Alexandre Postel

Alexandre Postel

Un automne de Flaubert

Portrait 00'06'00"

Philippe Chauveau Bonjour Alexandre Postel.

Alexandre Postel Bonjour.

Philippe Chauveau Votre dernier livre en date, Un automne de Flaubert. Ça tombe bien, nous sommes dans cette actualité avec les feuilles des arbres qui commencent à joncher les trottoirs. On va parler de Flaubert, mais on va au préalable parler un petit peu de vous. On avait fait connaissance avec un premier livre. C'était un homme effacé. Prix Goncourt du premier roman. C'était en 2013. Depuis L'ascendant, Deux pigeons, voilà votre quatrième opus, toujours chez Gallimard. Comment vivez-vous ce parcours, ce sillon que vous tracez à votre façon, tout en discrétion et en élégance ? Comment vivez-vous cette vie de romancier ?

Alexandre Postel Je ne sais pas si j'ai le recul nécessaire pour vraiment apporter une réponse à cette question. En fait, je ne suis pas sûr, je n'ai pas forcément conscience d'avoir une vie de romancier. Voyez ce que je veux dire, c'est que les livres se succèdent. Je m'aperçois, moi, où il me semble percevoir en eux, entre eux, des rapports, des rapports assez discrets qui ne sont pas peut-être absolument évidents, mais qui me semblent quand même assez sensibles. Et c'est surtout un grand plaisir à chaque fois... Ce n'est pas une question de désir d'écrire un livre, mais quand finalement, on arrive à se lancer dans un projet... Ce n'est même pas non plus un choix parce que ce n'est pas uniquement une question de volonté. Mais c'est quand ça parvient à coller entre un des nombreux projets qu'on a en tête et la disposition du moment, et on bascule dans cet état comme ça, qui est toujours singulier, toujours différent et assez précieux, que j'aime beaucoup.

Philippe Chauveau Vous avez ce sentiment que c'est l'écriture qui vient à vous ? Ce n'est pas vous qui allez la chercher ?

Alexandre Postel Si, si, si, bien sûr, c'est toujours une projection et une activité. Je ne suis pas le réceptacle passif comme ça d'une inspiration qui me traverserait, mais je veux dire que ce n'est pas entièrement, complètement, et c'est ça qui est assez mystérieux. Ce n'est pas entièrement et complètement une affaire de choix, c'est-à-dire que les sujets, d'une certaine façon, s'imposent. On en a plusieurs en tête qui pourraient chacun faire un roman, une histoire. Mais il y a quelque chose qui n'est pas entièrement explicable sur le moment, qui fait que c'est sur tel sujet que va se porter finalement la projection, la volonté et que c'est celui-là qu'on va épouser d'une certaine façon, qui va se plier aux circonstances du moment, à l'humeur, qui va répondre à un besoin et réveiller un désir.

Philippe Chauveau Je me permets juste de faire une petite parenthèse. Ce livre, Un automne de Flaubert, est sorti juste avant la période dite de confinement et parallèlement, votre éditeur Gallimard, vous a proposé d'écrire un texte sur cette période et sur ce qu'apportait l'écriture à l'auteur que vous êtes. Comment l'avez-vous vécu cette période ? Est-ce que l'écriture a été salvatrice ? Est-ce que finalement, elle vous a aidé à passer ce confinement ou était-elle déjà présente du même niveau ?

Alexandre Postel Non. En fait, dans ce texte, j'ai d'ailleurs un peu botté en touche sur cette question que je trouvais comment dire... à laquelle il me semblait difficile de répondre.

Philippe Chauveau Vous vous êtes mis en marge d'autres auteurs.

Alexandre Postel Oui, et d'ailleurs, dans mon souvenir, il y avait une exergue, une citation de Flaubert au début de mon texte qui invitait finalement à copier en disant : Copions, copions. C'est une citation de Bouvard et Pécuchet. C'est encore la meilleure chose à faire en substance. C'est-à-dire, justement, c'était un pas de côté en fait, je racontais plutôt comment je recopiais mes attestations à l'époque où il fallait...C'était une manière de ne pas me confronter ou d'éluder finalement cette question de l'effet du confinement sur l'activité littéraire. Question que je préfère encore éluder d'ailleurs, parce qu'il me semble que les réponses se font sentir plus sur un peu plus sur le long terme.

Philippe Chauveau Je ne trahis aucun secret en disant que vous avez une autre vie. Il y a Alexandre Postel, le romancier. Il y a aussi le professeur de lettres que vous êtes, notamment pour les classes préparatoires. Est-ce le même homme ? Ou avez-vous l'impression qu'il y a bien deux casse-têtes, deux casquettes distinctes.

Alexandre Postel Deux casse-tête aussi peut-être, mais il y a une communication en particulier, là, quand je fais un livre qui porte sur un auteur, qu'on étudie en classe, etc. Enfin, clairement, ma fréquentation de Flaubert aussi et mes tentatives d'expliquer cet auteur ou d'en parler à des étudiants vient éclairer peut-être d'une certaine manière l'écriture de ce livre, mais néanmoins, ça reste, je pense, assez, comment dire, assez scindées, je pense. Le niveau de rêverie et de fantasme auquel se situe la création littéraire, fort heureusement, n'est pas tout à fait celui d'un professeur. Ça reste un peu plus contrôlé, quand c'est dans le cadre d'une activité pédagogique, et qu'on parle à des jeunes gens.

Philippe Chauveau Je le disais, c'est votre quatrième titre depuis Un homme effacé en 2013, L'ascendant et Deux pigeons. Y aurait-il un fil rouge sur ces quatre titres ? Les sujets sont quand même très divers. L'écriture a évolué au fil du temps. Néanmoins, y a-t-il un fil rouge ?

Alexandre Postel Un fil rouge, je ne sais pas. Je dirais plutôt à un fil fantôme, comme dans le film qui porte ce titre en anglais, c'est-à-dire un fil assez discret qui serait plutôt dans le revers de la veste qu'apparant, dans la doublure. Et ce fil, il m'arrive de le sentir moi même quand j'essaie de réfléchir finalement à ce qui peut relier ces textes. Peut être une piste en tout cas, ce serait cet intérêt pour des personnages qui se trouvent qui se trouvent plongés, confrontés par souvent les circonstances, dans un état de rêverie en fait, finalement, et contraints à faire retour sur eux-mêmes, à la faveur ou à cause de circonstances qui les y obligent. Des personnages qui se trouvent dans des situations précaires, un peu fragiles, finalement, qui sortent d'une zone de vie quotidienne, de vie courante et qui, à la faveur de cette fragilité, en viennent à s'interroger à la fois sur eux-mêmes et puis peut-être à regarder le monde aussi un peu autrement, à atteindre une forme d'état de rêverie aussi.

Philippe Chauveau Est-ce votre cas lorsque vous prenez la plume ? En tous cas, lorsque vous prenez votre clavier, vous ressentez ce besoin de rêverie, cette fragilité qui vous pousserait à l'écriture ?

Alexandre Postel C'est plutôt un état de concentration quand on est vraiment en train d'écrire que de rêverie, mais en amont, dans la formation, dans la genèse d'un livre, je pense qu'il y a toujours un petit peu cette expérience d'une forme de fragilité, peut-être de repli en tous cas, et qui aboutit en effet à des états comme ça, oui, qu'on peut qualifier comme des états de rêverie et dont j'ai envie de garder la trace.

Philippe Chauveau Votre actualité, Alexandre Postel, chez Gallimard, Un automne de Flaubert.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • « En temps de crise, les écrivains s’interrogent sur la valeur de la littérature. Je suis pour ma part immunisé contre ces doutes et je peux certifier, sans forfanterie, que j’écris de mieux en mieux ». Voilà ce qu’écrivit Alexandre Postel quand son éditeur lui demanda au printemps dernier, ce qu’il ressentait lors du confinement.De fait, depuis son premier roman « Un homme effacé » en 2013, prix Goncourt du 1er roman, le jeune auteur trace discrètement son sillon avec régularité et efficacité. Dans ses deux...Un automne de Flaubert d'Alexandre Postel - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau Bonjour Alexandre Postel. Alexandre Postel Bonjour. Philippe Chauveau Votre dernier livre en date, Un automne de Flaubert. Ça tombe bien, nous sommes dans cette actualité avec les feuilles des arbres qui commencent à joncher les trottoirs. On va parler de Flaubert, mais on va au préalable parler un petit peu de vous. On avait fait connaissance avec un premier livre. C'était un homme effacé. Prix Goncourt du premier roman. C'était en 2013. Depuis L'ascendant, Deux pigeons, voilà votre quatrième opus, toujours...Un automne de Flaubert d'Alexandre Postel - Portrait - Suite
    Philippe ChauveauDans ce qui est votre quatrième roman, Alexandre Postel, nous retrouvons ce personnage de Flaubert. On sent que vous l'aimez beaucoup. Flaubert. Avec ses failles, ses complexités. Il n'a pas le moral, Flaubert lorsqu'on le retrouve, il décide de partir à Concarneau, de quitter la Normandie où ça ne se passe pas bien avec sa nièce et son époux. Il choisit de rejoindre Concarneau. Comment est-elle née, cette histoire ? Pourquoi vous êtes vous intéressé à ce moment précis de la vie de Flaubert ? Alexandre...Un automne de Flaubert d'Alexandre Postel - Livre - Suite