Pascal Manoukian

Pascal Manoukian

Les échoués

Livre 5'45

Philippe Chauveau : Dans ce premier roman, Pascal Manoukian vous évoquez un sujet d'actualité, ce sont les migrants. Mais en faite, ce ne sont pas les migrants d'aujourd'hui puisque votre action démarre en 1992, mais vous nous expliquerez dans un instant. La première question que j'ai envie de vous poser, il y a eu deux précédent récits, des essais, vous avez été reporter vous l’êtes encore toujours dans l'âme. L'écriture romanesque que représente t-elle pour vous aujourd'hui, pourquoi à ce moment de votre vie écrire dans la fiction ?

Pascal Manoukian : Parce que quand vous êtes journalistes et que vous respectez les normes du journalisme, il y a certaines nombre de règles qui sont assez strictes et qui font que finalement il y a beaucoup moins de liberté que dans la fiction. Très souvent j'ai croisé des désespérés, des échoués, des réfugiés, et ils m'ont raconté ce qu'ils voulaient me raconter, et je sentais bien que je n'avais accès qu'à une partie de ce qu'ils pensaient. Parce que soit ils me faisaient pas confiance, soit ils avaient peur, soit par humilité, et donc c'est toujours cette petite réserve. Quand vous êtes journaliste vous essayez d'extraire le maximum de sentiment des gens qui ont vécu des drames pour justement mieux les expliquer. Et il y a toujours un petit moment, vous n'avez pas accès aux choses.
Dans la fiction vous pouvez deviner ce que l'on vous a pas dit à des moments, vous pouvez imaginer ce que vous vous auriez pensé si vous étiez le personnage, et donc vous rentrer directement dans ses chaussures au lieu de marcher en parallèle à coté de lui dans le journalisme.
Donc c'est une grande liberté, vous pouvez traverser les océans, les déserts, les frontières, sans risquer la prison, sans risquer d'être battu par un passeur, juste devant votre ordinateur et en face votre mur blanc...

Philippe Chauveau : Ce que vous nous raconter dans votre roman, ce que nous faisons pas suffisamment, vous le dites au quotidien c'est que derrière ces migrants c'est des drames, il y a des misères humaines, c'est le cas de ces trois hommes qui arrivent en France pour essayer d'échapper à la misère dans leur pays. Alors Virgil, il est moldave, il a laissé sa femme et ses garçons au pays, Assan lui a vu mourir sa femme et ses autres enfants, il a juste réussi à sortir sa fille de l'enfer. Et puis Chanchal, lui il est envoyé parce que dans son pays au Bangladesh c'est la tradition. C'est à dire que derrière chaque migrants vous voulez nous faire comprendre qu'il y a une personnalité, qu'il y a une histoire, qu'il y a une famille et qu'il y a un drame... Vous voulez nous ouvrir les yeux ?

Pascal Manoukian : Oui parce que quand vous considérez les migrants comme des statistiques ou des gens accrochez à des bateaux ou à des barbelés de frontières, bien évidemment qu'ils nous font peur, moi même ils me font peur, mais si derrière chaque migrants vous racontez les histoires qui sont des drames, des drames de la vie, si vous les humanisez, vous mettez un visage, par définition vous n'aurez plus peur. On n'a peur de que l'on comprend pas donc il faut expliquer. Moi même j'ai vu des photos de ma grand mère 1927 dans un camp de réfugies à Marseille, je vous promet qu'elle m'aurait fait peur, parce qu'elle était sale, parce qu'elle était pouilleuse, parce qu'elle avait des tatouages et qu'elle était assis parmi des réfugiés avec des yeux ronds entrain de regarder tous le monde, donc oui finalement elle s'est intégrée, trois générations après elle a donné un professeur, un journaliste et un écrivain.

Philippe Chauveau : La crise des migrants comme on le disait est dans notre actualité en 2016, mais vous avez choisit de placer votre action en 1992, ce qui veut dire que l'Histoire se répète et qu'on a pas trouvé de solution. L'époque de votre roman, le Lanpedusa est une petit île qui accueille quelques touristes, ce n'est pas l'enfer que l'on connait aujourd'hui. Pourquoi ce choix de 1992, au lieu de notre époque ?

Pascal Manoukian : Parce que enfin de compte c'est pas parce que l'Histoire se répète, c'est parce qu'elle était annoncé. Et ça fait 20 ans qu'on meurt sur ces routes, là il y a un pic d’émigration, là on les a découvert mais il y a eu des pics avant aussi, et j'ai voulu raconter l'Histoire de ces horreurs de route, raconter l’histoire des premiers passeurs, ceux qui ont vu les premiers passeurs s'organiser, les premiers djihadistes se dire qu'ils pouvaient prendre un peu d'argent sur les convois, les premiers marins libyens pécheurs se dirent qu'en faisant du traffic humains, ils gagneraient un peu plus d'argent.

Philippe Chauveau : Vous écrivez « les migrants laissaient derrière eux des pays hospices perfusés, où seuls les vieux, les faibles et les malades attendaient bouche ouverte qu'on leur envoie la becquée par virement bancaire. Les enfants grandissaient sans jamais voir leurs parents, les mourants étaient portés en terre sans personne derrière eux. Le monde s'asséchait. »
Ce que vous dites aussi c'est que cette crise c'est une double peine, parce qu'il y a à la fois les migrants qu'on ne sait pas accueillir et puis les pays qu'ils abandonnent, qu'ils laissent et qu'ils n'ont plus de force de vivre.

Pascal Manoukian : Et puis c'est double peine, tous les gens qui arrivent ici ont les qualités pour réussir dans une école de commerce, ils ont un projet, ils le financent, ils l'amènent au bout quelque soit les obstacles, c'est à dire que ce sont les plus entreprenants qui partent, ce sont les plus entrepreneurs, donc si vous les acceptez dans votre pays, il y a de grande chance, que ça fonctionne, qu'ils marchent et par contre ils vont manquer dans leur pays, parce que ceux qui partent c'est ceux qui ont de la volonté, du courage et ceux qui restent ce sont souvent ceux qui ont pas assez de volonté, ou ceux qui sont plus vieux, ou ceux qui sont malades. C'est ça la double peine, c'est à dire que voilà, les gens qui arrivent ici, sont on va dire ceux qui sont sélectionnés presque naturellement, par leur volonté ensuite par le courage physique, donc c'est un drame pour les pays d'où ils partent aussi.

Philippe Chauveau : En tout cas voilà un roman qui est bouleversant, comme vous l'avez dit qui ne laisse pas indifférent et qui nous laisser percevoir l'actualité avec un autre regard. Vous publiez Pascal Manoukian chez Don Quichotte, le titre de votre premier roman « Les échoués ». Merci beaucoup.

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  • Reporter pendant de nombreuses années, Pascal Manoukian a posé sa caméra et publie chez Don Quichotte son premier roman « Les échoués ». Pourtant, même s’il s’agit d’une fiction, le regard du journaliste n’est jamais loin. Irak, Vietnam, Afghanistan, Guatemala, Pascal Manoukian a sillonné la planète, rendant compte des drames qui se jouaient aux quatre coins du monde, dans les zones de conflit. Tout en prenant la direction de l’agence Capa, il publie deux récits dont « Le diable au creux de la main » où, à...Les échoués de Pascal Manoukian - Présentation - Suite
    Philippe Chauveau : Bonjour Pascal Manoukian.Pascal Manoukian : Bonjour.Philippe Chauveau : Vous êtes dans l'actualité littéraire avec ce livre chez Don Quichotte, ça s'appelle « les échoués », vous avez eu un grand parcours avant en tant que reporter, travailler et diriger l'agence CAPA. C'était quoi finalement vos envies de parcourir le monde, de rendre compte de ce qui se passait aux quatre coins du globe, pourquoi ce besoin et cette envie ? Pascal Manoukian : On m'a souvent posé la question, j'ai écrit il y a deux...Les échoués de Pascal Manoukian - Portrait - Suite
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