Amélie Cordonnier

Amélie Cordonnier

Pas ce soir

Portrait 00'07'03"

Philippe Chauveau
Bonjour Amélie Cordonnier.

Amélie Cordonnier
Bonjour à vous.

Philippe Chauveau
Vous êtes dans l'actualité de ce début d'année 2022 avec ce qui est votre troisième roman, Pas ce soir, c'est aux éditions Flammarion. On va parler de ce livre. On va parler des deux précédents titres qui sont sortis respectivement en 2018 et 2020. Puis on va parler de vous un petit peu aussi. Lorsque vous n'êtes pas romancière, vous êtes journaliste littéraire. Ce qui veut dire que les livres, finalement, font partie de votre vie. C'est le sel de votre vie. La lecture et la littérature ?

Amélie Cordonnier
Exactement. Je passe ma vie dans les livres, soit pour les lire, soit pour écrire, et les textes traversent mon quotidien. Et d'ailleurs, je crois aussi beaucoup à l'écriture.

Philippe Chauveau
Pourquoi cette appétence pour la lecture ? Est-ce que déjà, toute gamine, vous étiez toujours dans les livres ? Vous aimiez qu'on vous raconte des histoires ? Il y a eu un enseignant qui, peut-être, vous a donné le goût de la lecture. Pourquoi ? Pourquoi l'écrit dans votre vie ?


Amélie Cordonnier
Je ne sais pas. C'est une question. C'est une réponse très banale que je vais vous faire. Mais j'ai eu cette chance, oui, d'ouvrir les livres quand j'étais petite. Il y en a toujours eu chez moi. J'ai toujours vu ma mère lire, même mon grand père qui lui, était agriculteur et qui ne lisait peut-être pas les livres que je lis aujourd'hui, je l'ai toujours vu lire. Quand il avait envoyé sa machine avec le blé à moudre, il ouvrait son livre, écrit en gros caractères, et c'était souvent des personnes qui s'embrassaient sur la couverture. Et je ne sais pas, j'ai eu cette chance là. J'aime les livres qui me dérangent moi en fait, les livres qui me remuent, les livres qui me secouent, qui me font réfléchir aussi. Et je crois que c'est ça que j'essaie de faire à mon tour quand j'écris.

Philippe Chauveau
Avez-vous un souvenir lorsque vous étiez ado, jeune adulte du premier livre qui vous a secouée et qui vous a dérangée, qui vous a chamboulée ? Est-ce qu'il y a eu un livre marquant ?

Amélie Cordonnier
Oui, il y a eu un livre marquant dans ma vie qui ne m'a pas forcément dérangée, mais en tout cas par lequel j'ai découvert ce qu'était le désir. C'est L'amant de Marguerite Duras. C'est sa langue, surtout sa langue et ses mots, qui me sont vraiment entrés dans la chair. Après, j'ai lu tout Duras. Et cette voix ne m'a jamais quittée, je crois.

Philippe Chauveau
Vous êtes aujourd'hui romancière, mais il y a aussi la journaliste qui est devenue journaliste littéraire. Ça a été un cheminement avant que vous ne vous autorisez à prendre vous même la plume ? Ou finalement, est-ce que le fait de devenir à votre tour auteur, ça vous tombe dessus d'un seul coup ?

Amélie Cordonnier
Ça, c'est une très bonne question que vous me posez, Philippe, parce qu'en fait, j'ai longtemps cru que je ne ferais toute ma vie que de m'occuper des mots des autres et c'était très bien comme ça. Et puis, un jour, j'ai ressenti quand même une urgence. Il y a un publicitaire que je ne nommerais pas qui dit qu'on n'a pas réussi sa vie avant 50 ans si on ne porte pas une Rolex. Et moi, j'avais 38 ans et je me suis dit "maintenant, ça serait bien d'écrire un premier roman avant 40 ans". Et j'avais ce sujet qui me tenait à coeur, dont j'ai parlé dans Trancher. J'avais à cœur d'essayer d'écrire, c'est ça, le défi sur une violence qui ne laisse pas de traces.

Philippe Chauveau
Justement, revenons sur sur ce premier livre en 2018. Vous le disiez. Vous aimez vous même lire des livres qui dérangent et c'est ce que vous essayez aussi de faire plus ou moins directement dans vos romans. Trancher, c'est aussi le portrait d'une femme, d'une femme mal dans sa vie tranchée.

Amélie Cordonnier
Trancher c'est un livre qui est écrit à la deuxième personne du singulier. Je dis "Tu". Je suis dans la tête de cette femme quand le roman commence, en fait. Cela faisait des années que son mari ne l'avait pas insultée. Puis, un jour, sans prévenir, à la table du petit déjeuner, les mots tombent, la violence ressurgit. Les mots tombent comme des couteaux devant ses enfants. Et à ce moment là, elle se dit que ce n'est plus possible. Sept ans plus tard, les enfants ont grandi et elle se dit qu'il faut prendre une décision, partir ou rester. Mais les choses se sont compliquées parce que cet homme, elle l'aime. Et puis, par ailleurs, il est aussi quand même un bon père. Il fait de réels efforts pour endiguer cette violence verbale et donc on vit avec elle dans sa tête durant les 13 jours où il faut prendre une décision. Mais c'est parce qu'il y a des scènes de grande tendresse qui se succèdent à des scènes de violence, que pour elle, il est si douloureux d'imaginer devoir le quitter.

Philippe Chauveau
Et puis après, il y avait eu en 2020 cet autre titre, Un loup quelque part. Là c'était encore un portrait de femme. Une femme qui avait un peu de mal avec une nouvelle maternité, qui ne se reconnaissait pas dans ce nouvel enfant. Sujet délicat, là aussi.

Amélie Cordonnier
Oui, en fait, ce qui m'intéresse, c'est de tenter d'entrer dans l'intimité de la famille. Qu'est-ce qui se passe dans la maison chauffée une fois qu'on a fermé la porte. Donc j'avais commencé avec Trancher justement à ouvrir la porte et parler de la violence verbale au sein du couple. Et là, je me suis intéressé avec Un loup quelque part, à la maternité, à l'instinct maternel. On fait toujours comme s'il allait de soi, mais moi, je n'en suis pas certaine. Au fond, quelle mère n'a pas un jour eu peur de ne pas réussir à aimer son enfant ? Quelle mère, un jour, n'a pas eu peur que son enfant ne lui ressemble pas ? Et donc, là, j'ai voulu, j'ai raconté l'histoire d'une mère qui perd pied, qui s'enfonce à mesure que son enfant fonce. En fait, cette mère, elle a eu une première fille qu'elle n'a jamais eu aucun mal à aimer. Et puis, sept ans plus tard, ce n'était pas prévu. Mais elle a un petit garçon prénommé Alban. Tout va bien. Jusqu'au jour où elle découvre une petite tache dans son cou, oui. Et un jour, d'autres tâches se multiplient. Il lui faut bien se résoudre à admettre cette chose qui paraît incroyable, c'est que son enfant est en train de changer de couleur. Et le pédiatre, chez qui elle se précipite, paniquée, lui dit que son enfant est métisse. La terre s'ouvre sous ses pieds et en fait, on vit dans la tête de cette femme qui va éprouver du dégoût pour son enfant, qui est perdue. Et donc, avec ce livre j'avais à cœur de parler de la solitude assez insoupçonnable qui peut entourer la maternité.

Philippe Chauveau
Pour reprendre ce que vous disiez tout à l'heure, à défaut d'avoir une montre de marque au poignet puisque vous n'avez pas encore 50 ans, vous êtes devenue romancière puisque c'était la mission que vous vous étiez assignée, ça vous rend heureuse, l'écriture aujourd'hui ?

Amélie Cordonnier
Oui, surtout moi, ce que la littérature m'a apporté, en fait, c'est une grande force et de la confiance aussi. C'est, comment dire, c'est l'histoire d'une rencontre. J'aurais pu ne jamais le faire. Et mon Dieu, quelle chance en fait de m'être rendue compte que oui, l'écriture était bien là dans ma vie.

Philippe Chauveau
Et pour les lecteurs, c'est une belle rencontre aussi. Continuez comme ça. Amélie Cordonnier, c'est votre troisième titre. Ça s'appelle Pas ce soir chez Flammarion.

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  • LIVRE
  • Elle a l’habitude de côtoyer les écrivains et passe son temps dans les livres. Amélie Cordonnier est effectivement journaliste littéraire en presse magazine. Mais c’est bel et bien l’auteur que nous recevons aujourd’hui.Elle publie effectivement ce troisième roman « Pas ce soir » aux éditions Flammarion.Comme elle le dit elle-même, dans ses romans, Amélie Cordonnier aime interpeller, déranger, dérouter par des sujets souvent tabous ou inavoués. Ou comme elle le dit, imaginer ce qui se passe dans la vie des gens...En garde d'Amélie Cordonnier - Présentation - Suite
    Philippe ChauveauBonjour Amélie Cordonnier.   Amélie CordonnierBonjour à vous.   Philippe ChauveauVous êtes dans l'actualité de ce début d'année 2022 avec ce qui est votre troisième roman, Pas ce soir, c'est aux éditions Flammarion. On va parler de ce livre. On va parler des deux précédents titres qui sont sortis respectivement en 2018 et 2020. Puis on va parler de vous un petit peu aussi. Lorsque vous n'êtes pas romancière, vous êtes journaliste littéraire. Ce qui veut dire que les livres, finalement, font partie de...En garde d'Amélie Cordonnier - Portrait - Suite
    Philippe ChauveauC'est donc votre troisième titre, Pas ce soir, Amélie Cordonnier, puis il ya ce bandeau qui dit beaucoup de choses, cette main qui est lascivement posée sur sur l'oreiller. On va découvrir cet homme, cet homme dont vous nous racontez cette histoire. Cet homme d'une quarantaine d'années, puis il y a aussi le personnage féminin d'Isa. Je précise simplement que dans vos deux précédents titres, Trancher, Un loup quelque part, c'était des personnages de femmes. C'étaient les femmes qui étaient au cœur. Là, c'est...En garde d'Amélie Cordonnier - Livre - Suite