Gilles Martin-Chauffier

Gilles Martin-Chauffier

L'ère des suspects

Portrait 6'41"

Philippe Chauveau : Bonjour Gilles Martin-Chauffier.

Gilles Martin-Chauffier : Bonjour.

Philippe Chauveau : « L'ère des suspects », c'est votre actualité chez Grasset. Il y avait eu d'autres ouvrages précédemment, une quinzaine au total mais c'est votre 8e titre chez Grasset. Vous êtes à la fois auteur, écrivain, romancier, vous êtes aussi journaliste, rédacteur en chef pour Paris Match. Est-ce parfois compliqué d'avoir ces deux casquettes ou finalement parvenez-vous à bien jongler avec tout cela ?

Gilles Martin-Chauffier : Non, ce n'est pas du tout compliqué, je ne crois pas aux gens qui disent « je n'ai pas le temps d'écrire ». Les américains ont une formule : « si vous voulez que les choses soient faites, demandez à quelqu'un qui est très occupé. ». Vu les livres que j'aime et les écrivains que j'aime, Balzac, Stendhal, Zola, étaient eux-mêmes journalistes et il y avait toujours un côté reportage dans leurs livres, donc au contraire, cela se marie très bien.

Philippe Chauveau : Le journalisme, c'est une histoire de famille, il me semble que votre grand-père et votre père ont aussi baigné dans cet univers-là. Il y avait chez vous cette volonté de poursuivre le fil ou sont-ce les hasards de la vie ?

Gilles Martin-Chauffier : Pas du tout, ce sont les hasards de ma vie. Mon grand-père était un très grand journaliste avant la guerre, mon père était rédacteur en chef du Figaro Littéraire, mais je n'avais pas l'intention de devenir journaliste, j'ai d'ailleurs fait une école qui n'avait rien à voir et puis finalement, il a suffi d'un stage en banque pour comprendre que ce n'était pas fait pour moi et pendant mon service militaire j'ai écrit mon premier livre.

Philippe Chauveau : Je le disais en préambule, vous êtes rédacteur en chef à Paris Match. Quel est votre regard sur la presse ? Est-ce plus compliqué qu'avant ? Sont-ce de nouveaux challenges ? L'enthousiasme est-il le même ?

Gilles Martin-Chauffier : L'enthousiasme est le même, le problème est que l'on n'a plus de lecteurs ! Les jeunes qui ont moins de trente ans achètent très peu de journaux. Le véritable problème est donc de renouveler le stock de nos lecteurs. Notre force, c'est que l'on vérifie tout ce qu'on écrit, et je pense que ceux qui vont survivre dans la presse écrite, et je pense que Match survivra, seront des juges de paix. On entendra n'importe quoi sur les réseaux et on viendra voir dans la presse, qui elle aura fait des enquêtes si c'est vrai. On a un rôle de plus en plus sérieux à jouer paradoxalement. Je ne suis pas très optimiste sur l'avenir de la presse écrite parce que je pense que les jeunes gens lisent beaucoup moins qu'autrefois.

Philippe Chauveau : Et le livre dans tout cela ? Vous êtes rassuré sur la place du livre dans la société ?

Gilles Martin-Chauffier : Plus les siècles passent, plus la place du livre rétrécit. Au XIXe, quand on lit les chroniques que faisait Barbey D'Aurevilly, une chronique de livres faisait trente feuillets, aujourd'hui si vous faîtes une chronique de livre qui fait plus de deux feuillets et demi le rédacteur en chef vous dit que vous êtes tombé sur la tête ! A l'époque, on avait du temps pour lire. Avec l'apparition des médias, les gens lisent de moins en moins, c'est très dangereux pour les livres. En même temps je pense que si les éditeurs faisaient leur travail, au lieu de publier chacun cent livres par an ils n’en publiaient que douze ou quinze, il y aurait matière à faire lire de très bons livres. Mais le problème, c'est que l'édition publie n'importe quoi, c'est vraiment un drame. Le flot de médiocrité nuit terriblement au sort de l'édition.

Philippe Chauveau : Le message est passé à destination des éditeurs… En 1980, « Pourpre » votre premier roman, depuis vous poursuivez cette carrière à deux têtes, romancier et journaliste. L'envie de l'écriture, les influences, quelles ont-elles été ?

Gilles Martin-Chauffier : Ce que j'aime, c'est ce qu'on appelle la grande littérature française du XIXe siècle mais ce qui me fascine énormément c'est l'esprit. Un roman dans lequel il n'y a pas d'humour, il n'y a pas d'esprit, il n'y a pas d'ironie, c'est insupportable pour moi. Mes auteurs préférés sont Mme de Sévigné, La Fontaine, Saint-Simon… Au XIXe, j'adore Barbey d'Aurevilly et au XXe, j'adore Nimier et toute la bande des Hussards. Ce que j'ai envie de raconter, c'est une histoire dans le style des « Illusions perdues » de Balzac, roman absolu, et le raconter avec le ton de Roger Nimier. Ce serait ça l'idéal !

Philippe Chauveau : En 1998, le prix interallié pour « Les Corrompus », en 2003 le Renaudot des lycéens pour « Silence, on ment ». Vous nous laissez entendre que ce que vous aimez, c'est raconter notre monde, notre société, à travers une histoire que vous inventez. C'est ça le fil rouge de tous vous romans finalement ; il y a toujours une peinture de la société, parfois une critique assez corrosive.

Gilles Martin-Chauffier : Je cherche toujours des incidents qui se passent aujourd'hui, dans la société contemporaine française, dont on peut tirer la matière d'un roman avec de vrais personnages. Mais le fond de l'histoire, c'est comment fonctionne la France.

Philippe Chauveau : Que ce soit dans l'actualité ou dans vos romans, sont-ce des inquiétudes que vous essayez d'exprimer ou au contraire des signaux l'alerte que vous essayez d'envoyer ?

Gilles Martin-Chauffier : Cela peut paraître prétentieux et ridicule de dire ça mais je suis un moraliste. Je trouve que les gens doivent se comporter de façon décente, morale. Ce qui est choquant me choque et donc j'écris mes livres pour dire comment fonctionne la société française, ce qui n'est pas convenable mais j'essaie de le faire comme disaient les romains « Castigat ridendo mores », avec le sourire, en riant, en me moquant.. Je ne suis pas Mélenchon !

Philippe Chauveau : On ne peut pas vous rencontrer sans parler de la Bretagne où vous allez régulièrement. Est-ce une soupape ? Que représente la Bretagne pour vous ?

Gilles Martin-Chauffier : La Bretagne, c'est l'endroit d'où je viens, c'est l'endroit où j'ai passé toutes mes vacances depuis soixante ans, chaque année. C'est là que mes enfants et mes petits-enfants vivent. Je suis breton, j'adore la Bretagne. Philippe Chauveau : La Bretagne vous apaise ?

Gilles Martin-Chauffier : Non, on ne peut pas dire ça. Je suis heureux en Bretagne mais elle ne m'apaise pas car de toutes façons, je suis un nerveux qui m'énerve. Tout m'énerve, donc, même en Bretagne tout m'énerve !

Philippe Chauveau : « L'ère des suspects » c'est votre actualité aux éditions Grasset Gilles Martin-Chauffier.

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