Michel Onfray

Michel Onfray

La raison des sortilèges

Portrait 3'42

Bonjour Michel Onfray. Vous publiez aux éditions « Autrement », « La raison des sortilèges », livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, on va en reparler bien évidemment.
Mais parlons de vous au-préalable, le philosophe, la philosophie, quelle est sa place dans la société d'aujourd'hui, est-ce qu'il y a encore une raison d'être philosophe dans notre monde actuel ?
Plus que jamais. Il me semble plus que jamais. Il y a à peu près vingt-cinq siècles de présence de la philosophie dans la cité, alors oui on peut faire l'histoire de cette présence là, ce n'est pas la même chose d'être philosophe dans la Grèce de Platon,
dans la Rome de Lucrèce, dans le Paris de Descartes ou dans celui de Jean-Paul Sartre ou dans une France mondialisée contemporaine.
Donc, il y a de la place pour la philosophie, il y a de la place pour des philosophes, mais la présence de la philosophie dans la cité me semble intéressante et l'idée que l'on puisse la penser de manière démocratique,
c'est-à-dire la faire descendre dans la rue, sans qu'elle soit pour autant sur le trottoir, je dirais, et bien ça c'est quelque chose d'assez contemporain.
Vous même, comment la philosophie fait-elle son apparition dans votre vie, et plus largement, est-ce que la philosophie peut atteindre quelqu'un qui aujourd'hui ne se sent pas du tout concerné, est ce qu'on peut être happé par la philosophie du jour au lendemain ?
Ah oui, on peut, quand on est un enfant de milieu modeste, à la télévision, rencontrer un jour un philosophe. On peut encore plus facilement aujourd'hui sur le net rencontrer des philosophes ou dans des émissions comme la vôtre,
on n'est pas obligé d'aller à la Sorbonne, de montrer un papier pour entrer en disant : « Je peux, j'ai un diplôme. ». Non je pense qu'aujourd'hui on peut vraiment y accéder, et se dire « la philosophie va me permettre de me construire.
Je vais pouvoir devenir quelqu'un de droit, de debout, de vertical, parce que la philosophie va m'aider », c'est ce que j'appelle d'une certaine manière 'faire carrière dans son existence'.
Quel est le lien entre la philosophie et la littérature ? Est-ce que les deux univers sont liés, ou au contraire, est-ce qu'ils sont très étrangés l'un à l'autre ?
Ce qui est difficile avec la littérature contemporaine, un peu comme avec l'art contemporain ou avec tout ce qui est contemporain, c'est que l'on n'a pas le recul, donc j'ai du mal à me mouvoir dans la littérature contemporaine.
Je n'en lis pas beaucoup, en revanche, quand il s'agit vraiment de littérature, je dirais, quand on va voir La Pléiade, pour le coup c'est clair, l'écrémage c'est fait dans l'histoire, on a des grands livres de philosophie qui sont des romans.
On peut lire l'oeuvre complète de Schopenhauer, par exemple, et puis on peut aussi lire « Belle du seigneur », et comprendre que la pensée de l'amour chez Schopenhauer se trouve dans le roman magnifique d'Albert Cohen.
À mon avis un grand roman dit beaucoup plus de philosophie ou sur la philosophie que parfois un mauvais traité de philosophie.
Est-ce que parfois vous vous dites finalement : la philosophie est-ce que ça apporte les réponses que l'on attend et est-ce qu'il y a des moments de doute en ce qui vous concerne ?
Non parce qu'en même temps c'est ce que je fais depuis que j'ai dix-sept ans. C'est-à-dire que je me suis aperçu que la philosophie me permettrais de construire une vie. Et donc je ne suis pas déçu parce que j'attends rien, j'attends pas grand-chose du monde.
Je vois ce qu'il est, et plus le temps passe, plus je vois ce qu'il est. J'ai vu l'envie, la jalousie, la méchanceté arriver en même temps que le succès autour de moi et je me suis dit « bon il faut compter avec ça. ».
Je l'avais lu chez Schopenhauer, je trouvais que Schopenhauer était quand même très misanthrope, qu'il n'aimait pas l'Humanité. Et puis au fur et à mesure, on se dit « non il était lucide. ».
Donc on voit bien que le monde est ainsi, que le bateau coule, donc il faut être lucide là-dessus, mais en même temps se dire : « Il n'y a que l'élégance qui nous sauve. »
Donc le Titanic est une belle métaphore, je crois qu'il faut être sur le pont, avec une coupe de champagne, deviser avec quelques amis, savoir qu'il faut jouer un quatuor pendant que le bateau coule, mais que de toute façon le bateau coule et qu'on y fera pas grand-chose.
Si je reprends la métaphore du Titanic, la philosophie peut être une bouée de sauvetage ?
Non parce qu'on ne sera pas sauvé. Mais ça peut être un art de vivre en temps de crise.
Merci Michel Onfray. Votre actualité c'est ce livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, ça s'appelle « La raison des sortilèges », c'est aux éditions Autrement.

Philippe Chauveau :
Bonjour Michel Onfray. Vous publiez aux éditions « Autrement », « La raison des sortilèges », livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, on va en reparler bien évidemment. Mais parlons de vous au-préalable, le philosophe, la philosophie, quelle est sa place dans la société d'aujourd'hui, est-ce qu'il y a encore une raison d'être philosophe dans notre monde actuel ?

Michel Onfray :
Plus que jamais. Il me semble plus que jamais. Il y a à peu près vingt-cinq siècles de présence de la philosophie dans la cité, alors oui on peut faire l'histoire de cette présence là, ce n'est pas la même chose d'être philosophe dans la Grèce de Platon, dans la Rome de Lucrèce, dans le Paris de Descartes ou dans celui de Jean-Paul Sartre ou dans une France mondialisée contemporaine. Donc, il y a de la place pour la philosophie, il y a de la place pour des philosophes, mais la présence de la philosophie dans la cité me semble intéressante et l'idée que l'on puisse la penser de manière démocratique, c'est-à-dire la faire descendre dans la rue, sans qu'elle soit pour autant sur le trottoir, je dirais, et bien ça c'est quelque chose d'assez contemporain.

Philippe Chauveau :
Vous même, comment la philosophie fait-elle son apparition dans votre vie, et plus largement, est-ce que la philosophie peut atteindre quelqu'un qui aujourd'hui ne se sent pas du tout concerné, est ce qu'on peut être happé par la philosophie du jour au lendemain ?

Michel Onfray :
Ah oui, on peut, quand on est un enfant de milieu modeste, à la télévision, rencontrer un jour un philosophe. On peut encore plus facilement aujourd'hui sur le net rencontrer des philosophes ou dans des émissions comme la vôtre, on n'est pas obligé d'aller à la Sorbonne, de montrer un papier pour entrer en disant : « Je peux, j'ai un diplôme. ». Non je pense qu'aujourd'hui on peut vraiment y accéder, et se dire « la philosophie va me permettre de me construire. Je vais pouvoir devenir quelqu'un de droit, de debout, de vertical, parce que la philosophie va m'aider », c'est ce que j'appelle d'une certaine manière 'faire carrière dans son existence'.

Philippe Chauveau :
Quel est le lien entre la philosophie et la littérature ? Est-ce que les deux univers sont liés, ou au contraire, est-ce qu'ils sont très étrangés l'un à l'autre ?

Michel Onfray :
Ce qui est difficile avec la littérature contemporaine, un peu comme avec l'art contemporain ou avec tout ce qui est contemporain, c'est que l'on n'a pas le recul, donc j'ai du mal à me mouvoir dans la littérature contemporaine. Je n'en lis pas beaucoup, en revanche, quand il s'agit vraiment de littérature, je dirais, quand on va voir La Pléiade, pour le coup c'est clair, l'écrémage c'est fait dans l'histoire, on a des grands livres de philosophie qui sont des romans. On peut lire l'oeuvre complète de Schopenhauer, par exemple, et puis on peut aussi lire « Bel du seigneur », et comprendre que la pensée de l'amour chez Schopenhauer se trouve dans le roman magnifique d'Albert Cohen. À mon avis un grand roman dit beaucoup plus de philosophie ou sur la philosophie que parfois un mauvais traité de philosophie.

Philippe Chauveau :
Est-ce que parfois vous vous dites finalement : la philosophie est-ce que ça apporte les réponses que l'on attend et est-ce qu'il y a des moments de doute en ce qui vous concerne ?

Michel Onfray :
Non parce qu'en même temps c'est ce que je fais depuis que j'ai dix-sept ans. C'est-à-dire que je me suis aperçu que la philosophie me permettrais de construire une vie. Et donc je ne suis pas déçu parce que j'attends rien, j'attends pas grand-chose du monde. Je vois ce qu'il est, et plus le temps passe, plus je vois ce qu'il est. J'ai vu l'envie, la jalousie, la méchanceté arriver en même temps que le succès autour de moi et je me suis dit « bon il faut compter avec ça. ». Je l'avais lu chez Schopenhauer, je trouvais que Schopenhauer était quand même très misanthrope, qu'il n'aimait pas l'Humanité. Et puis au fur et à mesure, on se dit « non il était lucide. ». Donc on voit bien que le monde est ainsi, que le bateau coule, donc il faut être lucide là-dessus, mais en même temps se dire : « Il n'y a que l'élégance qui nous sauve. » Donc le Titanic est une belle métaphore, je crois qu'il faut être sur le pont, avec une coupe de champagne, deviser avec quelques amis, savoir qu'il faut jouer un quatuor pendant que le bateau coule, mais que de toute façon le bateau coule et qu'on y fera pas grand-chose.

Philippe Chauveau :
Si je reprends la métaphore du Titanic, la philosophie peut être une bouée de sauvetage ?

Michel Onfray :
Non parce qu'on ne sera pas sauvé. Mais ça peut être un art de vivre en temps de crise.

Philippe Chauveau :
Merci Michel Onfray. Votre actualité c'est ce livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, ça s'appelle « La raison des sortilèges », c'est aux éditions Autrement.

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LE LIVRE
  • Philosophe, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, Michel Onfray a toujours cherché à mettre la philosophie à la portée du plus grand nombre. C’est ce qui motiva d’ailleurs chez la création de l’Université Populaire de Caen, dans laquelle il est toujours très impliqué.Librement inspiré par Nietzsche et d’Epicure, Michel Onfray nous offre ici un exercice quelque peu différent de ses précédents ouvrages.Pour la 1ère fois, sollicité par son ami l’écrivain et éditeur Jean-Yves Clément, il a accepté l’exercice...La raison des sortilèges de Michel Onfray - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau :Bonjour Michel Onfray. Vous publiez aux éditions « Autrement », « La raison des sortilèges », livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, on va en reparler bien évidemment. Mais parlons de vous au-préalable, le philosophe, la philosophie, quelle est sa place dans la société d'aujourd'hui, est-ce qu'il y a encore une raison d'être philosophe dans notre monde actuel ? Michel Onfray :Plus que jamais. Il me semble plus que jamais. Il y a à peu près vingt-cinq siècles de présence de la philosophie dans la...La raison des sortilèges de Michel Onfray - Portrait - Suite
    Philippe Chauveau :Michel Onfray vous publiez aux éditions Autrement ce nouveau titre : « La raison des sortilèges, entretiens sur la musique ». C'est un livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, et ça c'est curieux parce que jusqu'à présent les livres d'entretiens ce n'était pas trop votre fort et là vous avez accepté. Alors il y a une relation d'amitié, mais est-ce que c'est aussi le sujet, la musique qui vous a fait donner votre accord pour ce projet ? Michel Onfray :Non c'est vraiment l'amitié. Parce qu'on m'a beaucoup...La raison des sortilèges de Michel Onfray - Le livre - Suite