François-Xavier Ménage

François-Xavier Ménage

Les têtes baissées

Portrait 00'08'19"


Philippe Chauveau
Bonjour François-Xavier Ménage.

François-Xavier Ménage
Bonjour.

Philippe Chauveau
Vous êtes dans l'actualité du livre chez Robert Laffont avec ce qui est votre premier roman, Les têtes baissées, je dis premier roman volontairement, puisque on vous connaît davantage en tant que journaliste enquêteur reporter. Il y a eu la radio, aujourd'hui c'est plus la télévision. Vous êtes un visage de LCI et de TF1. Pourquoi l'envie du journalisme ? Est ce que c'est un rêve de gamin ou ça vous tombe dessus ?


François-Xavier Ménage
Pas du tout hasard. Quand j'étais petit, je voulais être médecin, plutôt pharmacien, avocat, chef cuistot, tout sauf journaliste. Et j'ai commencé à pratiquer le journalisme parce que si j'avais besoin d'un petit boulot le week end dans un petit journal local en Bretagne et en pratiquant, j'ai aimé et en aimant c'est devenu obsédant. Et après, j'ai fait une école de journalisme.


Philippe Chauveau
Qu'avez vous découvert dans le journalisme ? Est ce que, selon vous, c'est une autre vision de notre façon de voir le monde ? C'est la transmission ? Si vous deviez définir ce qu'est pour vous le journalisme et le journalisme que vous pratiquez vous même ?


François-Xavier Ménage
C'est le réel. En tout cas, pour moi, évidemment, et je pense pour toute notre profession. Donc c'est témoigner. C'est le terrain, c'est la vérité du terrain, la religion du terrain, c'est la seule religion qui doit nous animer. Et puis, sans faire de sermons, je crois que c'est aussi l'intérêt général. Ça fait bizarre d'entendre ça en ce moment, mais on ne doit servir aucun intérêt particulier.


Philippe Chauveau
Vous êtes parfois en plateau, en présentation, mais vous êtes aussi très souvent sur le terrain et vous êtes souvent sur les zones de conflits, sur les endroits du monde ou ça va mal. Est ce un choix ? Est-ce que pour vous, il y a un côté très noir dans votre vision du monde ? Ou c'est parce que ce sont vos rédacteurs en chef qui vous envoient sur c'est sur ces endroits là ?


François-Xavier Ménage
Non, on choisit, on choisit. Évidemment, je suis pas le seul à réfléchir comme cela. Moi, j'ai la chance d'être grand reporter, grand reporter ça veut tout dire et rien dire, évidemment, au quotidien vous ne faites pas du grand reportage tous les jours. D'ailleurs, je suis pas sûr que ce mot ait beaucoup de sens. Mais pour parler de l'Ukraine, par exemple, j'ai levé la main pour dire que je voulais y aller. Et c'est un choix que l'on fait et qui est éminemment moins difficile que ceux qui vivent sous les bombes et qui n'ont rien demandé, qui sont des civils. Et je pense qu'il faut l'avoir en tête malgré les drames, parce qu'à un instant on se parle, on est à huit journalistes dont deux Français qui sont morts en Ukraine et on pense à eux, bien sûr. Mais c'est une profession ou on choisit. Ça ne veut pas dire que c'est simple, évidemment, mais c'est la plupart du temps, c'est quelque chose qui nous anime effectivement.


Philippe Chauveau
Excusez moi d'employer des grands mots, mais lorsque l'on est confronté comme ça à la misère du monde en tant que journaliste, comment fait on pour se protéger, pour se préserver, pour croire encore en des lendemains qui chantent ?


François-Xavier Ménage
D'abord, moi, j'essaye de me concentrer tout le temps sur le reportage que je dois faire, qui vous évite parfois de dévisser. Parce que c'est facile de dévisser et de se dire que les atrocités sont telles qu'il n'est pas possible d'avancer, et on garde foi parce qu'en vérité, il y a, il y a des étincelles, des étincelles... de joie, ça paraît bizarre à entendre quand on est en Ukraine,

Philippe Chauveau
Mais de vie, en tout cas ?

François-Xavier Ménage
Mais de vie en tout cas, voilà ce que ça a de plus intense. Et je vous donne juste un exemple, quand on était sous les bombes à Kiev dans la partie ouest de la ville, en banlieue ou vraiment c'était pilonné. On a vu des scènes, notamment une femme de 80 ans qui vivait dans un salon de coiffure parce que sa maison avait été détruite. Elle refusait de quitter les lieux et nous expliquait pourquoi cet attachement à la terre et l'attachement à l'endroit ou elle avait grandi était quelque chose qu'elle ne pouvait pas quitter. Et il y avait une intensité dans ces mots et on se dit à ce moment précis qu'on a peut être réussi à dépeindre une scène qui dit énormément. Et dans ces cas là, on se dit qu'on a servi à quelque chose.


Philippe Chauveau
C'est le romancier que je reçois aujourd'hui, puisque c'est votre votre premier roman. J'ai bien compris que le journalisme avait commencé par la presse écrite dans cette rédaction, en Bretagne, ça veut dire que l'écriture a quand même toujours été quelque chose qui vous a plu ? Même déjà au collège ou lycée, étiez vous un bon littéraire ? Et puis, est-ce que la littérature a très tôt fait partie de votre vie ? Ou non, pas du tout ?


François-Xavier Ménage
Non, non, non et non. En vérité, je me faisais engueuler par ma mère parce que je lisais pas assez. Et à la maison, ce n'était pas moi le meilleur lecteur. J'ai toujours lu un peu, mais quand j'ai commencé le journalisme, ce n'était pas du tout pour l'écriture. C'était d'abord ce que je vous dis, j'avais besoin d'un petit boulot. Et ensuite, j'ai trouvé passionnant de raconter des histoires. Mais ce n'était pas sous la forme de l'écrit que je trouvais mon bonheur, c'était dans les rencontres. Le plaisir de l'écriture il est venu, vous allez voir comme c'est tordu par le biais de la radio, par le biais d'une revue de presse, par le biais d'une femme qui s'appelle Pascale Clark, qui écrivait si brillamment ses revues de presse que même bourré, me couchant à 6 h du matin, étudiant, je mettais mon réveil à 8 h et demie pour être sûr d'entendre ce talent d'écriture. Parce que pour moi, c'était vraiment un exercice d'écriture Et à cet instant là, je savais que je voulais être journaliste et j'ai compris par son biais, donc je la remercie infiniment, que l'écriture pouvait me transporter. Mais l'écriture radio, vous voyez comme ensuite les choses sont arrivées de manière inverse pour qu'ensuite je prenne énormément de plaisir à écrire et à lire.


Philippe Chauveau
Alors je vous pose ces questions parce que l'écriture est bel et bien présente dans ce qui est votre premier roman. Juste un petit mot sur le précédent livre en 2016, cette enquête sur Fukushima. Pourquoi était-ce important pour vous ? Vous avez couvert Fukushima dès 2011 et puis cinq ans après, vous faites un livre d'enquête. Pourquoi raconter ? Pourquoi était-ce important pour vous de faire un témoignage par un livre ?


François-Xavier Ménage
D'abord parce que j'ai laissé une partie de mon cerveau là bas. Comme je le dis toujours. C'est à dire que cette catastrophe était tellement intense que j'ai été avalé par cette catastrophe. Étant entendu par ailleurs que je suis passionné du Japon depuis depuis très longtemps et que ça touchait aussi à ma passion. Et ensuite, j'ai voulu y revenir de manière obsessionnelle à plusieurs reprises. À l'époque, j'étais grand reporter chez BFM et à l'issue d'un quatrième déplacement là bas, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir de retour à Paris et repartir dans la foulée là bas. Et donc, je me suis dit Je vais essayer d'écrire un livre. Et quand on parle des conséquences à 10, 20, 50, 100 ans, quand on sait que ce sont des dizaines et des dizaines de milliards qu'il va falloir encore mettre sur la table pour qu'un jour, mais c'est à dire à un horizon de 400 à 500 ans, il n'y ait plus beaucoup de traces de cette catastrophe. On est face à l'immensité d'une tâche et on est tout petits en tant qu'être humain. Et je trouvais ce rapport important à décrire, modestement, évidemment, mais à décrire en se rendant plusieurs fois sur place. Et en continuant ce travail, c'est cinq ans d'enquête, effectivement dans cette zone rouge.


Philippe Chauveau
On l'entend, ce livre est important. Il est formateur et fondateur pour votre œuvre, pour votre parcours de journaliste. Et aujourd'hui, c'est la plume romanesque. Sans entrer dans le sujet des têtes baissées, pourquoi choisir la plume romanesque aujourd'hui, en 2022 ? Pourquoi cette envie ?


François-Xavier Ménage
Alors, Au départ là encore, pour comprendre un peu le contexte, je couvrais les problèmes liés au Covid. Et, rappelez vous, on a évoqué à ce moment là les professions invisibles qui devenaient visibles. Et par ailleurs, il y avait aussi quelque chose qui m'énervait. En vérité, c'est que la plupart du temps, il y a des territoires qui ne sont même plus représentés dans les médias, voire même parfois dans la littérature. Et donc, j'ai fait une jonction entre ces professions invisibles, en l'occurrence des travailleurs dans les abattoirs et des villages qui se sont évaporés dans l'inconscient collectif qui n'existe plus pour beaucoup. Et c'est à partir de là qu'est née ce roman. Et ensuite, c'est mon cerveau qui a travaillé.


Philippe Chauveau
Et vous auriez pu le faire sous forme d'enquête ?


François-Xavier Ménage
Tout à fait, et c'était ce que j'avais proposé au départ à mon éditeur qui me dit Tu vas faire un roman. Et j'ai commencé ce travail très égoïste. Je mettais parfois mon réveil tôt le matin pour ensuite faire mon travail de reporter. Donc je travaillais 1 h - 1 h et demie tous les jours devant mon écran. Et au tout début, le journaliste que je suis avait un cerveau qui bloquait, qui disait Mais tu n'as pas le droit d'écrire des choses qui ne se sont pas passées sous tes yeux, et donc j'ai bloqué quelques jours. Et puis heureusement, très vite, le cadenas a sauté. Ça a fait beaucoup de bruit dans la maison quand le cadenas a sauté. Et là a démarré un travail de pur égoïsme. J'étais face à mon histoire et il y avait plus rien qui existait. Et c'était un plaisir que je n'avais jamais connu et que je n'ai pas retrouvé depuis.


Philippe Chauveau
Et le plaisir est partagé. C'est donc votre votre premier roman ? François Xavier ménage les têtes baissées chez Robert Laffont.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Vous connaissez son visage, vous connaissez sa voix. François-Xavier Ménage fait partie de cette nouvelle génération de journalistes qui comptent, de ceux qui ont ce petit plus pour faire vibrer l’actualité. Il y eut RMC, M6, BFMTV et aujourd’hui LCI et TF1.  Si François-Xavier Ménage est parfois en plateau, à la présentation des journaux télévisés, on le voit plus souvent sur le terrain puisqu’il est avant tout grand reporter, sillonnant la planète pour envoyer images et interview afin de nous faire mieux comprendre...Les têtes baissées de François-Xavier Ménage - Présentation - Suite
    Philippe ChauveauBonjour François-Xavier Ménage. François-Xavier MénageBonjour. Philippe ChauveauVous êtes dans l'actualité du livre chez Robert Laffont avec ce qui est votre premier roman, Les têtes baissées, je dis premier roman volontairement, puisque on vous connaît davantage en tant que journaliste enquêteur reporter. Il y a eu la radio, aujourd'hui c'est plus la télévision. Vous êtes un visage de LCI et de TF1. Pourquoi l'envie du journalisme ? Est ce que c'est un rêve de gamin ou ça vous tombe dessus...Les têtes baissées de François-Xavier Ménage - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau Nous sommes donc dans une petite ville de province et le bandeau choisi par votre éditeur est frappant. Cette petite ville de province qui semble désertée. Il y a un abattoir "AgroPig", on abat des porcs. Et puis il y a tous ces invisibles qui travaillent. Il y a Emma, il y a Ronan, il y a Farid, il y a Carole. Et puis il y a aussi d'autres personnes qui gravitent autour. Il y a Bertrand, le Maire, il y a Marc, le patron, à la solde de cette grande société américaine, propriétaire de l'usine. On ne sait pas...Les têtes baissées de François-Xavier Ménage - Livre - Suite