Il n’a pas encore 30 ans mais il est déjà un nom reconnu dans l’univers littéraire. Dès son premier roman, « KO » en 2018, Hector Mathis a été remarqué par l’originalité de son écriture proche du langage parlé et du slam . Une écriture pleine de souffle et de musicalité pour parler de notre monde, de notre société avec une vision souvent désabusée et des personnages dans lesquels l’auteur se raconte lui-même.Après « Carnaval » en 2021, voici le nouveau titre d’Hector Mathis, « Langue morte ». Un...
Langue morte de Hector Mathis - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :
Bonjour Hector Mathis.
Hector Mathis :
Bonjour
Philippe Chauveau :
Nous vous accueillons pour cette actualité, Langue morte, aux éditions Buchet-Chastel, c’est déjà votre 3e titre. Il y avait eu K.O. en 2018, et Carnaval en 2020 et nous démarrons cette année 2022 avec cette nouveauté. Faisons un peu plus connaissance, il y a eu la chanson pendant un moment dans votre parcours, en tout cas l’écriture de texte, comment est arrivée cette envie ?
Hector Mathis :
L’envie d’écrire des...
Langue morte de Hector Mathis - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :
Ainsi donc, après K.O. et Carnaval, voici votre troisième roman Langue morte. Nous allons suivre un narrateur qui fait à rebours le chemin de sa vie, qui retourne sur les chemins de son enfance, de son adolescence, et qui nous fait partager des souvenirs. En parallèle ce sont aussi nos souvenirs puisqu’il y a des moments qui rappellent l’histoire de la société. Comment naît le projet de Langue morte ? Quelle a été votre envie en débutant l’écriture de ce troisième roman ?
Hector Mathis...
Langue morte de Hector Mathis - Livre - Suite
Hector Mathis
Langue morte
Présentation 00'01'48"Il n’a pas encore 30 ans mais il est déjà un nom reconnu dans l’univers littéraire. Dès son premier roman, « KO » en 2018, Hector Mathis a été remarqué par l’originalité de son écriture proche du langage parlé et du slam . Une écriture pleine de souffle et de musicalité pour parler de notre monde, de notre société avec une vision souvent désabusée et des personnages dans lesquels l’auteur se raconte lui-même.
Après « Carnaval » en 2021, voici le nouveau titre d’Hector Mathis, « Langue morte ». Un homme devant l’immeuble où il a grandi. Et les souvenirs affluent. Une famille aimante dans une banlieue parisienne, une famille où l’on sait la valeur des choses, un oncle paumé, un frangin prêt à faire les 400 coups et des grands-parents débordant d’affection. Et viennent aussi les souvenirs d’école, de vacances, des mercredis après-midi. Un monde enfui, un bonheur disparu, qui est passé tous feux éteints comme disait le poète. Et à l’âge adulte, quand on revient sur les lieux de l’enfance, les images sont là, parfois fantasmées quand le désappointement s’impose face à un monde en mutation où la langue, le dialogue et l’échange perdent peu à peu leur place.
Il y a dans le livre d’Hector Mathis une douce mélancolie pleine de poésie, une envie de raconter cette histoire simple, une façon de se délester des souvenirs et partir vers un ailleurs.
L’écriture est vive, rythmée, saccadée, dans l’urgence, à fleur de peau distillant beaucoup d’émotion mais sans sensiblerie ni misérabilisme.
Hector Mathis est assurément l’une des valeurs sûres de la nouvelle génération d’auteurs français.
Son nouveau livre est une réussite totale, « Langue morte » est publié chez Buchet-Chastel.
Hector Mathis
Langue morte
Portrait 00'06'58"Philippe Chauveau :
Bonjour Hector Mathis.
Hector Mathis :
Bonjour
Philippe Chauveau :
Nous vous accueillons pour cette actualité, Langue morte, aux éditions Buchet-Chastel, c’est déjà votre 3e titre. Il y avait eu K.O. en 2018, et Carnaval en 2020 et nous démarrons cette année 2022 avec cette nouveauté. Faisons un peu plus connaissance, il y a eu la chanson pendant un moment dans votre parcours, en tout cas l’écriture de texte, comment est arrivée cette envie ?
Hector Mathis :
L’envie d’écrire des textes de chansons, c’est parce qu’il y avait ce désir de rythme et de musicalité, et puis c’est quelque chose qui s’est présenté naturellement à moi. Et puis aussi la possibilité de se réunir, parce que la chanson c’est aussi quelque chose d’assez primitif qui permet la transe. Donc on était beaucoup à s’échanger des textes et à être dans cette émulation-là. Ensuite les poumons se développent un peu, on commence à avoir plus de souffle, et moi j’ai opté pour une écriture qui ne soit pas versifiée, parce qu’elle me permettait plus de liberté, et cette mise en scène qui est celle qu’on peut adopter pour le roman. Moi j’avais envie d’aller là. Mais tout s’est fait naturellement. Le désir d’écriture, je ne sais pas si c’est un désir, il n’y a pas eu de moment décisif ou de basculement. J’ai plutôt l’impression que c’est mon inclinaison naturelle, j’ai commencé à y entrer par l’oreille et par le fait de se marmonner des histoires, de se les chantonner soi-même quand on est gamin et puis de développer ça pour soi parce qu’on n’est pas tout à fait à l’aise dans l’existence, alors on bifurque, on la remet à sa sauce.
Philippe Chauveau :
« On n’est pas tout à fait à l’aise dans l’existence » Ça veut dire que dire que l’écriture a été salvatrice ?
Hector Mathis :
Une fuite en tout cas, c’est toujours cette fuite-là. Chacun son addiction. Je pense que quand on enlève son addiction à quelqu’un, on le dépossède de lui-même, on lui enlève ce qu’il est fondamentalement. Je pense que l’écriture c’est une fuite de plus, en tout cas, c’est la mienne, c’est ma pente à moi, c’est ma mauvaise manie.
Philippe Chauveau :
C’est une fuite par rapport au monde qui vous entoure ou par rapport à vous-même ?
Hector Mathis :
Par rapport à tout, je pense que c’est la vie dans laquelle il est difficile de se retrouver complètement. Si on n’est pas, comme disait l’autre, un tout petit peu détraqué, je pense qu’on n’écrit pas, on essaie de vivre autrement, de jouir un peu de la vie.
Philippe Chauveau :
Avant d’être un auteur, vous êtes et avez été un lecteur. Alors quels sont les autres détraqués dont vous avez eu les livres à portée de main ? Vos influences ?
Hector Mathis :
Il n’y a pas que des romanciers. Il y a des moralistes, des poètes, des philosophes et il y a aussi des peintres, des compositeurs. J’aime beaucoup Bach, ce n’est pas d’une originalité folle mais le génie, c’est le génie… En peintre, il y a Caravage et Soutine. En tant qu’auteurs, il y a La Rochefoucauld, Cioran, Céline, Dotstoievski, Kafka, il y a eu des auteurs un peu plus confidentiels comme Hyvernaud, comme Calaferte. Il y a eu les poètes aussi, Baudelaire, Rimbaud. Et en chanson, j’ai beaucoup aimé Brel, Ferré, Brassens, le trio infernal. Les textes qui sont musicaux, les auteurs qui sont un peu vitupérants me plaisent beaucoup aussi, Léon Blois par exemple.
Philippe Chauveau :
2018 c’est l’année durant laquelle on fait connaissance avec le romancier que vous êtes aujourd’hui avec K.O.. A quel moment avez-vous eu envie d’écrire en vous disant je veux être lu, je veux être publié ?
Hector Mathis :
Je suis d’accord avec vous, il y a une différence entre le fait d’écrire et le fait d’être publié. Être publié, je trouve que c’est un drôle de truc, qui procède d’un besoin de crier ça au monde alors que personne ne nous attend et qu’a priori personne n’a le désir de nous lire au départ donc c’est quelque chose d’assez curieux. C’est venu naturellement parce que j’ai écrit K.O. en une semaine juste après un arrêt maladie, et j’ai eu le désir, parce que j’ai senti qu’il y avait quelque chose d’à peu près abouti, de le donner à une maison d’édition, et il m’a été conseillé de le donner aux éditions Buchet-Chastel. Mais j’en ai eu le désir parce que je sentais que j’étais arrivé à peu près à la hauteur de ce que je voulais faire, et avant ce n’était pas le cas.
Philippe Chauveau :
Dans K.O., dans Carnaval, qui sont vos deux précédents titres, on parle de beaucoup de choses, vous abordez beaucoup de sujets, la société, l’état du monde et des choses qui vous sont un peu plus personnelles mais dans lesquelles chacun peut se retrouver. Et puis vous avez été remarqué par la qualité de votre écriture : des phrases courtes, percutantes, des mots qui empruntent parfois au langage parlé. Si vous deviez définir votre écriture et ce que vous aviez envie de transmettre par cette écriture qui vous caractérise ?
Hector Mathis :
J’ai le désir qui est cette musicalité-là, encore cette affaire de rythme et surtout qu’il y ait la puissance du langage parlé mais aussi la puissance et la vélocité de la pensée qui vient toujours entrer en collision avec le monde extérieur. J’espère qu’il y a cette percussion là parce que l’idée c’est d’arriver à faire en sorte que cette matière soit vivante et c’est sans doute le plus difficile avec le langage écrit. Alors il faut essayer de tricher, de transposer, de récupérer. Il y a des choses qui ne fonctionnent pas toujours bien, il y a des argots qui sont vite désuets, il faut emprunter au langage parlé avec parcimonie. Il faut essayer de le faire en reconstituant cette matière vivante à laquelle on est confronté tous les jours, et c’est délicat parce qu’on est en concurrence avec des forces qui sont beaucoup plus puissantes que nous, c’est-à-dire Netflix, le numérique. Pour réussir à émerger là-dedans, le lecteur ne doit pas être tout à fait passif, ce qui n’est pas toujours le cas quand il est face à l’audiovisuel. Donc il faut réussir à toujours l’accrocher, l’amener dans une rêverie, une ivresse, et le délire est important pour ça, il faut beaucoup délirer.
Philippe Chauveau :
Avec ce qui est aujourd’hui votre troisième titre, avez-vous l’impression d’être un peu plus apaisé ? Est-ce que le fait d’être entré en écriture vous a révélé a vous-même et fait qu’aujourd’hui vous abordez votre vie différemment ?
Hector Mathis :
Je pense qu’aujourd’hui je réussi à ne plus m’opposer au temps mais à composer avec lui, à permettre au texte de maturer, à le reprendre plus tard, à le laisser reposer, un certain nombre de choses, et ça relève d’un certain apaisement mais apaisé complètement non je ne crois pas, je suis toujours aussi nerveux.
Philippe Chauveau :
Votre actualité Hector Mathis, ça s’appelle Langue morte, vous êtes publié chez Buchet-Chastel.
Hector Mathis
Langue morte
Livre 00'07'01"Philippe Chauveau :
Ainsi donc, après K.O. et Carnaval, voici votre troisième roman Langue morte. Nous allons suivre un narrateur qui fait à rebours le chemin de sa vie, qui retourne sur les chemins de son enfance, de son adolescence, et qui nous fait partager des souvenirs. En parallèle ce sont aussi nos souvenirs puisqu’il y a des moments qui rappellent l’histoire de la société. Comment naît le projet de Langue morte ? Quelle a été votre envie en débutant l’écriture de ce troisième roman ?
Hector Mathis :
Il n’y a pas de méthode, pas de réflexion, pas de construction de plan, ça s’est fait très naturellement. J’ai l’impression que ce qui revient en permanence dans ce que j’écris, parce qu’il y a quelque chose d’assez organique, je n’ai pas le sentiment de choisir grand-chose, c’est ces deux temporalités à chaque fois qui se croisent, qui s’entremêlent, qui se séparent à des moments, qui reviennent. Il y a un écho avec quelque chose qui m’avait beaucoup intéressé chez Proust, cette idée du passé ressuscité et pas le fait de retourner dans le passé mais le fait que le passé éclate complètement dans le présent à travers les pavés chez Proust ou la madeleine qui est l’épisode le plus connu de la recherche du temps perdu. Et j’ai le sentiment que la mémoire est dans les lieux, que parfois on externalise complètement cette mémoire-là, et que les lieux en sont gorgés et qu’il font éclater par des sensations, par des odeurs, des couleurs, ces souvenirs-là, et qu’ils revivent dans le présent en permanence et qu’on ne vit pas forcément cette espèce de temps linéaire qui est la conception qui est la nôtre aujourd’hui, mais plutôt quelque chose de circulaire avec des réminiscences mais qui sont bien vivantes, c’est là-dedans que j’ai complètement basculé. Et naturellement, l’enfance est un matériau tellement foisonnant, tellement puissant, tellement intéressant que ça s’est imposé très naturellement.
Philippe Chauveau :
Le livre est construit en plusieurs chapitres qui sont finalement autant de flashbacks, puisqu’on va suivre cet enfant qui va devenir adolescent, on va le suivre sur plusieurs années. Et puis ce sera l’occasion de découvrir la banlieue, ce qu’il appelle sa grisâtre, d’aller dans la maison de la grand-grand-mère dans le sud, d’aller dans un camping en Vendée, de croiser les parents, de croiser le frère, de croiser la grand-mère… Est-ce que dès le départ vous aviez un plan très construit de votre livre ou finalement, est-ce que vous vous êtes laissé porter par ces personnages qui sont sans doute très proches de vous ?
Hector Mathis :
Je me suis complètement laissé porter, mais il y a une grille harmonique au départ, un peu comme les jazzeux, on sait a peu près ou on se situe, dans quelle tonalité. Il y avait quand même quelques passages incontournables où je savais qu’il fallait que j’aille. Mais sinon je me laisse une liberté totale. En revanche, je reprends beaucoup le texte, beaucoup plus qu’avant, mais je me suis laissé porter. Le portrait m’intéresse beaucoup. L’idée du tableau m’intéresse beaucoup donc il y a des scènes qui sont plus des tableaux à proprement parlé qu’un récit véritable.
Philippe Chauveau :
Votre narrateur est un jeune garçon qui cherche à comprendre quelle est sa place dans ce monde, dans cette société. A un moment vous lui faite dire « j’ai l’impression qu’ils étaient tous sur la même longueur d’onde, et moi dissonant. » Vous avez ressenti ça vous aussi, cette dissonance par rapport aux autres ?
Hector Mathis :
Oui, bien sûr, régulièrement, j’avais le sentiment d’être un peu perché ailleurs et de ne pas être complètement capable de jouir de la même chose, être toujours sur deux plans, deux niveaux, dans mon propre récit, ce que je me marmonne à moi, et en même temps-là, donc jamais complètement quelque part.
Philippe Chauveau :
Présentez-le-nous ce narrateur. Il vit dans une banlieue avec une famille plutôt aimante mais qui est-il finalement ?
Hector Mathis :
Il cherche, il se découvre, il est un observateur. Il est au milieu de ce monde-là et il n’y participe pas vraiment, il n’est pas vraiment acteur de tout ça. Il est pris au milieu de cette famille aimante, avec un père qui lui fait découvrir le théâtre au milieu de cette banlieue qu’il appelle la grisâtre parce qu’elle est très très laide, et en même temps de cette laideur va émerger aussi du sublime et quelque chose d’assez merveilleux. Et lui il est toujours en train de dessiner, de griffonner, d’écrire, de marmonner, il essaie de partir à la rencontre de son futur roman.
Philippe Chauveau :
Il se cherche, il sait qu’il y a quelque chose en lui mais il n’arrive pas à le déceler. Il va rencontrer sur son chemin des personnages qui vont le faire grandir, les professeurs, le personnage de la grand-mère, cet oncle Horace qui est un peu le paumé de la famille mais qui va lui apprendre les choses de la vie. Vous écrivez, c’est toujours le narrateur qui parle, « J’entendais le texte, il passait par le bas, me remontait des entrailles pour m’agiter le poignet. Mon petit bazar intérieur prenait enfin tout son sens. Alors qu’il demeurait jusqu’alors balbutiant, se glissant dans des croquis, des esquisses maladroites, de petits poèmes chétifs et inaboutis. Voilà que maintenant j’avais ma raison d’être. Mon vice. Ma confirmation. La véritable. Pas celle des professeurs, des amis ou de qui que ce soit d’extérieur. Ma confirmation à moi. J’étais bien soulagé, désormais. Je savais quoi faire. » C’est ce que vous avez ressenti lorsque vous vous êtes dit « c’est l’écriture qui va me faire vivre » ?
Hector Mathis :
Oui, lorsque j’ai compris, alors que c’était déjà là depuis un moment, même si quand on est gamin, ce n’est pas toujours formidable ce qu’on fabrique… Mais oui, il y a une sorte de soulagement parce qu’on sait que c’est le travail qu’on doit faire et maintenant il n’y a plus qu’à se mettre au boulot et le boulot ça sauve en plus, donc après, une fois qu’on sait quoi faire…
Philippe Chauveau :
Ça avance.
Hector Mathis :
Oui, tout à fait.
Philippe Chauveau :
Ceux qui ont lu vos précédents livres, K.O. et Carnaval, vont retrouver votre univers, vont retrouver votre écriture. Ceux qui ne vous connaissent pas peuvent vous découvrir dès à présent. Néanmoins, y a-t-il un fil rouge entre ces trois premiers titres ?
Hector Mathis :
Oui, il y a de choses qui reviennent, je dirais qu’il y a toujours la cavale, cette grande fuite, il y a la langue, je pense que c’est ce qui tient tout. Et effectivement un univers, qui s’enrichit. Je parlais de peintre tout à l’heure, j’aime l’idée qu’on se penche 1000 fois sur la même étude. Ou que les compositeurs multiplient les variations mais en fait, tout ça n’est pas gratuit. C’est parce qu’on est en train d’essayer d’arriver à la forme parfaite pour dire vraiment ce qu’on essaie de dire. Et je pense que je suis en chemin.
Philippe Chauveau :
C’est votre actualité Hector Mathis, c’est un livre magnifique avec votre écriture qui vous est propre et qui est une musique en soi. Ça s’appelle Langue morte, c’est un vrai coup de cœur en ce début d’année 2022, vous êtes publié aux éditions Buchet-Chastel. Merci beaucoup.
Hector Mathis :
Merci à vous.