Patrick Tudoret

Patrick Tudoret

En marchant

Portrait 00'07'28"

Philippe
Bonjour Patrick Tudoret.

Patrick Tudoret
Bonjour.

Philippe
Vous publiez ce livre qui est une invitation au voyage "En marchant, petite rhétorique itinérante", c'est aux éditions Tallandier et la couverture est très bien choisie. On va voir comment est né ce livre que vous avez eu envie de nous dire. Vous êtes un écrivain polyformes : il y a des essais, il y a eu des romans. Et puis vous êtes aussi un homme multifacette parce qu'avant de prendre la plume, il y a eu d'autres vies dans les études politiques, entre autres. Vous enseignez également la rhétorique. Comment l'écriture, néanmoins, vient-elle dans votre parcours ? Pourquoi, aujourd'hui, vous considérez-vous comme un écrivain ?

Patrick Tudoret
Alors, d'abord pour répondre à ce que vous venez dire. Effectivement, je suis assez claustrophobe et je répugne à tracer un seul sillon. C'est une forme, effectivement, de claustrophobie. S'il y a une peur dans l'existence que je peux avoir, c'est celle de l'enlisement de ce sillon unique qu'on serait condamné à tracer, un peu comme Sisyphe - lui, c'était plutôt rouler sa pierre. Mais donc voilà, c'est pour ça que j'essaie d'avoir humblement une tessiture un peu large avec des essais, des romans, des pièces de théâtre aussi. Et c'est à partir du moment où j'ai publié un bon nombre de livres - mais différents : essais, récits, romans, pièces de théâtre, poésie aussi - que j'ai lentement - et là encore, très humblement - commencé à me considérer comme un écrivain de métier. Parce que c'est un métier au sens artisanal du mot.

Philippe
Avez-vous l'impression qu'il y a eu, néanmoins, deux vies en une, c'est-à-dire celle où vous avez fait de grandes études, celle où vous avez travaillé pour le monde politique, celle où vous avez travaillé pour les grandes entreprises, vous avez vous-même monté une société et puis ensuite l'écrivain. Est-ce le même Patrick Tudoret ? Ou finalement, avez-vous l'impression que ce sont deux personnalités différentes ?

Patrick Tudoret
Non, je pense que ce sont deux facettes du même bonhomme. Et quand vous parlez d'une société, effectivement, j'ai créé une société - mais qui est tout à fait modeste - mais qui me permet de faire plein d'activités différentes et notamment de la production de télévision sur la TNT, ce qui était la dernière chose que j'avais imaginé faire. Mais en tout cas, ça me permet aujourd'hui notamment d'écrire régulièrement et d'arriver à - comme vous l'avez dit - à une vingtaine de livres publiés, ce qui ce qui commence à faire pas mal.

Philippe
Ce qui est intéressant, c'est que comme je le disais, vous êtes polyforme en écriture. Vous avez un public aussi qui est assez large, un lectorat qui est assez diversifié. On a parlé de l'homme de théâtre, du dramaturge, on a parlé de l'essayiste et on en reparlera. Et puis il y a aussi le romancier. Je voudrais qu'on revienne en quelques mots sur l'un des livres qui a été un marqueur dans votre parcours d'auteur, "L'homme qui fuyait le Nobel". C'était en 2015. L'histoire de cet écrivain à qui on veut remettre le prix Nobel et qui peut-être pris d'une peur panique, s'enfuit sur les routes pour essayer de retrouver son amour en fuite.

Patrick Tudoret
Exactement, cet homme qui se voit quand même gratifié du prix que beaucoup... - beaucoup ferait n'importe quoi pour l'obtenir, y compris tuer père et mère. Je pense qu'il y en a qui en serait capable. Et lui, au contraire, il voit la marque d'une insondable vanité de tout ce qui ne correspond plus à ce qu'il est, à ce qu'il cherche puisque sa femme étant morte cinq ans auparavant, sa femme qui était tout pour lui, il vit dans un deuil qui ne parvient pas à faire et est donc pris de panique. En effet, le mot est juste, il s'enfuit et il se retrouve un peu par accident sur le chemin de Compostelle. La via Podiensis qui part du Puy en Velay. Et là, il décide en pensant à sa femme qui l'avait exhortée à faire le chemin avec lui et lui avait toujours refusé. Eh bien, en pensant à elle, il va au bout du chemin et là, il devient un autre homme. Il redevient un homme parmi les hommes, alors qu'il était devenu en quelque sorte un misanthrope absolu. Quelqu'un qui s'était débarrassé de tous les oripeaux de la vanité, mais qui nous guette tous aujourd'hui dans ce monde, dans cette société du spectacle.

Philippe
C'est un livre qui fait référence et c'est le genre de bouquin que l'on se passe, qui va de main en main. Ce sont des livres qui marquent des vies. Vous avez conscience de ça que ce livre vous a fait connaître non seulement du grand public, mais un livre qui continue aujourd'hui à être un marqueur ?

Patrick Tudoret
Ça m'a énormément touché et quand j'ai vu le nombre de lettres manuscrites - alors qu'aujourd'hui on n'écrit plus - le nombre de mails, le nombre de messages que j'ai pu avoir, j'ai pris conscience effectivement. Et parfois des lettres, des messages bouleversants, vraiment bouleversants, d'êtres qui avaient vécu vraiment ce que je décrivais dans le livre, c'est-à-dire un deuil extrêmement douloureux qui avait bouleversé leur vie et qui tentaient de renaître. Et oui, à un moment, j'ai pris conscience de ça. Ç'a été - et on m'en parle toujours aujourd'hui ; d'ailleurs il y a un projet d'adaptation au cinéma. Voilà le scoop qui est en train de se faire. On verra bien parce que c'est une industrie et je dis bien une industrie très complexe.

Philippe
Il y a un autre titre que j'aimerais que nous évoquions en quelques mots, qui est plus récent. C'est ce "Petit traité de bénévolence" parce que j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de vous dans cette démarche, dans cette société justement très mercantile du chacun pour soi. Vous essayez de nous rappeler à certaines valeurs et la bénévolence, c'est un peu ça. C'est quoi la définition selon vous, de la bénévolence en somme ?

Patrick Tudoret
Je citerais Paul Ricœur, le philosophe qui disait : "Le plus court chemin de soi à soi passe par l'autre". Voilà, c'est un moyen, par paraphrase donc, de définir la bénévolence. C'est aller vers l'autre, aller vers l'autre pour l'aider à grandir et se grandir soi-même en faisant cela. Et donc, il y a quelque chose de très puissant dans la bénévolence à la fois de très humble et de très fort, de très puissant. Et pour moi, la marche est un exercice de bénévolence parce que même lorsqu'on est seul, on n'est jamais seul. Et d'ailleurs, l'épigraphe de mon livre le dit bien à tous ceux que j'aime, vivants ou morts, à qui je pense en marchant. Et je dis "mort aussi", parce que moi je fais l'expérience, je marche beaucoup tout seul. La marche solitaire est quelque chose d'important pour moi et je me rends compte qu'on n'est jamais seul et que c'est peut-être en marchant que j'ai eu le sentiment d'être le plus proche de ceux qui m'avaient quitté, de ceux qui nous avaient quitté et qui étaient pourtant là, puissamment, avec des images, avec le son d'une voix, avec des choses très, très profondes.

Philippe
Si je vous entends bien, la bénévolence, c'est faire la démarche d'aller vers l'autre, de transmettre ?

Patrick Tudoret
La rencontre, la transmission. Très, très beau mot qui est une des constantes dans ma vie, en tout cas, j'essaie. Oui.

Philippe
L'écriture, c'est aussi ça ? C'est de la bénévolence, l'écriture?

Patrick Tudoret
Bien sûr. Je crois. En tout cas, moi, je la perçois comme telle. C'est quelque chose quand j'enseigne et c'est la même chose, cette transmission vitale d'une génération à une autre, par exemple. Et effectivement, la littérature, pour moi, est un moyen d'ancrer la bénévolence dans quelque chose qui est pour moi fondamental. Vous savez, je l'écrivais dans "L'homme qui fait le Nobel". Je le remets d'ailleurs dans ce livre parce que c'est une référence que je fais à un moment. L'homme ne dispose que de trois armes de construction massive qui sont l'art, l'amour, le sacré. En dehors de ça, c'est "Nada de nada" comme dirait Jean de la Croix. Nada de nada, c'est-à-dire rien. Voilà. L'art, l'amour, le sacré.

Philippe
Votre actualité, Patrick Tudoret, est ce nouveau livre publié aux éditions Tallandier. Ça s'appelle "En marchant, petite rhétorique itinérante".

  • PRÉSENTATION
  • PORTRAIT
  • LIVRE
  • Voilà un livre qui fait un bien fou, un livre qui prend le temps, qui nous invite à l’introspection et nous invite surtout à marcher pour nous approcher de ce que nous sommes au plus profond de nous. « En marche », c’est le nouveau titre de Patrick Tudoret. Il y eut le politologue, il y eut le chef d’entreprise, l’homme de media et puis il y a l’écrivain, l’écrivain polyformes qui s’exprime aussi bien dans l’essai que dans le roman ou la dramaturgie avec plusieurs pièces à son actifs. Son 1er titre, « Impasse...En marchant de Patrick Tudoret - Présentation - Suite
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    PhilippeEn 2015 avec "L'homme qui fuyait le Nobel", Patrick Tudoret, vous nous aviez déjà emmenés sur les routes, sur les chemins et notamment sur celui de Compostelle. Vous aviez choisi l'écriture romanesque, la forme romanesque. Cette fois-ci, c'est un essai. Mais vous nous emmenez à nouveau sur les routes "En marchant, Petite rhétorique itinérante" que vous publiez chez Tallandier. Qu' avez vous eu envie de nous raconter ? Et pourquoi avoir choisi la forme de l'essai cette fois-ci ? Patrick TudoretEh bien en faite, parce que ce...En marchant de Patrick Tudoret - Livre - Suite