Reporter pendant de nombreuses années, Pascal Manoukian a posé sa caméra et publie chez Don Quichotte son premier roman « Les échoués ». Pourtant, même s’il s’agit d’une fiction, le regard du journaliste n’est jamais loin. Irak, Vietnam, Afghanistan, Guatemala, Pascal Manoukian a sillonné la planète, rendant compte des drames qui se jouaient aux quatre coins du monde, dans les zones de conflit. Tout en prenant la direction de l’agence Capa, il publie deux récits dont « Le diable au creux de la main » où, à...
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Philippe Chauveau : Bonjour Pascal Manoukian.Pascal Manoukian : Bonjour.Philippe Chauveau : Vous êtes dans l'actualité littéraire avec ce livre chez Don Quichotte, ça s'appelle « les échoués », vous avez eu un grand parcours avant en tant que reporter, travailler et diriger l'agence CAPA. C'était quoi finalement vos envies de parcourir le monde, de rendre compte de ce qui se passait aux quatre coins du globe, pourquoi ce besoin et cette envie ? Pascal Manoukian : On m'a souvent posé la question, j'ai écrit il y a deux...
Les échoués de Pascal Manoukian - Portrait - Suite
Philippe Chauveau : Dans ce premier roman, Pascal Manoukian vous évoquez un sujet d'actualité, ce sont les migrants. Mais en faite, ce ne sont pas les migrants d'aujourd'hui puisque votre action démarre en 1992, mais vous nous expliquerez dans un instant. La première question que j'ai envie de vous poser, il y a eu deux précédent récits, des essais, vous avez été reporter vous l’êtes encore toujours dans l'âme. L'écriture romanesque que représente t-elle pour vous aujourd'hui, pourquoi à ce moment de votre vie écrire...
Les échoués de Pascal Manoukian - Livre - Suite
Pascal Manoukian
Les échoués
Présentation 2'15Reporter pendant de nombreuses années, Pascal Manoukian a posé sa caméra et publie chez Don Quichotte son premier roman « Les échoués ». Pourtant, même s’il s’agit d’une fiction, le regard du journaliste n’est jamais loin. Irak, Vietnam, Afghanistan, Guatemala, Pascal Manoukian a sillonné la planète, rendant compte des drames qui se jouaient aux quatre coins du monde, dans les zones de conflit. Tout en prenant la direction de l’agence Capa, il publie deux récits dont « Le diable au creux de la main » où, à travers ses souvenirs de reportages, l’auteur raconte aussi sa famille arménienne déportée dans les années 1920.
Pascal Manoukian publie ici son premier roman « Les échoués » déjà récompensé par plusieurs prix. Nous sommes en 1992 et nous allons suivre trois personnages, Virgile, le moldave chrétien, Chanchal, l’hindoue, qui vient du Bangladesh et Assan le somalien musulman accompagné de sa fille Iman , la seule qu’il ait pu sauver. Chacun a fui la guerre, la violence, la misère, le malheur, laissant parfois sur place des êtres chers assassinés ou des membres de la famille dans l’attente d’un avenir meilleur. Situant son action en 1992, à l’heure où l’île de Lampedusa avait encore des allures de carte postale, Pascal Manoukian nous ouvre les yeux sur le drame des migrants, sur ces hommes et ces femmes, prêts à tout pour survivre, pour grandir dans une Europe qui ne sait pas les accueillir. Alternant des pages d’une extrême violence et une écriture lumineuse, parfois même poétique, Pascal Manoukian dévoile à la fois un vrai style littéraire, une grande maîtrise de son sujet et sans chercher à culpabiliser ou à émouvoir, il entraine son lecteur à la rencontre de ces anti-héros qui sont ceux que l’on croise dans nos rues, sans chercher à les connaitre, à les comprendre.
Un roman magnifique et bouleversant. « Les échoués » de Pascal Manoukian est publié chez Don Quichotte.
Pascal Manoukian
Les échoués
Portrait 6'25Philippe Chauveau : Bonjour Pascal Manoukian.
Pascal Manoukian : Bonjour.
Philippe Chauveau : Vous êtes dans l'actualité littéraire avec ce livre chez Don Quichotte, ça s'appelle « les échoués », vous avez eu un grand parcours avant en tant que reporter, travailler et diriger l'agence CAPA. C'était quoi finalement vos envies de parcourir le monde, de rendre compte de ce qui se passait aux quatre coins du globe, pourquoi ce besoin et cette envie ?
Pascal Manoukian : On m'a souvent posé la question, j'ai écrit il y a deux ans, un livre qui s'appelle « Le diable au creux de la main » qui racontent mes années de conflits. Et enfin de compte j'ai répondu à la question sans le savoir. Moi j'y suis issu d'une famille arménienne, qui a donc échoué ici en 1927, et je crois que le problème des arméniens c'est que le génocide est passé sans témoins. Et comme on m'a beaucoup raconté cette histoire, mes grands-parents m'ont beaucoup raconté leurs malheurs, donc je trouvais ça très injuste et je pense que j'ai assez tôt voulu témoigner des drames de mon siècle et documenté pour que justement il n'arrive pas la même chose. Donc très tôt j'ai voulu être journaliste spécialiste des conflits, et à 20 ans je suis parti sur mon premier conflit et j'ai pas arrêté jusqu'en 1995.
Philippe Chauveau : Avez vous une évolution à la fois dans le métier de reporter et l'évolution du monde, suivant tous ces conflits ?
Pascal Manoukian : Alors aujourd’hui les choses sont différentes, les fronts sont plus fracturés, ils sont émiettés, donc c'est plus difficile pour un reporter de couvrir les conflits, et puis la grosse différence c'est l'immédiateté et notamment, c'est à dire à mon époque, il y a jusqu'à 15 ans, on partait faire la preuve en image. Aujourd'hui la preuve en image est instantanée, que ce qui se passe est filmé par des portables, des associations humanitaires, par des combattants, par des armées. Et l'image arrive, et c'est au journaliste d'aller vérifier si l'image est vraie. Donc il y a plus d'urgence, plus de précipitation, et un tout petit peu moins de temps, pour faire son travail. Je prend exemple, par exemple, des bombardements chimiques en Syrie, vous avez une image avec quelqu'un qui a de la bave au bout de la lèvre, on explique que c'est, soit Daesh qui a utilisé les armes chimiques soit Bashar al Assad, et donc dans les rédactions ont vous dit il faut y aller, il faut aller vérifier. Donc il y a une espèce de précipitation, avant on se disait, on montait une enquête, on se disait tient il y a des dépôt d'armes chimiques allons voir si finalement ces armes ne sont pas utilisées pendant la guerre.
Philippe Chauveau : Il y a quand même un moment où il faut savoir se préserver, lorsque l'on est reporter, est ce que le livre, la littérature, peut être un rempart face à ce quotidien violent, est ce qu'il y avait toujours un livre qui vous permettez de partir dans un ailleurs le soir.
Pascal Manoukian : Je passais mon temps là où il y avait rien, où on miserait, là où il y avait pas à manger, où on attendait 3 semaines dans des kasbah en essayant de traverser une frontière, et donc j'avais, vous savez SAS allaient souvent dans les pays, il a y des petits détails, par exemple à l’hôtel de Kaboul, vous vous prenez une petite décharge électrique quand vous appuyez sur l'ascenseur. Et puis surtout cela me permettait de sortir, de retrouver des gens qui allaient dans des soirées qui buvaient du champagne alors que vous étiez entrain de misérez à la frontière au Pakistan ou ailleurs quoi.
Philippe Chauveau : Mais finalement SAS, ok, mais justement ces moments de solitude avec simplement un livre, c'était une façon pour vous d'oublier toute la violence que vous avez vu pendant la journée ?
Pascal Manoukian : C'est pas une question de violence, c'est qu'un moment donné vous avez envie de vous recroqueviller sur vous, moi j'ai rarement appris la langue des pays où j'allais, parce que un moment donné je ne faisais plus partie de l'Histoire des combats, des combattants. J'avais une sorte de bande original qui passait comme ça, ça parlait dans une langue que je ne connaissais pas et puis moi j'était juste spectateur, je pouvais déconnecter. Après c'est vrai qu'on revenait à chaque fois, comment vous dire, vous revenez toujours avec des petites écorchures, ce n'est jamais de grosses blessures, vous revenez avec moins d'insouciance, plus d'écorchures donc il faut trouver le baume pour que tout ça ne va pas sur-infecter, au fur des année, il faut trouver un équilibre à coté, chacun à le sien, bon moi c'était la famille. Et puisque on parle livre, j'ai écrit le « Diable au creux de la main », j'ai écrit ce récit, parce que justement j'ai voulu le dédier à mes enfants, j'ai voulu leur rendre un petit peu de temps que mon métier leur avait volé.
Philippe Chauveau : Les deux précédents ouvrages, qui sont donc des récits, des essais vous le disiez, l'envie de transmettre à vos enfants, c'était important qu votre nom apparaisse sur une couverture pour leur montrer que vous laissiez une trace ?
Pascal Manoukian : Non c'était surtout que je voulez laisser une trace... Dans le premier livre, j'explique le récit de ma grand-mère, en gros elle a été déporté, vendu comme esclave en Mésopotamie, récupéré par une association humanitaire, arrivée dans un orphelinat, et arrivée en France. Ce parcours là je voulais d'abord, essayer de lui faire raconter par ma grand-mère c'était compliqué parce qu'elle ne parlait pas français, et le transmettre à mes enfants.
La transmission... Même dans mon métier, j'ai beaucoup transmis à de jeunes journalistes, voilà moi je suis quelqu'un qui aime transmettre ce qu'il a à transmettre, soit son expérience, soit l'histoire de sa famille. Et puis d'ailleurs, j'ai voulu me mettre à la fiction, j'ai écrit ce livre, ça s'appelait, « le fruit de la patience » sur les arméniens, et puis je disais toujours que j'avais écrit ce livre il y a 10 ans. Et puis un jour ma femme m'a dit non ça fait 30 ans. Je me suis dit ah ouai 30 ans ça fait énorme donc j'ai voulu me mettre à la fiction, mais avant je me suis dit qu'il fallait que j'en termine avec la réalité, puisque dans mon métier, la réalité avait souvent dépassé la fiction donc je me suis dit bon je vais écrire « le diable au creux de la main » mes années de journalisme, ça va faire aussi parti des choses que je vais transmettre à mes enfants, cela veut dire tous mes combats, tous ces gens que j'ai pu croisez et qui m'ont beaucoup appris d'ailleurs. Qui m'ont appris être ce que je suis et à être le père que je suis aussi par rapport à eux, et quand j'ai eu finit « le diable au creux de la main », j'ai plus le temps d'attendre 30 ans puisque j'ai 60 ans de toute façon, il faut que je m'y remette. Et donc j'ai mis un point d'honneur à faire un projet 1 an après, 1 an et demi après.
Philippe Chauveau : Votre actualité Pascal Manoukian, ce premier roman donc publié chez Don Quichotte, ça s'appelle « Les échoués ».
Pascal Manoukian
Les échoués
Livre 5'45Philippe Chauveau : Dans ce premier roman, Pascal Manoukian vous évoquez un sujet d'actualité, ce sont les migrants. Mais en faite, ce ne sont pas les migrants d'aujourd'hui puisque votre action démarre en 1992, mais vous nous expliquerez dans un instant. La première question que j'ai envie de vous poser, il y a eu deux précédent récits, des essais, vous avez été reporter vous l’êtes encore toujours dans l'âme. L'écriture romanesque que représente t-elle pour vous aujourd'hui, pourquoi à ce moment de votre vie écrire dans la fiction ?
Pascal Manoukian : Parce que quand vous êtes journalistes et que vous respectez les normes du journalisme, il y a certaines nombre de règles qui sont assez strictes et qui font que finalement il y a beaucoup moins de liberté que dans la fiction. Très souvent j'ai croisé des désespérés, des échoués, des réfugiés, et ils m'ont raconté ce qu'ils voulaient me raconter, et je sentais bien que je n'avais accès qu'à une partie de ce qu'ils pensaient. Parce que soit ils me faisaient pas confiance, soit ils avaient peur, soit par humilité, et donc c'est toujours cette petite réserve. Quand vous êtes journaliste vous essayez d'extraire le maximum de sentiment des gens qui ont vécu des drames pour justement mieux les expliquer. Et il y a toujours un petit moment, vous n'avez pas accès aux choses.
Dans la fiction vous pouvez deviner ce que l'on vous a pas dit à des moments, vous pouvez imaginer ce que vous vous auriez pensé si vous étiez le personnage, et donc vous rentrer directement dans ses chaussures au lieu de marcher en parallèle à coté de lui dans le journalisme.
Donc c'est une grande liberté, vous pouvez traverser les océans, les déserts, les frontières, sans risquer la prison, sans risquer d'être battu par un passeur, juste devant votre ordinateur et en face votre mur blanc...
Philippe Chauveau : Ce que vous nous raconter dans votre roman, ce que nous faisons pas suffisamment, vous le dites au quotidien c'est que derrière ces migrants c'est des drames, il y a des misères humaines, c'est le cas de ces trois hommes qui arrivent en France pour essayer d'échapper à la misère dans leur pays. Alors Virgil, il est moldave, il a laissé sa femme et ses garçons au pays, Assan lui a vu mourir sa femme et ses autres enfants, il a juste réussi à sortir sa fille de l'enfer. Et puis Chanchal, lui il est envoyé parce que dans son pays au Bangladesh c'est la tradition. C'est à dire que derrière chaque migrants vous voulez nous faire comprendre qu'il y a une personnalité, qu'il y a une histoire, qu'il y a une famille et qu'il y a un drame... Vous voulez nous ouvrir les yeux ?
Pascal Manoukian : Oui parce que quand vous considérez les migrants comme des statistiques ou des gens accrochez à des bateaux ou à des barbelés de frontières, bien évidemment qu'ils nous font peur, moi même ils me font peur, mais si derrière chaque migrants vous racontez les histoires qui sont des drames, des drames de la vie, si vous les humanisez, vous mettez un visage, par définition vous n'aurez plus peur. On n'a peur de que l'on comprend pas donc il faut expliquer. Moi même j'ai vu des photos de ma grand mère 1927 dans un camp de réfugies à Marseille, je vous promet qu'elle m'aurait fait peur, parce qu'elle était sale, parce qu'elle était pouilleuse, parce qu'elle avait des tatouages et qu'elle était assis parmi des réfugiés avec des yeux ronds entrain de regarder tous le monde, donc oui finalement elle s'est intégrée, trois générations après elle a donné un professeur, un journaliste et un écrivain.
Philippe Chauveau : La crise des migrants comme on le disait est dans notre actualité en 2016, mais vous avez choisit de placer votre action en 1992, ce qui veut dire que l'Histoire se répète et qu'on a pas trouvé de solution. L'époque de votre roman, le Lanpedusa est une petit île qui accueille quelques touristes, ce n'est pas l'enfer que l'on connait aujourd'hui. Pourquoi ce choix de 1992, au lieu de notre époque ?
Pascal Manoukian : Parce que enfin de compte c'est pas parce que l'Histoire se répète, c'est parce qu'elle était annoncé. Et ça fait 20 ans qu'on meurt sur ces routes, là il y a un pic d’émigration, là on les a découvert mais il y a eu des pics avant aussi, et j'ai voulu raconter l'Histoire de ces horreurs de route, raconter l’histoire des premiers passeurs, ceux qui ont vu les premiers passeurs s'organiser, les premiers djihadistes se dire qu'ils pouvaient prendre un peu d'argent sur les convois, les premiers marins libyens pécheurs se dirent qu'en faisant du traffic humains, ils gagneraient un peu plus d'argent.
Philippe Chauveau : Vous écrivez « les migrants laissaient derrière eux des pays hospices perfusés, où seuls les vieux, les faibles et les malades attendaient bouche ouverte qu'on leur envoie la becquée par virement bancaire. Les enfants grandissaient sans jamais voir leurs parents, les mourants étaient portés en terre sans personne derrière eux. Le monde s'asséchait. »
Ce que vous dites aussi c'est que cette crise c'est une double peine, parce qu'il y a à la fois les migrants qu'on ne sait pas accueillir et puis les pays qu'ils abandonnent, qu'ils laissent et qu'ils n'ont plus de force de vivre.
Pascal Manoukian : Et puis c'est double peine, tous les gens qui arrivent ici ont les qualités pour réussir dans une école de commerce, ils ont un projet, ils le financent, ils l'amènent au bout quelque soit les obstacles, c'est à dire que ce sont les plus entreprenants qui partent, ce sont les plus entrepreneurs, donc si vous les acceptez dans votre pays, il y a de grande chance, que ça fonctionne, qu'ils marchent et par contre ils vont manquer dans leur pays, parce que ceux qui partent c'est ceux qui ont de la volonté, du courage et ceux qui restent ce sont souvent ceux qui ont pas assez de volonté, ou ceux qui sont plus vieux, ou ceux qui sont malades. C'est ça la double peine, c'est à dire que voilà, les gens qui arrivent ici, sont on va dire ceux qui sont sélectionnés presque naturellement, par leur volonté ensuite par le courage physique, donc c'est un drame pour les pays d'où ils partent aussi.
Philippe Chauveau : En tout cas voilà un roman qui est bouleversant, comme vous l'avez dit qui ne laisse pas indifférent et qui nous laisser percevoir l'actualité avec un autre regard. Vous publiez Pascal Manoukian chez Don Quichotte, le titre de votre premier roman « Les échoués ». Merci beaucoup.
Pascal Manoukian
Les échoués
L'avis du libraire 1'44