaringen. Pourquoi cette envie de nous plonger dans cette période de l'Histoire et précisément à Sigmaringen ?
C'est une histoire qui me poursuit depuis une vingtaine d'années qui est peu connue des Français, car les Français ont fait une sorte d'éclipse, ils ont pensé dans leur inconscient que la libération de Paris, c'était la fin de la guerre, mais non.
Ce n'est même pas la libération de la France, c'est la libération de Paris ! Après la France a été libérée plus tard et la fin de la guerre intervient huit mois après. Tout le monde a un peu éclipsé cet épisode, or c'est quand même l'épilogue de la Collaboration et de l'Occupation.
Je me suis aperçu que c'était effectivement une tragi-comédie, mais plus comédie que tragédie car il n'y a pas de mort, mais surtout il y a un côté bouffon dans cette histoire, de ce château qui devient français pur huit mois, parce qu'Hitler l'a décidé ainsi,
avec le drapeau français, avec la milice qui garde la porte et Pétain et Laval qui sont à des étages différents et qui ne se parlent pas, comme à Vichy, et les ministres qui forment deux clans hostiles, comme à Vichy et qui ont transporté de Vichy et de Paris,
dans ce petit coin du Bade-Wurtemberg, leur haine, leur mesquinerie, leur règlement de compte. Tout ça fait une énorme bouffonnerie sur un fond tragique.
Vous nous parlez donc de Pétain, de Laval et de tous ces ministres qui sont à des étages différents et qui ne se supportent pas et puis vous évoquez aussi toute la vie du personnel de Sigmaringen avec ce majordome
et tous les autres personnages qui peuvent côtoyer ce personnel. Vous aimez bien aussi donner plusieurs visions d'une même histoire ?
Oui, j'aime bien faire un pas de côté. C'est la leçon de Cartier-Bresson qui était un ami et qui me disait toujours, que ce soit pour la photo ou pour les articles, pour les livres, dans tout ce que tu fais, n'oublie jamais de faire un pas de côté
car on voit beaucoup mieux le réel quand on l'observe de biais que frontalement. Et il avait raison. Raconter cette histoire d'un point de vue allemand et du point de vue de la domesticité et donc du majordome qui est le chef du personnel, ça me permettait de faire un pas de côté.
Ce qui est important pour moi, c'est que le noeud du roman, ce n'est pas tant Pétain, Laval ou la collaboration en fuite... Le noeud du roman, c'est le thème de l'obéissance et mon personnage principal, mon narrateur a un cas de conscience par rapport à ça à double titre.
En tant que majordome il est là pour servir. Et son patron, le prince Hohenzollern, lui a dit : « il faut servir ces gens comme si nous les avions invité. Montrez leur le meilleur de l'Allemagne, son savoir-vivre, sa culture, sa civilisation ».
Donc il sert alors qu'il n'en pense pas moins de tout ces ministres français qui sont plus nazis que les Nazis et qui le révulsent.
Julius Stein, notre majordome, c'est un homme qui a des blessures, des fissures et les quelques mois qu'il va vivre et observer à Sigmaringen entre fin 44 et début 45 vont en quelque sorte bouleverser sa vie.
Surtout parce qu'une femme va l'aider à prendre conscience de ses propres failles.
Ca va faire éclater toutes ses certitudes.
Ca va l'ébranler. Cette femme, c'est Jeanne qui est l'intendante française, alsacienne, du maréchal Pétain. C'est elle qui le bouscule et qui va l'obliger à se confronter à ses contradictions et à les résoudre.
Au-delà des drames qui se sont joués, le second conflit mondial reste une source inépuisable pour un romancier ?
Oui. Pas seulement la guerre, mais l'Occupation elle-même. C'est inépuisable car c'est un tel concentré d'émotion, d'espoir, de désarroi, de haine, d'envie, de solidarité, de tout l'arc-en-ciel des sentiments.
Merci beaucoup Pierre Assouline. Votre actualité, c'est un gros coup de coeur en ce qui me concerne et c'est aux éditions Gallimard.

Philippe Chauveau :
Dans ce nouveau roman « Sigmaringen » que vous publiez chez Gallimard, c'est un morceau de notre histoire nationale que vous évoquez, mais c'est surtout aussi une situation ubuesque. Nous sommes à la fin de l'été 44, Hitler dégage les Hohenzollern de leur château pour y installer le maréchal Pétain et son ministre Pierre Laval. Et on va assister à cet univers un peu bizarre de fin du monde entre Pétain, Laval et tout ça sous les yeux d'un majordome qui a vécu plusieurs années dans ce château de Sigmaringen. Pourquoi cette envie de nous plonger dans cette période de l'Histoire et précisément à Sigmaringen ?

Pierre Assouline :
C'est une histoire qui me poursuit depuis une vingtaine d'années qui est peu connue des Français, car les Français ont fait une sorte d'éclipse, ils ont pensé dans leur inconscient que la libération de Paris, c'était la fin de la guerre, mais non. Ce n'est même pas la libération de la France, c'est la libération de Paris ! Après la France a été libérée plus tard et la fin de la guerre intervient huit mois après. Tout le monde a un peu éclipsé cet épisode, or c'est quand même l'épilogue de la Collaboration et de l'Occupation. Je me suis aperçu que c'était effectivement une tragi-comédie, mais plus comédie que tragédie car il n'y a pas de mort, mais surtout il y a un côté bouffon dans cette histoire, de ce château qui devient français pur huit mois, parce qu'Hitler l'a décidé ainsi, avec le drapeau français, avec la milice qui garde la porte et Pétain et Laval qui sont à des étages différents et qui ne se parlent pas, comme à Vichy, et les mnistres qui forment deux clans hostiles, comme à Vichy et qui ont transporté de Vichy et de Paris, dans ce petit coin du Bade-Wurtemberg, leur haine, leur mesquinerie, leur règlement de compte. Tout ça fait une énorme bouffonnerie sur un fond tragique.

Philippe Chauveau :
Vous nous parlez donc de Pétain, de Laval et de tous ces ministres qui sont à des étages différents et qui ne se supportent pas et puis vous évoquez aussi toute la vie du personnel de Sigmaringen avec ce majordome et tous les autres personnages qui peuvent cotoyer ce personnel. Vous aimez bien aussi donner plusieurs visions d'une même histoire ?

Pierre Assouline :
Oui, j'aime bien faire un pas de côté. C'est la leçon de Cartier-Bresson qui était un ami et qui me disait toujours, que ce soit pour la photo ou pour les articles, pour les livres, dans tout ce que tu fais, n'oublie jamais de faire un pas de côté car on voit beaucoup mieux le réel quand on l'observe de biais que frontalement. Et il avait raison. Raconter cette histoire d'un point de vue allemand et du point de vue de la domesticité et donc du majordome qui est le chef du personnel, ça me permettait de faire un pas de côté. Ce qui est important pour moi, c'est que le noeud du roman, ce n'est pas tant Pétain, Laval ou la collaboration en fuite... Le noeud du roman, c'est le thème de l'obéissance et mon personnage principal, mon narrateur a un cas de conscience par rapport à ça à double titre. En tant que majordome il est là pour servir. Et son patron, le prince Hohenzollern, lui a dit : « il faut servir ces gens comme si nous les avions invité. Montrez leur le meilleur de l'Allemagne, son savoir-vivre, sa culture, sa civilisation ». Donc il sert alors qu'il n'en pense pas moins de tout ces ministres français qui sont plus nazis que les Nazis et qui le révulsent.

Philippe Chauveau :
Julius Stein, notre majordome, c'est un homme qui a des blessures, des fissures et les quelques mois qu'il va vivre et observer à Sigmaringen entre fin 44 et début 45 vont en quelque sorte bouleverser sa vie.

Pierre Assouline :
Surtout parce qu'une femme va l'aider à prendre conscience de ses propres failles.

Philippe Chauveau :
Ca va faire éclater toutes ses certitudes.

Pierre Assouline :
Ca va l'ébranler. Cette femme, c'est Jeanne qui est l'intendante française, alsacienne, du maréchal Pétain. C'est elle qui le bouscule et qui va l'obliger à se confronter à ses contradictions et à les résoudre.

Philippe Chauveau :
Au-delà des drames qui se sont joués, le second conflit mondial reste une source inépuisable pour un romancier ?

Pierre Assouline :
Oui. Pas seulement la guerre, mais l'Occupation elle-même. C'est inépuisable car c'est un tel concentré d'émotion, d'espoir, de désarroi, de haine, d'envie, de solidarité, de tout l'arc-en-ciel des sentiments.

Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Pierre Assouline. Votre actualité, c'est un gros coup de coeur en ce qui me concerne et c'est aux éditions Gallimard.

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  • PORTRAIT
  • LE LIVRE
  • L'AVIS DU LIBRAIRE
  • Pierre Assouline est un incontournable dans le monde littéraire français. Membre de l'Académie Goncourt, on lui doit de nombreux ouvrages, romans, essais, biographies, mais il anime aussi un blog littéraire « La république des livres » dans lequel il prouve son intérêt pour la littérature et ses paires. Éclectisme est un mot qui caractérise bien l'écriture de Pierre Assouline. Ses biographies évoquent des personnages aussi différents que Simenon, Hergé, Marcel Dassault ou Gaston Gallimard. Outre des reportages, des...Sigmaringen de Pierre Assouline - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Bonjour Pierre Assouline. Vous êtes biographe, romancier, journaliste, critique littéraire. Est-ce qu'il y a plusieurs Pierre Assouline ou est-ce le même personnage à chaque fois ?Pierre Assouline :C'est une seule et même activité. C'est lire et écrire. C'est la même personne qui fait tout ça et c'est une activité qui me paraît avoir une profonde unité parce que lire et écrire c'est un peu la même chose. Il n'y a pas d'écrivain qui ne soit pas un lecteur d'abord et qui continue à être un lecteur. Donc...Sigmaringen de Pierre Assouline - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau :Dans ce nouveau roman « Sigmaringen » que vous publiez chez Gallimard, c'est un morceau de notre histoire nationale que vous évoquez, mais c'est surtout aussi une situation ubuesque. Nous sommes à la fin de l'été 44, Hitler dégage les Hohenzollern de leur château pour y installer le maréchal Pétain et son ministre Pierre Laval. Et on va assister à cet univers un peu bizarre de fin du monde entre Pétain, Laval et tout ça sous les yeux d'un majordome qui a vécu plusieurs années dans ce château de...Sigmaringen de Pierre Assouline - Le livre - Suite
    Pascal Pannetier Librairie BHV / Marais ParisLe roman « Sigmaringen » de Pierre Assouline aux éditions Gallimard est à lire et est conseillé par la librairie BHV Marais parce que ce livre nous fait découvrir en tant que lecteur un fait historique méconnu : la guerre intérieure que ce sont livrés les collaborateurs français entre eux pour un pouvoir qu'ils n'ont déjà plus, qui font de Sigmaringen une improbable enclave française en territoire allemand. Et ce fait que je ne connaissais pas - et je pense que je ne suis pas...Sigmaringen de Pierre Assouline - L'avis du libraire - Suite