Nathalie Cohen

Nathalie Cohen

Un fauve dans Rome

Portrait 00'07'30"

Philippe Chauveau
Bonjour Nathalie Cohen.

Nathalie Cohen
Bonjour.

Philippe Chauveau
Vous êtes en librairie avec ce livre publié chez Flammarion, Un fauve dans Rome. On va parler beaucoup dans ce livre de Néron. On va partir dans l'Antiquité, dans la Rome antique. C'est un univers que vous connaissez bien puisque vous-même vous avez fait des études de grec et de latin, que vous enseignez d'ailleurs encore aujourd'hui. Pourquoi cette appétence pour l'Antiquité ?

Nathalie Cohen
Au départ, je le dis, je l'ai dit dans un petit essai. Au départ, c'était pour être débarrassée de la période contemporaine. J'avais et j'avais envie d'un monde d'avant Jésus-Christ. Et puis, au fur et à mesure, je me suis rendue compte que cette période, que ces Grecs et ces Romains étaient en permanent dialogue avec notre civilisation, la civilisation judéo chrétienne. Et j'y suis retournée avec plaisir et avec curiosité aussi.

Philippe Chauveau
Est-ce qu'il y a eu aussi des influences, peut-être à l'adolescence ? Est-ce qu'au collège et au lycée, vous avez eu des professeurs qui vous ont donné envie de vous intéresser à l'Antiquité, au monde grec, au monde romain ? Ou est-ce que ce sont peut-être vos racines familiales aussi qui vous donnent cette envie ? Pourquoi ?

Nathalie Cohen
Alors plusieurs choses. Les racines familiales, oui. C'est-à-dire que, comme mes parents viennent de Tunisie, la civilisation méditerranéenne m'a toujours fascinée. Donc j'ai retrouvé ça chez les Grecs et les Romains. Et il faut aussi savoir que je me suis rendue compte que le judaïsme était en dialogue permanent avec la civilisation grecque et romaine. Par exemple, dans le judaïsme, on a cette fête qui est la fête des Lumières, qui s'appelle Hanoukka et qui est en fait la fête de dédicace du temple. Et donc, ça fait quoi ? Ça fête le fait qu'en -164 les juifs ont résisté contre les Grecs de Syrie, les Séleucides héritiers d'Alexandre le Grand et ils ont réussi, entre guillemets, à repurifier leur temple. Donc cette fête là, donc, cette fête de la dédicace de Hanoukka, discute avec les Grecs. Et puis, dans le judaïsme, vous avez aussi un moment en août, juillet-août où on déplore la destruction du deuxième temple. Et ça, c'est Titus qui a détruit le deuxième temple en 70 après l'ère chrétienne. Donc, en fait, mes racines juives, mes racines méditerranéennes déjà étaient en dialogue permanent avec les Grecs et les Romains, donc j'ai du m'y retrouver.

Philippe Chauveau
Vous avez été amenée à enseigner le latin et le grec à différentes tranches d'âge, et notamment les collégiens actuellement. Pourquoi ce goût de la transmission ? Qu'aimez-vous ? Pourquoi aimez-vous faire partager cette passion ?

Nathalie Cohen
J'ai du mal à penser qu'on peut savoir qu'on peut s'approprier quelque chose, qu'on peut savoir quelque chose sans le transmettre. C'est compliqué. Tout ce que j'ai fait dans ma vie, l'enseignement, l'écriture et même, j'ai fait les cours Simon au théâtre, tout ce que je fais dans ma vie, un peu de journalisme aussi, c'est vers la transmission. Tout ce que je sais, tout ce que je peux, je veux le transmettre. Donc je pense que c'est une question de personnalité. Et puis aussi un rapport au livre. Finalement, les livres, ils sont faits pour être transmis. On écrit pour quelqu'un, on n'écrit pas pour soi même ça. On peut écrire pour soi-même dans un journal intime. Mais quand on veut être publié, on veut transmettre. Voilà, c'est une façon d'être.

Philippe Chauveau
Justement, puisque vous parlez des livres, quels ont été vos grandes rencontres littéraires ? Que ce soit des auteurs classiques ou des auteurs contemporains ? Quels sont les livres qui vous ont fait grandir ?

Nathalie Cohen
D'abord, les livres m'ont protégée. Avant de me faire grandir, ils m'ont préservée. Comme beaucoup de gens, les enfants peuvent être un peu maltraités par leur histoire familiale. Et moi, je me suis évadée par les livres. Alors, qu'est-ce qui m'a marquée quand j'étais enfant ? J'ai lu tous les romans d'Agatha Christie et ça, oui. Toutes les enquêtes policières. J'ai été marquée aussi par un roman que j'ai lu, alors je n'étais pas encore en sixième, La Planète des singes. Donc voilà, ça m'a fait grandir. Après, il y a eu la littérature classique, tout ce qui est théâtre. Et mon romancier de prédilection, c'est Balzac. C'est le romancier du réel, c'est le patron. Voilà, au 19ᵉ. Après, je peux aussi lire des contemporains. Pascal Quignard, il y a des grands contemporains. Actuellement, j'ai une vraie prédilection pour Pierre Lemaître.

Philippe Chauveau
Qui est bien sûr lui aussi dans l'actualité. Avant de partir dans l'écriture romanesque, vous avez publié un essai, c'était aux Éditions du Cerf où justement, vous faisiez partager votre passion, une étrange rencontre, les Juifs, les Romains et les Grecs. Qu'avez-vous eu envie de nous dire dans ce livre ?

Nathalie Cohen
Donc, ce que je voulais expliquer, c'est comment de cette rencontre, même si c'est une rencontre fondée sur un malentendu entre les Juifs et les Grecs, il s'en est suivi le fait que Alexandrie, la ville fondée par Alexandre en Égypte, a été peuplée de Juifs et que ça a fait que vers 265 ou 285 avant l'ère chrétienne, la Torah, les 5 livres de la Torah ont été traduits en grec. Le grec est donc devenu une langue du sacré, ce qui a préparé le terrain à la diffusion forcément des Dix Commandements et du monothéisme. Et le terrain aux Évangiles. Donc, pour moi, c'est vraiment la clé de voûte de notre civilisation.

Philippe Chauveau
Avez-vous l'impression que notre époque contemporaine a encore besoin d'apprendre du monde antique ?

Nathalie Cohen
Elle en a besoin plus que jamais. En fait, je suis persuadée que dans l'Antiquité, il y a tout, tous les problèmes que notre époque rencontre sont dans l'Antiquité. Et d'ailleurs, récemment, j'avais une discussion avec des étudiants par rapport aux pronoms iel, donc cette neutralité ? Et ce n'est pas nouveau. On n'a pas besoin... La langue antique, par exemple, le grec et le latin utilisent le neutre pour définir les enfants et les adolescents. Donc moi je pense que l'Antiquité a abordé et réfléchi sur des problèmes. En fait, quand on se coupe de l'Antiquité, on se coupe de nos racines et on se coupe de certaines solutions pour aborder les problèmes contemporains.

Philippe Chauveau
Après le premier essai que nous avons évoqué, vous avez eu envie de vous lancer dans l'écriture romanesque en nous faisant suivre les aventures d'un personnage récurrent dont on va parler évidemment, c'est Marcus, où on retrouve d'ailleurs un peu votre goût pour Agatha Christie parce qu'on est un peu dans le temps du polar. Est-ce qu'on pourrait imaginer, puisque là vous avez envie avec ce personnage, de faire une sorte de saga sur plusieurs titres, est-ce que néanmoins, plus tard, vous auriez envie, en tant que romancière, d'aborder d'autres périodes et pourquoi pas notre époque contemporaine ? Ou est-ce que finalement vous vous dites "moi mon truc, c'est vraiment le monde antique, je resterai là bas" ?

Nathalie Cohen
Je pense que je suis quelque part une antiquité. Je crois que je pense que j'ai vraiment un rapport avec le monde antique, mais oui, il y a d'autres périodes qui m'intéressent. Déjà, dans l'Antiquité, il y avait une période que j'avais très très envie d'aborder, c'est justement -285, c'est-à-dire la traduction, la fameuse traduction à Alexandrie, qui est assez mystérieuse, de la Torah, donc de l'hébreu au grec. Et j'ai aussi envie de m'intéresser au Moyen Âge, mais je pense être profondément antique quand même.

Philippe Chauveau
Et puis l'Antiquité dure très longtemps, donc ça, ça ouvre le champ des possibles de toute manière.

Nathalie Cohen
Oui, vous en avez jusqu'en 476, et puis autre, oui.


Philippe Chauveau
C'est votre actualité. Nathalie Cohen, Un fauve dans Rome, c'est aux éditions Flammarion.

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