Philosophe, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, Michel Onfray a toujours cherché à mettre la philosophie à la portée du plus grand nombre. C’est ce qui motiva d’ailleurs chez la création de l’Université Populaire de Caen, dans laquelle il est toujours très impliqué.Librement inspiré par Nietzsche et d’Epicure, Michel Onfray nous offre ici un exercice quelque peu différent de ses précédents ouvrages.Pour la 1ère fois, sollicité par son ami l’écrivain et éditeur Jean-Yves Clément, il a accepté l’exercice...
La raison des sortilèges de Michel Onfray - Présentation - Suite
Philippe Chauveau :Bonjour Michel Onfray. Vous publiez aux éditions « Autrement », « La raison des sortilèges », livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, on va en reparler bien évidemment. Mais parlons de vous au-préalable, le philosophe, la philosophie, quelle est sa place dans la société d'aujourd'hui, est-ce qu'il y a encore une raison d'être philosophe dans notre monde actuel ? Michel Onfray :Plus que jamais. Il me semble plus que jamais. Il y a à peu près vingt-cinq siècles de présence de la philosophie dans la...
La raison des sortilèges de Michel Onfray - Portrait - Suite
Philippe Chauveau :Michel Onfray vous publiez aux éditions Autrement ce nouveau titre : « La raison des sortilèges, entretiens sur la musique ». C'est un livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, et ça c'est curieux parce que jusqu'à présent les livres d'entretiens ce n'était pas trop votre fort et là vous avez accepté. Alors il y a une relation d'amitié, mais est-ce que c'est aussi le sujet, la musique qui vous a fait donner votre accord pour ce projet ? Michel Onfray :Non c'est vraiment l'amitié. Parce qu'on m'a beaucoup...
La raison des sortilèges de Michel Onfray - Le livre - Suite
Michel Onfray
La raison des sortilèges
Présentation 1'30Philosophe, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, Michel Onfray a toujours cherché à mettre la philosophie à la portée du plus grand nombre. C’est ce qui motiva d’ailleurs chez la création de l’Université Populaire de Caen, dans laquelle il est toujours très impliqué.
Librement inspiré par Nietzsche et d’Epicure, Michel Onfray nous offre ici un exercice quelque peu différent de ses précédents ouvrages.
Pour la 1ère fois, sollicité par son ami l’écrivain et éditeur Jean-Yves Clément, il a accepté l’exercice de l’entretien pour faire partager sa passion de la musique.
Ses premières expériences, ses rendez-vous manqués, son éducation musicale en autodidacte, les oeuvres et les compositeurs qui le touchent, mais également sa vision de la musique et de ses liens avec la philosophie.
Il nous convie à un voyage en musique, tentant de saisir « la raison des sortilèges ».
Que dit la musique ? Dit-elle seulement quelque chose ? Pourquoi y sommes-nous sensibles ? Pourquoi sommes-nous émus ou énervés par le son d’un violoncelle ou d’une flûte ?
Convoquant les philosophes ayant tenté une approche de la vérité musicale, Michel Onfray tente de répondre à ces questions.
Au fil de ses réflexions, nous croisons la route de plus d’une centaine de compositeurs à travers les siècles : Bach, Wagner, Berlioz, Varèse, ou encore Debussy.
A la fois intime et instructif, cet ouvrage apporte une réflexion sur notre conception de la musique
« La raison des sortilèges » de Michel Onfray, avec Jean-Yves Clément, aux éditions Autrement. Michel Onfray est sur WTC
Philosophe, auteur d’une soixantaine d’ouvrages, Michel Onfray a toujours cherché à mettre la philosophie à la portée du plus grand nombre. C’est ce qui motiva d’ailleurs chez la création de l’Université Populaire de Caen, dans laquelle il est toujours très impliqué.
Librement inspiré par Nietzsche et d’Epicure, Michel Onfray nous offre ici un exercice quelque peu différent de ses précédents ouvrages.
Pour la 1ère fois, sollicité par son ami l’écrivain et éditeur Jean-Yves Clément, il a accepté l’exercice de l’entretien pour faire partager sa passion de la musique.
Ses premières expériences, ses rendez-vous manqués, son éducation musicale en autodidacte, les oeuvres et les compositeurs qui le touchent, mais également sa vision de la musique et de ses liens avec la philosophie. Il nous convie à un voyage en musique, tentant de saisir « la raison des sortilèges ».
Que dit la musique ? Dit-elle seulement quelque chose ? Pourquoi y sommes-nous sensibles ? Pourquoi sommes-nous émus ou énervés par le son d’un violoncelle ou d’une flûte ?
Convoquant les philosophes ayant tenté une approche de la vérité musicale, Michel Onfray tente de répondre à ces questions. Au fil de ses réflexions, nous croisons la route de plus d’une centaine de compositeurs à travers les siècles : Bach, Wagner, Berlioz, Varèse, ou encore Debussy.
A la fois intime et instructif, cet ouvrage apporte une réflexion sur notre conception de la musique
« La raison des sortilèges » de Michel Onfray, avec Jean-Yves Clément, aux éditions Autrement.
Michel Onfray est sur WTC
Michel Onfray
La raison des sortilèges
Portrait 3'42Bonjour Michel Onfray. Vous publiez aux éditions « Autrement », « La raison des sortilèges », livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, on va en reparler bien évidemment.
Mais parlons de vous au-préalable, le philosophe, la philosophie, quelle est sa place dans la société d'aujourd'hui, est-ce qu'il y a encore une raison d'être philosophe dans notre monde actuel ?
Plus que jamais. Il me semble plus que jamais. Il y a à peu près vingt-cinq siècles de présence de la philosophie dans la cité, alors oui on peut faire l'histoire de cette présence là, ce n'est pas la même chose d'être philosophe dans la Grèce de Platon,
dans la Rome de Lucrèce, dans le Paris de Descartes ou dans celui de Jean-Paul Sartre ou dans une France mondialisée contemporaine.
Donc, il y a de la place pour la philosophie, il y a de la place pour des philosophes, mais la présence de la philosophie dans la cité me semble intéressante et l'idée que l'on puisse la penser de manière démocratique,
c'est-à-dire la faire descendre dans la rue, sans qu'elle soit pour autant sur le trottoir, je dirais, et bien ça c'est quelque chose d'assez contemporain.
Vous même, comment la philosophie fait-elle son apparition dans votre vie, et plus largement, est-ce que la philosophie peut atteindre quelqu'un qui aujourd'hui ne se sent pas du tout concerné, est ce qu'on peut être happé par la philosophie du jour au lendemain ?
Ah oui, on peut, quand on est un enfant de milieu modeste, à la télévision, rencontrer un jour un philosophe. On peut encore plus facilement aujourd'hui sur le net rencontrer des philosophes ou dans des émissions comme la vôtre,
on n'est pas obligé d'aller à la Sorbonne, de montrer un papier pour entrer en disant : « Je peux, j'ai un diplôme. ». Non je pense qu'aujourd'hui on peut vraiment y accéder, et se dire « la philosophie va me permettre de me construire.
Je vais pouvoir devenir quelqu'un de droit, de debout, de vertical, parce que la philosophie va m'aider », c'est ce que j'appelle d'une certaine manière 'faire carrière dans son existence'.
Quel est le lien entre la philosophie et la littérature ? Est-ce que les deux univers sont liés, ou au contraire, est-ce qu'ils sont très étrangés l'un à l'autre ?
Ce qui est difficile avec la littérature contemporaine, un peu comme avec l'art contemporain ou avec tout ce qui est contemporain, c'est que l'on n'a pas le recul, donc j'ai du mal à me mouvoir dans la littérature contemporaine.
Je n'en lis pas beaucoup, en revanche, quand il s'agit vraiment de littérature, je dirais, quand on va voir La Pléiade, pour le coup c'est clair, l'écrémage c'est fait dans l'histoire, on a des grands livres de philosophie qui sont des romans.
On peut lire l'oeuvre complète de Schopenhauer, par exemple, et puis on peut aussi lire « Belle du seigneur », et comprendre que la pensée de l'amour chez Schopenhauer se trouve dans le roman magnifique d'Albert Cohen.
À mon avis un grand roman dit beaucoup plus de philosophie ou sur la philosophie que parfois un mauvais traité de philosophie.
Est-ce que parfois vous vous dites finalement : la philosophie est-ce que ça apporte les réponses que l'on attend et est-ce qu'il y a des moments de doute en ce qui vous concerne ?
Non parce qu'en même temps c'est ce que je fais depuis que j'ai dix-sept ans. C'est-à-dire que je me suis aperçu que la philosophie me permettrais de construire une vie. Et donc je ne suis pas déçu parce que j'attends rien, j'attends pas grand-chose du monde.
Je vois ce qu'il est, et plus le temps passe, plus je vois ce qu'il est. J'ai vu l'envie, la jalousie, la méchanceté arriver en même temps que le succès autour de moi et je me suis dit « bon il faut compter avec ça. ».
Je l'avais lu chez Schopenhauer, je trouvais que Schopenhauer était quand même très misanthrope, qu'il n'aimait pas l'Humanité. Et puis au fur et à mesure, on se dit « non il était lucide. ».
Donc on voit bien que le monde est ainsi, que le bateau coule, donc il faut être lucide là-dessus, mais en même temps se dire : « Il n'y a que l'élégance qui nous sauve. »
Donc le Titanic est une belle métaphore, je crois qu'il faut être sur le pont, avec une coupe de champagne, deviser avec quelques amis, savoir qu'il faut jouer un quatuor pendant que le bateau coule, mais que de toute façon le bateau coule et qu'on y fera pas grand-chose.
Si je reprends la métaphore du Titanic, la philosophie peut être une bouée de sauvetage ?
Non parce qu'on ne sera pas sauvé. Mais ça peut être un art de vivre en temps de crise.
Merci Michel Onfray. Votre actualité c'est ce livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, ça s'appelle « La raison des sortilèges », c'est aux éditions Autrement.
Philippe Chauveau :
Bonjour Michel Onfray. Vous publiez aux éditions « Autrement », « La raison des sortilèges », livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, on va en reparler bien évidemment. Mais parlons de vous au-préalable, le philosophe, la philosophie, quelle est sa place dans la société d'aujourd'hui, est-ce qu'il y a encore une raison d'être philosophe dans notre monde actuel ?
Michel Onfray :
Plus que jamais. Il me semble plus que jamais. Il y a à peu près vingt-cinq siècles de présence de la philosophie dans la cité, alors oui on peut faire l'histoire de cette présence là, ce n'est pas la même chose d'être philosophe dans la Grèce de Platon, dans la Rome de Lucrèce, dans le Paris de Descartes ou dans celui de Jean-Paul Sartre ou dans une France mondialisée contemporaine. Donc, il y a de la place pour la philosophie, il y a de la place pour des philosophes, mais la présence de la philosophie dans la cité me semble intéressante et l'idée que l'on puisse la penser de manière démocratique, c'est-à-dire la faire descendre dans la rue, sans qu'elle soit pour autant sur le trottoir, je dirais, et bien ça c'est quelque chose d'assez contemporain.
Philippe Chauveau :
Vous même, comment la philosophie fait-elle son apparition dans votre vie, et plus largement, est-ce que la philosophie peut atteindre quelqu'un qui aujourd'hui ne se sent pas du tout concerné, est ce qu'on peut être happé par la philosophie du jour au lendemain ?
Michel Onfray :
Ah oui, on peut, quand on est un enfant de milieu modeste, à la télévision, rencontrer un jour un philosophe. On peut encore plus facilement aujourd'hui sur le net rencontrer des philosophes ou dans des émissions comme la vôtre, on n'est pas obligé d'aller à la Sorbonne, de montrer un papier pour entrer en disant : « Je peux, j'ai un diplôme. ». Non je pense qu'aujourd'hui on peut vraiment y accéder, et se dire « la philosophie va me permettre de me construire. Je vais pouvoir devenir quelqu'un de droit, de debout, de vertical, parce que la philosophie va m'aider », c'est ce que j'appelle d'une certaine manière 'faire carrière dans son existence'.
Philippe Chauveau :
Quel est le lien entre la philosophie et la littérature ? Est-ce que les deux univers sont liés, ou au contraire, est-ce qu'ils sont très étrangés l'un à l'autre ?
Michel Onfray :
Ce qui est difficile avec la littérature contemporaine, un peu comme avec l'art contemporain ou avec tout ce qui est contemporain, c'est que l'on n'a pas le recul, donc j'ai du mal à me mouvoir dans la littérature contemporaine. Je n'en lis pas beaucoup, en revanche, quand il s'agit vraiment de littérature, je dirais, quand on va voir La Pléiade, pour le coup c'est clair, l'écrémage c'est fait dans l'histoire, on a des grands livres de philosophie qui sont des romans. On peut lire l'oeuvre complète de Schopenhauer, par exemple, et puis on peut aussi lire « Bel du seigneur », et comprendre que la pensée de l'amour chez Schopenhauer se trouve dans le roman magnifique d'Albert Cohen. À mon avis un grand roman dit beaucoup plus de philosophie ou sur la philosophie que parfois un mauvais traité de philosophie.
Philippe Chauveau :
Est-ce que parfois vous vous dites finalement : la philosophie est-ce que ça apporte les réponses que l'on attend et est-ce qu'il y a des moments de doute en ce qui vous concerne ?
Michel Onfray :
Non parce qu'en même temps c'est ce que je fais depuis que j'ai dix-sept ans. C'est-à-dire que je me suis aperçu que la philosophie me permettrais de construire une vie. Et donc je ne suis pas déçu parce que j'attends rien, j'attends pas grand-chose du monde. Je vois ce qu'il est, et plus le temps passe, plus je vois ce qu'il est. J'ai vu l'envie, la jalousie, la méchanceté arriver en même temps que le succès autour de moi et je me suis dit « bon il faut compter avec ça. ». Je l'avais lu chez Schopenhauer, je trouvais que Schopenhauer était quand même très misanthrope, qu'il n'aimait pas l'Humanité. Et puis au fur et à mesure, on se dit « non il était lucide. ». Donc on voit bien que le monde est ainsi, que le bateau coule, donc il faut être lucide là-dessus, mais en même temps se dire : « Il n'y a que l'élégance qui nous sauve. » Donc le Titanic est une belle métaphore, je crois qu'il faut être sur le pont, avec une coupe de champagne, deviser avec quelques amis, savoir qu'il faut jouer un quatuor pendant que le bateau coule, mais que de toute façon le bateau coule et qu'on y fera pas grand-chose.
Philippe Chauveau :
Si je reprends la métaphore du Titanic, la philosophie peut être une bouée de sauvetage ?
Michel Onfray :
Non parce qu'on ne sera pas sauvé. Mais ça peut être un art de vivre en temps de crise.
Philippe Chauveau :
Merci Michel Onfray. Votre actualité c'est ce livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, ça s'appelle « La raison des sortilèges », c'est aux éditions Autrement.
Michel Onfray
La raison des sortilèges
Le livre 3'52Michel Onfray vous publiez aux éditions Autrement ce nouveau titre : « La raison des sortilèges, entretiens sur la musique ». C'est un livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément,
et ça c'est curieux parce que jusqu'à présent les livres d'entretiens ce n'était pas trop votre fort et là vous avez accepté. Alors il y a une relation d'amitié, mais est-ce que c'est aussi le sujet, la musique qui vous a fait donner votre accord pour ce projet ?
Non c'est vraiment l'amitié. Parce qu'on m'a beaucoup proposé de faire des livres d'entretiens, c'est-à-dire que l'on se rencontre une journée, on enregistre des bavardages et il y a quelqu'un qui retranscrit, on corrige tout ça et la semaine suivante c'est en librairie
et j'ai toujours dit que c'était des « non livres », les livres d'entretiens. Donc je n'en n'ai jamais fait jusqu'à ce que je dise oui à mon ami Jean-Yves Clément. D'abord parce qu'il est mon ami, et puis ensuite parce que, d'abord il est musicien, il est musicologue,
il a une culture extraordinaire sur ce terrain là, il a écrit lui-même sur ce sujet, il organise des concerts, il sait ce que c'est la matérialité du militantisme culturel.
Donc il m'a dit que tout ce qu'on se dit il faudrait qu'on l'écrive, pourquoi est-ce qu'on ne ferait pas un jour un livre d'entretiens, et moi je lui ai dit : « allons y, faisons cet échange. » Et on l'a fait et c'est devenu ce petit livre d'amitié.
C'est intéressant, vous expliquez dans le livre comment la musique arrive dans votre vie, pourquoi avoir envie de raconter ça dans un livre, qu'est ce que ça apporte par rapport au philosophe que vous êtes ?
Il y a un moment donné où l'on rencontre la musique dans ça vie, alors effectivement mon père était ouvrier agricol, ma mère femme de ménage, j'avais un petit frère, on vivait dans dix-sept mètres carré, dix-sept mètres carré, à l'étage il y avait la chambre, pas de chauffage etc.
Donc la culture n'existait pas. Pas de livres, pas de musiques, de peintures, de littérature, évidemment pas de restaurants, pas de vacances, pas d'opéras, pas de cinémas, pas de poésies, rien de tout ça.
Et ma mère est rentrée à la maison avec une espèce de vieux tourne-disque - qu'elle a toujours d'ailleurs – et dans la poubelle il y avait ' Bach ' et ' Jésus que ma joie demeure '.
Et vous écrivez à un moment que vous avez appris à écrire grâce à la musique.
J'ai pas eu de maître en écriture. On ne m'a pas dit comment il fallait composer un livre, même une dissertation.
Mais en même temps, je me suis fait envahir par la musique et d'un seul coup j'ai compris les rythmes, les cadences, enfin j'ai compris, j'ai expérimenté corporellement les rythmes et les cadences,
et j'ai eu l'impression que quand je me suis mis à écrire, et bien j'avais été nourri par la musique.
En ce qui vous concerne Michel Onfray, si l'on revient sur ces petites pépites que sont la voix de Callas ou Bach, que vous avez découvert adolescent, est-ce que vous avez l'impression que c'est ce qui vous a fait devenir philosophe aujourd'hui ? Est-ce qu'il y a un lien ?
Non, non non, je dis souvent quand on me pose la question : « Comment est-ce que l'on devient philosophe ? », je dis : on ne devient pas philosophe, on le reste. Je pense que nous naissons tous philosophe, et que seul quelques-uns le demeure.
C'est-à-dire qu'à priori tous les enfants, enfin tout ceux qui nous écoutent et qui ont été enfants, ont été philosophes, ce sont posés des questions éminemment philosophiques, des questions profondément philosophiques,
sur la vie, sur l'amour, sur la mort, sur le temps, sur ce qu'il se passe après la mort, les enfants posent toujours ces questions là. Le philosophe c'est celui qui se dira : « Et bien les questions que je me posais dans mon enfance,
et bien je n'y ai pas renoncé, je n'y renoncerai jamais », et on continu à se poser ces questions là. Donc on l'est. Et il y a un moment où il n'y a pas des questions philosophiques et des questions qui ne le seraient pas, mais il y a un moment où l'on rencontre la musique.
Quand on est ébranlé par la voix de Maria Callas, quand on ne sait pas que ça s'appelle le contre-point mais que le contre-point s'empare de nous et que d'un seul coup quand on écoute Bach on est...... La divine machine à coudre ' disait Colette.
D'un seul coup on se dit : « Mais mon coeur bat différemment, mes pulsations sont différentes, c'est-à-dire que Bach s'est emparé de mon propre corps,
et d'un seul coup je suis en train de respirer en rythme avec la cantate, il se passe quoi ? ». Un philosophe est obligé de dire, mais c'est quoi la musique ? C'est quoi le mécanisme de la musique ? Qu'est ce qui se passe ?
Merci beaucoup Michel Onfray, c'est votre actualité ce livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, « La raison des sortilèges » c'est aux éditions Autrement.
Philippe Chauveau :
Michel Onfray vous publiez aux éditions Autrement ce nouveau titre : « La raison des sortilèges, entretiens sur la musique ». C'est un livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, et ça c'est curieux parce que jusqu'à présent les livres d'entretiens ce n'était pas trop votre fort et là vous avez accepté. Alors il y a une relation d'amitié, mais est-ce que c'est aussi le sujet, la musique qui vous a fait donner votre accord pour ce projet ?
Michel Onfray :
Non c'est vraiment l'amitié. Parce qu'on m'a beaucoup proposé de faire des livres d'entretiens, c'est-à-dire que l'on se rencontre une journée, on enregistre des bavardages et il y a quelqu'un qui retranscrit, on corrige tout ça et la semaine suivante c'est en librairie et j'ai toujours dit que c'était des « non livres », les livres d'entretiens. Donc je n'en n'ai jamais fait jusqu'à ce que je dise oui à mon ami Jean-Yves Clément. D'abord parce qu'il est mon ami, et puis ensuite parce que, d'abord il est musicien, il est musicologue, il a une culture extraordinaire sur ce terrain là, il a écrit lui-même sur ce sujet, il organise des concerts, il sait ce que c'est la matérialité du militantisme culturel. Donc il m'a dit que tout ce qu'on se dit il faudrait qu'on l'écrive, pourquoi est-ce qu'on ne ferait pas un jour un livre d'entretiens, et moi je lui ai dit : « allons y, faisons cet échange. » Et on l'a fait et c'est devenu ce petit livre d'amitié.
Philippe Chauveau :
C'est intéressant, vous expliquez dans le livre comment la musique arrive dans votre vie, pourquoi avoir envie de raconter ça dans un livre, qu'est ce que ça apporte par rapport au philosophe que vous êtes ?
Michel Onfray :
Il y a un moment donné où l'on rencontre la musique dans ça vie, alors effectivement mon père était ouvrier agricol, ma mère femme de ménage, j'avais un petit frère, on vivait dans dix-sept mètres carré, dix-sept mètres carré, à l'étage il y avait la chambre, pas de chauffage etc. Donc la culture n'existait pas. Pas de livres, pas de musiques, de peintures, de littérature, évidemment pas de restaurants, pas de vacances, pas d'opéras, pas de cinémas, pas de poésies, rien de tout ça. Et ma mère est rentrée à la maison avec une espèce de vieux tourne-disque - qu'elle a toujours d'ailleurs – et dans la poubelle il y avait ' Bach ' et ' Jésus que ma joie demeure '.
Philippe Chauveau :
Et vous écrivez à un moment que vous avez appris à écrire grâce à la musique.
Michel Onfray :
J'ai pas eu de maître en écriture. On ne m'a pas dit comment il fallait composer un livre, même une dissertation. Mais en même temps, je me suis fait envahir par la musique et d'un seul coup j'ai compris les rythmes, les cadences, enfin j'ai compris, j'ai expérimenté corporellement les rythmes et les cadences, et j'ai eu l'impression que quand je me suis mis à écrire, et bien j'avais été nourri par la musique.
Philippe Chauveau :
En ce qui vous concerne Michel Onfray, si l'on revient sur ces petites pépites que sont la voix de Callas ou Bach, que vous avez découvert adolescent, est-ce que vous avez l'impression que c'est ce qui vous a fait devenir philosophe aujourd'hui ? Est-ce qu'il y a un lien ?
Michel Onfray :
Non, non non, je dis souvent quand on me pose la question : « Comment est-ce que l'on devient philosophe ? », je dis : on ne devient pas philosophe, on le reste. Je pense que nous naissons tous philosophe, et que seul quelques-uns le demeure. C'est-à-dire qu'à priori tous les enfants, enfin tout ceux qui nous écoutent et qui ont été enfants, ont été philosophes, ce sont posés des questions éminemment philosophiques, des questions profondément philosophiques, sur la vie, sur l'amour, sur la mort, sur le temps, sur ce qu'il se passe après la mort, les enfants posent toujours ces questions là. Le philosophe c'est celui qui se dira : « Et bien les questions que je me posais dans mon enfance, et bien je n'y ai pas renoncé, je n'y renoncerai jamais », et on continu à se poser ces questions là. Donc on l'est. Et il y a un moment où il n'y a pas des questions philosophiques et des questions qui ne le seraient pas, mais il y a un moment où l'on rencontre la musique. Quand on est ébranlé par la voix de Maria Callas, quand on ne sait pas que ça s'appelle le contre-point mais que le contre-point s'empare de nous et que d'un seul coup quand on écoute Bach on est « tac à tac à tac à tic aïe aïe aïe ' La divine machine à coudre ' disait Colette. D'un seul coup on se dit : « Mais mon coeur bat différemment, mes pulsations sont différentes, c'est-à-dire que Bach s'est emparé de mon propre corps, et d'un seul coup je suis en train de respirer en rythme avec la cantate, il se passe quoi ? ». Un philosophe est obligé de dire, mais c'est quoi la musique ? C'est quoi le mécanisme de la musique ? Qu'est ce qui se passe ?
Philippe Chauveau :
Merci beaucoup Michel Onfray, c'est votre actualité ce livre d'entretiens avec Jean-Yves Clément, « La raison des sortilèges » c'est aux éditions Autrement.